La stratégie russe face à l'adversité
5 Mars 2013 Publié dans #ACTUALITÉ
La Russie se trouve aujourd’hui revenue à ses frontières du XVIIe siècle. C’est dire l’ampleur de l’effondrement récent et l’énorme effort de récupération qu’implique la volonté de reprendre son rang traditionnel dans le concert mondial.
Dans ce dessein, il lui faut tout d’abord retrouver son équilibre démographique, puis reconstruire son économie et reprendre enfin ses forces dans un monde ou elle compte peu d’alliés fiables.
C’est qu’il lui faut faire vivre les espaces énormes qui lui reste, dix-sept millions de km2, et assurer la sécurité aux frontières. Il s’agit de surveiller les anciennes républiques soviétiques, qu’il s’agit au mieux de maintenir dans l’orbite de Moscou et au minimum d’empêcher qu’elles ne deviennent des points d’appuis pour les Etats-Unis. À cet égard, le contrôle de l’Ukraine, équivalente à la France en termes de population et de superficie, constitue un enjeu majeur pour la Russie.
Face à la persistante hostilité américaine, la Russie possède quelques alliés. En Europe, la Grèce et la Bulgarie sont traditionnellement tournées vers Moscou. L’Allemagne et l’Italie dépendent de son gaz, mais c’est de peu de poids face à l’alignement de l’Europe occidentale sur les Etats-Unis, de la méfiance des pays d’Europe Centrale et de l’humanitarisme des pays scandinaves.
Quant aux relations entre la France et la Russie, elles sont mauvaises. Les échanges commerciaux franco-russes continuent à se réduire, malgré la participation des compagnies françaises GDF Suez et EDF dans les projets gaziers Nord et South Stream, la participation de Total au capital du russe Novatek, les investissements des groupes Renault-Nissan, Danone ou de la Société Générale ou l’achat de porte-hélicoptères Mistral.
Au plan diplomatique, l’alignement de la France sur la position américaine vis-à-vis de la Russie se traduit par le soutien à l’adhésion de la Georgie à l’Otan, ou son opposition à la politique russe en ce qui concerne la Syrie et l'Iran.
À l’Est, les liens avec la Chine sont moins importants qu’on pourrait le croire. Les échanges d’hydrocarbures restent modestes alors que le voisinage du vide sibérien et du trop plein du littoral chinois provoque l’inquiétude des Russes.
Au sud, la Russie peut espérer mobiliser la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud, en se faisant le défenseur de la souveraineté de ces pays face à l’interventionnisme américain, sans toutefois espérer les rassembler durablement dans un front uni.
Il ne reste à la Russie, sur le théâtre mondial que quelques faibles amis, l’incertain Cuba, le fantasque Venezuela, la Syrie agonisante, la Serbie aspirée par l’Union Européenne, le Vietnam qui lorgne vers Washington, l’Iran que la Russie aide avec quelques réticences.
Aussi la Russie peut-elle avant tout compter sur ses propres forces, un régime fort soutenu par une large majorité de la population, une économie qui conserve son dynamisme malgré la crise, une population éduquée dont le déclin semble arrêté et trois armes de dissuasion, les hydrocarbures, l’arsenal nucléaire et le droit de veto.
Nation déclassée qui reste néanmoins une superpuissance, seul pays qui soit à la fois européen et asiatique, économie de rente qui a maintenu un haut niveau de technologie, la Russie apparaît comme un pays polymorphe et capable de s’adapter à toutes les situations sur l’échiquier du monde. La France devrait tenir compte des atouts russes dans ses propres calculs stratégiques au lieu de s’aligner systématiquement sur les positions anti-russes des Etats-Unis.