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Le blog d'André Boyer
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LEÇONS AFGHANES

23 Septembre 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LEÇONS AFGHANES

Ce n’est pas encore le moment de passer à autre chose. Ne nous mettons pas la tête dans le sable, car il y a quelque chose qui ne va pas, quelque chose d’essentiel, dans la rapide défaite de l’armée afghane.

 

Des soldats plus nombreux et beaucoup mieux armés que les insurgés, appuyés par l’armée américaine, n’ont pas résisté plus de quelques semaines à l’offensive des Talibans. Cette défaite reste celle des Américains, appuyés par leurs vassaux occidentaux découvrant tardivement que leur suzerain les a mis devant le fait accompli. Mais pourquoi cette fuite américaine ? Nous comprenons déjà un peu mieux, après l’affaire des sous-marins australiens, quel est l’objectif américain : concentrer toutes leurs forces pour affronter les Chinois.

Mais au passage, n’oublions pas comment cette défaite fut acquise. Feu l’armée afghane était une armée neutre, d’aucune  couleur ethnique, ni pachtoune, ni tadjike, ni ouzbèke, ni hazara. Bêtement, les pachtounes, solidement enracinés dans le sunnisme et l’ethnie pachtoune du sud du pays, ont mobilisé les solidarités au combat puis les ont dépassées en ralliant des partisans dans le Nord quand leur succès est devenu probable. La leçon à tirer de l’erreur américaine est que notre lecture de la société afghane est  erronée : les ethnies, les tribus, la religion en sont le socle.

Et ce n’est pas le seul pays au monde dans ce cas. Les populations qui ont résisté à la poussée djihadiste étaient des minorités fortement solidaires, les Alaouites en Syrie, les Kurdes en Irak ou les Zaghawa au Tchad. Nous les Français, nous n’en avons pas tiré les conséquences au Mali :  sur qui nous appuyons-nous ? Pas sur les Touaregs semble-t-il. Quelle est alors notre vision de la société malienne ? Quels dirigeants devons-nous soutenir ? Si nous ne changeons pas d’analyse, un départ tout aussi piteux à Bamako qu’à Kaboul nous attend, et nous n’en tirerons aucune leçon, sinon celle que nous ne devons plus nous engager nulle part, prélude à des renoncements plus profonds et à des catastrophes plus sévères.

Vous voyez, c’est le moment d’ouvrir les yeux.

Les Étatsuniens ont cru qu’ils pouvaient gagner la guerre en montrant les avantages de la paix. Ils ont étalé leur supériorité technique, pensant à la fois effrayer et donner l’envie de les égaler, ils ont installé l’école où ils ont imposé l’indifférence à l’origine ethnique, ils ont proclamé la supériorité des choix de l’individu sur ceux du groupe, comme le choix pour la femme de se voiler ou pas, ils ont cru pouvoir restreindre la violence en dénonçant le terrorisme comme un crime contre l’humanité. Partout, il se sont drapés dans les oripeaux des Droits de l’Homme, rejetant la faute sur l’archaïsme, donc le retard à rattraper, de la société afghane. Encore un peu de temps, prophétisaient-ils, et la société afghane deviendrait congruente à la société américaine.

Et tout s’est effondré : les Afghans occidentalisés de Kaboul ne se sont pas battus, ils ont juste fui vers les aéroports. Imaginons un instant qu’une dizaine de milliers de Talibans débarquent soudainement à Paris, nous aussi nous fuirions en désordre vers les aéroports.

Sauf que ces Français, si individualistes et si détachés de tout groupe d’appartenance, comptent dur comme fer sur le dévouement de leur armée, disciplinée, organisée et prête à défendre la France en toutes circonstances. Nos soldats sont priés d’y croire à la nation, puisqu’ils se sont engagés à mourir en son nom pour un salaire légèrement supérieur au SMIC.

En attendant que nous cessions de déléguer à nos soldats la foi en la nation pour y croire nous, nous perdons la guerre, nous l’acceptons d’un cœur léger et nous sauvons la face en prétendant dicter la paix. Les injonctions aux Talibans se multiplient dans les déclarations des dirigeants occidentaux, relayées par les Nations Unies. Les droits des femmes et des minorités, en clair les droits des homosexuels, seront protégés en Afghanistan, entend-on. Pour se rassurer, on assure que les Talibans ont plus besoin de nous que nous d’eux. Fadaises.

Mais l’essentiel est de réaffirmer des principes, dont la grandeur tient à ce que l’on est incapable de les appliquer : l’essentiel est de dire le bien, sans s’occuper de le traduire en action. La parole remplace les actes, croit-on, jusqu’à ce que les actes vous rattrapent au détour d’un attentat.

Cependant d’autres feront l’histoire, car la victoire des Talibans souffle sur les braises de l’islamisme. Nous allons courber l’échine lors des prochains attentats, mais ce ne sera pas si grave, sauf pour ceux qui les subissent. On versera quelques larmes sur leur malheur, avant de regarder ailleurs.

 

Mais lorsque les Talibans ou leurs homologues nous menaceront vraiment dans notre vie quotidienne, dans nos mœurs, dans nos croyances, quels hommes, au nom de quelle idéologie ou de quelle foi, leur répondront ? Vous avez une idée, sinon enfouir votre tête dans le sable ?

 

Billet très librement inspiré de l’article de Gabriel Martinez-Gros publié dans le Monde du 9 septembre 2021 et platement intitulé « En Afghanistan, l’Occident a privilégié la parole et non l’action »

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MOSSADEGH JOUE ET PERD

11 Septembre 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

MOSSADEGH JOUE ET PERD

Au printemps de 1953, Mossadegh essaie de contester le droit du Chah à agir sur le pouvoir exécutif, en clair à l’écarter du pouvoir.

 

Les mois passent et le pétrole iranien ne se vend toujours pas. Parce qu’il soupçonne que nombre de députés sont stipendiés par des puissances étrangères, Mossadegh décide de dissoudre le Parlement en procédant par référendum. Ce dernier, qui a lieu le 3 août 1953, approuve la dissolution du parlement à une large majorité conduisant à la tenue prochaine d'élections que le Premier Ministre espère remporter largement.  

Le 2 août 1953, Mossadegh interdit au Chah de recevoir des visiteurs étrangers sans son autorisation préalable. Cependant, le 11 août 1953, le Chah quitte Téhéran avec son épouse et une petite suite se rend dans une de ses résidences années près de la mer Caspienne, où se trouve une de ses résidences d'été́. Quatre jours plus tard, il signe un décret impérial qui renvoie Mossadegh et le remplace par le Général Zahedi.

