MIRACLE À JAKARTA
Nous avons donc abordé la série de rendez-vous que l’on nous avait préparé sur l’ile de Java, sans savoir ce que nous pourrions en tirer.
Ces rendez-vous se situaient à Jakarta, à Jogjakarta, à Bandoeng et, tout au bout de Java, à Surabaya. Nous cherchions à savoir s’il était possible de créer une formation en français ou, à défaut, en anglais, si cette formation serait bien reçue et si le cadre pour l’organiser serait propice à nos actions. À force d’échanges un tableau du souhaitable et du possible s’est progressivement peint sous nos yeux.
La difficulté était double : d’une part, nos interlocuteurs choisis par l'ambassade n’étaient pas toujours les bons, soit parce qu’ils n’étaient pas concernés par notre projet, soit parce qu’ils n’étaient pas qualifiés et d’autre part notre équipe, composée d’un ex attaché culturel qui connaissait l’Indonésie et d’un professeur qui cherchait à créer un programme de gestion avait du mal à faire la synthèse.
Chaque soir, nous faisions le bilan de nos rencontres et chaque soir, c’était une nouvelle solution qui prenait corps dans nos esprits. En onze jours, nous avons obtenu trente-cinq rendez-vous, qui étaient censés nous permettre de nous orienter vers les partenaires préférentiels, de choisir entre le français et l’anglais ou de déterminer les besoins prioritaires des entreprises françaises en Indonésie.
Nous avons navigué de Djakarta à Bandung, puis de Bandung à Yogyakarta et de là vers Surabaya avant de retourner à Djakarta. Nous y avons rencontré des responsables universitaires, dans le domaine de l'économie et de la gestion et des représentants d’entreprises, indonésiens et français comme Alcatel, Cegelec, Accor, SAE, la Lyonnaise des Eaux, Total, dont nombre d’entre elles ont été depuis absorbées dans d’autres groupes.
Au fil des rencontres, si, à première vue, l’influence américaine était très forte, nous observions une présence française disséminée mais bien identifiée par les Indonésiens et dotée d’un réseau d’influence croissant.
Lors de ces rencontres, nous avons aussi appris qu’en Indonésie les étudiants choisissaient le privé parce qu’ils n’avaient pas pu entrer dans les universités publiques et qu’il existait partout, universités publiques et privées, un manque criant d’enseignants de bon niveau en gestion. Aussi, la demande formulée spontanément par les Indonésiens concernait la formation d’enseignants à l’étranger, d’autant plus qu’il n’existait pas, et pour cause, de formation à la gestion assurée par des institutions étrangères, puisqu’elles n’étaient pas autorisées à délivrer des diplômes.
Mais alors que faisions-nous en Indonésie puisque nous n'étions pas autorisés à y délivrer un diplôme ?
Je m'accrochais au mince espoir de "trouver la solution", d'autant plus que nos échanges nous ont conforté dans la conviction qu’il était préférable d’installer en Indonésie un programme de formation à la gestion plutôt que de former en France des étudiants de gestion indonésiens.
Ceci posé, dans quelle ville, dans quelle langue, en collaborant avec quelle institution et selon quelles modalités ?
Nous avons choisi Jakarta, d’autant plus qu’à cette dernière ville était associée l’Université d’Indonésie (UI) qui jouait un rôle de référence en économie, sinon en gestion. Nous avons aussi retenu de surmonter l'obstacle de l'enseignement en français, moins parlé d'évidence que l'anglais, en accroissant le degré d'attractivité de notre formation qui deviendrait le meilleur Master en Management (MM) du marché dans l'université indonésienne la plus prestigieuse, avec un double diplôme français et indonésien et un stage en France, à un prix cinq fois inférieur au MM anglo-saxons et en proposant en outre la formation en France de jeunes enseignants de gestion.
Mais ce projet mirifique était tout simplement irréalisable puisqu'il était interdit de délivrer un diplôme étranger en Indonésie. Il n'aurait donc jamais existé si, deux jours avant la fin de notre mission, je n'avais pas insisté pour obtenir un rendez-vous avec le Recteur de l'UI lorsque j’appris qu'il ne pouvait plus envoyer ses futurs doctorants aux États-Unis du fait de leur décision brutale de supprimer les bourses d'études, arguant de l'augmentation du PIB indonésien.
Au cours de cette réunion cruciale, j'ai proposé de mon propre chef au Recteur de remplacer les bourses américaines par vingt bourses françaises de doctorat en gestion en échange de la création d'un MM en français dans son université.
Dans les vingt-quatre heures, le Recteur d'UI avait obtenu du Ministre de l'Éducation, qui, comme je le savais, avait été son étudiant, une dérogation pour que ce diplôme français soit délivré en Indonésie, la première dérogation de ce type accordée en Indonésie.
Ce fut cet accord qui permit à la France, en créant un Institut Franco-Indonésien de gestion au sein de l'UI, d'obtenir une place prépondérante dans la formation de la gestion en Indonésie, accord qui facilita ensuite grandement les échanges économiques entre la France et l'Indonésie.
À SUIVRE
LA DICTATURE GAUCHISTE DU DIRECTOIRE
LA DICTATURE GAUCHISTE DU DIRECTOIRE
Les trois Directeurs de gauche ont donc préparé un coup d’État contre les Conseils avec le soutien des généraux, qui étaient clairement opposés au retour du roi et avec celui des éternels Jacobins, toujours prêts à brandir la violence révolutionnaire.
Pour l’organiser, la majorité du Directoire fit d’abord appel à Hoche, puis à Augereau qui contrôla, le 4 septembre 1797 au matin, les abords des Tuileries, ferma les barrières de Paris et fit arrêter les Députés et Directeurs identifiés comme opposants.
Ils étaient soutenus d’une part par les Jacobins, qui « considéraient le régime légal comme une concession faite aux contre-révolutionnaires, et ne voulaient que vengeance et proscriptions », ainsi que par les armées « comblés d'honneurs, gorgés d'argent, repus de plaisirs » (Michelet).
