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Le blog d'André Boyer

ROBESPIERRE VACILLE

6 Octobre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

PIERRE-JOSEPH CAMBON (1756-1820)

PIERRE-JOSEPH CAMBON (1756-1820)

Dans mon billet du 18 août dernier, je notais que la famine menaçait le pouvoir de la Montagne.

 

Oui, la Montagne était menacée d’être débordée sur sa gauche, un temps par les « enragés » puis par les Hébertistes qui s’emparèrent à leur tour de la question des subsistances.

Les Hébertistes étaient dangereux car ils étaient soutenus par la Commune, ils étaient très populaires auprès des sans-culottes et ils disposaient de deux appuis au Comité de Salut Public, avec Billaud-Varenne et Collot d’Herbois. Il s’y ajoutait que le club des Cordeliers leur était acquis et qu’ils pouvaient compter sur l'armée révolutionnaire.

Hébert réclamait non seulement la mort pour les accapareurs, mais exigeait la déchristianisation forcée du pays, provoquant l’inquiétude de la Convention qui craignait de susciter une opposition radicale de la part des catholiques.

Aussi, lorsqu’en mars 1794, Hébert tenta de prendre la direction de l'agitation contre le coût des subsistances, la Convention le fit exécuter, lui et ses lieutenants, sans provoquer, à son grand soulagement, de réactions dans les faubourgs.

La Convention avait aussi des opposants de droite, « Les Indulgents » qui estimaient que le processus de la Terreur allait trop loin. Elle les fit également exécuter, dont Camille Desmoulins et Danton, guillotinés le 5 avril 1794.

À cette étape de la Terreur, Robespierre dominait le Comité de salut public. Il fit remplacer tous les tribunaux révolutionnaires de province par le seul Tribunal Révolutionnaire de Paris, afin d’accélérer le rythme des supplices :

  • le 18 avril 1794, dix-sept hommes et femmes accusés d'affamer le peuple sont exécutés, 
  • le 20 avril 1794, vingt-quatre parlementaires passent à la guillotine, 
  • le 22 avril, c'est au tour de Malesherbes, Le Chapelier et Thouret,
  • le 8 mai, les vingt-sept fermiers généraux, dont Lavoisier, sont exécutés, puis deux jours après, Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI.

Pour Robespierre, cela n’allait pas assez vite. La loi du 22 prairial an II ( 10 juin 1794) s’efforça d’y remédier, inaugurant la période dite de la « Grande Terreur » : la loi déclarait que « le Tribunal Révolutionnaire de Paris a en charge de punir les ennemis du peuple dans les délais les plus courts, que la peine portée contre tous les délits dépendant dudit tribunal est la mort, que, s'il existe des preuves soit matérielles soit morales, il ne sera pas entendu de témoins, que la loi donne pour défenseur aux patriotes calomniés des jurés patriotes ; elle n'en accorde point aux conspirateurs. »

On vit alors des prisons entières vidées et conduites à l'échafaud, avec toutes sortes d’erreurs. on vit apparaitre une sorte de trou noir qui aspirait tous les acteurs de la Terreur vers la guillotine, se rapprochant toujours plus du centre du pouvoir.

Au cœur du système, l’Incorruptible concoctait une nouvelle « épuration », cette fois-ci à sa gauche, tandis que ses collègues le soupçonnaient de vouloir accéder à la dictature depuis la cérémonie de l’Être Suprême.

Pour préparer ce nouveau coup de filet, Robespierre ne parut plus au Comité de Salut Public à partir du 29 juin 1794, tout en continuant à fréquenter régulièrement le Club des Jacobins dont il faisait exclure ses ennemis. Ceux qui se sentaient menacés par Robespierre se rapprochèrent et s'unirent pour faire face à l'épreuve de force, et c'est alors qu'il se décida à passer à l’attaque le 26 juillet 1794, en montant à la tribune de la Convention. 

Désorientant les députés, il appela à épurer sans plus attendre les deux Comités, le Comité de Salut Public et le Comité de Sûreté Générale. Pour s’assurer du soutien de la droite, Robespierre n'omit pas de signaler au cours de sa harangue qu'il avait sauvé soixante-quinze Girondins, avant de s’attaquer à la gauche de l'hémicycle en la stigmatisant pour son système financier suspect, son exécrable conduite de la guerre et le mauvais usage qu’elle faisait de la Terreur.

Il déclara notamment : « La contre-révolution est dans l'administration des finances... Quels sont les administrateurs suprêmes de nos finances ? Des Brissotins, des Feuillants, des aristocrates et des fripons connus : ce sont les Cambon, les Mallarmé, les Ramel. »

Stupéfaite, l'Assemblée commenca par approuver Robespierre, sauf qu'il venait de mettre en cause nommément Pierre Joseph Cambon. Ce dernier n’était pas un député anonyme : négociant en toiles à Montpellier et député de l’Hérault, il faisait partie du Comité de Salut Public depuis avril 1793. Sa réputation d’expert financier lui avait valu de devenir Président du Comité des Finances. Il avait présidé plusieurs fois la Convention. C’est lui qui avait fait voter le Décret sur l’administration révolutionnaire française des pays conquis, à propos duquel il a écrit au Général Dumouriez chargé d’administrer la Belgique conquise : « Quand on aura ruiné les Belges*, quand on les aura mis au même point de détresse que les Français, alors on les admettra comme membres de la République ».

Ce n’était donc pas un tendre ! C’est lui aussi qui avait fait approuver la loi sur la confiscation des biens du clergé et qui avait créé le 24 août 1793 le  Grand-Livre de la Dette publique par lequel  la Convention reconnaissait les dettes de l’Ancien Régime, afin de se rallier les rentiers à la Révolution,

Mais juste après que Robespierre l'eut désigné à la vindicte publique, sa peau ne valait plus très cher et c’est pourquoi il eut le courage de monter à la tribune pour contrer Robespierre à qui il déclara dans un silence de mort : « Avant d'être déshonoré, je parlerai à la France, un seul homme paralyse la volonté de la Convention : Cet homme c'est Robespierre ! ».

* L’ironie de l’histoire voulut que Pierre Joseph Cambon fût contraint de s’exiler sous la Restauration chez les Belges, ceux la même qu’il voulait affamer: il est mort à Bruxelles le 15 février 1820…

 

 

À SUIVRE

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