MÊME LES PIERRES CRIERONT...
22 Avril 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
Le 31 mars dernier, une éternité depuis l’incendie du toit de Notre-Dame, cinq pensionnaires d’un Ehpad dont il est inutile de donner le nom, sont morts, sans doute victimes d’une intoxication alimentaire.
On imagine les raisons de ces décès. Une erreur « humaine », que l’on a aussitôt imputée aux économies que cet Ehpad a dû faire pour permettre aux actionnaires de l’établissement d’obtenir une rentabilité suffisante, compte-tenu des critères en vigueur dans le système financier global.
J’ai entendu ce que l’on affirmait dans les medias. C’est la faute à la voracité des financiers qui cherchent à s’enrichir aux dépens du malheur. Ce malheur qui oblige les familles à confier les dernières années de la vie de leurs parents dépendants à des établissements où l’on s’occupe souvent plus mal d’eux qui s’ils s’en occupaient eux-mêmes. Mais voilà, ils n’ont pas le temps, ils n’ont pas l’argent, ils n’ont pas la place, ils n’ont pas envie, quoi !
Et de condamner ces financiers voraces, qui osent exiger 15% de rendement du capital investi pour s’occuper, à leur place, de leurs vieux parents !
Cette hypocrisie me révulse, car elle permet de se laver les mains à bon compte de sa propre responsabilité aux dépens de ces financiers.
Il est vrai que les financiers sont voraces ! Mais ils ne sont que l’avant garde de l’humanité toute entière, dont la voracité est la première caractéristique. Qui nous empêche de décider que le secteur des Ehpad est purement public ? Ou tout simplement de prendre nos parents chez nous ? Mais cela ne nous arrange pas, car nous ne pensons qu’à toujours plus consommer.
Je sais, il existe des degrés dans la voracité, il y a des très riches qui abusent et des très pauvres qui ne parviennent pas à satisfaire leurs appétits, mais finalement toute l’humanité, personne par personne, essaie de consommer le plus possible aux dépens des autres êtres humains, des autres êtres vivants, animaux et plantes et de toute la Terre, son eau, son air, son sol, ses océans.
Désormais, l’humanité le sait clairement, cette voracité la conduit à sa perte, par la destruction de son environnement. Elle réagira donc, plutôt tard que tôt, pour limiter les effets de sa gloutonnerie. Elle consommera différemment, elle limitera sa démographie, elle vivra des conflits de partage des ressources, bref elle essaiera de durer le plus longtemps possible. L’essentiel de la future histoire de l’humanité est connue d’avance, une lutte qui finira d’autant plus vite que la voracité l’emportera sur l’instinct de survie.
L’intérêt de ce futur se situe dans les détails. Pour l’instant, le couple américano chinois mène le bal des rapaces. Quand va t-il capoter et comment ? L’Afrique est en demande, et avec sa démographie exceptionnelle, elle peut faire basculer le monde dans toutes sortes de conflits. Quand est ce que la philosophie écologiste l’emportera sur la société de consommation ? L'histoire n'est pas écrite.
Dans les interstices de ces détails, nous avons le choix de notre position personnelle :
Si nous sacrifions notre vie à la consommation, épargnons nous le ridicule de faire la morale aux financiers des Ehpad.
Si nous faisons des efforts pour limiter cette consommation, ne nous faisons pas d’illusion sur l’effet de nos actions individuelles sur l’avenir de l’humanité.
Et si nous croyons que ce que nous faisons est bien, ne nous chargeons pas de la responsabilité excessive de l’avenir de l’humanité, puisque nous savons vers où elle se dirige. Regardons placidement les marionnettes nous délivrer leur amphigouri et jouer les jocrisses et contentons nous tout simplement de vivre, selon notre choix.