Quant au général Bonaparte, « Ses premiers succès avaient tous été remportés contre la faction royaliste, soit devant Toulon, soit au 13 vendémiaire ». En outre, « Que pouvait faire un roi pour sa destinée ? » (Michelet). C'est pourquoi, il choisit l'anniversaire du 14 juillet pour s’agiter en faisant rédiger des adresses hostiles aux royalistes et en promettant des fonds pour aider à la réalisation du coup d'État.
De leur côté, les royalistes pressaient Pichegru d’agir pour faire face au danger, mais ce dernier ne disposait d’aucun moyen significatif pour le faire.
Il ne restait plus au Directoire qu’à franchir le Rubicon, ce qu’il se décida à faire le 3 septembre 1796. La veille, Barras informa Rewbell et La Révellière-Lépeaux, puis fit rédiger, imprimer et afficher sur les murs de Paris des proclamations annonçant qu'un grand complot avait été formé contre la République. Vers minuit, Augereau disposa toutes les troupes de la garnison, avec une artillerie nombreuse, autour du Palais Législatif.
Mais nombre de députés, quoique avertis, voulurent tout de même se rendre à leur poste le lendemain, en se présentant, leurs présidents en tête, aux portes du Palais Législatif. On leur en refusa l'entrée et ils furent dispersés. Un certain nombre d’entre eux furent arrêtés et conduits au Temple. Les députés restants délibérèrent sous la surveillance de l'armée. Sous la contrainte militaire, ils durent « corriger » les élections dans quarante-neuf départements, ce qui leur permit d’éliminer cent quarante députés. Les élections aux administrations locales furent cassées dans cinquante-trois départements et remplacées par des nominations. Quarante-deux journaux furent supprimés et les lois contre les immigrés et les prêtres réfractaires furent remises en vigueur.
En outre, soixante-cinq « fructidorisés » furent condamnés, sans jugement, à la déportation, parmi lesquels figuraient les Directeurs Carnot et Barthélemy, les généraux Pichegru et Miranda, onze membres des Cinq-Cents et quarante-deux des Anciens. Huit moururent en déportation, les autres s’échappèrent et rentrèrent, qui en France, comme Pichegru et Barthélemy, qui en Suisse comme Carnot.
Les places des députés destitués restèrent vacantes. Les émigrés qui étaient rentrés en France durent quitter le pays dans les quinze jours. Les lois qui rappelaient les prêtres déportés, qui les dispensaient du serment et les obligeaient à une simple déclaration, furent rapportées et on procéda à des déportations massives de prêtres.
Tandis que les patriotes des faubourgs trouvaient la déportation trop douce pour les condamnés, la masse de la population, échaudée par les massacres qu’avaient engendré les révoltes précédentes, se soumit et se réfugia dans l’abstention qui caractérise toutes les élections depuis les toutes premières en 1791 qui connurent en moyenne une participation de dix pour cent.
Car si les trois Directeurs avaient fait ce que l’armée et les faubourgs attendaient d’eux, la majorité des électeurs se voyaient une nouvelle fois floués. Le coup d'État de Fructidor confirmait qu’il était désormais normal pour les politiciens de ce nouveau régime politique instauré une fois de plus de force, de violer la Constitution, la Loi et la Souveraineté de la Nation. On voyait désormais des conseils délibérants sous la menace des soldats, des généraux appelés à se prononcer, des élus déportés, la presse supprimée.
Dans le même esprit, le 20 janvier 1798 le général Berthier occupait Rome et enlevait le Pape Pie VI pour le déporter à Florence, avant de le transférer à Valence où il mourut.
Pie VI avait eu en effet le courage de s’élever contre la condamnation et l’exécution de Louis XVI, et il paya de sa vie ce courage. Je ne résiste pas à la tentation de vous livrer un extrait du discours, un discours que le Pape avait prononcé à la suite de la décapitation du Roi Louis XVI :
« Les philosophes effrénés entreprennent de briser les liens qui unissent tous les hommes entre eux, qui les attachent aux Souverains et les contiennent dans le devoir. Ils disent et répètent jusqu’à satiété que l’homme naît libre et qu’il n’est soumis à l’autorité de personne. Ils représentent, en conséquence, la Société comme un amas d’idiots dont la stupidité se prosterne devant les prêtres et devant les rois qui les oppriment, de sorte que l’accord entre le Sacerdoce et l’Empire n’est autre chose qu’une barbare conjuration contre la liberté naturelle de l’homme. Ces avocats tant vantés du genre humain ont ajouté au mot fameux et trompeur de liberté cet autre nom d’égalité qui ne l’est pas moins. Comme si entre des hommes qui sont réunis en société et qui ont des dispositions intellectuelles si différentes, des goûts si opposés et une activité si déréglée, si dépendante de leur cupidité individuelle, il ne devait y avoir personne qui réunît la force et l’autorité nécessaires pour contraindre, réprimer, ramener au devoir ceux qui s’en écartent, afin que la Société, bouleversée par tant de passions diverses et désordonnées, ne soit précipitée dans l’anarchie et ne tombe pas en dissolution. »
La pensée de Pie VI peut encore s’appliquer à nos contemporains !
À SUIVRE
QUAND S&P ABAISSAIT LA NOTE DE LA FRANCE
Le vendredi 31 mai 2024, il y a une éternité, l’agence de notation américaine Standard & Poor’s (S&P) a abaissé la note qui évalue la qualité de la dette française.
Les eaux torrentielles qui ont coulé sous les ponts de la politique française, à savoir les résultats catastrophiques à l’élection européenne du 9 juin 2O24 pour les candidats de l’équipe politique qui gouverne actuellement la France, puis le même jour, la dissolution de l’Assemblée nationale qui implique une nouvelle redistribution du pouvoir, laissent augurer des modifications dans la trajectoire économique et financière de la France.
Des changements, des ajustements, des corrections brusques sont à prévoir, qui ne sont généralement pas du goût des financiers qui souscrivent aux emprunts émis par la République Française, ni de celui des agences de notation qui cherchent à rationaliser ces décisions de prêts.
Quoi qu’il en soit, il est intéressant de parcourir les arguments qui justifiaient il y a trois semaines l’abaissement de la note de S&P de AA vers AA-. Pour ce faire, je ne me suis pas fié aux commentaires des journaux mais j’ai utilisé directement le rapport de S&P dont les extraits, traduits en français, sont présentés en italique:
La note à long terme de la France est abaissée de "AA" à "AA-" en raison de la détérioration de la situation budgétaire.
