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Le blog d'André Boyer

Retour au bercail

24 Octobre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

Retour au bercail

La triche, un sport universitaire?

Cette première expérience américaine m’a beaucoup appris, malgré sa durée écourtée.

 

En me révélant les dimensions de la vie universitaire en Amérique du Nord, elle m’a montré par contraste les déficiences de l’université française. En premier lieu, l’importance mineure accordée en France aux bibliothèques universitaires révélait que l’acquisition des connaissances par les étudiants était dominée par les règles bureaucratiques qui l’enserrent. Les décennies qui se sont écoulées depuis ont vu Internet bouleverser, heureusement, les conditions de travail des étudiants et les bibliothèques universitaires françaises progresser nettement.

D’une manière plus générale, autant l’on comprend immédiatement le but que se propose d’atteindre une université américaine, offrir des conditions de travail aussi confortables que possible aux étudiants, les inciter à apprendre, à résoudre leurs problèmes eux-mêmes et à se confronter à la compétition, autant l’on ne saisit pas ce que veut faire des étudiants l’université française, sinon leur apprendre qu’il existe des règles, aussi absurdes soient-elles, qui s’imposent tout de même à eux.

Des amphis surchargés, des professeurs qui s’absentent sans prévenir et sans s’excuser, la plus grande indulgence accordée aux fraudeurs, des cités universitaires dotées d’un confort dépassé, l’absence d’accueil des étudiants, l’absence de relation avec les milieux économiques sont, pêle-mêle, autant de tares qui n'ont été que partiellement corrigées ou qui se sont au contraire aggravées au fil du temps.

En somme, si l’on apprend aux étudiants américains à se développer dans le contexte de la société américaine, on forme les étudiants français à se débrouiller dans le contexte des règles bureaucratiques françaises. Cela peut se passer très bien, pour les chanceux et les malins, mais très mal pour les autres : songez qu’il suffit d’un quart d’heure d’entretien, après une thèse passée dans des conditions très variables, pour que quelqu’un soit nommé en France Maitre de Conférences à vie, sans que jamais son « statut », terme bien français, ne soit remis en question. Je peux en parler savamment, j’ai fait partie des heureux élus.

J’en ai tiré progressivement la conclusion que le système universitaire français n’avait pas de sens. À l'automne 1973, je croyais encore qu'il était capable de changer, lorsque je m'efforçais de me remettre du retour brutal à l’IAE de Nice.

Je me suis donc remis au travail reprenant mes cours et publiant  deux articles sur les créations d’entreprises et dix petits articles dans l’Encyclopaedia Universalis que m’avaient confié Jean-Claude Dischamps. Je me suis également mis à l’écriture de ma thèse en me concentrant sur la question de la croissance des firmes (d’où mon article sur les créations d’entreprises), en attendant de repartir aux Etats-Unis.

Car j’avais réussi, avec le soutien de mon directeur de thèse, à obtenir une bourse de la jeune FNEGE pour passer la période de l’été (summer semester) à Wharton School au sein de l’Université de Pennsylvanie, à Philadelphie. C’était le temps béni où la FNEGE, subventionnée par l’État, envoyait le plus possible de jeunes chercheurs en sciences de gestion aux Etats-Unis. Mes collègues de l’IAE d’Aix en ont largement bénéficié, d’autant plus qu’ils étaient encouragés et soutenus par l’influent Pierre Tabatoni, ancien directeur de l’IAE d’Aix-en-Provence.  

Pour ce retour dans une université américaine, j’accédais à l’une des meilleures écoles de gestion américaines, alors que SUNYA était une université de niveau moyen. De plus, je partais pendant l’été, à une période pendant laquelle personne ne pouvait me reprocher de n’être pas présent à l’IAE de Nice. Un IAE dont la petite équipe pédagogique ne comprenait qu'un professeur-directeur, un Maître de Conférences, Joseph Raybaud et deux assistants, Alain Massiera et moi-même, accompagnés par une seule secrétaire, Marie Claude Berthommé. Ils allaient cependant recevoir en octobre 1974 le renfort d’Alain Chiavelli et de Robert Teller en provenance du département GEA de l’IUT, qui allaient contribuer à faire progressivement basculer l’enseignement de gestion vers la comptabilité, ce qui a aujourd’hui encore des conséquences pour le développement de l’IAE de Nice. 

De plus, au printemps 1974, j’avais croisé quelqu’un dans le couloir de l’IAE. Il s’agissait d’un professeur américain en congé sabbatique auquel personne ne semblait prêter attention, Kristian Palda, professeur à Queen’s University (Kingston, Ontario) docteur de la prestigieuse Université de Chicago, qui avait écrit en 1964 une fameuse thèse sur le cas Lydia Pinkham, dans laquelle il mesurait, pour la première fois dans l’histoire du marketing, la relation entre la demande et les dépenses publicitaires.

Cette rencontre a eu de très grands effets sur ma carrière et sur ma vie, puisque nous avons noué ce jour-là une coopération scientifique fructueuse et une amitié qui dure toujours, quarante années plus tard. Il faut ajouter qu’en 1987, Kristian Palda sera distingué par son université pour son excellence en recherche, mais en 1974, à part moi, personne ne se rendait compte de la chance de l’avoir dans nos murs.

 

L’année universitaire s’achevait, en juillet 1974, par un deuxième départ pour les Etats-Unis, qui me voyait bien décidé à y rassembler tous les éléments nécessaires pour écrire ma thèse.

 

(À suivre)

 

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