UN CANADA BRITANNIQUE EXCLUSIF
22 Juillet 2021 , Rédigé par André Boyer
Depuis 1760, les Canadiens français résistent en permanence à la tentative de submersion britannique.
Face à la croissance de l'immigration britannique au Canada au milieu du XIXe siècle, l'Église catholique tente ainsi de contrer l'effet de minoration des francophones en encourageant la natalité par « la revanche des berceaux ». Puis, en 1866, l’Assemblée législative du Canada-Est, majoritairement francophone, modernise son droit en abolissant la Coutume de Paris pour introduire le Code civil du Bas-Canada inspiré du Code Napoléon, qui est devenu aujourd’hui le Code civil du Québec.
Les Anglais répliquent avec le British North America Act (BNAA). Le 29 mars 1867, sous la pression des Canadiens anglais, la reine Victoria donna son consentement à la création du Dominion du Canada qui rassemble le Canada-Uni aux colonies du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Cet acte entre en vigueur dès le 1er juillet 1867*, entrainant la dissolution de l'Acte d'Union de 1840 entre le Haut-Canada et le Bas-Canada, maintenant la politique étrangère entre les mains des Britanniques, avec le Comité juridique du Conseil privé de la Reine qui demeure la Haute cour d'appel du Canada et une Constitution qui ne peut être amendée qu'au Royaume-Uni.
C’est ainsi qu’en 1867, le Canada devient une fédération de quatre provinces, l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, avec un régime de monarchie constitutionnelle et un gouvernement responsable à régime parlementaire.
L’expansion du Canada se poursuit à l’ouest avec la réduction des Métis par les Canadiens Anglais lorsqu’en 1870, la colonie de la rivière Rouge devenant la province bilingue du Manitoba. Auparavant, les peuples autochtones et les Métis, descendants d'Amérindiens, de Français et d'Écossais vivaient dans une structure politique qui leur était propre. L’armée britannique provoqua un conflit ouvert avec le peuple métis de la Plaine qui désirait conserver son autorité et son autonomie sur son territoire. La négociation entre le gouvernement provisoire des Métis et le gouvernement canadien permit la création de la province du Manitoba et son entrée au sein de la Confédération en juillet 1870.
Après 1870, les Métis battus se déplacèrent vers l'ouest afin de conserver leur indépendance. Ils fondèrent la colonie de Batoche au nord de Saskatoon. L'arrivée d'immigrants anglais et l'imposition du régime cadastral en remplacement de l'ancien régime seigneurial par le gouvernement canadien provoquèrent le soulèvement du peuple métis qui prit les armes afin d'établir un État indépendant qui fut battu par les armées britanniques en 1884. Cette conquête permit la création en 1905 de l’Alberta et du Saskatchewan, tandis que les Amérindiens étaient parqués et abandonnés à leur sort dans des réserves.
Du côté des Canadiens français, la résistance resta vive contre le diktat des Canadiens anglais : en 1918, la population québécoise manifesta son opposition à la conscription décidée par le gouvernement canadien par des émeutes qui montrèrent que les Canadiens français étaient traités comme des citoyens de seconde zone. Puis pendant les années 1960 de Jean Lesage, le père de la Révolution tranquille, les Québécois se mobilisèrent contre leur sous-représentation dans les postes stratégiques et économiques, alors que la société québécoise commençait à s'urbaniser.
En 1967, René Lévesque fonda le Mouvement Souveraineté-Association qui mena à la formation du Parti Québécois et à d’autres partis indépendantistes plus radicaux, tandis que le « Vive le Québec libre ! » de Charles de Gaulle à Montréal faisait connaître la question québécoise à la communauté internationale.
Pour faire face à cette poussée indépendantiste, la loi sur les langues officielles proclama en 1969 que l'anglais et le français étaient les langues officielles du Canada à égalité devant la loi, mais en même temps la Gendarmerie Royale du Canada effectuait une série d'actes illégaux contre le mouvement souverainiste du Québec. Alors qu’en 1980, 59,6 % des électeurs rejetaient la proposition de souveraineté association, le Premier Ministre Fédéral et les Premiers Ministres provinciaux, en réaction au mouvement indépendantiste, demandaient en novembre 1981 le rapatriement de la Constitution en excluant le Québec des négociations.
C’est ainsi que lorsque le Canada rapatria sa Constitution depuis la Grande-Bretagne le 17 avril 1982, il créa un État souverain dont les modalités d’organisation n’avaient pas été approuvées par l’Assemblée Nationale du Québec.
Aussi, en 1995, un nouveau référendum sur la souveraineté du Québec ne fut rejeté que d’extrême justesse, à 50,6 % des voix. À la suite de ce referendum, l'Assemblée Nationale du Québec vota à l’unanimité la loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple du Québec et de l’État du Québec.
Aujourd’hui, en 2021, François Legault est le Premier Ministre d’un Québec qui oscille toujours entre la résistance à la domination anglo-saxonne et la recherche d’accommodements raisonnables. Car, comme le relate la succession des évènements historiques depuis 1763, la société canadienne française a du sans cesse défendre sa différence face à une société canadienne anglaise qui n’a ni cherché à l’inclure ni à lui concéder le droit d’avoir une identité propre.
Est-ce que la société française est non soluble dans la société anglaise ou est-ce que la société anglaise est fondamentalement incapable d’assimiler toute autre société ? That is the last question…
*Le 1er juillet est devenu le jour de la fête nationale du Canada.
FIN