En effet :
- Contrairement à nos prévisions antérieures, nous estimons que la dette publique de la France augmentera pour atteindre environ 112 % du PIB d'ici 2027, contre environ 109 % en 2023.
- Le déficit budgétaire de la France en 2023 a été nettement plus élevé que ce que nous avions prévu, atteignant 5,5 % du PIB.
- Même si nous pensons que la reprise de la croissance économique et les réformes économiques et budgétaires récemment mises en œuvre permettront à la France de réduire son déficit budgétaire, nous prévoyons maintenant qu'il restera supérieur à 3 % du PIB en 2027.
S&P envisage deux scenarios, dont le scenario défavorable suivant :
Nous pourrions abaisser les notes souveraines de la France si la croissance économique s'avérait matériellement inférieure à nos projections sur une période prolongée. Les notes pourraient également être mises sous pression si la France s'avère incapable de réduire son important déficit budgétaire, par exemple en raison de nouveaux dérapages budgétaires, et si les paiements d'intérêts des administrations publiques en pourcentage des recettes augmentent au-delà de nos attentes actuelles.
L'abaissement de la note reflète notre projection selon laquelle, contrairement à nos attentes précédentes, la dette des administrations publiques françaises en pourcentage du PIB augmentera en raison de déficits budgétaires plus importants que prévu au cours de la période 2023-2027...
…Le ratio dette publique/PIB de la France est devenu le troisième plus élevé de la zone euro, après ceux de la Grèce et de l'Italie…
...Selon nous, les résultats obtenus par la France en matière d'assainissement budgétaire au cours des dernières décennies sont médiocres. Elle n'a pas enregistré d'excédent budgétaire primaire depuis 2001...
...Nous pensons que la fragmentation politique ajoute à l'incertitude quant à la capacité du gouvernement à continuer à mettre en œuvre des politiques qui augmentent le potentiel de croissance économique et traitent les déséquilibres budgétaires. Sans majorité parlementaire absolue, le gouvernement continue de faire face à une forte opposition parlementaire et non parlementaire à certaines propositions de réforme, comme l'ont montré les nombreuses manifestations et grèves contre la réforme des retraites au premier semestre 2023.
Mais comme les prévisions politiques de S&P se sont révélées rapidement obsolètes puisqu'ils indiquent logiquement que les prochaines élections présidentielles et législatives sont prévues pour 2027, leurs prévisions risquent de l'être également :
Ils prévoyaient que cette année, le gouvernement supprimerait progressivement la plupart des mesures budgétaires temporaires destinées à atténuer l'impact négatif de la hausse des prix de l'énergie et de l'inflation sur les ménages et les entreprises. Cela semble désormais hors de portée, alors que, ajoute S&P, en l'absence de mesures d'assainissement discrétionnaires supplémentaires, le déficit budgétaire restera supérieur à 3 % du PIB.
On ne sait pas encore, dans la situation politique actuelle, sur quelles bases économiques, financières et fiscales s'appuieront les prochains gouvernements pour atteindre un déficit inférieur à 3%.
Or, ajoute S&P, Selon nos prévisions, la dette des administrations publiques en pourcentage du PIB augmentera continuellement pour atteindre 112,1 % du PIB en 2027, contre 109,0 % en 2023…Nous prévoyons que les paiements d'intérêts des administrations publiques représenteront en moyenne 4,3 % de leurs recettes en 2024-2027, contre 3,3 % en 2023.
Il reste que S&P veut rassurer en prévoyant que la vigueur des exportations de biens et de services dans les secteurs économiques clés de la France, tels que l'aéronautique et le tourisme, ainsi que la relative stabilité des prix de l'énergie, permettront de maintenir le déficit de la balance courante en dessous de 1 % du PIB…
Acceptons-en l’augure, en nous attendant à quelques turbulences immédiates, qui n’affecterons pas, nous l’espérons, l’humeur de S&P.
LA RÉVOLUTION VERTE
La révolution agricole aux États-Unis et en Europe a été suivie d’une Révolution Verte, en particulier en Asie, largement financée par des fonds publics et privés américains, l’objectif étant d'accroître considérablement la production vivrière.
Le principe retenu fut d'adapter les nouvelles techniques agricoles appliquées dans les pays industrialisés aux conditions particulières des agricultures asiatiques, à savoir une force de travail nombreuse pratiquant une culture manuelle et répartie dans de très petites exploitations familiales.
Il n’était pas question de rassembler des terres pour pratiquer une forte mécanisation car cela aurait provoqué un exode massif qui n’aurait pas pu être absorbé par l’industrie et les services. Du coup, la Révolution Verte a reposé sur la sélection génétique de variétés à haut potentiel de rendement, principalement pour le riz et le blé, sur une large utilisation des engrais minéraux et des pesticides, sur la maitrise de l’eau par irrigation et drainage ainsi que sur l’utilisation d’animaux de trait ou de petits motoculteurs.
Cette politique a été appuyée par d’importants investissements publics dans les infrastructures agricoles : voies de transport, électrification, irrigation et drainage. Ils ont été complétés par de forts investissements dans la recherche agricole visant à sélectionner des variétés de plantes adaptées aux contextes locaux et une politique de prix avec une garantie d’achat des récoltes par l’État et des taxes sur les importations
Dans les pays où la volonté politique a été insuffisante, la Révolution Verte n’a été que partiellement réalisée, comme en Amérique Latine et au Moyen Orient à l’exception de l’Égypte.
Dans les régions où elle a eu lieu, elle a permis de quadrupler les rendements agricoles entre 1970 et 1990, et en riziculture à passer jusqu’à quatre récoltes par an. Les techniques utilisées étant intensives en travail, les emplois et les revenus agricoles ont fortement augmenté, créant un pouvoir d’achat qui a stimulé le développement des activités rurales non agricoles, notamment dans les secteurs des biens de consommation et de la construction, également intensifs en travail. Il reste que les agriculteurs les plus pauvres n’ont pas eu les moyens d’accéder à la Révolution Verte
En sus de cette dernière, tirant parti de la libéralisation des mouvements de capitaux et des échanges agricoles internationaux, de nombreux investisseurs, entrepreneurs, grands propriétaires, firmes multinationales fournissant des intrants ou distributeurs de produits agricoles et fonds d’investissement se sont lancés dans la modernisation de grands domaines agricoles, en Amérique Latine, en Afrique et en Asie. Ils ont défriché les fronts pionniers des régions disposant de réserves de forêts et de savanes, y développant des cultures de blé, de maïs, de riz, de soja, de coton, de canne à sucre et de palmier à huile.
