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Le blog d'André Boyer

LE VOILE ÉCOLOGIQUE DEVANT LA CHUTE DÉMOGRAPHIQUE

9 Novembre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LE VOILE ÉCOLOGIQUE DEVANT LA CHUTE DÉMOGRAPHIQUE

Tous les regards sont aujourd’hui tournés vers l’écologie, observant à quel point l’environnement se détériore, les gaz à effet de serre augmentent et avec eux les dérèglements climatiques. Entre autres catastrophes annoncées, on ajoute que de nombreuses espèces vivantes sont en voie de disparition, en oubliant simplement d’y inclure l’espèce humaine.

 

L’angoisse écologique n’est pas appelée à durer. Elle sera remplacée, peut-être d’ici une génération à peine, par l’angoisse démographique.

Cette proposition est difficile à accepter alors que des militants écologiques se livrent en toute bonne conscience à des agressions contre des personnes, des œuvres d’art ou des organisations que l’on ne tolérerait d’aucun autre groupe. Personne, ou presque, ne se risque à déclarer que la cause de ces activistes écologiques pourrait être mauvaise, dépassée, ou même menacée d’obsolescence. Or cette obsolescence de la cause écologique est certaine, d’ici une génération au moins à trois générations au plus, le temps que la population humaine commence à décroitre.

En d’autres termes, chacun d’entre nous est convaincu qu’il doit tout faire pour freiner la détérioration de son environnement pendant que notre société s’organise pour nous faire disparaitre, nous les humains.

Voici les données à l’appui de cette proposition. L'Onu, fondant ses prévisions sur des moyennes statistiques destinées à ne faire peur à personne, nous annonce un ralentissement de la croissance démographique qui ne serait vraiment sensible qu’à la fin du XXIe siècle. Ces prévisions démographiques nous laissent en effet le temps de souffler, en restant concentrés sur les limites écologiques du développement de l’humanité.

Plus précisément, si les prévisions moyennes de l’Onu* sont vérifiées, la population mondiale atteindrait à la fin du XXIe siècle environ 11 milliards de personnes alors qu’elle va dépasser 8 milliards ces prochains jours.

Si nous prenons l’hypothèse de l’Onu au sérieux, alors le problème central de l’humanité devrait, pour les trois prochaines générations, consister à fournir suffisamment de biens à une population humaine en nombre croissant, tout en limitant les effets de l’augmentation de la production sur son environnement.

Or ce problème relève manifestement de la quadrature du cercle : il implique l’organisation de la pénurie au moyen du mécanisme des prix ou de la réglementation bureaucratique, nonobstant toutes les résistances locales et individuelles que la pénurie implique pour des sociétés habituées à l’abondance ou aspirant à cette abondance.  

Prenons par exemple l’enjeu de l’automobile. Selon la logique de l’économie de marché, il faut fournir à toutes les personnes solvables les véhicules individuels qu’elles demandent, tout en limitant la pollution que ces véhicules engendrent et la consommation de matières premières qu’elles exigent. Les progrès technologiques, comme les véhicules mus par l’électricité, devraient y contribuer, mais les exigences contradictoires précédentes impliquent implicitement que le nombre de ces véhicules soit limité.

In fine, il faudra choisir entre la frustration des personnes qui en seront privées et l’accentuation de la destruction de l’environnement. Voilà le genre de conflit dans lequel les prévisions de l’Onu nous projettent dans ce siècle.

Mais l’hypothèse de l’Onu manque de solidité, en raison de sa dimension politique. D’autres projections décrivent une réduction plus rapide de la natalité que ne l’indiquent les prévisions de l’Onu. Une décroissance de la natalité a déjà été annoncée en 2019 par Darrell Bricker et John Ibbitson, dans leur ouvrage « Empty Planet : the shock of global population decline ». En 2020, Stein E. Vollset & all** ont livrés des projections en ce sens et James Pomeroy s’inscrit dans leurs projections, selon un rapport*** qu’il a publié chez HSBC au mois de juillet 2022.

D’après ces auteurs, au rythme actuel de baisse du taux de fécondité, la population mondiale pourrait être réduite de moitié à la fin du siècle avec un peu plus de 4 milliards d'habitants, au lieu des 11 milliards projetés par l’Onu, tandis que le pic de population serait atteint aux alentours de 2043.

Ce ne sont pas les mêmes perspectives du tout !

L’an 2043, c’est dans 21 ans, à peine le temps d’une génération : c’est demain et cette perspective change tout. Est-elle sérieuse ?