Le décret est porté à Mossadegh par le commandant de la garde impériale, le colonel Nassiri. Mossadegh ordonne l'arrestation de ce dernier, ce qui provoque  la fuite du Chah, qui gagne Rome, en passant par Bagdad.

Mossadegh prétendait que seul le parlement avait le droit de révoquer le Premier ministre, mais il occultait le fait que la dissolution du Parlement donnait au Chah le droit de le déposer. En outre, il pensait que Mohammad Reza Shah Pahlavi n'oserait pas le faire, car il ignorait que la décision du chah avait été prise en collaboration avec les services secrets américains et britanniques.

En effet, après que Mossadegh ait refusé en janvier 1953 la proposition d’Einsenhower et de Churchill, Washington craignait que Mossadegh ne se tourne vers l'Union Soviétique. Il décida de remplacer Mossadegh en organisant un coup d’état (opération TP-AJAX). La Garde Impériale avait été chargée par le Chah d'occuper les endroits stratégiques, tandis que Mossadegh diffusait à la radio un message qui dénonçait un coup d'État contre le gouvernement, mettait en place un conseil de régence et organisait des manifestations en sa faveur.

Mais, le 19 août 1953, des manifestants pro-Chah défilèrent dans les rues de Téhéran. Ils furent rejoints par des unités policières et militaires qui prennent d’assaut le quartier général de l'état-major de l'armée, tandis que la publication par la presse de copies du décret impérial, qui avait été caché par Mossadegh, le déstabilisait. S’y ajoutait la position des forces religieuses menées par les ayatollahs Kashani, Bouroudjerdi et Behabahni qui appelaient à soutenir le Chah et Zahedi. À Tabriz, Ispahan et Chiraz, les manifestants occupaient les bâtiments publics et les stations de radio locales annonçaient leur soutien au Chah Mohammad Reza Pahlavi.

Des affrontements armés eurent lieu entre les partisans de Mossadegh et les forces de Zahedi devant la résidence de Mossadegh où il s’était barricadé, faisant plus de 200 morts. Mossadegh et ses plus fidèles partisans s'enfuirent, avant que la maison ne soit incendiée. Apprenant la fuite de son rival, le général Zahedi apparut enfin et se rendit maitre de la capitale.

Cinq jours plus tard, alors que le Chah rentrait en Iran,  Mossadegh se rendit. Il fut inculpé de haute trahison et déféré́ devant un tribunal militaire.

Le 22 décembre 1953, il fut condamné à mort, condamnation que le Chah réduisit à trois ans d’emprisonnement. Libéré en décembre 1956, il est assigné à résidence dans son village ancestral d’Ahmadabad, dans la province de Qazvin. Plus tard, lorsque le Chah lui fera savoir, qu’il se devait de rester en dehors de la politique, Mossadegh répondit, avec quelque amertume : « Je serais fou de vouloir à nouveau me battre pour un peuple qui ne s'est pas battu pour moi quand j'en ai eu besoin ! »

Mossadegh était un homme politique plein d'énergie et charismatique. Fervent nationaliste, il ne lui manquait probablement qu'une appréciation réaliste des rapports de force.  Sa destitution permit la reprise des négociations sur la question pétrolière et l'arrivée massive des Américains dans le grand jeu pétrolier du pays. Mais Mossadegh avait rendu toute dénationalisation du pétrole iranien impossible. C’est pourquoi, en 1954,un consortium international fut créé́ pour gérer la production pétrolière de l'Iran, dont le pays restait propriétaire.

 

Mirza Mohammad, dit Mohammad Mossadegh, décéda à son domicile le 7 mars 1967. Il fut enterré sous la salle à manger de sa propriété́ familiale, où son corps se trouve toujours.

 

À SUIVRE

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LA CHINE ENFIN

5 Septembre 2021 , Rédigé par André Boyer

LA CHINE ENFIN

On le sait, 1989 fut une année fertile en évènements importants, à commencer par la chute du mur de Berlin, le 9 novembre. Mais cet évènement a été précédé par les manifestations de la Place Tian’anmen qui ont eu lieu d’Avril à Juin 1989.

 

Pour moi, en tant qu’individu, l’année 1989 fut également fertile en évènements remarquables. J’ai déjà mentionné dans des billets précédents les actions que j’ai conduites cette année-là à Madagascar, en Algérie et en Bulgarie, mais la plus importante, et aussi la plus dangereuse, s’est déroulée en Chine.

Les accords entre la Chine et la France relatifs à l’ouverture d’une première école de gestion française à Tianjin avaient été signés les années précédant l’année 1989. Il restait à organiser pratiquement le début de la formation, notamment en sélectionnant les étudiants chinois qui y participeraient.

Nous avions conçu un mode de sélection en deux étapes, écrit puis oral. Utilisant le Quotidien du Peuple, qui, à l’époque, tirait à sept millions d’exemplaires, nous avions largement informé les futurs étudiants de notre programme de formation dans un encart publicitaire qui y fut diffusé fin 1988. Puis, au début 1989, nous avions fabriqué, avec l’aide d’une quinzaine d’universités dispersées dans tout le pays, un examen écrit comprenant une épreuve d’anglais et une épreuve de mathématiques. Toutes les copies reçues,  près d’un millier, avaient été centralisées dans le service culturel de l’Ambassade de France qui avait fait procéder à leur correction.

En avril 1989, nous avions finalement sélectionné quatre-vingt-dix candidats qui étaient convoqués à l’Université Nankai à Tianjin en juin 1989 pour être entendus et sélectionnés par un jury composé de deux professeurs qui viendraient de France. L’idée était de retenir une trentaine d’étudiants et d’en renvoyer une soixantaine dans leurs organisations d’origine. Certains devaient parcourir des milliers de kilomètres en train, pendant parfois une semaine ou plus, pour participer à la sélection orale.

Puis sont arrivés les évènements de Tian’anmen.

Avec un trouble croissant, nous avons pris connaissance des manifestations qui se tenaient à Pékin. Pendant que les journalistes occidentaux saluaient la victoire « irrésistible » du mouvement démocratique, rappelant avec une naïveté dont on a pu ensuite mesurer l’étendue, l’incompatibilité supposée entre le capitalisme et la dictature, nous étions tout simplement inquiets pour la pérennité de notre programme dans un contexte révolutionnaire.

