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Le blog d'André Boyer

La Côte d'Ivoire et le Kenya, deux solutions opposées

17 Avril 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Les médias français, les yeux rivés sur leur pré carré, oublient bien souvent qu’il existe des crises ailleurs que dans la zone d’influence de la France. Ces crises nous montrent qu’il existe  d’autres solutions que celle de l’usage de la force au nom du droit, une méthode qu’utilise systématiquement le pouvoir français depuis que l’Assemblée Constituante a déclaré, le 20 avril 1792, la guerre au « roi de Bohême et de Hongrie », en  raison de l’appui qu’apportait l’empereur Léopold II aux immigrés, ouvrant ce jour-là 23 ans de guerres ininterrompues en Europe, conclues par l’effondrement de la puissance française. 


En Côte d’Ivoire, la France, sous couvert de l’ONU, a choisi la solution de la force en imposant un Ouattara « régulièrement élu » contre l’usurpateur Gbagbo.

Au Kenya, face à une situation analogue, on a choisi la négociation. Voici ce qui s’est passé, il y a un peu plus de trois ans, à la fin du mois de décembre 2007, alors que les  Kenyans étaient appelés aux urnes pour élire leur Président de la République.

kibaki odingaLe Président sortant Mwai Kibaki et Raila Odinga leader du Mouvement Démocratique Orange (ODM) étaient les deux favoris. Quatre jours plus tard, le Président kenyan sortant, Mwai Kibaki, se faisait déclarer vainqueur de l’élection présidentielle, tandis que l’opposition dénonçait des fraudes massives et que des émeutes avaient lieu dans tout le pays. On comptera jusqu’à un millier de morts et deux cent cinquante mille personnes déplacées à la suite des troubles violents déclenchés par cette élection contestée.

Au lieu de proclamer les élections truquées et d’appeler, comme on vient de le faire en Côte d’Ivoire,  à l’installation au pouvoir de Raila Odinga, le leader spolié par des résultats truqués, la secrétaire d’Etat des Etats-Unis et le ministre des Affaires Etrangères de la Grande-Bretagne ont signé un communiqué commun où ils appellent les leaders du Kenya à faire « preuve d’esprit de compromis ».

Le 11 janvier 2008, le président de l’Union africaine, John Kufuor amorce la négociation entre les deux dirigeants puis laisse la place à Kofi Annan, avec pour objectif de résoudre la crise. Les négociations sont appuyées par l’intervention de la secrétaire d’Etat américaine, Condolezza Rice en visite au Kenya, qui déclare que Washington ne traitera qu’avec un gouvernement légitimement constitué au Kenya. Washington a d’ailleurs, comme l’Union européenne, refusé de reconnaître le gouvernement du président Kibaki.

Le gouvernement kenyan essaie de résister en jouant sur la fibre nationaliste, mais il finit par céder à la pression internationale. Le 28 février 2008, un accord est signé en présence de Kofi Annan, qui prévoit la création d’un poste de Premier ministre. Puis, après six semaines de palabres, les deux leaders kenyans parviennent à un accord sur la répartition des sièges ministériels.

Depuis, ils gouvernent ensemble et le Kenya est redevenu un modèle de stabilité et de développement pour cette région africaine….

Récemment, le Conseil de sécurité de l'ONU a rejeté la demande du Kenya de suspendre le procès de six hauts responsables kenyans devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité commis lors des violences post-électorales de 2007-2008. En Août 2012, auront lieu de nouvelles élections présidentielles. Il est prévu que le poste de Premier ministre sera alors supprimé. Nul doute qu’elles soient attentivement surveillées et qu’il n’y aura pas de trucages postélectoraux. La logique voudrait que le Premier Ministre actuel, Raila Odinga, accède avec cinq années de retard à la Présidence de la République.

Par contraste, en Cote d’Ivoire, le Président Ouattara vient d’être installé dans ses fonctions de Chef d'État par la Force Licorne avec le soutien de l’ONU. Les prochains mois seront tranquilles, l’opposition ayant été assommée. L’économie de la Côte d’Ivoire devrait redémarrer, dopée qu’elle sera par les aides internationales et les investissements des grands groupes attirés par les profits potentiels. Puis les tensions vont ressurgir. Et il faudra au Président installé beaucoup de force et d’habileté pour continuer à gouverner en rassemblant avec lui ceux qu’il a humiliés, en faisant oublier la main visible de la France et les influences maléfiques de Guillaume Soro et de son épouse, Dominique Ouattara. Malheureusement, le passé d’Alassane Ouattara ne plaide pas en ce sens.

 

Néanmoins, il nous reste la foi en l’avenir de la Cote d’Ivoire. Les hommes de bonne volonté peuvent toujours se réconcilier, les dirigeants sans caractère se révéler de véritables lions, les génies malfaisants être écartés et les acteurs du désastre reconnaître leurs erreurs. Rêvons donc, puisque nous n’avons pas d’autres choix.

 

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