Il s’y est ajouté, à partir des années 1990, la ruée des mêmes investisseurs vers la modernisation des anciens domaines collectifs de l’Ex-URSS, de l’Europe centrale et orientale comme l’Ukraine.
Cette deuxième révolution agricole des temps modernes a cependant laissé de côté de vastes régions d’Afrique subsaharienne, d’Amérique latine et d’Asie centrale où des centaines de millions de paysans ont vu leur productivité stagner.
Mais, au total, la production agricole a augmenté de manière spectaculaire, accompagnant la croissance démographique mondiale. Elle a ainsi été multipliée par 2,6 entre 1950 et 2000, permettant de nourrir une population mondiale qui a augmenté presque aussi vite, passant de 2,5 milliards de personnes à 6 milliards dans le même intervalle de temps.
L’accroissement de la production s’explique pour plus de 70% par celui du rendement agricole qui a été multiplié par plus de deux en cinquante ans, mais aussi par l’accroissement des surfaces cultivées qui sont passées de 1330 à 1500 millions d’hectares entre 1950 et 2000, par l’accroissement du nombre de récoltes par an et par la réduction des périodes de friche entre les cultures[1].
Cette progression de la production s’est accompagnée d’une forte baisse des prix agricoles.
À SUIVRE
[1] Il faut signaler également les initiatives des paysans dans des régions à forte densité de population, deltas d’Asie du Sud-Est, Rwanda, Burundi, Yucatan, Haïti, Polynésie, qui ont construit des écosystèmes cultivés superposant plusieurs étages d’arboriculture fruitière, dominant des associations denses de cultures vivrières et fourragères, des élevages d’herbivores, de porcs et de volailles et parfois même des bassins de pisciculture. Ces paysans ont pu obtenir ainsi, sans faire appel à des engrais d’origine extérieure, des niveaux de production supérieurs aux systèmes de production les plus performants issus de la deuxième révolution agricole.
QUATRE RECOMMANDATIONS IRRECEVABLES
À l’issue de la rencontre à l’Ambassade de France, où l’on nous avait indiqué les principes à respecter au cours de notre mission, j’étais perplexe et j’allais le rester tout au long de notre séjour en Indonésie, tout en cherchant la voie d’une solution.
Les quatre principes de l’Ambassadeur de France en Indonésie et de son conseiller culturel étaient en effet les suivants :
- Seul un enseignement en anglais était concevable pour l’Ambassade, car un nombre infime d’Indonésiens étaient francophones. Mais c’était vrai aussi en Chine où j’avais créé une formation francophone à la gestion. En outre, cela allait à l’encontre de mes objectifs qui étaient d’organiser cette formation pour aider l’Indonésie certes, mais également les entreprises françaises. Enfin, il me fallait trouver en France une équipe de professeurs de qualité pour faire la différence avec l’enseignement de la gestion pratiqué dans les universités indonésiennes et le stock de professeurs français capables d’enseigner en anglais était à l’époque trop réduit pour assurer notre enseignement dans la durée.
J’allais donc être obsédé tout au long du séjour par la question de la langue d’enseignement. À noter, qu’aujourd’hui, plus personne ne se poserait la question, l’anglais étant pratiqué partout.
- Pour l’Ambassade, il n’était pas question de proposer une formation à Djakarta, car la concurrence y était trop vive. Bandung, Yogyakarta ou mieux Surabaya, leur paraissaient être des lieux mieux adaptés. Pourtant, si nous voulions disposer d’une visibilité maximale, Jakarta s’imposait et permettait plus facilement d’organiser des déplacements sans escale et un séjour plus profitable pour nos professeurs qui y trouveraient l’appui de l’Ambassade et les sièges des filiales françaises, le temps d’un séjour de trois semaines.
Je chercherai donc, tout au long du séjour, une solution pour que notre formation se déroule à Jakarta.
- Pour l’Ambassade, il valait mieux chercher un accord avec une université privée que publique pour monter notre formation, car, d’après eux, elles étaient mieux organisées que les universités publiques en matière d’accords internationaux. Mais je cherchais à installer une filiale d’IAE qui faisait partie de l’enseignement public français et il me paraissait naturel de chercher un accord avec une université publique indonésienne.
Pendant notre séjour à Java, je m’efforcerais donc d’interroger les étudiants indonésiens sur les raisons de leur choix d’une université privée et leurs réponses consistaient généralement à déclarer qu’ils n’avaient pas été autorisés à s’inscrire dans le public, et non que les universités privées étaient meilleures que les universités publiques.
- Enfin, l’Ambassade recommandait, mezzo voce, de s’intéresser plutôt, alors que nous étions en Indonésie, aux étudiants chinois qu’aux étudiants indonésiens, parce que les Chinois contrôlaient la majeure partie de l’économie indonésienne. C’était exact, mais nous cherchions à fonder les bases d’une coopération avec l’Indonésie et pas spécialement avec les entreprises chinoises qui y étaient installées et qui y concurrençaient les entreprises françaises. En somme, nous ne voulions pas former les cadres de nos concurrents. De cette recommandation, découlait aussi de s’intéresser en priorité aux universités privées, car les Chinois n’étaient généralement pas admis dans les universités publiques en Indonésie, officiellement en raison de leurs revenus trop élevés.
Aussi, à moins que nous soyons contraints de signer un accord avec une université privée, je rejetais fermement cette dernière recommandation, car je la trouvais capitularde, encore plus que les trois précédentes.
