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Le blog d'André Boyer

UN PETIT MONDE TRANSPLANTÉ À DAKAR

21 Avril 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

UN PETIT MONDE TRANSPLANTÉ À DAKAR

 

Chacun de nous se trouvait transplanté dans un monde qui n’était pas le sien.

 

Les parents, la famille, les amis n’étaient pas là. Les contacts établis depuis l’enfance, l’adolescence, les études, le travail étaient interrompus. Transplanté dans un monde autre, chacun se cherchait un rôle à jouer, sans trop s’éloigner de sa raison d’être à cet endroit, la coopération.

C’est la raison principale qui faisait que nous nous retrouvions entre nous, les coopérants. Un petit monde qui renfermait des personnes qui apprenaient à se connaître, à se lier d’amitié avec certains, à s’ignorer profondément ou parfois à se détester cordialement avec d’autres.

Ce petit monde était irrigué par les visites des proches et asséché par d’incessants départs. Aussi, l’aéroport de Dakar-Fann était-il un lieu de rencontre habituel, car les parents, les enfants, les amis y arrivaient et en repartaient sans cesse. Il n’y avait guère de semaines ou nous nous n’y rendions pas, le plus souvent autour de minuit, qui était l’heure de départ des avions vers la France.

J’ai ainsi reçu mes parents, qui souffrirent beaucoup de la chaleur dans notre voiture non climatisée (la 204 jaune), ce qui nous contraignit à trouver de toute urgence à Kaolack, une ville de l’intérieur du pays, donc très chaude, un bar climatisé pour y reprendre haleine. Mon fils ainé, étudiant, vint passer une quinzaine de jours à Dakar, mon frère de même, qui ne se risqua pas très longtemps au jogging qu’il affectionnait sous d’autres cieux. Mon cousin, Christian Marty, aujourd’hui disparu aux commandes du Concorde, prit Dakar pour base de départ pour effectuer la toute première traversée de l’Atlantique en planche à voile.

Bref, nous avions des visites et nous assistions à des évènements, comme la visite de ministres (je raconterai plus en détails celle du Ministre de la Coopération à Nouakchott) ou même celle du Président de la République François Mitterrand à Dakar, accompagné de journalistes dont mon parent par alliance, Georges Bortoli. À cette occasion, je fis en sorte, grâce à une belle opération d’intox en partie involontaire, qu’il retienne de sa visite que les coopérants n’étaient pas dans une situation aussi privilégiée que l’on pouvait le croire en haut lieu.  

C’était le temps où la « vieille Coop » de la rue Monsieur comptait quinze mille assistants techniques qui proposaient une coopération omniprésente, familiale et de proximité, avec ses conseillers zélés, ses Orstomiens barbus et ses volontaires du service national qui faisaient leur apprentissage de l’Afrique.

Mitterrand…

J’étais à Dakar en mai 1981, quand il fut élu. Le dépouillement donna lieu à une scène surréaliste. Alors que l’on annonçait les résultats locaux qui donnaient une écrasante avance au candidat Giscard, nous apprenions en même temps par RFI, en raison du décalage horaire, que Mitterrand était élu. Ses partisans firent la fête dans un Dakar un peu tétanisé, une fête à laquelle tout le monde finit par se joindre, emporté par une ambiance joyeuse qui surplombait les humeurs partisanes.

En dehors de ces évènements extraordinaires, nous effectuions quelques excursions. En quelques heures, on pouvait atteindre par exemple le lac Retba, ou lac Rose, point terminal de feu le Rallye de Dakar. Le lac est de couleur rose, en raison d’une cyanobactérie qui fabrique un pigment rouge pour lutter contre l’énorme concentration de sel, 380 grammes par litre et les habitants des villages voisins sont particuliérement rugueux, pour ne pas écrire plus.

Je me souviens d’une excursion dominicale organisée par mon collègue niçois Alain Massiera, propriétaire récent d’un magnifique et lourd Toyota 4x4, en compagnie d’un de mes cousins par alliance, Cyrille Perzinsky. Alain, voulant démontrer les qualités tout terrain de son engin, s’enfonça jusqu’aux portières dans la boue salée du lac et y resta. Le câble dont était fièrement équipé le véhicule cassa dés que nous tentèrent de nous en servir pour nous extirper du piège.

Les habitants, rigolards, nous proposèrent alors leur aide contre rétribution. Alain refusa dignement, ce qui nous obligea à essayer dé dégager le véhicule à force de coups de pelle dans des jaillissements de boue. La plaisanterie dura toute la journée. La nuit tombait, nous nous apprêtions à abandonner le véhicule pour regagner Dakar par des moyens hasardeux, quand, dans un rugissement monstrueux du moteur et un déluge de boue, le véhicule piloté par Alain réussit dans un ultime effort à s’arracher de la gangue.

Couverts de boue de la tête aux pieds, nous regagnâmes nos pénates, fourbus, contents et moyennement crânes…  

 

Mais nous allions parfois plus loin, beaucoup plus loin, à plusieurs sens du terme...

À SUIVRE

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