DE LA VIOLENCE
8 Février 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
La violence, au sens immédiat, consiste à employer la force contre quelqu'un.
La notion de violence dépend cependant des normes en vigueur à une époque donnée. S'il y a des faits que chacun considère comme violents, comme les coups ou la torture, il existe d’autres formes de violence telles que la violence domestique qui ont été́ longtemps considérées comme normale, ce qui rend difficile d'en proposer une définition normative.
Il reste cependant possible de caractériser la violence par son aspect chaotique, transgressif et imprévisible qui introduit un dérèglement. En effet, en remettant en cause l'ordre des choses, la violence est avant tout un acte de transgression des règles.
De plus, on peut classer les formes de violence en distinguant la violence issue des guerres, celle provenant de l'activité politique et celle résultant de la criminalité́.
Si les guerres sont une des constantes de l'histoire humaine, il faut noter qu'elles ont pris au XXe siècle une ampleur sans précèdent. Les guerres anciennes étaient logiquement moins meurtriéres que les plus récentes puisque la violence militaire se règle sur les moyens de destruction disponibles.
De son côté, la violence politique possède deux faces, celle qui est tournée contre le pouvoir et celle en provenance du pouvoir, auxquelles on peut ajouter la violence issue de l'effondrement d’une communauté́ politique, qui génère la guerre civile.
La violence tournée contre le pouvoir concerne tout d'abord la violence socio politique diffuse qui reste circonscrite à des rixes, des bagarres entre groupes, ou des émeutes populaires contre la vie chère, sans oublier le brigandage et le banditisme. Peu organisée et largement spontanée, elle n'entraine pas de réorganisation de pouvoir même si ses ravages peuvent être paroxystiques.
Mais il existe aussi une violence contre le pouvoir qui vise à sa réorganisation par le moyen de soulèvements et de révolutions. L'histoire mentionne à cet égard les révolutions anglaises de 1642 et 1688, la révolution française de 1789 ou la révolution russe de 1917. De telles révolutions supposent d'une part que le pouvoir central soit occupé́ par des groupes aux intérêts antagonistes et d'autre part que des groupes conscients mettent en avant des projets touchant à l'organisation de la société́ et du pouvoir.
À cette violence contre le pouvoir s'oppose toujours une violence d'État exercée par les forces de l’ordre lorsque les mécanismes de ritualisation des conflits destinés à pacifier la compétition pour le pouvoir ne fonctionnent plus. À cet égard, on ne sait pas encore si les Gilets Jaunes relèvent de la violence sociopolitique diffuse ou de la violence révolutionnaire.
Si la violence du pouvoir vise à̀ établir le pouvoir politique, à le maintenir et à le faire fonctionner, il peut prendre des formes despotiques avec un tyran qui fait régner la terreur dans le cercle restreint de ses proches et qui s'assure de la faveur du peuple par des mesures démagogiques. Le pouvoir vénézuelien reléve t-il de cette catégorie?
Il arrive aussi que la terreur se propose, non d'établir ou de maintenir l'État, mais de renouveler la société́ à travers des purges de grande ampleur. C'est le cas de la Terreur de 1793-1794 en France, de la Terreur soviétique tout au long du pouvoir stalinien ou de la Terreur exercée par les Khmers rouges au Cambodge à partir de 1972.
Face à l'État, le terrorisme se propose de mettre en œuvre un changement de pouvoir ou de faciliter la négociation. C'est ainsi que le terrorisme contemporain a aussi bien cherché à se faire le relais d'une avant-garde consciente et organisée auprès de masses qui restent à sensibiliser que de peser sur les évolutions politiques en éliminant les chefs d'État encombrants, tels qu'Anouar El Sadate en Égypte en 1981, Mohamed Boudiaf en Algérie en février 1992 ou Itzhak Rabin en Israël en 1995. Peut-on classer dans la même catégorie l'assassinat de Mouammar Khadafi en Libye en 2011?
De leur côté, les guerres civiles sont l'occasion de violences illimitées, tortures, exécutions sommaires, épurations, caractéristiques de l'effondrement d'une communauté́. Les guerres liées à la disparition de la Yougoslavie (1991-2001) relèvent de cette situation.
Reste la criminalité et son corollaire, le sentiment d’insécurité, qui relèvent du nombre et de la gravité des crimes commis, mais aussi des normes à partir desquelles les phénomènes criminels sont appréhendés. Or, à la différence de périodes passées pendant lesquelles la violence criminelle et l'insécurité́ étaient omniprésentes, les sociétés modernes sont parfois parvenues à un haut degré de sécurité, aussi bien physique que social.
Il en résulte que la réapparition de la violence suscite de nombreuses interrogation sur son origine et sa perennité.
À SUIVRE