LA CRISE FINANCIÈRE ISLANDAISE
Le déroulement de la crise islandaise est particulièrement instructif, puisqu’il a été résolu par un processus politique fondé sur une révolte populaire.
En 2007, les quatre principales banques du pays avaient une dette extérieure de plus 100 milliards de dollars US correspondant à sept fois le PIB de l’Islande ou encore à 300 000$ par habitant !
Comme le marché financier domestique était très restreint, les banques islandaises avaient en effet financé leur expansion par des dépôts hors Islande et avec des emprunts sur le marché interbancaire. De leur côté, saisis par l’euphorie, les Islandais avaient contracté une forte dette privée, équivalente à 213 % du revenu disponible du pays, ce qui a engendré une inflation de 14 % en 2007-2008, incitant à son tour la Banque centrale d'Islande a maintenir des taux d'intérêt élevés, ce qui, par un effet de ricochet, avait encouragé les investisseurs étrangers à déposer des avoirs en couronne islandaise ce qui a accru exagérément la masse monétaire islandaise.
À ce stade, nous ne pouvons que faire le parallèle, toute proportion gardée, avec la politique actuelle de la BCE qui a décidé d’injecter 60 milliards d’Euros par mois jusqu’en septembre 2016 dans les économies de la zone Euro alors que la croissance est très faible. En agissant ainsi, la BCE provoque sciemment la formation d’une bulle financière qui finira par exploser, ruinant nombre d’acteurs économiques et financiers.
En Islande en tout cas, s’était installé en 2008 une situation de bulle financière que naturellement personne ne voulait voir puisque personne n’y avait intérêt. Et, comme en Grèce actuellement, les banques islandaises avaient de plus en plus de difficultés à se refinancer sur le marché interbancaire, les créditeurs exigeant d’être payés alors qu’elles n’étaient plus en mesure d'obtenir de nouveaux emprunts. De plus, et à la différence cette fois de la Grèce, ces banques ne pouvaient pas demander de l'aide à leur banque centrale, en tant que prêteur de dernier recours, car leur bilan cumulé était beaucoup plus important que le PIB islandais.
C’est ainsi que les banques islandaises furent acculées au dépôt de bilan et nationalisées fin septembre 2008.
Les effets sur l’Islande furent dévastateurs : entre janvier et octobre 2008, la couronne islandaise perdit près de 50 % se sa valeur face à l'euro et la hausse des prix atteignit 14 %. Arrivant après la bataille, les quatre agences de notation abaissèrent comme un seul homme la notation financière de l’Islande de A+ à BBB-. La belle affaire ! On se demande à quoi servent ces agences, en tout cas pas à prévoir les évènements financiers.
Stupéfaite, la population découvrit le désastre. Des manifestations eurent lieu régulièrement devant le Parlement pour exiger la démission du gouvernement et du directeur de la Banque Centrale, ainsi que l’organisation d’élections anticipées.
Pendant ce temps, Icesave, une filiale de la banque privée Landsbanki désormais nationalisée, avait « suspendu » ses trois cent mille comptes bancaires le 7 octobre 2008, provoquant la panique non seulement des clients de la banque mais également de l'ensemble des marchés financiers.
Le gouvernement anglais, apprenant que les Islandais bénéficieraient de la priorité du remboursement de leur créance, n’hésita pas à faire classer Icesave comme une organisation terroriste afin de bloquer les avoirs de sa branche britannique ! Comme quoi quelqu’un qui ne paie pas ses dettes relève du terrorisme pour son créancier ! Pour éviter une panique bancaire, les gouvernements britannique et néerlandais prirent l’initiative de rembourser les clients d’Icesave via leur propre fonds de garantie, tout en se retournant vers le gouvernement islandais pour se faire rembourser.
Des négociations commencèrent entre les trois pays afin de trouver un accord sur les modalités de remboursement. Le 28 août 2009, le parlement islandais votait, par 34 voix pour, 15 contre et 14 abstentions, une loi permettant de rembourser au Royaume-Uni et aux Pays-Bas plus de 5 milliards de dollars correspondant à une partie des pertes d'Icesave. Puis le 30 décembre 2009, le Parlement islandais adopta une version encore plus contraignante pour l’Islande.
C’en était fait de l’Islande, comme de la Grèce, de l‘Irlande, du Portugal ou de l’Espagne : les Islandais allaient devoir se serrer la ceinture pour réparer les folies de leurs banquiers !
Mais c’était sans compter sur la volonté de la petite population islandaise, moins nombreuse pourtant que celle de la ville de Nice. Le Président de la République Islandaise refusa de promulguer la loi et décida de la soumettre à un referendum qui eut lieu le 6 mars 2010 et qui rejeta, par 93,2% des votants, la loi de remboursement votée par le Parlement.
Avec une remarquable obstination à obtempérer aux ordres des financiers, le parlement islandais remit ça l'année suivante : il approuva un nouvel accord, plus souple, permettant d'étaler les remboursements entre 2016 et 2046. Mais le peuple islandais était aussi obstiné que son Parlement. Soumis à referendum le 9 avril 2011, le nouvel accord fut rejeté par encore 59,1 % des votants.
Mais la situation se débloqua bizarrement le 2 septembre 2011, lorsque la maison mère d’Icesave, Landsbanki, annonça qu'elle était finalement en mesure, grâce à la vente de ses actifs, de rembourser à terme les gouvernements britannique et néerlandais pour 8 milliards d'euros. C’était ce que Landsbanki affirmait pourtant depuis le début de la crise mais que les gouvernements britanniques et néerlandais, et l’UE qui les soutenaient mordicus, n’avaient pas voulu entendre pour obtenir encore plus et réduire à merci l’économie islandaise avant de l’intégrer à l’UE.
Fin de la crise financière islandaise, mais elle allait être suivie d’une crise politique.
Moralité de ce second épisode : ne laissez pas les banques et leurs affiliés, Parlements et hommes politiques adeptes des solutions de facilité, vous imposer les solutions qui les arrangent et qui, accessoirement, vous ruinent, n’est ce pas mes amis grecs ?