Cette inquiétude s’est encore accrue en entendant les déclarations du Premier Ministre, Michel Rocard, qui prétendait, sinon rompre, du moins geler la coopération (donc notre projet !) entre la France et la Chine pour manifester sa réprobation de la répression subie par les étudiants révoltés.

Pour essayer de réduire la portée de la position politique du gouvernement, j’ai hardiment tenté d’influencer les médias français en faveur d’un jugement plus modéré sur les évènements de Tian’anmen, en sollicitant l’aide d’un parent bien placé au sein de la Télévision Française, en vain évidemment.

C’est alors que les responsables de notre programme, les Ministères des Affaires Étrangères et de l’Éducation Nationale ont manifesté leur résistance, puis leur opposition à l’envoi de deux professeurs pour sélectionner les étudiants. Comme j’avais indiqué depuis le début de l’année mon souhait de participer à ce jury, cette opposition s’est manifestée en ce qui me concernait successivement aux niveaux du Recteur, du Président de l’Université et du Directeur de l’IAE de Nice. Aucun d’entre eux n’était prêt à signer un ordre de mission pour que je puisse me rendre à Pékin. Or, si personne n’y allait, les conséquences les plus graves attendaient les étudiants que nous allions abandonner à leur sort à Tianjin.

Je n’étais pas du tout résigné à accepter que le gouvernement chinois, le gouvernement français, les manifestants sur la place Tian’anmen ou plus pitoyable encore, quelques universitaires et fonctionnaires frileux, se mettent en travers de mon chemin, chemin que j’avais tracé depuis mon séjour à Pékin en 1985 !

Heureusement je n’étais pas seul dans cette détermination inflexible ou obstinée, comme vous voulez, de lancer le projet « IAE de Chine » coûte que coûte. La FNEGE et son secrétaire général, Jean-Claude Cuzzi, hommage lui soit rendu ici, étaient prêts à soutenir ce déplacement, malgré les risques.

 

Aussi décidais-je d’aller envers et contre presque tous à Tianjin en passant par Pékin pour sélectionner nos étudiants, sachant qu’aucun autre volontaire n’était prêt, ni à se substituer ni à se joindre à moi. J’ai failli avoir tort, car il s’en est fallu de peu que j’y perde la vie.

 

À SUIVRE

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L'INCROYABLE MOSSADEGH

29 Août 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

L'INCROYABLE MOSSADEGH

Après la deuxième guerre mondiale, l’Iran lutte contre l’influence de l’URSS avec l’aide des États-Unis qui soutiennent l’armée iranienne.

 

C’est ici qu’intervient le rôle extraordinaire de Mossadegh, symbole du refus des ingérences étrangères, qui permet de mieux comprendre la position actuelle de l’Iran.

Mohammad Mossadegh (1882-1967) est le fils d’un riche dignitaire iranien.  

Trois ans après la mort de son père, il est nommé à l’âge de quinze ans inspecteur des finances de la province du Khorassan et en dix ans, il devint l'un des plus grands propriétaires fonciers iranien mais il échoue à devenir député pendant la révolution constitutionnelle iranienne, malgré l’intervention de son influente famille.

Le 23 juin 1908, le Chah fit bombarder le Parlement qui fut remplacé un Haut Conseil composé de 50 membres personnellement sélectionnés par le Chah dont Mohammad Mossadegh, qui obtint aussi l’autorisation de se rendre à Paris pour s’inscrire tout d’abord à l'École libre des sciences politiques puis ensuite en Suisse où il poursuit des études de droit à l’université́ de Neuchâtel, obtient sa licence en droit avant de passer une thèse qu’il soutient en juillet 1914 et de rentrer à Téhéran.

Il occupe plusieurs fonctions administratives puis, le 21 novembre 1921, devient ministre des Finances. En 1923, il est élu député, mais comme il s’oppose à la nomination de Reza Khan comme Chah, il doit se retirer pendant seize ans de la vie politique dans le village d'Ahmadabad dont il est originaire.

Revenu à la politique en 1942, Mohammad Mossadegh va se tailler progressivement, un rôle de tribun nationaliste, adversaire de toutes les ingérences estrangères, ce qui lui vaudra une très grande popularité́. Il commence par déposer un projet de loi visant à̀ empêcher l'URSS de prendre possession des exploitations pétrolières au nord du pays.

À l’époque, le pétrole iranien, concédé à la toute-puissante Anglo-Iranian Oil Company (AIOC) ne rapporte que 10% des revenus à l'État  iranien. Mais en 1950, l'Arabian-American Oil Company (ARAMCO) accorde 50% des revenus pétroliers à l’Arabie Saoudite. L’Iran s’empresse de demander la même répartition des bénéfices à l’AOIC, agitant, en cas de refus, la nationalisation de l'industrie pétrolière.

Mais Mossadegh s’oppose à un accord avec l’AOIC, déclarant avec virulence  au Premier Ministre, Haj Ali Razmara : « ... Je jure devant Dieu, que le sang coulera, le sang coulera. Nous nous battrons, et nous pourrons nous tuer. Si vous êtes un militaire, je suis plus soldat que vous. Je vais tuer, dans ce Parlement je vais vous tuer ». Le 7 mars 1951, après un communiqué violent de Mossadegh contre le Premier Ministre Razmara, ce dernier est assassiné par un islamiste et, une semaine plus tard, le parlement adopte la loi sur la nationalisation de l'industrie pétrolière.

Le 29 avril 1951, Mossadegh devient Premier Ministre avec l'appui des religieux et des communistes. Mais l’AOIC rejette les termes de la nationalisation et fait appel à l'arbitrage de la Cour internationale de Justice de La Haye qui n’aboutit pas. Mossadegh ferme les consulats britanniques tandis que le Royaume-Uni organise efficacement le blocus naval des exportations pétrolières de l'Iran.

Mossadegh, qui veut les pleins pouvoirs, se heurte au Parlement et au Chah qui les lui refusent. Il décide donc de démissionner. Mais Mossadegh symbolisait l'orgueil national et les sanglantes manifestations qui succèdent à cette démission, avec l’appui du parti Tudeh et des dignitaires religieux, contraignent le Chah à le rappeler, le 20 juillet 1952.   

Pendant ce temps, la production pétrolière iranienne est devenue quasiment nulle. Mossadegh réussit cette fois à̀ obtenir un mandat de six mois pour faire adopter des lois par décision gouvernementale sans le consentement du Parlement, ce qui commence à susciter de fortes critiques.

