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Le blog d'André Boyer

Nous voulons contrôler le monde

11 Juillet 2012 Publié dans #PHILOSOPHIE

Renonçant à l’instinct, c’est la volonté d’agir sur le monde qui a contraint les êtres humains à élaborer le système qu’ils nous ont légué. Ils n’ont fait l’effort de comprendre les mystères qui les entouraient que pour  mieux contrôler leur environnement.

earth.jpgAvant même de délaisser la protection de l’arbre, nos ancêtres prennent conscience qu’ils existent. Ils regardent autour d’eux et aperçoivent des êtres et des choses qu’il leur faut absolument identifier, neutraliser ou exploiter.

C’est de là que vient ce besoin de l’homme de comprendre, de la nécessité du contrôle. Il lui faut se saisir de la vérité par un bout quelconque, et tâcher de l’apprivoiser. La prise de conscience de la mort le rend anxieux, l’immensité de ce qu’il appellera plus tard l’Univers, ou comme écrit Pascal, "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie" : il faut qu’il invente quelque chose  pour diminuer son tourment.

Dès lors qu’il ne se laisse plus guider par ses instincts mais prétend prendre en main sa survie, son salut ne repose plus que sur sa clairvoyance. Depuis, aucun homme n’a jamais pu vivre sciemment dans l’ignorance et le mensonge. Si la difficulté de la recherche ou de l’acceptation de la vérité a souvent incité l’homme à tricher avec la vérité, cette dernière l’a toujours rattrapée, le contraignant à regarder les choses en face.

Les limites de sa capacité de penser le monde ont obligé l’homme à choisir une vision du monde qu’il a construite à partir des informations fragmentaires dont il disposait. Dans un premier temps, ce qui lui a semblé le plus simple le plus satisfaisant pour son esprit  a été de choisir une vision unitaire, on dit aussi une vision moniste, du monde. Mais il s’est rendu compte au bout d’un temps assez long que cette vision moniste l’empêchait de comprendre la dynamique d’un monde en perpétuel changement, un changement qu’il ne pouvait pas s’offrir le luxe de nier.

Alors il a cherché un autre angle pour comprendre le monde et il a adopté une vision dualiste du monde permettant d’expliquer ses variations selon deux principes complémentaires et conflictuels, supposés s’équilibrer. Le bon et le mal zoroastriens ou le yin et le yang du taoïsme témoignent de ces visions binaires de l’Univers, encore que ce dernier ne soit pas parvenu à s’exonérer de son origine moniste puisque le terme « Tao » désigne le principe régulateur de l’Univers. La pensée de l’homme oscille dès lors entre deux tentations concurrentes de cohérence, l’une dualiste, l’autre moniste. Ces deux visions du monde se sont affrontées, s’imposant tour à tour comme la pensée dominante d’une époque.

Elles se sont d’ailleurs succédé : la vision cohérente et unitaire du monisme a repris de la force, en réaction aux difficiles équilibres de la pensée dualiste, commandant aux philosophes grecs de postuler que le Monde, quelle que soit son apparente diversité, s’est constitué à partir d’une matière unique. Pythagore, par exemple, croit prouver que les fondements de la réalité sont constitués par un monde invisible et parfait qui est celui des  mathématiques. Il s’attire la réponse de Zénon qui lui montre que  les paradoxes des mathématiques n’en font pas un monde tranquille : comment expliquer en effet le paradoxe de la divisibilité illimitée des nombres, qui ferait qu’un voyage dans lequel on accomplit chaque jour la moitié de la distance restante ne peut jamais être achevé ?

Le monisme, cette tentation originelle de la pensée humaine, a en effet la vie dure. À la même époque que Pythagore, des philosophes chinois soutiennent des arguments analogues à ceux des Grecs en faveur du monisme : Il faut, selon le Taoïsme, aimer toutes les choses également, car l’Univers est un. Les Upanisads, ces premiers textes sanscrits, lui font écho en octroyant au  Brahmane le pouvoir de révéler la réalité ultime de toute chose : ce qui est vrai est constitué par ce qui unit les êtres et les choses.

La vérité moniste ou duale, sans doute quelques uns de nos semblables la détienne t-il. Aussi faut-il aller à leur rencontre pour obtenir d’eux la vérité. 

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