« Armés » de ces recommandations, nous entamèrent à Jakarta nos visites destinées à forger notre conviction et nos recommandations, le lundi 18 septembre 1995 après midi, ce qui signifiait trois bonnes heures aller-retour dans un taxi au milieu des impressionnants embouteillages de la capitale
À SUIVRE
LES ERREMENTS DÉMOCRATIQUES DU DIRECTOIRE
Il faut reconnaitre que, dans les premiers mois du Directoire, la liberté de la presse et la liberté religieuse furent respectées. Les importations de denrées améliorèrent les approvisionnements dans les villes, non sans aggraver la situation financière de l’État.
Le problème économique principal restait l'inflation, ce qui décida le Directoire à supprimer l'assignat. Une loi autorisa la création de mandats territoriaux qui pouvaient être échangés contre des assignats et permettaient d'acquérir les biens nationaux à des conditions très favorables. Ceux qui saisirent l’aubaine purent acquérir des biens nationaux avec des billets sans valeur et ils devinrent par conséquent des adversaires résolus du retour des immigrés.
À partir du 21 mars 1796, le franc seul eut un cours légal, fixé à cinq grammes d'argent. À l'inflation succéda la déflation ; les artisans se retrouvèrent au chômage et le Directoire ne parvint plus à payer les fonctionnaires. Il dut céder des propriétés nationales, vendre des biens nationaux aux enchères et se retrouva dans l'obligation d'emprunter partout, au dey d'Alger*, à des commerçants de Hambourg ou à divers financiers. Puis il trouva la solution à ses mécomptes financiers en prélevant de fortes contributions de guerre sur les pays conquis.
Quant au problème politique du Directoire, il se situait surtout à l’extrême gauche. Babeuf, qui faisait une critique radicale de la famille, de la religion et de la propriété fut arrêté et exécuté lorsqu’il fonda un comité insurrectionnel.
Enfin, le problème militaire conduisait à la recherche de la paix. La Convention avait déjà conclu la paix avec la Prusse, la Hollande et l'Espagne. Restaient l'Autriche et l'Angleterre qui refusaient de voir la rive gauche du Rhin sous contrôle français. Pour obtenir une paix favorable, Carnot proposa de lancer une manœuvre de diversion en Italie du Nord, tout en menaçant Vienne avec deux armées sur le Rhin et le Danube. Grâce au génie militaire de Bonaparte qui, avec peu de soldats et de moyens, obtint des victoires stratégiquement déterminantes, la diversion italienne se transforma en victoire décisive, pendant que les armées françaises piétinaient sur le Rhin.
La campagne d'Italie permit donc de signer, le 17 octobre 1797, le traité de Campo-Formio qui donnait à la France les Pays-Bas, la frontière sur le Rhin, la place forte de Mayence et les îles Ioniennes, tandis que l'Autriche recevait une partie de la Vénétie, l'Istrie et la Dalmatie et reconnaissait la république Cisalpine. Il créait cependant un problème politique car il avait été signé directement par Bonaparte, et non par le Directoire.
Auparavant, les élections d'avril 1797 avaient bouleversé la situation politique: elles furent en effet une catastrophe pour les Conventionnels, dont onze d’entre eux seulement furent réélus sur deux cent seize députés.
À la suite de ces élections, le corps législatif élut deux royalistes, Pichegru et Barbé-Marbois aux présidences respectives des Cinq-Cents et des Anciens et cette nouvelle situation créa une dissension au sein du Directoire, Barthélemy et Carnot à droite s’opposant désormais au trio de gauche, Barras, La Révellière-Lépeaux et Reubel.
La nouvelle majorité projetait de révoquer les lois révolutionnaires en attendant de pouvoir restaurer la royauté, ce qui poussait les trois Directeurs de gauche du Directoire à préparer un coup d’État contre les Conseils.
Ils se servirent de la révélation opportune de négociations entre Pichegru et le Prince de Condé pour le justifier. Jean-Charles Pichegru (1761-1804), sergent-major avant la Révolution puis monté rapidement en grade jusqu’à devenir en 1793 général en chef de l’armée du Rhin, puis de l’armée du Nord avec laquelle il avait conquis la Hollande avant d'être à nouveau chargé de l’armée du Rhin et de la Moselle en 1795-1796, prit contact avec Condé qui lui promit monts et merveilles s’il aidait les royalistes à restaurer Louis XVIII.
Le Directoire s'étonna de ses revers sur le Rhin en même temps qu'il le soupçonnait de royalisme contre lui. On lui retira son commandement, mais sa popularité persistante lui valut d’être élu en mars 1797 député au Conseil des Cinq-Cents par les monarchistes puis Président de ce même Conseil.
Lorsque le Directoire organisa le coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797), ses contacts avec les immigrés furent présentés comme une conspiration et le Directoire en profita pour faire arrêter, non seulement Pichegru, mais tous les dirigeants du parti royaliste qu’il fit déporter en Guyane*.
* La France n'ayant toujours pas remboursé ses dettes en 1827, le dey Hussein eut l'outrecuidance de s'en offusquer et donna un coup d'éventail au consul de France, ce qui provoqua l’expédition d'Alger en 1830, et in fine la conquête de l'Algérie.
** Pichegru réussira à s’évader de Guyane et à rejoindre Londres. En 1804, il conspire avec Cadoudal et Moreau pour enlever Bonaparte. Trahi par « l’ami » qui l’héberge, il est arrêté le 28 février 1804 et six jours plus tard, il est retrouvé étranglé dans la prison du Temple, officiellement suicidé.
À SUIVRE
CLAUSEWITZ, DE LA GUERRE
De la guerre, l'ouvrage inachevé de Karl von Clausewitz publié après sa mort en 1831, est l'un des plus grands textes de la philosophie de l'action humaine en situation de conflit.
L'ouvrage est né des échecs répétés des coalitions militaires contre les troupes françaises conduites par les généraux de la Révolution et essentiellement par Napoléon Bonaparte.
La Révolution française avait modifié la nature de la guerre qui devenait une affaire nationale où le peuple tout entier se jetait dans la balance, la guerre approchant alors de sa vraie nature. Les armées de la République française inauguraient une nouvelle stratégie, fondée sur la mobilisation totale des troupes, l'offensive et la concentration des forces au point décisif, autant de principes que Napoléon mania en virtuose brutal sur les champs de bataille européens.
