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Le blog d'André Boyer
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ÉCHEC ET MAT À BORISOV?

24 Août 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

ÉCHEC ET MAT À BORISOV?

À Orsha, Napoléon s’efforce de réorganiser ses troupes. Avec les trente-six canons et les chevaux qu’il y trouve, il fait six batteries. Il demande inlassablement de détruire les voitures non indispensables et il fait lire partout un ordre du jour enjoignant aux traînards de rejoindre les unités régulières, sans beaucoup de succès.

 

La tentation était grande de faire enfin une pause. Le temps était plus clément et à Orsha, on avait enfin trouvé des vivres. Or, il fallait continuer à avancer coûte que coûte, à cause de la prise de Minsk par Tchichakov. Mais qu’elles étaient silencieuses et accablées, ces troupes qui avançaient sans relâche ! Et que dire des traînards qui les entouraient !

Napoléon quitte Orsha le 20 novembre 1812 au soir, pour s’installer quinze kilomètres plus loin, à Baranui. Le 21 novembre, l’arrière-garde détruit à Orsha les ponts sur le Dniepr, tandis que Napoléon s’établit à Kokhanov, toujours tourmenté par la question du pont de Borisov, qu’il faut à tout prix conserver. 

Las, le lendemain, alors qu’il marche vers Tolotchino, il apprend que Tchichakov vient de s’emparer, non seulement de la tête de pont, mais de la ville de Borisov elle-même ! Car Dombrowski n’a pas pu résister, avec ses cinq mille cinq cents hommes, à l’armée de Tchichakov, cinq fois plus nombreuse. En apprenant la nouvelle, Napoléon, d’ordinaire si maître de lui, ne peut s’empêcher de montrer sa consternation…

Comment s’en sortir ? Il ne reste qu’une seule solution, trouver un passage pour traverser la Bérézina malgré Tchichakov, et tout de suite, pour ne pas être pris en tenaille par Wittgenstein et Koutousov ! En plus, comme on n’a plus d’équipages de pont, il va falloir construire des chevalets et tout cela sans outils !

Mission impossible !

Napoléon voit bien que la situation est redevenue aussi critique qu’à Krasnoï. Platov talonne son arrière-garde. Wittgenstein le serre à droite, avec pour seul écran le corps d’armée de Victor. Comment empêcher Tchichakov et Wittgenstein de se réunir pour couper sa route ?

Rien d’autre à faire que de prendre toutes les mesures possibles : tout en se hâtant vers Toloczin, il donne ses ordres. Puisque Dombrowski a pu s’enfuir de Borisov avec mille cinq cents hommes, qu’il se joigne à Oudinot. Que ce dernier marche sur Borisov pour reprendre la ville. Qu’ils prévoient tous deux la construction de deux ponts, à droite ou à gauche de Borisov, si d’aventure le pont actuel était détruit. Il faut qu’il soit maître d’un passage dans 48 heures. Il n’y a pas une minute à perdre ! 

La partie d’échec devient alarmante. Pour retarder l’échec et mat, le joueur déplace le roi, puis il prend un pion avec la seule tour qui lui reste mais son adversaire riposte en bloquant tous ses mouvements avec un fou : le 23 novembre, Napoléon s’établit à Bobr, quelques kilomètres au sud-est de Borisov pour faire croire à Tchichakov qu’il va passer au sud. Oudinot reprend Borisov, mais Tchichakov fait aussitôt détruire le pont.

Dans la nuit du 23 au 24 novembre, Oudinot fait procéder à des reconnaissances le long de la Berezina de part et d’autre de Borisov. Il trouve un passage au-dessous de la ville, qui s’avère peu praticable pour l’artillerie et trois au-dessus, dont celui de Studianka, à 16 kms au nord de Borisov et aussi celui de Wésélowo quatre kilomètres encore plus au nord.

C’est le choix de Studianka qui s’impose à Oudinot, grâce au passage de la Bérézina qu’a réalisé Corbineau à cet endroit : une de ses patrouilles a remarqué un paysan dont les vêtements étaient mouillés et ce dernier leur a montré l’emplacement du guet, entre Studianka et Brillowo. Les rives ont donc été reconnues des deux côtés et l’on sait que la rivière y est peu profonde, que les abords sont faciles et que le débouché marécageux est possible grâce à la gelée. Il reste que la colline en face peut permettre à l’ennemi, s’il s’y installe, d’empêcher la traversée.

Le 24 novembre, Napoléon met tous les pontonniers, sapeurs et mineurs qui lui restent aux ordres d’Oudinot pour construire les ponts. Le même jour, il fait brûler la moitié des voitures dont il récupère les chevaux pour l’artillerie, qui seule donne les moyens de tenir les ponts. Faisant feu de tout bois, il forme deux compagnies de cavalerie en rassemblant tous les officiers montés. 

Ces instructions données, Napoléon quitte Bobr pour Losnitza le 24 à 10 heures du matin, se rapprochant encore de Borisov. Dans la Grande Armée, l’angoisse est palpable, car chacun sait que le pont de Borisov est coupé, que Tchichakov empêche le passage de la Bérézina, que Wittgenstein est si prés à droite que l’on entend le feu de ses canons contre Victor, et que Koutousov, derrière, se rapproche.

Chacun conjecture sur les chances de pouvoir sortir vivant de ce guêpier : le général Rapp, aide de camp de Napoléon rapporte : « Ney me prit en particulier, nous sortîmes ; il me dit en allemand: « Notre position est inouïe; si Napoléon se tire d’affaire aujourd’hui, il faut qu’il ait le diable au corps. » Nous étions fort inquiets, et il y avait de quoi. Le roi de Naples vint à nous, et n’était pas moins soucieux : « J’ai proposé à Napoléon, nous dit-il, de sauver sa personne, de passer la rivière à quelques lieues d'ici ; j'ai des Polonais qui me répondraient de lui, et le conduiraient à Wilna; mais il repousse cette idée, et ne veut pas en entendre parler. Quant à moi, je ne pense pas que nous puissions échapper. » Nous étions tous les trois du même avis. »

Napoléon lui-même ne cache pas son inquiétude lorsqu’il écrit, dans l’instruction qu’il envoie, le 25 novembre à 5 heures du matin : « …Faites donc brûler ; dans 24 heures nous serons peut-être obligés de tout brûler… »

Ce matin-là, il va à Borisov où il s’efforce de faire croire, en déployant moult activités visibles, que rien de sérieux ne se trame à Studianka. Pendant ce temps, il ordonne de commencer dans ce dernier village la construction des ponts dès le soir.  

 

Malheureusement, si l’on a bien fabriqué une vingtaine de chevalets, le bois utilisé se révèle trop faible, et ils sont inutilisables…

 

À SUIVRE

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