Il utilise ses pouvoirs pour faire adopter une réforme agraire qui réduit de 20 % la part du revenu annuel des propriétaires fonciers. Le Sénat, dominés par les élites du pays s’opposent à sa politique intérieure. Mossadegh réagit contre cette opposition en demandant au Parlement la dissolution du Sénat,  que le Chah et le Parlement acceptent.

Alors que le boycott des exportations pétrolières entraine l’économie iranienne dans sa chute. Mossadegh poursuit sa politique intransigeante en rompant, le 23 octobre 1952, les relations diplomatiques de l’Iran avec le Royaume-Uni. Deux jours auparavant, il avait promulgué une loi interdisant toute grève, remplissant rapidement les prisons. Mozaffar Baghai, co-fondateur avec Mossadegh du Front national et l’ayatollah Kashani, président du Parlement s’opposent alors à lui, si bien qu’à la fin de l’année 1952, seules les forces du parti communiste Tudeh le soutenaient encore.

Le pouvoir de Mossadegh est fortement affaibli, lorsque, le 6 janvier 1953, il demande une prorogation pour continuer à statuer par décret, provoquant des batailles de rue à Téhéran entre les partisans et les opposants à Mossadegh, prorogation qui est finalement acceptée. Mais il reste parfaitement intransigeant. Fin janvier, Churchill et Eisenhower, font une nouvelle offre d'accord à Mossadegh, que ce dernier rejette.

Le Chah commence à juger sévèrement l’inaptitude de Mossadegh à négocier avec l'AIOC. Comme Mossadegh a vidé́ la cour de tous ses opposants réels ou supposés, le Chah et son épouse envisagent, avec l’accord du Premier Ministre, de partir pour l'étranger afin de fuir une capitale de moins en moins sûre pour eux.

 

Lorsque la nouvelle se répand, la rue se soulève en faveur du Chah, qui annule son voyage.  

 

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AFGHANISTAN, UNE DÉFAITE ÉCLATANTE

24 Août 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

AFGHANISTAN, UNE DÉFAITE ÉCLATANTE

Après vingt ans de guerres contre eux, le retour des Talibans au pouvoir m’apparait comme un échec absolu pour les États-Unis et pour leurs alliés. Comment en sont-ils arrivés là et quelles en sont les conséquences prévisibles ?

 

C’est un échec spectaculaire et d’une importance stratégique majeure pour les États-Unis. Spectaculaire, car le départ en catastrophe des Américains et de leurs alliés avec des Afghans qui s’accrochent désespérément  aux ailes des avions, rappelle immanquablement le départ de Saigon et de ces hélicoptères arrachant du toit de leur ambassade les derniers Américains qui s’y trouvaient piégés.

Quant à l’importance stratégique de cette fuite éperdue, elle réside dans la perte d’influence des États-Unis partout dans le monde. En effet, leurs alliés peuvent s’interroger à juste titre sur  la solidité de l’engagement de ce pays qui ne se veut le gendarme du monde que lorsque cette fonction correspond  parfaitement à ses intérêts nationaux. À ce titre, les Taiwanais et les Ukrainiens peuvent s’inquiéter. À l’opposé, les adversaires des États-Unis peuvent se sentir encouragés, comme les Chinois, les Russes et les Iraniens qui ont conservé leurs ambassades à Kaboul ou comme les Islamistes qui y voient une victoire fondatrice.

Bien qu'il soit trop tôt pour évaluer toutes les conséquences de cette défaite retentissante, l’observation de la politique passée du monde anglo-saxon permet d’estimer probable qu’elle se poursuivra après l’abandon de l’Afghanistan. Les États-Unis veulent toujours maintenir leur leadership sur le monde. Il va donc falloir qu'ils le réaffirment par des actes, face à des adversaires qui relèvent la tête et des alliés qui s’inquiètent. Le lieu idéal d’une revanche cinglante est Taiwan, que la RPC prétend annexer quand le fruit sera mûr. Les États-Unis peuvent chercher à entrainer la Chine dans un conflit rapide et localisé, afin de réaffirmer leur domination et d’humilier un pays qui relève trop la tête.

En attendant, la communauté anglo saxonne se cabre. Regardez les déclarations convergentes des gouvernements américains, anglais, canadiens et australiens : il n’est pas question d’avoir la moindre relation avec un gouvernement afghan dirigé par les Talibans. On peut s’attendre aussi à un raidissement de la politique des sanctions économiques et financières, si chères à la tradition anglo-saxonne, contre Cuba, le Venezuela, l’Iran, la Russie et la Corée du Nord. On peut aussi voir bientôt le refus des États-Unis de faire la moindre concession à l’Iran, poussant un peu plus ce dernier vers une coopération privilégiée avec la Chine.  

On peut donc s’attendre à ce que les États-Unis et leurs alliés les plus proches, loin de tirer les leçons de leur échec, poursuivent la même stratégie, invoquant le droit tout en s’imposant par la force.

Laquelle ? En Afghanistan, il s’agissait dans un premier temps pour les États-Unis de renverser un gouvernement qui épaulait le terrorisme qu’il avait subi (le droit), puis d’installer un gouvernement à son goût qu’il a soutenu économiquement et militairement pendant vingt ans (la force).

Puis les États-Unis ont considéré que cette politique de force en Afghanistan était trop couteuse pour eux. Ils ont alors négocié avec les Talibans, tout en décidant de se retirer à date fixe. Le régime qu’ils avaient installé s’est alors effondré en quelques jours. Il aurait pu durer quelques semaines ou quelques mois, mais, de toutes façons, comment un régime porté à bouts de bras par un État étranger aurait-il pu survivre au retrait de son soutien? Demandez-vous par exemple combien de jours le régime saoudien survivrait à un retrait des troupes américaines?  

Laissons donc les États-Unis dans leur croyance qu’ils représentent une société modèle, tandis que seules les armes, dans le cas de l’Afghanistan, leur ont permis de conserver leur influence sur le pays pendant 20 ans pour la perdre en 8 jours, une fois leurs troupes retirées.

Mais que faisait l’armée française dans cette  galère ? De fait, la France a combattu de 2001 à 2014 en Afghanistan, engageant  jusqu’à 4000 hommes, y perdant 90 morts et 950 blessés. Puis à partir de 2014, elle s’est désengagée sur la pointe des pieds de sa mission officielle qui, proclamait-elle, consistait à « sécuriser les zones placées sous sa responsabilité afin de permettre à l’État afghan de se reconstruire, de permettre des opérations de développement et de permettre un déploiement des services de l’État afghan », et, en second lieu, de « permettre une montée en puissance de l’armée nationale afghane» en l’entraînant.

