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Le blog d'André Boyer

En passant par la Mobil bourguignonne

16 Novembre 2011 Publié dans #INTERLUDE

Il vous faut vous reporter au blog du Mercredi 5 octobre 2011, un blog intitulé « Comment prendre un nouveau marché sans se fatiguer » pour retrouver le récit qui précède immédiatement celui-ci:

 

chevaux013-1-C’est le printemps 1972, il y a presque quarante années de cela. Je sillonne la Bourgogne en Dyane 6 Citroën, au grand dam de mes collègues de la Mobil, fervents utilisateurs d’automobiles sérieuses comme la Peugeot 404. L’Yonne est alors une de mes destinations favorites, car j’y rencontre l’un de nos meilleurs représentants dont je partage les soucis et la perplexité. À l’autre extrémité de ma zone d’activité, je me risque dans le Jura, me rendant souvent à Louhans, Lons-le-Saunier ou Dole ou m’attendent quelques affaires litigieuses que j’ai évoquées précédemment, poussant même jusqu’à la glaciale ville de Pontarlier. Si glaciale que je me souviens d’une température de zéro degré en fin de journée, un jour du mois de juillet 1972. Et dire que Mirabeau fut emprisonné non loin de là, au fort de Joux. J’imagine qu’il s’y est gelé…

Je tourne aussi autour de Châtillon-sur-Seine et de ses deux stations Mobil, absurdement en concurrence à quelques dizaines de mètres l’une de l’autre, alors que les points DICA (1) manquent cruellement à la Mobil pour ouvrir de nouvelles stations-service ! Il est vrai que l’une dépend de la sous-direction « Réseau » et l’autre de la sous-direction « Distribution », donc de moi. Tout se passe comme si les deux stations appartiennent à deux entreprises concurrentes, ce qui est évidemment absurde. Comme quoi, même dans les entreprises les plus dévouées au culte du profit, les structures bureaucratiques dictent leur loi d’airain au marché, à l’entreprise et aux hommes !

C’est à Châtillon-sur-Seine que j’ai déjeuné de façon mémorable, dépensant en un repas rassemblant huit personnes une fois et demi mon salaire mensuel, soit une somme représentant aujourd’hui  5000 euros d’aujourd’hui ! l’équivalent de 625 euros par personne ! Cette dépense incroyable avait été programmée par ma direction pour éblouir nos clients par sa magnificence. Elle rassemblait deux directeurs commerciaux, dont moi, et six prospects de la Mobil. Le montant énorme de la facture trouvait son origine dans les vins, je m’en souviens encore, puisque j’avais été autorisé à offrir à nos clients des bouteilles de Saint Estephe 1908…

Je me vois encore quitter le restaurant vers 17 heures, après y être entré quatre heures plus tôt. Je n’étais pas de bonne humeur, contrairement à ce que vous pourriez penser : ce repas a été une des raisons de ma démission ! Je montais dans ma Dyane 6 tout en ruminant, tandis que les hautes futaies des arbres s’écartaient devant mon bolide rouge de part et d’autre de la route. Je me demandais si c’était mon avenir, ces repas pantagruéliques, ces banalités débitées autour de la table pendant des heures et surtout ces mensonges déversés sur des partenaires prisonniers de contrats léonins avec la Mobil. Est-ce que c’était ce que j’avais rêvé de trouver, quand j’étais entré à la Mobil ? Se poser la question, c’était naturellement y répondre. Mais d’autre part, est-ce que je faisais ce travail à la Mobil pour réaliser un rêve ? Est-ce que j’avais les moyens de rêver, avec une famille à charge ?  Ce repas a pesé lourd dans ma démission ultérieure de la Mobil…

En attendant, la campagne bourguignonne était belle en ce printemps de ma vie. Je m’arrêtais souvent au bord de la route, le long des forêts, arpentant les chemins qui s’y enfonçaient pour méditer sur mon avenir et celui de ma famille. Des tempêtes se levaient sous mon crâne : que devenir ? que décider ? quelles étaient les échéances ?

 

Ces interrogations, qui me hantèrent dès le printemps 2012, m’avaient conduit à explorer peu après mon arrivée à Dijon l’autre possibilité qui s’offrait encore à moi, loin du monde impitoyable de l’industrie. Encore ne fallait-il pas trop attendre.

 

 

(1) La Direction des Carburants (DICA) exerçait une tutelle sur les groupes pétroliers. Elle n’autorisait alors l’ouverture d’une nouvelle station-service qu’à condition que trois autres stations soient fermées. La stratégie élémentaire dictait alors aux compagnies pétrolières de fermer trois petites stations pour en ouvrir une grande et donc de ne pas laisser deux petites stations se concurrencer en pure perte, perdant ainsi inutilement des points qui auraient été mieux utilisés ailleurs. 

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