La caste des hommes politiques
10 Novembre 2011 Publié dans #PHILOSOPHIE
Dans le blog intitulé « Pouvoir et politique » que j’ai présenté le 31 octobre dernier, j’ai repris la classification de Max Weber relativement aux formes de légitimité du pouvoir, traditionaliste, charismatique ou légaliste. Il reste que le pouvoir, notamment celui de l’État, mais on le voit aujourd’hui aussi avec l’Union Européenne, a besoin de violence pour se faire obéir. Il lui faut donc aussi une structure organisationnelle pour exercer cette violence nécessaire à son fonctionnement.
C’est le contenu de cette structure que nous examinons aujourd’hui, dans les pas de Max Weber.
L'état-major nécessaire à toute entreprise de domination, politique ou économique, ne se soumet pas au détenteur du pouvoir en vertu de sa légitimité, mais en fonction des avantages qu’il en tire. Les membres de l’état-major s’attendent à être rétribués en relation avec leur proximité du pouvoir et à bénéficier de son prestige. Les fiefs attribués aux vassaux, les prébendes des ministres, les émoluments des « bons » serviteurs de l'État comme les privilèges ou les statuts protecteurs relèvent de ces rémunérations. C’est la crainte de perdre ces avantages qui est décisive qui garantit la solidarité entre le détenteur du pouvoir et son état-major.
Aussi, la stabilité de tout pouvoir ne peut être assurée que par des ressources suffisantes pour récompenser ses clientèles et réprimer la rébellion de ceux qui se sentent opprimés. Le pouvoir a toujours eu le choix entre deux méthodes de gouvernement : soit il l’abandonne à des personnes qui en ont la propriété et la responsabilité soit il détient l'administration en propre, confiée à des personnes qui n’en sont pas propriétaires. La première situation se retrouve dans la société féodale où le vassal faisait face par ses propres moyens aux dépenses de l'administration dans le territoire qui lui avait été confié.
Comme dans cette situation, le souverain ne gouverne qu'avec l'aide d'une aristocratie indépendante qui partage de ce fait le pouvoir avec lui, ce dernier a toujours cherché à devenir le maître de l'administration en la confiant à des subordonnés attachés à sa personne. La politique de Louis XIV à l’égard de la noblesse s’inscrit de manière spectaculaire dans ce cadre.
Plus généralement, le développement de l'État moderne a été fondé sur l’expropriation des puissances indépendantes qui détenait une partie du pouvoir administratif. C’est ainsi qu’il est devenu un outil de pouvoir qui monopolise la violence physique légitime comme moyen de domination dans les limites d'un territoire.
On voit dès lors apparaître un « microcosme », selon la formule de Raymond Barre, qui rassemble les hommes politiques professionnels. Le service qu’ils proposent consiste à se mettre au service du prince. Ils entrent dans la lutte politique pour obtenir qu’on leur confie la gestion des intérêts du pouvoir à la tête d’une ville, d’une région ou d’une administration, en échange de quoi ils obtiennent revenus et raison de vivre. Ce qui les caractérise, c’est qu’ils en font clairement leur métier. Ils offrent au pouvoir un corps de collaborateurs qui lui sont entièrement et exclusivement dévoués. Naturellement la structure de l'organisation politique dépend de la couche sociale dans laquelle le pouvoir recrute ses agents.
Il est ainsi loin d’être indifférent que l’état-major de La République Française trouve quasiment la totalité de ses effectifs au sein de l’ENA, qui provient lui-même presque exclusivement de l’Institut d’Études Politiques de Paris, familièrement appelé Sciences-Po.
(Adapté de Max Weber, « le Savant et le Politique »)