Les Alaouites. Vous avez dit les Alaouites?
20 Juillet 2012 Publié dans #ACTUALITÉ
Pour comprendre les enjeux de la guerre en Syrie, il est nécessaire de faire l’effort de comprendre qui sont les Alaouites et pourquoi ils suscitent une forte hostilité religieuse de la part des musulmans sunnites, plutôt que d’écouter passivement les déclarations de nos idiots officiels, BHL en tête, qui ne voient dans la chute promise de Bachar El-Assad que celle d’un tyran.
En effet, nos « idiots officiels » nous empêchent de voir que la guerre civile en Syrie est une guerre menée par les Sunnites de Syrie soutenus par les Sunnites du Golfe contre les Alaouites et non pas une guerre visant à promouvoir les Droits de l’Homme en Syrie. Pour cela, ils nous cachent que le pouvoir de la famille El-Assad n’est pas exclusivement celui d’un clan familial, mais avant tout celui d’un groupe religieux et ethnique, les Alaouites, menacés de massacre si le régime actuel s’écroule.
Pendant de nombreux siècles, les Alaouites ont été les personnes les plus faibles, les plus pauvres, les plus méprisées, les plus arriérées de Syrie. Or ils forment aujourd’hui son élite dirigeante, ils dominent le gouvernement et détiennent les postes militaires clés.
Comment cette transformation est-elle arrivée ?
Les Alaouites constituent un groupe d’environ un million trois cent mille personnes, dont un million vivent en Syrie. Ils constituent environ 12 pour cent de la population syrienne et les trois quarts d’entre eux vivent dans la province de Latakieh au nord-ouest de la Syrie, où ils représentent près des deux tiers de la population. Ils pratiquent l’Alaouisme, une religion qu’eux-mêmes considèrent généralement comme musulmane, mais que les musulmans sunnites rejettent comme hérétique.
Le mouvement religieux des Alaouites date du IXe siècle. Son fondateur, Mohamed Ibn Noçaïr, un musulman chiite natif de Bassora dans l’Irak actuel), a développé une doctrine éloignée des principes fondamentaux de l’Islam. L’Alaouisme érige en effet Ali, gendre de Mahomet, au sommet d’une trinité comprenant Mahomet et son compagnon Salman al-Farisi, un perse zoroastrien à la recherche de la Vérité. Il emprunte dans son livre fondateur, El Kitab madjmou El A’Ayad (le Livre recueil des Fêtes), à certains rites chrétiens et païens et réserve à des initiés exclusivement masculins la connaissance de ses dogmes et de ses pratiques.
Par exemple, l'Alaouisme permet de boire du vin, célèbre de nombreuses fêtes chrétiennes et honore des saints chrétiens. Mais on ne sait pas tout de l’Alaouisme, dont les rites doivent rester secrets, sous peine de mort pour les contrevenants. Les femmes ne sont jamais admises dans ces secrets religieux ; elles n’ont pas l’obligation de se voiler et ont généralement plus de liberté de mouvement que les femmes musulmanes. Comme les Alaouites rejettent la charia, ils ignorent les restrictions alimentaires et les rituels religieux, accordent peu d'attention au jeûne, à l'aumône, et au pèlerinage à la Mecque qu’ils considèrent comme une forme d'idolâtrie. Ils n’ont même pas de lieux de culte, les prières ayant lieu dans des maisons privées, ordinairement chez les chefs religieux.
Même si la religion alaouite n’est rattachée à l’Islam qu’en apparence, les Alaouites ont l’habitude de revendiquer l'Islam quand cela leur convient. C’est ce qu’ils appellent la taqiya (la dissimulation religieuse) destinée à leur éviter d’être persécutés. Car, plus que le judaïsme ou le christianisme, les Alaouites suscitent l’hostilité des musulmans sunnites qui les considèrent comme des apostats qui n’acceptent pas le principe clé de l’Islam, à savoir que la dernière révélation de Dieu est allée à Mahomet. Les Chiites sont plus indulgents à leur égard, les taxant simplement de dépasser les limites dans leur déification d’Ali.
C’est pourquoi les Alaouites ont toujours été persécutés par les Sunnites, ce qui les a contraints à se retrancher dans les replis montagneux du djebel Ansarieh situé entre le Nord Liban et la Turquie. Ils ont toujours vécu en circuit fermé et ne se sont livrés à aucun prosélytisme envers quelque population que ce soit. Des siècles d'hostilité à leur égard leur a donné la réputation de montagnards féroces et indisciplinés, attaquant les étrangers, pillant les villageois sunnites dans les plaines et se refusant à payer des impôts.
Jusqu’au début du XXe siècle, en total antagonisme avec la bourgeoisie sunnite des villes, les Alaouites étaient les plus pauvres parmi les pauvres. Leur ascension sociale date de l’arrivée des Français en Syrie, vers 1920.