Pour les états-majors européens, la tâche consistait à prendre la mesure de ces mutations et à réagir en conséquence. En Prusse, notamment, après la déroute qui avait été infligée à cette nation par Napoléon en 1806, l'ordre du jour était à la réforme du système militaire, à la refonte de la formation des officiers et à la révision des principes stratégiques.
Clausewitz était bien conscient qu'une doctrine positive de la guerre était impossible, car il fallait exiger d'un stratège à la fois qu'il suive les règles et qui ne les applique pas. Alors que les ouvrages stratégiques se présentaient comme des livres de recettes, Clausewitz s'y refusait absolument, car les règles changeaient en permanence, notamment en raison de l'invention de nouvelles armes, rendant une manœuvre, hier victorieuse, condamnée demain à l'échec.
Il fallait donc former le chef de guerre en lui montrant qu'une théorie de la guerre n'a pas à être appliquée. Elle doit exclusivement permettre de former le sujet, celui qui va agir sur le champ de bataille, en lui fournissant des catégories d'analyse pertinentes provenant de l'expérience historique, qu'il devra personnellement confronter à la pratique. C'est ainsi que la théorie perdra sa forme objective d'un savoir pour prendre le caractère subjectif d'un pouvoir.
Clausewitz présente ses apports fondamentaux à la théorie de la guerre sur deux sujets : la nature de la guerre et la relation entre la guerre et la politique.
Pour lui, il existe deux sortes de guerre, la guerre absolue et la guerre limitée. La guerre absolue correspond à la véritable nature de la guerre, un duel opposant des volontés antagonistes, chacune visant à l'anéantissement de l'autre, dans une logique d'escalade et d'inéluctable montée aux extrêmes.
Mais nombre de conflits restent limités, la mobilisation partielle suffisant parfois à conduire l’ennemi à la table de négociation ou des valses-hésitations diplomatiques aboutissant à des demi-mesures. Dans l’histoire, les guerres sont plus ou moins entravées dans leurs logiques absolutistes par différents facteurs, dont le principal est le facteur politique qui a permis à Clausewitz d’écrire que « la guerre était la continuation de la politique par d'autres moyens. »
Si la guerre prend naissance dans les rapports politiques entre les gouvernements et les peuples, on peut croire que, dès que la guerre commence, les rapports politiques cessent. C'est ce que Clausewitz conteste.
Il avance que la guerre ne suit jamais son propre but, mais exprime à sa manière des logiques politiques qui la dépassent. Cela ne signifie pas seulement que le pouvoir militaire demeure subordonné au pouvoir politique, mais que les institutions politiques, la structuration sociale d'une population et la nature de ses intérêts déterminent la forme des guerres et leur signification.
Si la politique engendre la guerre, elle peut aussi en limiter les effets lorsque les intérêts en jeu dans un conflit sont considérés comme politiquement mineurs.
À l'inverse, lorsque les motifs de la guerre sont très puissants au sens où ils touchent aux intérêts vitaux d’un peuple, la guerre tend vers la guerre absolue. Le but politique consiste à terrasser l'adversaire, ce qui coïncide avec un but militaire pur. Le but apparait guerrier, mais fondamentalement, c'est le but politique qui s'est radicalisé au point de viser à l'anéantissement de l'ennemi.
La guerre que conduit aujourd’hui Poutine en Ukraine visant à l’anéantissement des moyens militaires de l’Ukraine est fondée sur un objectif politique porté à l’incandescence. Il s’agit de montrer d’une part qu’un peuple slave qui se révolte contre la mère Russie est condamné à être châtié par cette dernière, jusqu’à sa disparition s’il le faut et d’autre part de montrer qu’il existe une frontière à l’Est au-delà de laquelle le ticket européen n’est plus valable. Dans ce conflit, du point de vue russe et sauf accident majeur imprévisible par nature, aucune négociation n’est possible tant que l’ennemi ukrainien n’aura pas été anéanti.
La guerre totale n’est donc que de la politique conduite à ses extrémités, mais la politique ne disparait jamais de la scène du conflit.
Ainsi, lorsque la politique semble s’effacer devant la guerre, cela signifie, non la disparition de la politique, mais que cette dernière vient d’atteindre son niveau d’intensité maximum.
L'IRRÉSISTIBLE MÉCANISME DE MODERNISATION AGRICOLE
La révolution agricole en cours depuis un siècle a radicalement modifié le marché agricole, en s'appuyant largement sur l'évolution scientifique et industrielle, modifiant en même temps la nature des produits agricoles, leur prix et les structures de production pour une population mondiale multipliée par cinq depuis le début du XXe siècle.
Au début du XXe siècle, après dix mille ans d'évolution et de différenciation, les agricultures du monde étaient très diversifiées. L'écart entre les agricultures manuelles et les agricultures à traction animale allait de 1 à 10 tonnes de céréales par agriculteur et par an. Cet écart a continué à se creuser au XXe siècle, car certaines agricultures ont été profondément transformées par une deuxième révolution agricole concomitante de la deuxième révolution industrielle, tandis que d'autres ne progressaient pas.
Ce développement agricole inégal s'est accompagné d'une énorme croissance de la production alimentaire mondiale, qui nourrit, bien ou mal, plus de huit milliards d'êtres humains en 2024, tout en induisant pauvreté et sous-alimentation chez de nombreux paysans.
Amorcée aux États-Unis dès le début du XXe siècle, une nouvelle révolution agricole s'est en effet généralisée au cours de la seconde moitié de ce siècle dans les pays industrialisés, où les secteurs agricoles étaient très majoritairement composés d'exploitations familiales.
Ce processus a été soutenu par des politiques agricoles massives, favorables à la modernisation de ces exploitations familiales.
Dans les pays développés, cette révolution agricole s'est déroulée par étapes, au fur et à mesure que l'industrie et la recherche en fournissaient les moyens mécaniques, chimiques et biologiques :
- tracteurs et machines de puissance, de capacité et de complexité croissantes, permettant de réduire la force de travail humaine et animale ;
- engrais minéraux pour les plantes et aliments concentrés pour les animaux, qui permirent d'augmenter leurs rendements ;
- produits de traitement phytosanitaires et zoo pharmaceutiques permettant de réduire les pertes ;
- variétés de plantes et races d'animaux sélectionnées, à haut rendement potentiel, adaptées à ces nouveaux moyens afin de les rentabiliser ;
- nouveaux moyens de transport, de conservation, de transformation et de distribution permettant aux exploitations des différentes régions de se spécialiser dans les productions les plus avantageuses pour elles.