La France croyait-elle donc à un engagement durable des Américains ou s’est-elle contentée d’obéir aux injonctions de son allié dominant ? La seconde hypothèse parait clairement la bonne.

Las, les Américains, fatigués de se battre pour une chimère, ont décidé depuis 2020 de remettre les clés de l’État afghan aux Talibans, des Talibans contre lesquels les forces françaises luttaient depuis 2001, des Talibans qui ont reçu en héritage les deux cent mille hommes de l’armée afghane et les cent mille policiers dotés des mille milliards de dollars d’équipement américains et bien entrainés par la France, entre autres.

La France se retire donc à l’unisson des Américains. Reste désormais la question des réfugiés. Faut-il accueillir les réfugiés afghans qui sont compromis avec la France aux yeux des nouveaux maitres de l’Afghanistan ? Bien sûr, à moins d’ajouter l’ignominie à l’absurde, selon le détestable exemple donné par De Gaulle avec les harkis. Mais faut-il pour autant accueillir tous les Afghans mécontents du nouveau régime ?

 

Ce serait ajouter l’ingénuité  à l’absurde, encore que ce serait justement payer notre prétention à apporter la vérité au monde, vérité pourtant assez clairement battue en brèche ces derniers jours à Kaboul…

 

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LA MONTÉE DU NATIONALISME EN IRAN

21 Août 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

REZA SHAH PAHLAVI

REZA SHAH PAHLAVI

Au début du XXe siècle, le Chah était en butte à de plus en plus de contestations, notamment en raison de sa faiblesse face aux ingérences étrangères.

 

Il lui fallut accepter la création d’un Parlement, la Majles, en octobre 1906.  

Le pays est alors partagé en deux sphères d’influence, le nord aux Russes et le sud aux Britanniques en vertu de la convention anglo-russe de 1907. Lorsque les Britanniques essaient d’imposer un accord pétrolier anglo-persan en 1919, ce dernier est refusé par le Parlement : on constate que le mouvement nationaliste iranien est une constante du pays.

En 1921, un jeune officier de l’unité́ des cosaques, le général Reza Khan Mir Panj, effectue un coup d’État militaire, devient chef de l’armée et prend le nom de Reza Khan Sardar Sepah, renversant ainsi la dynastie kadjar.  

Reza Khan s’attribue tout d’abord le poste de premier ministre, envisage de faire de la Perse une république selon le modèle d’Atatürk, puis y renonce face à̀ l’opposition du clergé chiite et se fait nommer par la Majles, réunie en tant qu’Assemblée constituante, nouveau Shah de la Perse, sous le nom de Reza Shah Pahlavi, le 12 décembre 1925.

Reza Shah a des plans ambitieux pour moderniser la Perse. Il tente, sans grand succès de renégocier avec l'Anglo-Persian Oil Company un accord plus favorable à la Perse. Parallèlement, il cherche  à créer une industrie lourde, construit un chemin de fer national, le Trans-persan (aujourd’hui inscrit au Patrimoine mondial par l’Unesco)  créé un système d’éducation public, encore très performant aujourd’hui, améliore le système de santé, réforme la justice jusque-là̀ contrôlée par le clergé́ chiite et promulgue un Code civil.

En 1935, il interdit le port du voile pour les femmes et fait  obligation pour les hommes de porter un habit à l’occidentale. En même temps, il cherche à être moins dépendant de la Grande- Bretagne et de la Russie, en annulant les droits spéciaux accordés aux étrangers pendant l’époque Qajar. Symboliquement, le 21 mars 1935, il demande à la communauté́ internationale de ne plus désigner son pays par le terme Perse mais de l’appeler Iran, qui signifie « Perse » en iranien.  

Durant la Seconde Guerre Mondiale, Reza Shah proclame la neutralité́ de l’Iran, ce qui entraine, le 25 aout 1941, l’invasion du pays par la Grande-Bretagne et l’URSS qui forcent Reza Shah à abdiquer en faveur de son fils Mohammad Reza Pahlavi.

L’Iran est alors contraint de signer un traité avec la Grande-Bretagne et l’Union soviétique par lequel le pays accepte de livrer son pétrole aux alliés en échange de quoi ces derniers s’engagent à respecter l’intégrité́ territoriale de l’Iran et à retirer leurs troupes au maximum six mois après la fin de la guerre.

On ne s’étonnera donc pas aujourd’hui que, face aux dictats des grandes puissances, le sentiment nationaliste se soit encore renforcé en Iran.  

L’Iran, selon l’accord tripartie devait être évacué par les troupes soviétiques et anglaises au plus tard le 2 mars 1946, mais l’Iran demande une évacuation anticipée, le 19 mai 1945. Les Britanniques s’y plient partiellement, gardant leurs troupes dans la zone pétrolière du sud de l’Iran. En revanche, les Soviétiques refusent, restent à Téhéran et organisent en août 1945 une révolte du parti procommuniste Tudeh, fondée sur le séparatisme des Azéris. En même temps, le Parti démocratique du Kurdistan, un mouvement autonomiste, crée la République de Mahabad au Kurdistan iranien. Ces deux républiques autonomes bénéficient du soutien de l’URSS, tandis que des troupes soviétiques occupent des parties du Khorasan, du Gorgān, du Māzandarān et du Gīlān.

L'Iran porte alors la question de l’évacuation des troupes soviétiques devant le Conseil de sécurité́ des Nations unies de l'ONU et les négociations aboutissent le 4 avril 1946 à un accord russo-iranien sur le retrait des troupes soviétiques.

 

Le gouvernement iranien reprend alors le contrôle du pays, notamment sous la législature du Front national de Mohammad Mossadegh.

 

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L'ENJEU DE TAIWAN

14 Août 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

ECHANTILLON DE L'ARMÉE DE LA RPC

ECHANTILLON DE L'ARMÉE DE LA RPC

L’enjeu de Taiwan est quadruple : l’armée de la République Populaire de Chine (RPC) va-t-elle envahir Taiwan ? Si oui, quand ? Va-t-elle l’emporter ? Qu’elle l’emporte ou non, quelles en seront les conséquences stratégiques ?

 

Depuis 2010, 23 milliards de dollars de matériel militaire ont été livrés par les États-Unis à Taiwan. En particulier, Donald Trump a multiplié les ventes d’armes, provoquant de fortes tensions entre Pékin et Washington, avions, missiles, artillerie mobile. Récemment, l’administration Biden a donné son accord à une vente de 40 systèmes d’artillerie de canons automoteurs moyens de 155 mm à Taïwan pour 750 millions de dollars.

