Scènes de la Terreur à Bordeaux
8 Mars 2013 Publié dans #HISTOIRE
Voici la suite de mon blog du 17 février dernier, intitulé « Les Pol Pot français de 1793 à l’œuvre » et donc la suite de ce qui se passa à Bordeaux après que la bande d’assassins y fut entrée, le matin du 13 septembre 1793.
La marquise de la Tour du Pin poursuit son récit, corroboré par les récits des témoins de ces journées (les parenthèses sont de mon fait) :
« Moins d’une heure après, tous les chefs fédéralistes (qui hésitaient sur la conduite à tenir 48 heures auparavant et qui s’étaient résolus à ne rien faire) étaient arrêtés et emprisonnés. Le tribunal révolutionnaire entra aussitôt en séance et il siégea pendant six mois, sans qu’il se passât un jour qui ne vit périr quelque innocent.
La guillotine fut établie en permanence sur la place Dauphine. La petite troupe d’énergumènes qui l’escortait n’avait trouvé personne pour s’opposer à son entrée à Bordeaux alors que quelques coups de canon tirés sur la colonne serrée qu’elle formait dans la rue du Faubourg Saint-Julien, par laquelle elle arrivait, l’auraient certainement mise en déroute. Mais les habitants, qui la veille, juraient, en vrais Gascons, de résister, ne parurent pas dans les rues désertes. »
Notez comme ces gens se sont facilement soumis à la « bande d’énergumènes »:
« La terreur dans la ville était telle qu’un ordre ayant été placardé prescrivant aux détenteurs d’armes, de quelque nature qu’elles fussent, de les porter avant midi du lendemain, sur la pelouse du Château-Trompette, sous peine de mort, on vit passer dans les rues des charrettes où chacun allait jeter furtivement celles qu’il possédait, parmi lesquelles on en remarquait qui n’avaient pas servi depuis deux générations. On les empila toutes sur le lieu indiqué, mais il ne vint à personne la pensée qu’il eut été plus courageux d’en faire usage pour se défendre. »
La Terreur a aussi inventé les cartes de rationnement, qui ont finalement coûté la vie à Robespierre et ses amis :
« Le jour même de l’entrée des représentants du peuple, on avait publié et affiché ce que l’on nomma le maximum. C’était une ordonnance en vertu de laquelle toutes les denrées, de quelques natures qu’elles fussent, étaient fixées à un prix très bas, avec interdiction, sous peine de mort d’enfreindre cette ordonnance »
Tout était passible de la peine de mort, au moins c’était clair. Si nous nous trouvions sous la Terreur, un dépassement de moins de 10 Km/h de la vitesse limite, une fraude fiscale, une cigarette au travail, un acte de harcèlement sexuel, un téléchargement illégal : peine de mort.
Que produisit donc ce blocage des prix, peine de mort ou pas peine de mort : « Il en résulta que les arrivages cessèrent à l’instant. Les marchands possesseurs de grains les cachèrent plutôt que de les vendre à meilleur marché qu’ils ne les avaient achetés, et la famine conséquence naturelle de cette interruption des échanges fut imputée à leur incivisme. »
Même la peine de mort se révela impuissante à lutter contre les lois du marché, comme aujourd’hui où l’on surcharge d’impôts et de contraintes les chefs d’entreprise qui préfèrent du coup mettre leur tête sur le billot plutôt que d'investir et qu’on brocarde pour leur incivisme, tandis que la machine économique s'enraie inexorablement l’économie et que le chômage monte en flèche.
« On nomma alors, dans chaque section, un ou plusieurs boulangers chargés de confectionner du pain, et ils reçurent l’ordre formel de n’en distribuer qu’à ceux qui seraient munis d’une carte délivrée par la section. Il en fut de même pour les bouchers. On fixa la quantité de viande, bonne ou mauvaise, à laquelle on avait droit quand on était muni d’une carte semblable à celle destinée au boulanger. Les marchands de poisson, d’œufs, de fruits et de légumes abandonnèrent les marchés. Les épiciers cachèrent leurs marchandises, et l’on ne pouvait obtenir que par protection une livre de café ou de sucre.
On aura peine à croire à un tel degré d’absurdité et de cruauté, et surtout qu’une grande ville tout entière se soit docilement soumise à un pareil régime. Le pain de section, composé de toutes espèces de farine, était noir et gluant, et l’on hésiterait maintenant à en donner aux chiens. »
Si la marquise de la Tour du Pin fait bon marché de la peur qui habite les Bordelais, en observant qu’un « un autre trait caractéristique des Français, c’est leur facilité à se soumettre à une autorité quelconque », elle décrit aussi les manifestations à l’origine des attaques violentes contre l’Église comme celle qui habita l’autre jour les « Femen » vociférant seins nus dans Notre Dame de Paris :
«La Terreur était à son comble à Bordeaux. L’horrible procession qui marqua la destruction de toutes les choses précieuses possédées par les églises de la ville venait d’avoir lieu. On rassembla toutes les filles publiques et les mauvais sujets. On les affubla des plus beaux ornements trouvés dans les sacristies de la cathédrale, de Saint-Seurlin, de Saint-Michel, églises aussi anciennes que la ville et dotées, depuis Gallien, des objets les plus rares et les plus précieux. Ces misérables parcoururent les quais et les rues principales. Des chariots portaient ce qu’ils n’avaient pu mettre sur eux. Ils arrivèrent ainsi, précédés par la Déesse de la Raison, représentée par je ne sais quelle horrible créature, jusque sur la place de la Comédie. Là, ils brûlèrent, sur un immense bûcher, tous ces magnifiques ornements.»
Qu’ajouter ?