Concernant la culture des céréales par exemple, la superficie maximale cultivable par un travailleur est passée d'une dizaine d'hectares dans les années 1940 à 200 hectares aujourd'hui. Dans le même temps, grâce aux semences sélectionnées, aux engrais minéraux et aux pesticides, les rendements ont pu augmenter de plus de 1 tonne par hectare à chaque décennie, atteignant actuellement 10 tonnes par hectare dans les régions les plus favorables. Ainsi, dans les exploitations les mieux situées et les mieux équipées des pays développés, la productivité du travail dépasse souvent 1000 tonnes de céréales par agriculteur et par an, et peut même parfois atteindre 2 000 tonnes.
Seule une minorité d'exploitations ont franchi toutes les étapes de ce développement, fortement promu par des politiques publiques cherchant en priorité à nourrir des populations croissantes. Dans les pays de l'Union européenne, la politique agricole commune a été protectionniste jusqu'en 1992 pour de nombreux produits comme les céréales, la poudre de lait, le beurre ou la viande bovine.
Les producteurs européens étaient protégés par des taxes à l’importation, ils bénéficiaient de prix rémunérateurs et stables. Cette politique de prix était accompagnée d'une politique de crédit avantageuse, d'une politique de recherche et de vulgarisation, mais aussi d'une politique de structure visant à favoriser la cessation d'activité des exploitations les moins productives et l'agrandissement des autres, tout en restant dans des structures de production familiales.
Il en était de même en Suisse et au Japon où les exploitants familiaux étaient protégés de la concurrence, ce qui a permis à ces pays peu dotés en terres cultivables, de maintenir leur niveau recherché d'auto-approvisionnement alimentaire.
À partir du milieu des années 1960, une variante de cette révolution en cours dans les pays développés, la révolution verte, s'est étendue à certains pays en développement. Là aussi, des politiques publiques très volontaristes ont favorisé la modernisation d'une partie des exploitations familiales.
À SUIVRE
UN PROJET JUGÉ CHIMÉRIQUE
Le projet chinois de création d'une formation à la gestion remonte à 1985 et nous l'avons réalisé en 1989. Dix ans plus tard, je reprenais mon projet d'origine avec la création d'une formation à la gestion en Indonésie après la Chine. Nous sommes dans le long terme.
J'avais vaguement prévu que le succès chinois entrainerait d'autres demandes et d'autres projets à réaliser. C'est ce qui s'était effectivement produit en Bulgarie, en Tchécoslovaquie, en Algérie, à Madagascar, au Maroc, mais aussi à l'IECS Strasbourg. Après toutes ces aventures universitaires, je voulais revenir à la source de mon projet une fois clos l'épisode strasbourgeois qui s'était révélé le plus lourd de tous.
N'était ce qu'un rêve, une chimère ? La chance, sur laquelle je compte parfois un peu trop, me favorisa de bout en bout de ce projet. Je m'en ouvris à mes vieux complices de la FNEGE, Jean-Claude Cuzzi, son Secrétaire Général et Joël Rateau, son Directeur du Développement. Tous deux se gaussèrent de mon projet qu'ils trouvèrent irréaliste : le marché était pris par les Australiens, les Singapouriens, les Américains. Ils rirent lorsque je précisais que ce serait une formation en français : mais, voyons personne ne parle le français en Indonésie, c'est l'anglais, l'anglais, l'anglais, même si quelques vieux parlaient encore hollandais, mais le français !
Ils rirent, mais je maintins mon projet dans sa conception d'origine, en déclarant que je ne le modifierais qu'une fois que j'aurais ausculté le terrain, que je ne connaissais pas du tout. Si j'obtenais une petite mission de 15 jours, trois semaines en Indonésie, invité par le Ministère des Affaires Étrangères (MAE) pour ne pas être marginalisé une fois sur place, je pourrais faire une proposition réaliste.
Ils riaient toujours, mais ils commençaient à voir émerger une demande vendable au MAE, une demande modeste. Ils n'y croyaient toujours pas, mais ils pourraient arguer auprès du MAE que je n'avais échoué jusque-là dans aucun de mes précédents projets et que l'on pouvait se risquer à me confier une petite étude de marché.
En outre, ils avaient une motivation secrète pour donner un coup de pouce à mon projet indonésien : l'un et l'autre avaient résidé plusieurs années en Indonésie, à la suite de quoi ils avaient gardé l'un et l'autre un attachement persistant pour ce pays
J'eu la preuve de cet attachement lorsque j'appris que la FNEGE avait obtenu du MAE la mission que je sollicitais, non pas pour moi mais pour deux personnes, Joël Rateau et moi-même. Puisque mon compagnon de voyage connaissait déjà l'Indonésie, je comptais donc sur lui pour éviter les principaux pièges de communication, mais j'appris sur place qu'il était fort difficile d'échanger avec les Indonésiens puisqu’ils s'efforçaient d'éviter toute communication!
Nous partîmes tous deux en mission en Indonésie du 17 au 30 septembre 1995, doté d'un programme qui avait été concocté par l'Ambassade de France en Indonésie, qui nous faisait visiter une bonne partie de Java, en nous rendant notamment à Yogyakarta, Bandung et Surabaya, mais qui, curieusement, ne nous permettait pas de rendre visite aux universités sises à Jakarta.
La logique sous-jacente à ce programme, qui m'avait immédiatement intrigué, apparut clairement dans le discours que fit l'Ambassadeur de France lorsqu'il nous reçut. L'Ambassadeur était alors Thierry de Beaucé, écrivain et diplomate, qui avait créé l'Agence pour l'Enseignement du Français à l'étranger durant le gouvernement Rocard. Après le départ de ce dernier, Il avait été nommé Ambassadeur de France en Indonésie par François Mitterrand dont il était proche et il l'était toujours alors que Jacques Chirac venait d'être élu Président de la République. Sa position était donc menacée au plan politique, mais me disait-on autour de l'Ambassade, elle l'était aussi au plan personnel, en raison d'une présence à Jakarta jugée insuffisante.
