Se battre en Afghanistan
7 Avril 2011 Publié dans #INTERLUDE
C’est avec émotion que j’ai regardé dimanche soir le reportage de M6, intitulé « Les commandos de l’impossible ». Avec émotion, parce que mon fils aîné se trouve en ce moment même engagé pour la deuxième fois dans les équipes dont les reporters racontent l’histoire.
Il faut tout d’abord rendre hommage aux reporters, journalistes et cameramen qui n’ont pas hésité à prendre de grands risques pour faire comprendre au mieux ce que vivaient les femmes et les hommes engagés dans ce combat. Ce long reportage de plus d’une heure se focalise sur la vie de Kylian et d’Ulysse, tous deux pilotes inséparables d’un Caracal, le plus gros hélicoptère de transport de l’armée française, d’Alexandrine l’infirmière, de David le commando, d’Amaury le pilote de Tigre et de quelques officiers comme le colonel Goisque commandant le 126e RI sur la base de Tora en Afghanistan ou le colonel Didier Quenelle commandant les gendarmes affectés à l’assistance de la police Afghane.
Ce que l’on découvre dans ce reportage, c’est le professionnalisme, l’humanité et la détermination de soldats décidés à faire leur métier. Rien n’est caché de leurs émotions ni de leurs efforts pour lutter contre le stress, les fêtes, la gymnastique, le shopping. La vie de la base à Warehouse à côté de Kaboul est décrite dans ses détails, mais on assiste surtout au déroulement de plusieurs missions : on suit ainsi la récupération en hélicoptère (un Caracal pour le transport et un Tigre pour la protection) d’un petit garçon afghan qui s’est brûlé lors d’un accident domestique, le lancement de centaines de milliers de tracs au-dessus d’une vallée hostile et surtout le déroulement d’une mission de combat qui se termine par la récupération dramatique de deux blessés au sommet d’un piton attaqué par les rebelles, en pleine nuit.
Cette dernière affaire mérite d’être conté avec plus de détail. Le colonel Goisque décide de quitter la base de Tora avec des troupes au sol pour atteindre un village reculé et y faire une démonstration à la fois de force et de propagande. Il fait déposer par hélicoptère deux petits groupes de protection, dont l’un sur un piton qui domine la piste du convoi. En pleine nuit et malgré les lunettes de détection des émissions infra rouge, le groupe d’une quinzaine d’hommes positionné sur le piton est attaqué à la roquette. Deux d’entre eux, les infirmiers, sont blessés, dont l’un très grièvement. Le groupe se défend, mais le colonel décide de les évacuer. L’opération de récupération se révèle difficile, un hélicoptère tombe en panne, mais en définitive l’évacuation des troupes se passe sans incident. Parmi les deux blessés, l’un d’entre eux, l’infirmier major Thibault Miloche (photo ci-dessus), père de deux enfants, décéde à l’hôpital. Il faut voir l’impressionnant cortége des troupes sortant en rang par deux de la base de Tora pour accompagner sa dépouille, que l’on a ramené exprès jusque-là, rejoindre l’hélicoptère.
Dans ce reportage, on voit également les éléments français qui accompagnent les troupes afghanes dans un défilé vertigineux par lequel passe tout le trafic routier entre Kaboul et le Pakistan et les gendarmes qui encadrent, non sans quelque crainte, les policiers afghans qui contrôlent les passagers des bus.
Les leçons que j’en tire se situent à mon avis à plusieurs niveaux. Tout d’abord, je l’ai écrit au début de ce blog, on ne peut être qu’admiratif devant la qualité humaine et le professionnalisme de ces soldats de tout rang. Des gens qui savent ce que veut dire la vie, qui savent ce qu’il faut faire et qui le font, des gens qui sont conscients de leur responsabilité. Ensuite, on peut se demander si toutes les missions qui leur sont demandées sont au niveau de la qualité de ces hommes. Que l’on lance une incursion en terrain hostile est dans la nature de la mission comme celle d’accepter le risque que les Afghans que l’on forme se retournent contre les troupes françaises. Mais que l’on envoie deux hélicoptères pour soigner un petit Afghan qui a été ébouillanté par accident ou pour déverser des tracs relève des missions qu’adorent ordonner des responsables pour lesquels l’image compte plus que tout, même si je n’ignore pas l’importance des symboles. Encore faut-il qu’ils soient en harmonie avec la mission et les moyens disponibles.
Pour conclure, lorsque je vois les troupes françaises engagées dans trois conflits simultanés, en Afghanistan, en Libye et en Côte d’Ivoire, je me demande si la cohésion et la détermination de ces hommes et de ces femmes qui se battent au nom de la France ne cachent pas l’incohérence et l'irrésolution d’un pays qui se cherche.
PS : vous pouvez voir ce reportage en utilisant le lien suivant :
http://www.m6replay.fr/#/info/enquete-exclusive/25324