Apocalypse I
4 Décembre 2011 Publié dans #ACTUALITÉ
Apocalypse I
Mercredi dernier, Paul Jorion était interviewé dans le cadre des « Matins » de France Culture par des journalistes franchement sceptiques sur ses prévisions plus que sur les fondements de son analyse. Cela a donné un échange musclé au cours duquel Paul Jorion a rappelé les journalistes à leur devoir, devoir de sérieux et d’éthique. Je rapporte ci-dessous, à ma manière, le contenu de cette interview qui m’a fortement intéressé, vous allez découvrir pourquoi :
MV (Marc Voinchet) : comment voyez vous la situation financière, économique et sociale en Europe ?
PJ (Paul Jorion) : En 2007, on n’a rien pu faire pour endiguer la crise. La crise de subprimes n’a pas été résolue. Elle a été colmatée brièvement, à la manière du petit hollandais qui mettait son doigt dans la digue en train de lâcher sous la pression de l’océan. Car, contrairement aux Etats-unis, on ne peut pas utiliser en Europe la planche à billet.
Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle récession qui succède presque immédiatement à celle de 2008. Elle ouvre la porte à une dépression du même ordre que celle de 1929. Les Etats-Unis en sont très proches, L’Europe y entre et la Chine aura du mal à bien se porter s’il n’y a plus personne pour acheter ses produits et au final ce sera l’ensemble du monde qui se trouvera entraîné dans la dépression.
Quant à l’Euro, on ne sait pas combien de temps il va encore tenir, une semaine, sans doute moins d’un an, encore que l’on ne puisse pas faire de prédiction. Le fond de l’affaire, c’est que le monde est en train de sortir du système financier actuel. Au premier plan, tout fonctionne comme avant, mais en arrière plan il y a des pans entiers du système qui s’écroulent les uns après les autres. Le système financier américain est à bout et la zone euro est en train de se déliter sous nos yeux : il suffit de regarder les taux d’intérêt insoutenables que l’on demande à l’Espagne et à l’Italie.
Il nous faut reconstruire un système financier à partir de zéro, car celui que nous avions n’existe plus. Nous sommes comme ces tribus déboussolées qui faisaient des sacrifices devant les carcasses d’avion abandonnées par les Américains après la guerre, dans l’espoir que les avions allaient décoller à nouveau. Nous aussi, nous faisons des sacrifices sur l’autel de notre système financier que nous appelons « les marchés ». On a tué un chevreau, la machine n’est pas repartie, on a tué une vache, elle n’est toujours pas repartie, alors on commence à tuer des gens, mais rien à faire, la machine est fichue, on ne peut plus la remettre en marche, le cœur du système a fondu.
Les financiers le savent, ils ne le proclament pas dans les medias, mais ils en conviennent dans les conversations privées, les dirigeants le savent aussi et c’est pourquoi la panique règne au sommet et les réunions se multiplient sans que ne soit prise la moindre décision.
On nous raconte que l’on va rassurer les marchés et que la machine va repartir. Mais les marchés ne savent pas ce qu’il faut faire. Ce qu’ils savent, c’est que la machine est cassée et que toutes les mesures que l’on peut prendre dans le cadre du système financier actuel ne servent à rien.
Je publierai la suite du compte-rendu de l’interview, mardi.