Or, tout le raisonnement de ces auteurs repose sur l’évolution du taux de fécondité. Déjà, en juillet 2022, même l’Onu constatait qu'en 2021, la fécondité moyenne de la population mondiale était de 2,3 naissances par femme contre 5 naissances dans les années 1950. Tout laisse croire que cette fécondité va continuer à baisser, toute la question étant de prévoir à quel rythme se produira cette décroissance, chacun sachant que le signal d’une réduction de la population intervient lorsque le nombre de naissances par femme passe au-dessous de 2,1.

On peut trouver toutes sortes de belles et bonnes raisons pour expliquer la baisse de la natalité comme l'intégration des femmes dans le marché de l'emploi qui retarde l'âge auquel elles ont leur premier enfant, la hausse des prix de l’immobilier qui rend difficile la vie d'une famille nombreuse ou le meilleur accès aux soins et aux pratiques contraceptives, mais il ne s’agit que de réponses partielles.

La réponse globale à la question du taux de natalité se révèle mieux dans l’interrogation suivante : demandez-vous simplement quel est l’argument qui vous permettrait de convaincre une femme d’avoir plus de deux enfants, si elle n’en a pas envie elle-même et vous aurez la réponse : il n’en existe aucun, si vous vous situez au niveau individuel.

Et comme la pression directe des sociétés sur le comportement des femmes tend partout à se réduire tandis que les conditions de vie découragent la natalité sur tous les continents, la question du taux de natalité se ramène progressivement à l’envie individuelle des femmes d’avoir plus de deux enfants, et même, plus radicalement, d’avoir des enfants.  

Il y a déjà bien des sociétés ou cette envie d’avoir des enfants s’est fortement réduite, aujourd’hui, en 2022 : la Corée du Sud avec 1 enfant par femme, la Chine et le Mexique avec 1,2, l’Italie avec 1,3, l’Allemagne et le Royaume Uni avec 1,5, le Brésil avec 1,6, les États-Unis avec 1,7, la France avec 1,8. Même l’Inde avec 2 enfants par femme est en voie de dépopulation. Tous ces pays devraient placer en tête de leurs préoccupations les équilibres actuels et futurs de leurs populations en voie de décroissance, mais peu le font à l’exception de l’Italie, de la Suède, du Japon et de la Corée.

Or, au rythme où va aujourd’hui la baisse de la natalité, la population européenne, hors immigration, aura diminué de moitié avant 2070.

Si la baisse de la natalité se poursuit alors que tous les indicateurs sont aujourd’hui orientés en ce sens, il va pourtant falloir organiser la vie collective d’une société mondiale avec moins d’habitants, avec peu d’enfants et une proportion croissante de personnes âgées. Il s’y ajoute les déséquilibres entre régions du monde, l’Afrique continuant un certain temps à avoir une croissance démographique supérieure à d’autres régions du monde, entrainant émigration et conflits.

Tous les arrangements pour vivre ensemble seront mis en cause. Par exemple, des écoles de moins en moins nombreuses, des personnes âgées qui réduisent le niveau de vie des personnes actives et dont on aura tendance à encourager la disparition. Imagine-t-on la vie dans une ville dont la moitié des logements seront vides, où la moitié des véhicules seront abandonnés et la plupart des équipements surdimensionnés ? Mais l’on se trouve ici dans le domaine de la science-fiction, puisque rien n’est prévu, collectivement, pour y faire face.

Dans le passé, l’humanité a essentiellement vécu dans un monde où la peur de la nature, de la maladie et de la famine déterminait les réflexes de survie, de la natalité à l’accumulation des biens.

Aujourd’hui, avec une partie de sa population repue et l’autre visant à l’être, l’humanité prétend trouver un équilibre entre toujours plus de consommation et toujours moins d’impact négatif sur son environnement tout en feignant d'ignorer que les femmes ont silencieusement tranché ce nœud gordien en réduisant la natalité.

 

Il est curieux en effet, les yeux rivés sur l’environnement, que l’humanité fasse semblant de ne pas s’en apercevoir.

 

*UN, Department of Economic and Social Affairs, Population Division, World population prospects 2019: volume I: comprehensive tables. United NationsNew York 2019

** Stein E. Vollset & al., Fertility, mortality, migration and population scenarios for 195 countries and territories from 2017 to 2100: a forecasting analysis for the Global Burden of Disease Study», The Lancet, vol 396, issue 10258, pp 1285-1306, 17 october 17 2020.

***Voir le rapport de James Pomeroy : https://www.research.hsbc.com/C/1/1/320/cjGpNND.

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