FAKE POLITICS FOR FOOLISH FOLKS
À l’heure où je publie ce billet, on attend l’annonce prochaine de bombardements étasuniens* sur la Syrie, officiellement justifiés par quelques fake news. C’est sans doute pourquoi j’ai fait un rêve merveilleux cette nuit : tout le monde se ralliait à la politique des États-Unis.
Vladimir Poutine renonçait à la présidence de la Russie. Un opposant pacifiste était élu. Il laissait tomber la partie russophone de l’Ukraine, qui était aussitôt reconquise par les troupes ukrainiennes. Le nouveau président russe décidait aussi d’abandonner la base maritime de Sébastopol et un referendum ad hoc entérinait le retour de la Crimée à l’Ukraine.
Peu après, l’Allemagne annonçait un fort accroissement de ses investissements en Ukraine et son soutien à l’adhésion du pays à l’UE. Comme toujours, la Pologne se sentait flouée.
Dans des discussions ouvertes avec les Etats-Unis, le nouveau président russe annonçait le renoncement unilatéral de la Russie à son armement nucléaire. Il convenait aussi que la Russie avait bien tenté d’influencer les élections US, le Brexit, l’élection présidentielle française, les élections législatives italiennes et même celles du Luxembourg. Il confirmait enfin que la Russie était à l’origine de la tentative d’assassinat de Sergueï Skripal et de sa fille.
La presse britannique exultait mais la pauvre Theresa May était atterrée : comment faire oublier ses difficultés intérieures maintenant que l’ours russe s’était couché ?
Compte tenu du repli russe, Bachar El Assad se réfugiait soudainement en Corée du Nord. L’ASL, l’Armée Syrienne Libre, s’emparait de Damas en exécutant tous les soutiens du régime qui ne s’étaient pas enfuis. L’ASL se mettait d’accord avec la Turquie pour abattre les Kurdes contre l’accord implicite de la liquidation des alaouites, des druzes et naturellement des chrétiens. Le nombre de réfugiés syriens augmentait encore, car, curieusement, personne ne voulait rentrer dans la Syrie Libre.
L’Iran abandonnait le Hezbollah et les Houthis yéménites, qui s’effondraient l’un et l’autre et il annonçait qu’il mettait fin à ses essais balistiques. Des manifestations de plus en plus nombreuses laissaient présager la fin du régime, qui n’hésitait pas, pour calmer la population, à annoncer l’ouverture prochaine de cent restaurants McDonald dans le pays.
Le Département d’État ne savait plus quoi penser. Fallait-il accroitre encore les sanctions contre l’Iran pour qu’il s’effondre au plus vite ou au contraire les supprimer toutes pour aider McDonald et ses congénères à s’installer en Iran? Que faire ?
Pendant ce temps, l’Arabie Saoudite annonçait d’une part qu’elle renonçait à son programme d’achat de matériel militaire américain et d’autre part son intention d’accélérer son programme nucléaire en raison de « l’instabilité régionale » : un futur ennemi ?
Quant à la Corée du Nord, l’assassinat de Kim Jong-Un et la prise du pouvoir par l’armée précédaient de peu le rattachement de la Corée du Nord à son voisin du Sud. Bachar El Assad, qui s’y était réfugié, était fait prisonnier par l’armée étasunienne et se pendait peu après dans sa cellule. La Chine, dans la foulée, annonçait une baisse de son budget militaire au profit d’investissements massifs dans l’énergie solaire.
Adieu, la belle base américaine prévue à Jeju, au large de la Corée!
C’est alors que moi, le Président des Etats-Unis, me réveillait en sursaut! Quel cauchemar ! Plus d’ennemis ? Qu’allaient devenir les Etats-Unis ? Le scenario du western se déroula en accéléré devant mes yeux : le génocide des Indiens pour faire de la place, la merveilleuse opportunité de la guerre européenne de 1914-1918 couronnée par la magnifique manœuvre stratégique de Wilson imposant le traité de Versailles tout en sachant que le Sénat y serait hostile, rendant inévitable une guerre de revanche qui permettrait de liquider toutes les velléités des empires concurrents. Puis l’excellente création de l’URSS qui avait permis de faire des Etats-Unis les leaders du « monde libre » ! Libre ! Libre d’être régentés par nous !
Eh puis l’effondrement de l’URSS. Bonne surprise d’accord, mais comment contrôler le monde sans ennemis ? C’était juste impossible. C’est pourquoi, loin de la fin de l’histoire, on avait inventé l’Axe du Mal, fait la guerre à l’Irak, combattu les talibans que l’on avait précédemment armés, puis on avait imaginé le printemps arabe, la Syrie, l’Ukraine et la menace coréenne…
À la CIA, on avait même créé une cellule spécialisée dans la fabrication continue d’ennemis, coordonnée avec nos ONG et nos médias qui mettaient en scène ses scenarios.
Mais maintenant, sans ennemis, qu’allions nous devenir ? Plus d’alliés, juste des concurrents, les Etats-Unis réduits à n’être qu’un pays quelconque, à peine cinq pour cent de la population mondiale, obligés d’obéir à la loi commune, à adhérer aux conventions internationales, un pays de rien, sans foi ni but : in God, we trust, what for ?
Et les ventes d’armes ? Cent milliards par an pour l’armée étasunienne et bientôt autant pour l’exportation, tout ce marché qui allait s’effondrer ? Et mes électeurs qui allaient se retrouver au chômage ? Et ma réélection, dans les choux ?
Nous avions toujours su trouver des ennemis. Ce n’était pas le moment de craquer.
Le Président réfléchissait rapidement, toujours à demi réveillé. Il restait l’Afghanistan comme ennemi, enfin pas tout l’Afghanistan, juste les talibans. On pourrait organiser en vitesse une petite provocation avec l’aide des services secrets britanniques, ils sont bons pour ce genre de job. Il pensait à une prise d’otage de diplomates par de faux talibans qui finiraient par les exécuter. Puis, le temps de chauffer à blanc l’opinion publique, un petit bombardement atomique en représailles à la frontière du Pakistan. Ça pourrait suffire pour relancer le processus, la guerre, les livraisons d’armes et tout le tintouin :
« Quoi qu’il en soit, il allait falloir agir rapidement pour ne pas mettre en péril ma réélection », pensa le Président qui se leva d’un coup.
Les brumes qui encombraient son cerveau commençaient à se dissiper.
Il appuya sur un bouton :
« Appelez moi Poutine immédiatement ».
« Hello Vladimir ! Hope you are doing great ? Good night, Vladimir, take care ».
Rassuré, il se rendormit comme un bébé.
Et moi itou…
NB: J'emploie dsormais le terme "étasunien" à la place "d'américain" qui concerne tous les habitants d'Amérique et non les seuls habitants des États-Unis.