Les militaires américains tirent la sonnette d’alarme. En mars 2021, le commandant des forces américaines dans la région Indo-Pacifique, l’amiral Philip Davidson, a déclaré au Sénat : « Je pense que la menace est évidente au cours des six prochaines années». Il a demandé aux élus de prévoir dans le budget militaire 2022 des armements offensifs «pour que la Chine sache que le coût de ce qu’elle essaie de faire est trop élevé et pour les faire douter de leurs chances de succès».

Pendant ce temps, Xi Jinping a fait savoir qu’il n’excluait pas une invasion militaire de l'île si cette dernière se rapprochait trop des États-Unis. Pour montrer que ce n’étaient pas des mots vains, l’armée chinoise a multiplié les exercices militaires et envoyé des bombardiers longue portée Xian H-6 dans l’espace aérien taiwanais fin janvier 2021, provoquant immédiatement la réaction du nouveau département d’État américain de Joe Biden qui a affirmé que « Le soutien des États-Unis à Taïwan est solide comme le roc» malgré les «intimidations » de la Chine ».

De son côté, la Présidente de Taiwan, Tsai Ing-wen, a réaffirmé l’indépendance de l’île, renforcé ses liens avec les États-Unis, modernisé son armée et conduit régulièrement des exercices militaires avec l’US Navy.

Si l’on en croit donc les discours des officiels chinois et américains, d’accord sur ce point, le débarquement de l’armée chinoise à Taiwan n’attend qu’une opportunité favorable pour s’effectuer et seule sa date est inconnue.

Si l’on accepte ces prémisses, peut-on prévoir que l’armée chinoise va l’emporter sur les troupes de Taiwan et de ses alliés, les États-Unis, l’Australie et même le Japon qui se positionne avec de plus en plus d’énergie contre l’occupation de Taiwan par la RPC ?

Même si le gouvernement chinois semble faire tous ses efforts afin de disposer des moyens militaires nécessaires pour obtenir la victoire, il ne peut décider seul de la date de l’invasion, car il lui faut tenir compte de la stratégie des États-Unis. Ces derniers s’opposeront-ils militairement à la prise de Taiwan ? Cela dépend certes du rapport de force militaire entre les États-Unis et la Chine mais aussi de l’importance de l’enjeu « Taiwan » pour les États-Unis qui est  la variable la plus difficile à apprécier par les décideurs chinois.

Les États-Unis peuvent aussi bien considérer que l’intégration de Taiwan dans la RPC est une affaire secondaire dans le cadre de leur stratégie de concurrence globale avec la Chine et abandonner Taiwan après un baroud d’honneur, qu’à en faire un enjeu majeur, voire un piège tendu à la RPC afin de lui infliger une défaite militaire déterminante.

Car la RPC ne peut pas renoncer à prendre le contrôle de Taiwan, compte tenu du discours du Parti Communiste Chinois et de la mentalité nationaliste de la population. Il est possible que cette prise de contrôle soit retardée jusqu’au moment où Taiwan tombera comme un fruit mûr, d’autant plus que cette hypothèse correspond bien à la conception traditionnelle de la stratégie chinoise.

Lorsque viendra le jour où la RPC prendra le contrôle de Taiwan, on peut prévoir, comme l’écrit excellemment l’un de mes  collègues économistes* qu’après « une résistance initiale, les États Unis, le Japon et l'Australie s'estimeraient obligés de renoncer ». Pour lui, « ce serait une gifle géopolitique considérable pour la crédibilité des États-Unis. Le dollar accentuerait fortement son recul contre le yuan. Les banques centrales des pays tiers convertiraient massivement leurs avoirs en dollars en avoirs en yuan. » En conséquence, « les États-Unis ne pourraient plus financer leur déficit public par recours au financement extérieur »

Poussant son analyse jusqu’à ses plus funestes conséquences, il prédit que « si Washington devait opter pour la capitulation, ce serait tout le camp démocratique qui s'effondrerait immédiatement » et l’hégémonie mondiale passerait des États-Unis à la Chine. Cette analyse part de l’hypothèse que la RPC imposerait sa volonté aux États-Unis du point de vue stratégique et militaire, décidant de la date de l’invasion et remportant la bataille.

On peut envisager une autre hypothèse, connaissant l’histoire de la stratégie de domination mondiale pratiquée par les Anglo-saxons successivement contre Napoléon, contre l’Allemagne de Guillaume II puis d’Hitler et contre le Japon, qui ont en commun d’avoir remis en cause cette domination. Selon cette logique, les États-Unis pourraient pousser la Chine à attaquer prématurément Taiwan pour l’écraser militairement, faisant imploser le régime chinois et déstabilisant gravement son économie. Selon cette même logique, les États-Unis ne devraient pas attendre plus de quelques années pour pousser la RPC à attaquer, avant que l’équilibre militaire ne devienne par trop favorable à cette dernière.

 

Qui l’emportera dans ce bras de fer stratégique qui impose aux États-Unis de pousser les Chinois à agir brutalement et à la Chine de prendre tout son temps pour s’emparer de Taiwan sans devoir se confronter militairement avec les États-Unis et ses alliés?

Permettez-moi de laisser la question à votre appréciation.

 

* dont je suis tenu de préserver l’anonymat.

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L'IRAN RENAÎT, L'IRAN SE RÉFORME

9 Août 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

NADIR SHAH, LE CONQUÉRANT

NADIR SHAH, LE CONQUÉRANT

Du début du XVIe siècle remonte la renaissance d’un Iran autonome qui avait disparu pendant presque un millénaire, à partir des conquêtes arabes du VIIe siècle. 

 

Sous l’impulsion d’Ismail Ier, premier souverain safavide, l’Iran décida de se convertir au chiisme, afin de s’affirmer religieusement face à̀ la domination des Ottomans sunnites. Il fallut alors, comme aujourd’hui avec le régime des mollahs, faire cohabiter l’idéologie messianique du Chiisme avec les exigences administratives d’un État territorial.

Les Safavides durent faire face aux Ouzbeks, qui attaquaient le Khorasan et aux Ottomans qui se confrontaient aux Iraniens dans le Caucase et en Anatolie. Ce conflit avec les Ottomans se poursuivit jusqu’en 1639, date du traité de Qasr-i-Chirin qui a défini les frontières entre l’Iran et la Turquie jusqu’au début du XXe siècle.

