Aprés l'effort, l'effort...
16 Juillet 2012 Publié dans #INTERLUDE
Nous passons notre vie à faire des efforts, à surmonter des obstacles, à résoudre des problèmes. Chaque fois, nous avons dans l’esprit que, l’effort effectué, l’obstacle franchi, le problème résolu, cela ira mieux, nous aurons marqué un point, nous pourrons capitaliser sur l’acquis.
Dés l’enfance, nous sommes poussés à faire des efforts, que ce soit de notre fait ou sous la houlette de nos parents. Il nous faut apprendre à marcher, à ne pas faire pipi au lit, à parler, puis plus tard à lire, écrire et compter sous la direction plus ou moins douce de nos professeurs d’école. Les récompenses matérielles et les encouragements moraux accompagnent nos progrès : « Bravo, c’est une victoire, c’est un pas de franchi ». Adolescents, nous devons veiller à ne pas rester dans la queue du peleton, résister aux tentations du tabac, de la drogue, des « mauvaises fréquentations ». Nous divisons le monde entre ceux qui nous poussent en avant et ceux qui nous tirent en arrière.
Plus tard, il s’agira de réussir et de terminer nos études, de trouver, de rester et de nous imposer dans l’entreprise. Sans compter qu’il faut aussi parvenir à réussir notre vie privée, rencontrer quelqu’un, former un couple, élever des enfants. Les échecs nous guettent, le licenciement, le divorce, la dérive des enfants.
Plus tard encore, nous voici face au défi de la retraite, de la maladie, de la mort. À chaque étape son lot de défi, de choix, de décisions à prendre et à assumer, d’efforts à faire pour surmonter la difficulté que nous rencontrons, efforts plus ou moins intenses et plus ou moins couronnés de succès. Puis, l’étape passée, nous nous réjouissons du succès ou nous prenons acte de l’échec définitif de nos efforts, nous recouvrons notre sérénité, nous nous détendons, nous pensons que le plus dur est passé.
Nous avons raison de nous détendre, c’est absolument nécessaire. Mais seul l’aveuglement peut nous faire croire que la bataille est terminée : une bataille est terminée, la prochaine est en préparation, si elle n’est pas déjà en cours. Les batailles ne s’arreterons qu’avec notre mort.
Si bien que l’on peut se demander s’il est vraiment raisonnable de se donner tant de peine pour résoudre un problème si c'est pour se retrouver aussitôt face au problème suivant ? C’est sans doute ce que doivent se dire les personnes qui ont décidées de rester dans l’enfance. Il n’est pas très raisonnable non plus de s’acharner à résoudre un problème, tout en étant convaincu que ce sera le dernier obstacle ou à tout le moins l’obstacle majeur à franchir, après lequel tout sera plus facile. Les survivants de la guerre de 14-18 se consolaient de leurs souffrance par la méthode Coué : ce sera la Der des Der, affirmaient-ils : ils ont vu. Plus communément, nous pensons que lorsque nous aurons trouvé un travail, tout sera plus facile ou que lorsque nous serons à la retraite, nous pourrons souffler.
Que nenni ! La vie est bien cela, une succession d’obstacles à franchir.
Quelle peut être notre démarche dés lors ? J’écarte l’idée aussi séduisante que dévastatrice de renoncer d’emblée à faire front : elle n’est que suicide, moral et donc physique. J’écarte aussi l’idée naïve de faire semblant de croire qu’une fois la difficulté surmontée, tout ira mieux. Je ne retiens qu’une seule vision du monde, celle qui fait de la vie un combat perpétuel contre nous–mêmes, les obstacles qui se dressent devant nos objectifs, contre les revers de fortune, contre tout ou presque.
Il nous reste tout de même le choix entre deux manières d’accepter cette lutte : en faire une croix que nous avons à porter toute notre vie ou un défi dont nous célébrons chaque étape, victoire ou défaite, comme si nous célébrions l’honneur d’avoir eu le choix de livrer combat, contre quoi, peu importe.