L'HÉRITIER DES RÉGICIDES, BONAPARTE
2 Février 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
L’aventure de Napoléon Bonaparte excite les imaginations. Son extraordinaire destin personnel, son génie stratégique, ses qualités d’organisateur rencontrent le rêve collectif d’une nation qui impose sa volonté à l’Europe avant de succomber, victime du nombre, des erreurs stratégiques et de la fatalité.
Ceci écrit, Bonaparte n’a servi qu’à prolonger de quinze années un système politique issu de la Révolution qui n’avait pas d’avenir, car il ne s ‘appuyait sur aucune base démocratique et qu’il ne s’enracinait dans aucune tradition. Son maintien pendant cette période a tenu à la peur des classes dirigeantes de perdre les biens acquis pendant la révolution, aux rêves égalitaires entretenus auprès du prolétariat urbain, à la puissance des armes et au génie industrieux de Bonaparte. Les soldats l’ont suivi jusqu’à ce qu’ils n’aient plus la force de le porter, les ouvriers l’ont soutenu en vain et les classes dirigeantes, comme d’usage, l’ont abandonné dès que ses défaites militaires ont démonétisé son maintien au pouvoir.
Au total, Bonaparte a fait perdre une ou deux décennies à l’évolution politique du pays. Il a fait tuer un million de Français et plus encore d’étrangers, affaibli la France, réduit ses frontières et renforcé la méfiance universelle contre l’État français. Du point de vue organisationnel, il a eu le génie de concevoir et d’appliquer les outils institutionnels adaptés à la rationalité d’un État centralisé.
Au plan politique, il a bafoué l’idée de démocratie et il a installé le concept d’homme providentiel susceptible de sauver le pays par la seule force de sa volonté après que la Terreur eut fait croire qu’une Nation devait être gouvernée selon des principes moraux, et non selon la volonté de ses citoyens.
Le Consulat, qui reste, comme l’Empire, un avatar de la République, débute par un consulat provisoire composé de Bonaparte, Sieyès et Ducos, et de deux commissions désignées pour les affaires judiciaires courantes et la préparation d’une nouvelle constitution. Cette dernière est élaborée en novembre 1799, sous la direction de Daunou et sous l’impulsion de Sieyès et Bonaparte. Pierre Daunou (1761-1840), le véritable père de la Constitution de l’An VIII, professeur et prêtre chez les Oratoriens, est élu le 9 septembre 1792 en tant que membre de la Convention. Comme il n’a pas voté la mort du roi, il est arrêté et détenu jusqu'au 9 thermidor. Il revient ensuite à la Convention et il rédige la constitution de l’An III. Le 23 vendémiaire, il entre au conseil des Cinq-Cents et en devient le président le 3 fructidor an VI. Il approuve le 18 brumaire, et joue un rôle important dans la rédaction de la constitution de l’An VIII.
Cette Constitution, une de plus, s’inscrit dans la conception du pouvoir de Sieyès qui consiste, comme sous le Directoire, à s’opposer aux volontés des assemblées et qui a renforcer l’exécutif face aux représentants du peuple.
On retrouve cette tradition dans la Constitution de la Ve République, avec un pouvoir qui dénie aux représentants du peuple rassemblés dans les assemblées toute influence directe sur la marche du pouvoir.
Elle postule aussi que les hommes à la tête de l’État savent, à la place du peuple et de ses représentants, ce qu’ils doivent faire pour lui et considère que tout contrôle par ses représentants n’est qu’une tracasserie insupportable.