L’apogée des Safavides fut atteinte sous le Shah Abbas Ier le Grand (1587-1629) qui parvint à réduire les menaces extérieures, à réorganiser l’armée et l’administration tout en soutenant les institutions religieuses. Il développa le commerce et les arts, notamment dans sa nouvelle capitale Ispahan qu’il dota de magnifiques palais et mosquées.

Puis vint, comme toujours en Iran, le déclin de la dynastie safavide, du fait de la faiblesse des souverains et avec ce déclin vinrent la défaite et l’occupation étrangère, face à des tribus afghanes qui prirent Ispahan après 1722. Mais le triomphe des afghans fut de courte durée.

Se substituant à la dynastie safavide, un chef de tribu nommé Tahmasp Quli chassa les Afghans et prit le pouvoir en 1736 sous le nom de Nâdir Shâh. Il reconquit alors le territoire iranien d’origine en englobant la Géorgie et l’Arménie comme l'Afghanistan, menant  campagnes militaires sur campagnes militaires qui le conduisirent jusqu’à̀ Delhi en 1739, dont il ramena des trésors fabuleux, tel le trône du Paon.

Mais Nadir Shah était impopulaire du fait des guerres incessantes et des lourds impôts qu’elles entrainaient. Il fut finalement assassiné en 1747, provoquant une période d’anarchie qui dura jusqu’en 1795, lorsque Mohammad Shah Qajar prit le pouvoir, installant la dynastie des Qâdjârs qui se maintint jusqu’en 1925.

Les guerres ottomano-persanes reprirent sporadiquement et sans résultat décisif jusqu'aux Traités d'Erzurum de 1823 et 1847, tandis que l'expansion de l'Empire russe provoquait quatre guerres russo-persanes entre 1722 et 1828 qui entrainèrent la perte des provinces du Caucase.

L’Iran retrouva progressivement l’indépendance, l’ordre, la stabilité́ et l’unité́ jusqu’à ce que, à la fin du XIXe siècle, les pressions de la Russie et la Grande-Bretagne s'exercent sur le pays. C’est alors que l’Iran fut obligé d’abandonner ses territoires en Asie centrale et que la Grande-Bretagne envoya des troupes en Iran pour l’empêcher de récupérer des territoires afghans perdus sous le règne depuis les Safavides.

L’interférence de la Russie et de la Grande-Bretagne dans les affaires internes de l’Iran se produisit alors que le pouvoir était, comme d’habitude, devenu faible. Elle eut pour effet de moderniser le système fiscal iranien et de réduire l’influence du clergé́ chiite sous l’impulsion du premier ministre Amir Kabir qui fonda en 1851 Dar-ol Fonoun, le premier établissement d’enseignement supérieur en Iran, avant d’être assassiné parce qu’il gênait la famille du Shah.

La réforme des institutions se poursuivit cependant. En 1871, Mirza Hosein Khan Moshir od-Dowleh, nouveau premier ministre du Shah, mit en place un gouvernement de style européen qui marqua fortement le début du mouvement de réforme en Iran.

 

Puis les souverains qâdjârs suivants provoquèrent la colère populaire par les concessions qu’ils firent aux puissances étrangères, comme celle du pétrole remis à une société anglaise, la Persian Oil Company, en 1901.

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LE SABORDAGE DE MARCOM

5 Août 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

POUR SORTIR DE CE CLOAQUE, UNE PEINTURE DE VALERI TSENOV

POUR SORTIR DE CE CLOAQUE, UNE PEINTURE DE VALERI TSENOV

L’affaire de Mihaïlovgrad constituait un avertissement sérieux, qui indiquait que la direction bulgare avait une vision différente de la nôtre quant aux objectifs de Marcom.

 

Il aurait fallu, après la découverte de ce qui apparaissait à la partie française comme un abus de bien social, convoquer une assemblée extraordinaire pour demander un changement de politique ou un changement de direction. Nous ne l’avons pas fait, par négligence ou par paresse et j’en porte une partie de la responsabilité. Sans doute mon énergie était-elle plutôt mobilisée par la prise en main de l’IECS Strasbourg dont je venais d’être nommé directeur, plutôt que par la gestion stratégique de Marcom.

Bien entendu, le Directeur de Marcom, Branimir Botev  a en conclu qu’il avait les mains libres, même si Paul Fourquet, le directeur adjoint, lui signifiait de plus en plus ouvertement son désaccord avec la politique qu’il menait.

L’incroyable intervint au début de 1992. La FNEGE m’avertit que Paul Fourquet portait officiellement de graves accusations contre  Branimir Botev. Le C.A. de Marcom avait autorisé le Directeur et son Adjoint à embaucher quatre nouvelles secrétaires. Or ces dernières non seulement avaient été recrutées sans l’assentiment du Directeur Adjoint, mais ce dernier prétendait en outre qu’il ne s’agissait nullement d’un recrutement de secrétaires mais de prostituées !

Paul Fourquet avait des preuves qu’il nous envoya et nous fîmes notre enquête auprès de l’Ambassade, dotée de ses propres moyens d’information, qui nous confirma le caractère suspect de ce recrutement.

Il n’était évidemment pas question pour la partie française de Marcom, qui comprenait le Ministère des Affaires Étrangères, la FNEGE, notre représentant au sein de l’école, Paul Fourquet et moi-même en tant que chargé de mission, d’accepter de couvrir, si peu que ce soit, le comportement de Branimir Botev qui revenait à transformer Marcom en maison de passe potentielle !

J’imagine que vous pouvez juger cette situation comme invraisemblable ou que le qualificatif de « prostituées » pour ces quatre recrues de Marcom était exagéré. Pourtant toutes les informations que nous avions pu recueillir convergeaient vers le constat de Paul Fourquet.

Nous avons donc décidé de convoquer un C.A. exceptionnel en respectant les délais de convocation. Il nous fallu environ un mois pour réunir à Paris, en février ou mars 1992 les représentants bulgares et français du C.A., sans la présence de Botev et de Fourquet. Le C.A. me donna plein pouvoir pour compléter l’enquête sur place, pour rencontrer toutes les parties concernées et pour leur signifier, si les faits étaient confirmés, l’intention du C.A. de licencier dès que possible Branimir Botev et de le remplacer.

Je me rendis donc rapidement à Sofia, en mars ou avril 1992, où je trouvais une atmosphère explosive. Paul Fourquet vint me chercher à l’aéroport et il était, on s’en doute, dans tous ses états. Nous nous sommes rendus à Marcom où nous avons retrouvé Botev, que les accusations qui pesaient contre lui avait rendu muet. Nous avons rendu visite au Ministère de l’Education Nationale, qui nous a semblé tacitement favorable au maintien de Botev à la direction de Marcom.

