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Le blog d'André Boyer

J'ai rêvé la Mobil O.

10 Juillet 2011 Publié dans #INTERLUDE

Dans mon blog du 26 juin dernier, intitulé « Mobil Man », j’ai raconté ce que l’achat puis la vente d’une DSuper signifiait pour moi, jeune cadre stagiaire à la Mobil Oil.  Signe de révolte, négation de mon « statut » de cadre, j’exprimais ainsi ma déception par rapport à ce que je découvrais de la Mobil.

images-copie-2.jpegJ’avais rêvé de la Mobil Oil, compagnie américaine établie depuis les années trente en France, comme étant l’image d’une grande entreprise moderne, efficace, rationnelle, et je devais admettre que ce n’était qu’une lourde machine bureaucratique. Je croyais que cette firme puissante et intelligente m’avait recruté parce qu’elle était consciente du formidable potentiel que je représentais pour elle. Mathématicien, économiste et gestionnaire, j’étais la personne idéale, à mon avis, pour épauler l’État-major européen de la Mobil à Londres en attendant que les Américains eux-mêmes se rendent compte de la pépite que je représentais pour leur firme.

…Depuis lors, j’ai eu le temps d’apprendre que les organisations, qu’elles soient publiques ou privées, n’ont pas d’âme. Elles embauchent leurs employés sans y prendre garde et elles les recrachent comme des noyaux…

Quelles que soient mes illusions de l’époque, je commençais à comprendre que je n’étais pas prés de quitter Gennevilliers pour Londres ou les Etats-Unis. On m’avait affecté à un service, le secteur « Distribution » de la Mobil, dont l’activité consistait à encadrer les petits distributeurs de la Mobil, stations-service indépendantes, distributeurs d’huiles et de carburants destinés aux PME et collectivités locales preneuses de Fuel Domestique pour le chauffage des bâtiments publics. Outre le secteur de la Distribution, la Mobil comprenait deux autres services chargés de la commercialisation de ses produits de raffinage, le secteur « Réseau » qui s’occupait des stations-service gérées en direct par la Mobil et le secteur « Industrie » chargé de la vente des fluides et des huiles à la Grande Industrie.

Comme il s’occupait de petits clients dispersés et solidement liés par des contrats léonins, le secteur Distribution n’avait pas une importance stratégique pour la Mobil Oil Française. Il en résultait que le fait d’y travailler n’était pas de nature à me mettre particulièrement en valeur pour gravir les échelons de la hiérarchie de l’entreprise. Les perspectives de promotion et de mutation étant incertaines, il me restait à trouver une motivation dans le travail lui-même.

Je commençais par comprendre que  les congrès et réunions en tout genre représentaient  la bouffée d’air dont avaient besoin les cadres commerciaux pour conserver leur motivation à rencontrer les clients, à les rassurer et à leur mentir. Pendant ma période de stage, j’ai participé en particulier à deux congrès qui ont eu typiquement lieu dans des cadres luxueux, loin des mornes pratiques de la vente de Fuel :  La Baule et Monte-Carlo. Je dois rendre grâce à la Mobil de m’avoir offert l’occasion de passer trois nuits dans le cadre luxueux de l’Hôtel de Paris à Monte-Carlo, pour la première et sans doute la dernière fois de ma vie.

Mais le travail, après les déplacements et les congrès ? Comme pour nombre de débutants qui débarquent dans une organisation où ils croient, à tort naturellement, être attendus comme le Messie, ce fut tout de suite décevant. Je sais maintenant que la bonne attitude aurait consisté à  découvrir patiemment les arcanes de l’entreprise afin de saisir ce que je pouvais lui apporter plutôt que de ruer tout de suite dans les brancards. C’est ce que je conseille à mes étudiants, observer, être patient, disponible, rester prudent dans ses jugements.

Pour ma part, à l’automne 1971, je n’étais ni en âge ni d’humeur à patienter.

Comme je passais mes journées, entre deux parcours routier entre Saint Germain en Laye et Gennevilliers, à traîner dans les bureaux ou à visiter des clients en compagnies de cadres commerciaux, la moutarde commençait à me monter au nez. Ce n’était pas pour entendre les sornettes que me débitaient des cadres sclérosés par les piètres pratiques de leur métier que j’avais quitté la belle vie casablancaise.

On m’avait menti ! 

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