Quoi qu'il en soit, avec une nuance de mépris que je perçus nettement dans le ton de ses paroles, il m'indiqua les quatre principes cardinaux que je devrai suivre pour élaborer un projet de formation à la gestion en Indonésie, projet auquel il me fit comprendre sans ambages qu'il ne croyait pas un instant, considérant implicitement que nous étions venus faire quinze jours de tourisme aux frais de la République.
Le ton me déplu, ses allusions également, mais surtout je ne pouvais que rejeter ses quatre principes, puisqu'ils allaient directement à l'encontre de mon projet.
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LES VALEURS CONTRE LA DEMOCRATIE
S’il y a une leçon à tirer de la Terreur, c’est que ce sont des politiciens qui se voulaient très vertueux qui ont commis les pires crimes politiques jamais accomplis en France.
Les successeurs de Robespierre, Hitler, Staline, Pol Pot étaient tous des hommes qui proclamaient vouloir le bien de leur peuple ; comme par hasard, ils font aussi partie de la liste des meurtriers les plus monstrueux que l’humanité ait jamais connu.
Car les politiciens de la Terreur ont renié les principes fondamentaux de la démocratie qui leur avait pourtant permis de recevoir délégation de leurs électeurs pour gouverner en leur nom.Dans une démocratie, on n’attend pas des dirigeants qu’ils aient une idée géniale pour sauver le pays mais qu’ils soient attentifs aux volontés exprimées par les différentes catégories de la population; qu’ils transmettent les informations nécessaires aux citoyens pour former leur jugement et non qu’ils les cachent sous couvert de « raison d’État »; qu’ils permettent aux médias de jouer un rôle d’intermédiaires entre eux et le public et non celui d’outil de propagande et qu’ils se soumettent aux verdicts des urnes au lieu de chercher à en travestir les résultats.
Si en France, on se permet tant d’entorses à la démocratie, c’est au nom de valeurs que l’on prétend infliger au peuple français, qui relèvent d’un magistère moral et non du pouvoir politique.
C’est en quoi « les valeurs républicaines », que la Terreur avait l’intention vertueuse d’imposerau peuple français comme une purge sanglante, différent de celles des démocraties pour lesquelles le pouvoir vient par définition du peuple et non de ses dirigeants et de leur soi-disant "valeurs": la République ou la démocratie, il faut choisir, voilà l’enseignement de la Terreur.
À la Terreur et à son retour de flamme que fut la Convention thermidorienne, succéda le Directoire dont les mœurs républicaines furent également pleines d’amers enseignements.
S’ils se faisaient des illusions sur leur popularité, les élections qui suivirent démontrèrent aux Jacobins qu’ils avaient eu au moins raison de craindre leur résultat. La composition des deux assemblées indiquait nettement que la volonté des électeurs était ignorée par les anciens conventionnels, alors que les nouveaux élus comptaient 120 royalistes pour seulement 45 républicains.
Malgré le décret des Deux Tiers et les pressions exercées par la Convention sur les électeurs, seulement 376 Conventionnels sur les 500 qu'imposait le décret furent réélus, ce qui obligea la Convention à désigner elle-même les 124 députés manquants.
Élu le 31 octobre 1795, le Directoire était composé de La Révellière-Lépeaux pour l'instruction et la religion, de Reubell pour la diplomatie, de Barras pour les affaires intérieures, de Carnot pour la guerre et de Le Tourneur, ce dernier jouant un rôle mineur dans le groupe. Ces cinq hommes qui composent le Directoire, trois avocats et deux soldats, méritent l’attention car ils fournissent un tableau fidèle du pouvoir issu de la Révolution.
Louis Marie de La Révellière-Lépeaux (1753-1824) est avocat à la veille de la Révolution, grand partisan de l’égalité. Il vote la mort du roi, s’oppose à Robespierre et à Danton et soutient la Gironde contre Marat. Proscrit, il revient à la Convention après la chute de Robespierre.
Quand la Révolution éclate, Jean-François Reubell (1747-1807) est également avocat. À la Constituante, il soutient les droits des hommes de couleur et se spécialise dans la dénonciation des tyrans, des privilèges du clergé et des juifs. Membre du Directoire, il se consacre à la diplomatie de la « Grande Nation ».
Paul François Jean Nicolas, vicomte de Barras (1755-1829), qui a laissé l’image d’un libertin et d’un corrompu, entre dans l’armée à seize ans dont il démissionne à la fin de la guerre d’Indépendance. Il est député à la Convention, où il siège à la Montagne et vote la mort de Louis XVI. Il met la « Terreur à l’ordre du jour » à Marseille et à Toulon, où il remarque Bonaparte. Au soir du 9 Thermidor, il commande l’action militaire qui permet la prise de l’Hôtel de Ville et la fin de Robespierre.
Il est supposé avoir des opinions de gauche, ce qu’il montre en s’opposant aux poursuites contre les conspirateurs babouvistes ainsi qu’à toute tentative de restauration royaliste, notamment lorsqu’il organise le coup d’État de Fructidor.
Lazare Carnot (1753-1823) est le fils d’un avocat qui devient militaire. Il est élu à la Législative et à la Convention où il siège à gauche. Il vote la mort de Louis XVI, mais se tient à l’écart des Jacobins. Membre du Directoire, il prend l’initiative des poursuites contre Babeuf et ses amis. Il se rapproche des royalistes, ce qui l’oblige à s’enfuir lors du coup d’État de Fructidor. Il continuera cependant sa carrière d’organisateur sous le Consulat et l’Empire. Ses fils et petits-fils seront également des hommes politiques et des scientifiques importants.
Le Tourneur ou Letourneur (1751-1817) est capitaine quand il est élu à la Législative. Réélu à la Convention, il vote la mort de Louis XVI, mais est hostile à Robespierre.
La composition politique du Directoire montre que le nouveau régime était dirigé par les mêmes hommes et confronté aux mêmes problèmes que la Convention thermidorienne. Il devait se garder à gauche des Jacobins et des Royalistes à sa droite.
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