La rencontre avec le Conseiller Culturel, loin de clarifier la situation, s’est révélée déroutante. Nous sommes passés d’une affaire de morale à la basse politique. Ce fonctionnaire m’a fait savoir qu’il était hors de question de licencier Botev dans la mesure où «  ce n’était pas à moi de faire la politique étrangère de la France en Bulgarie ». J’ai compris à demi-mots que Botev avait des liens particuliers avec l’Ambassade de France et j’appris plus clairement qu’il avait de hautes responsabilités au sein du Parti Communiste Bulgare.

Je n’étais pas venu à Sofia pour participer à des compromissions politico-diplomatiques. Je lui ai donc répondu que, contrairement à ses vœux, j’étais bien en charge de la politique étrangère de la France au sein de Marcom, que je recommanderai le licenciement de Botev et que je le ferai savoir à l’intéressé avant mon retour en France.  

De fait, deux jours à Sofia dans une ambiance à couper au couteau m’ont suffi pour me faire une opinion et pour trancher. Botev a dû quitter la direction, mais Fourquet, désormais persona non grata à l’Ambassade qui lui reprochait d’avoir parlé, rentra rapidement en France. Un nouveau directeur de Marcom fut nommé, mais toute cette agitation s’est révélée négative pour Marcom, qui, n’ayant plus le soutien du gouvernement bulgare ni celui de l’ambassade de France, ferma ses portes au bout d’une ou de deux années. 

 

Notant que cette affaire n’avait pas empêché Branimir Botev de devenir plus tard Vice-Ministre de l’Économie et de l’Énergie en Bulgarie, j’ai tiré de cet échec plusieurs leçons relatives au pouvoir, au management et à mes  principes personnels…

 

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L'IRAN, ENTRE GENGIS-KHAN ET TAMERLAN

1 Août 2021 , Rédigé par André Boyer

TAMERLAN

TAMERLAN

Après la campagne mongole du Khorassan, l’armée du Shah est détruite, encore que Jalal al-Din, le fils du Shah Ala ad-Din Muhammad, rassemble une armée en Afghanistan.  

 

Gengis Khan envoie des troupes l’affronter au printemps 1221, près de la ville de Parwan. La bataille s'achève par une défaite humiliante pour les forces mongoles, pour la première fois depuis le début de la campagne mongole, contraignant Gengis Khan à attaquer Jalal al-Din et, cette fois, à le vaincre sur les rives du fleuve Indus.

Après sa défaite, Jalal al-Din s’enfuit en Inde tandis que Gengis Khan retourne en Mongolie en laissant derrière lui des garnisons. La destruction de l’Empire iranien, lui ouvre la voie à l’invasion de  la Rus' de Kiev, de la Pologne, de la Hongrie et des bords de la mer Baltique, mais aussi de la Syrie,  de la Turquie et de l’Irak.

La succession de Gengis Khan créé un conflit entre ses quatre fils, mais n’empêche pas la conquête des derniers territoires iraniens par son fils et successeur officiel, Ogodei Khan. En 1228, il charge son général Tchormaghan Noïon de conquérir Kabul, le Zabolestân, le Tabarestân, Guilân, Arrân et l’Azerbaïdjan. Enfin, après avoir pris Bagdad et avant d’être arrêté par les Mamelouks en Palestine,  Houlagou Khân, petit-fils de Gengis Khân,  revient s’installer en Iran en 1255 pour fonder la dynastie des Ilkhanides qui s’éteignit avec lui dès 1264.

Au cours de leur conquête de l’Iran, les Mongols commirent des dégâts immenses dans la société iranienne. La population décrut fortement du fait des massacres sans fin, de la faim et de la maladie ainsi que de l’envoi de prisonniers en Mongolie La plupart des grandes villes furent dévastées. La vie culturelle et intellectuelle du pays s’effondra et le désespoir du peuple trouva un exutoire dans le mysticisme. L’agriculture subit des dégâts irréparables notamment à̀ cause de la destruction des qanâts, les  systèmes d’irrigation souterraine, en particulier à Khârezm, d’où l’eau du  fleuve Amou-Daria était distribuée aux contrées voisines. Enfin, la transformation des champs de culture en pâturage pour le bétail des Mongols acheva de détruire l’agriculture iranienne.

Tandis que les Mongols déportaient les artisans et les techniciens en Mongolie, les scientifiques et les lettrés iraniens se refugièrent en Asie Mineure, territoire des Seldjoukides de l’ouest, qui avaient toujours résisté́ à la barbarie mongole, dans la vallée de l’Indus et dans le sous-continent indien.

Il ne s’écoula guère plus d’une génération avant qu’un souverain mongol, Ghazan Khan (1295-1304) ne permette, grâce à son célèbre vizir iranien, Rashid al-Din, l’émergence d’une brève renaissance économique. Les Mongols baissèrent les taxes pour les artisans, encouragèrent l’agriculture, reconstruisirent les routes et les réseaux d’irrigation, et améliorèrent la sécurité des routes commerciales. Puis, après la mort du neveu de Ghazan, Abu Saïd en 1335, l’Iran tomba sous le pouvoir de plusieurs petites dynasties locales et indépendantes, avant que n’arrive le conquérant suivant turco-mongol, Tamerlan, troisième conquérant majeur de l’Iran, après les envahisseurs arabes et Gengis Khan.

Ce dernier conquiert la Transoxiane, faisant de Samarcande sa capitale en 1369 pour devenir finalement empereur de l’ensemble de l’Iran en 1381. Ses conquêtes sont moins rapides que ses prédécesseurs mongols, mais tout aussi brutales, puisque Chiraz et Ispahan furent quasiment rasées. Cependant, le règne de Tamerlan puis de la dynastie des Timourides qui lui succéda, permit l’intégration d’Iraniens à des postes administratifs et se caractérisa par un mécénat architectural et artistique, au point que cette période historique sera par la suite qualifiée de renaissance timouride.

 

Mais, dès 1507, la dynastie timouride, minée pas des luttes internes se désintégra sous les coups des Ouzbeks qui prirent Samarcande et sous ceux des Safavides, originaires d’Ardabil dans l’Azerbaïdjan iranien qui conquirent l’ouest de l’Iran, Tabriz en 1501 puis le reste du territoire iranien du temps des Sassanides, celui qui existait avant l’invasion arabe.

 

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