La première cohabitation (1849-1851)
12 Mai 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Oui, les résultats électoraux qui suivirent furent très intéressants.
Ces résultats sont sans appel en faveur du parti de l’Ordre ; sur sept cent cinquante représentants, il obtient quatre cent cinquante sièges, la gauche cent quatre-vingt, et les républicains modérés quatre-vingt. À Paris cependant, les socialistes et les conservateurs sont à égalité, révélant la persistance d’une opinion révolutionnaire dans la capitale, à contrario du reste du pays.
La droite dispose largement de la majorité parlementaire, mais son candidat à la Présidence de la République alors que son candidat, le général Cavaignac, a été battu par Louis-Napoléon. Elle a donc l’intention de reprendre le contrôle du pouvoir au dépens de ce dernier. Une cohabitation vient de s’installer.
Le 28 mai, l’assemblée législative élit un président orléaniste, Dupin. Les monarchistes croient détenir le vrai pouvoir avec l’assemblée, tandis que le président est supposé s’épuiser au contact des dures réalités du pouvoir exécutif. De toute façon, se disent les conservateurs, Louis-Napoléon n’a que quatre ans de mandat sans espoir de renouvellement. Quant à la gauche, elle ne rêve que de coups d’État, puisqu’elle ne voit pas d’autres moyens pour prendre le pouvoir.
La gauche ouvre le feu le 11 juin 1849. Ledru-Rollin demande la mise en accusation du gouvernement Barrot en raison de l’intervention militaire de la France en Italie, en n’hésitant pas à menacer le gouvernement : « La Constitution violée sera défendue par nous, même les armes à la main ».
Deux jours plus tard, il appelle à prendre les armes pour « défendre la République », menacée d’après lui par le gouvernement et la majorité de l’Assemblée législative. Tandis que des manifestations ont lieu à Lyon, Grenoble, Strasbourg, Perpignan, celle qu’il organise à Paris est brisée par les troupes de Changarnier ce qui l’oblige à s’enfuir en Angleterre.
Louis-Napoléon profite ensuite de l’été pour soigner sa popularité par des tournées en Province, tandis que, poursuivant son programme, la majorité conservatrice accentue le contrôle sur la presse et accorde au clergé un rôle plus important dans l’enseignement.
Le 15 mars 1850, la Loi Falloux supprime le monopole universitaire, autorise l'ouverture d'écoles congréganistes et accorde au clergé un certain contrôle sur les écoles publiques. Le résultat de cette mesure sera de mettre pour longtemps le problème de l'école au premier plan des préoccupations politiques.
Or le 10 mars et le 28 mars 1850, la gauche a remporté 21 des 31 sièges des députés de gauche invalidés, ce qui fait prendre conscience à l’Assemblée que la gauche qu’elle avait prématurement enterré, a conservé une influence substantielle dans l’électorat.
C’est ce qui pousse l’Assemblée à réagir en faisant machine arrière par rapport au suffrage universel, par une loi du 31 mai 1850 qui subordonne le droit de vote à trois ans de résidence et au paiement d’une taxe. Selon cette loi, le nombre des électeurs passe de 96180000 à 6809000. À Paris, il passe même de 224000 à 74000.
Désormais, tout était en place pour que Louis-Napoléon abatte son jeu, en se situant à mi-chemin entre la gauche révolutionnaire et les conservateurs.