À Smolensk, le sort bascule...
6 Mai 2011 Publié dans #HISTOIRE
Nous avons laissé Napoléon pénétrer dans Viasma, tandis que Koutousov estime que l’endroit pourrait être fatal à la Grande Armée…
Le 2 novembre, les troupes de Napoléon sortent de Viasma en direction de Smolensk. Aussitôt, le corps du prince Eugène est attaqué par les troupes du général Miloradovitch et il est sur le point de céder, comme l’avait prévu Koutousov, lorsque les forces du maréchal Davout puis celles du maréchal Ney se portent à son secours. Miloradovitch fait appel à Koutousov qui refuse de s’engager et qui ordonne de continuer à côtoyer l'ennemi. Du coup, c’est une défaite pour les assaillants encore que les troupes françaises aient perdu dans le combat 4 000 tués ou blessés.
La marche reprend, de plus en plus pénible. Le maréchal Davout, dont les forces ont été trop éprouvées pour rester à l’arrière-garde, laisse les troupes de Ney faire face aux cavaliers de Miloradovitch. Les escarmouches sont fréquentes et lorsque le 3 novembre, la neige se met à tomber dru, l'armée est contrainte de ralentir son allure ce qui permet aux Cosaques du général Platov d’attaquer et d’enlever à Ney 400 chevaux et fourgons.
À partir de la nuit du 4 au 5 novembre, la température baisse brusquement, atteignant moins douze degrés. Les hommes, transis de froid, torturés par la faim, commencent à se traîner. Les chevaux, mal ferrés et nourris avec des écorces et de la paille pourrie, glissent, tombent et ne peuvent plus se relever. Ils sont aussitôt dépecés et mangés. La route est jalonnée de cadavres, de pièces d'artillerie et de chariots abandonnés faute de chevaux.
Le 8 novembre, les premières unités françaises pénètrent dans Smolensk. Il ne reste déjà plus que 40000 hommes en état de se battre sur les 100000 hommes partis de Moscou quinze jours plus tôt. Pour permettre aux artilleurs de conserver les quelque 200 canons qui leur restent encore, la cavalerie a renoncé à ses montures. Napoléon espérait que l'armée pourrait se reposer à Smolensk et récupérer environ trente mille traînards. Il avait donné de multiples instructions pour que des vivres soient stockées dans la ville et que les cantonnements soient préparés. Mais Smolensk est en partie détruite et les convois ont été souvent dispersés par les attaques des partisans. Aussi sa fureur et sa déception sont–elles immenses lorsqu'il découvre que les magasins n’ont que dix jours d'approvisionnements et qu'aucun quartier d'hiver n'a été préparé. Il n’y a pas d’hôpitaux, au point qu’il faut laisser les blessés et les malades dans les rues sur les charrettes qui les ont amenés…
Si la Grande Armée n’est pas en mesure de prendre ses quartiers d’hiver à Smolensk comme Napoléon l’avait initialement prévu en quittant Moscou, il faut continuer la retraite vers Minsk où se trouvent d’importants dépôts. Or l’horizon s’assombrit rapidement. À 250 kilomètres au nord-ouest de Smolensk, les troupes du maréchal Oudinot occupaient les villes de Polotsk et de Vitebsk, sur la route prise par la Grande Armée venant de Königsberg et Vilnius. Elles ont été bousculées par les forces du général Von Wittgenstein qui occupent désormais Vitebsk, sur le chemin de la retraite prévue par Napoléon. Au Sud, l'armée de l'amiral Tchitchakov remonte de la frontière turque en direction de Minsk. Ceci a deux implications stratégiques. D’une part, l’armée napoléonienne doit désormais prendre un passage plus au sud, par Orcha et Borissov, où elle devra franchir la Bérézina. D’autre part, il faut accélérer la retraite pour franchir ce passage dangereux avant que Wittgenstein et Tchitchakov aient pu réaliser leur jonction. La question du passage de la Bérézina se pose par conséquent à Napoléon dés le 11 novembre lorsque les avant-gardes quitte Smolensk en direction de Krasnoï.
Il faut donc partir au plus vite, d'autant plus que les forces du général Platov continuent à progresser et que celles du maréchal Koutousov se dirigent vers Krasnoië, menaçant de couper la nouvelle route de retraite vers Orcha, à 130 kilomètres à l’ouest de Smolensk. Napoléon commence par ordonner au maréchal Victor de se porter au secours du maréchal Oudinot pour protéger son flanc droit puis s’organise pour que la Grande Armée quitte Smolensk au plus vite.
Le 14 novembre, la Garde suivie par les forces du prince Eugène et du maréchal Davout, protégées par les troupes du maréchal Ney sortent de la ville. Le même jour, les avant-gardes de Napoléon approchent de Krasnoië…