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Le blog d'André Boyer

Oui à la vie

15 Octobre 2013 Publié dans #PHILOSOPHIE

Si le moi autonome paraît une illusion pour Nietzsche (voir mon blog «Vous avez dit individu » du 30 septembre dernier), il reste à créer notre individualité en commençant par accepter notre vie.

 

Vie.jpgNietzsche estime que l’on ne peut jamais condamner LA vie à cause des horreurs dont on ne cesse jamais de nous abreuver et maudire SA propre vie parce que nous nous sentons malheureux.

Porter un jugement sur sa vie est sans objet.

Nous avons tous connu des moments de grâce où la vie était simple et lumineuse. Aussi rares et éphémères soient-ils, ces moments n’en sont pas moins liés aux périodes de souffrance qui les précèdent et qui les suivent. Vouloir isoler les périodes de bonheur (c’est cela que je vise !) des moments de malheur (c’est cela que je refuse !) n’a pas de sens, car ces derniers sont justement les chemins qui nous conduisent aux instants de bonheur.

C’est ainsi que l’on ne peut pas maudire la solitude alors qu’elle est à la fois la préparation et la conséquence de la communion entre deux êtres, car refuser à tout prix de faire face à la solitude implique de se priver de l’accomplissement amoureux qu’elle prépare. En somme, nous ne pouvons pas vouloir le plaisir sans accepter la souffrance, le bonheur sans accepter le malheur.

Ce qu’il nous faut comprendre et donc accepter, c’est l’imbrication des événements de la vie, qui fait que la réalisation de chacun d’entre eux  est conditionnée par tous les autres.

Nietzsche, en utilisant l’expression « amor fati » qui signifie ici « aime ton destin » nous engage à une sorte de thérapie.

Dire oui à la vie, c’est lutter contre le ressentiment, contre la mauvaise conscience et contre le nihilisme.

Pour Nietzsche, il ne s’agit pas pour autant de se résigner à l’intolérable mais de prendre ses distances. Plutôt que de contester l’insupportable, en se révoltant par exemple  contre l’injustice, une révolte ce qui rend notre vie dépendante du combat que nous livrons, ce qui ancre ce que nous ne voulons pas supporter au sein de notre vie, prenons nos distances.

C’est à un art de l’esquive, de la prise de distance avec ce qui aiguise notre rancœur que nous convie Nietzsche, qui y voit le fondement d’une morale élevée. 

Contrairement à celui qui reste esclave de ce qui le meurtrit, en contrepartie de sa volonté de revendiquer sa vertu, celle de la lutte contre l’inacceptable, l’homme s’élève en ne cherchant pas à combattre ce qu’il juge mauvais, mais simplement à l’ignorer en prenant ses distances. 

Plutôt que de pester contre la société de consommation en remplissant son caddie, plutôt que de tempêter contre la société du spectacle tout en restant collé à son poste de télévision,  plutôt que de rager contre des journalistes-propagandistes que l’on écoute tous les jours et plutôt que d’arracher rageusement des affiches dans le métro que l’on a regardées, il s’agit de consommer raisonnablement, d’éteindre son téléviseur, de lire des écrits de qualité au lieu de la propagande et de la poésie plutôt que des textes publicitaires.

Avec le temps et encore récemment, la prise de distance m’est apparue comme une composante importante de ma philosophie, ou, pour prendre le mot en son sens originel,mon amour de la sagesse. Se détourner de l’inacceptable et prendre ses distances me semblent, avec l’expérience, constituer une forte recommandation de Nietzsche, pour qui veut vivre en paix, loin des combats inefficaces et des tourments inutiles.

 

Faut-il pour autant ne jamais lutter contre l’inacceptable ?

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