JULES FERRY ET LA VOLONTÉ DE PUISSANCE
Jules Ferry en arrive alors à la question clé, qui justifie à ses yeux définitivement l'expansion coloniale, la politique de puissance qui permettra à la France d'exercer une forte influence en Europe et dans le monde, une politique qui conduira inévitablement à la guerre avec les rivaux que l'on a suscités, comme le lui fait remarquer M. Paul de Cassagnac.
M. Jules Ferry. Voilà ce que j'ai à répondre à l'honorable M. Pelletan sur le second point qu'il a touché.
Il est ensuite arrivé à un troisième, plus délicat, plus grave, et sur lequel je vous demande la permission de m'expliquer en toute franchise. C'est le côté politique de la question.
[...]
Messieurs, dans l'Europe telle qu'elle est faite, dans cette concurrence de tant de rivaux que nous voyons grandir autour de nous, les uns par les perfectionnements militaires ou maritimes, les autres par le développement prodigieux d'une population incessamment croissante ; dans une Europe, ou plutôt dans un univers ainsi fait, la politique de recueillement ou d'abstention, c'est tout simplement le grand chemin de la décadence !
Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l'activité qu'elles développent ; ce n'est pas « par le rayonnement des institutions »... (Interruptions à gauche el à droite) qu'elles sont grandes, à l'heure qu'il est.
M. Paul de Cassagnac. Nous nous en souviendrons, c'est l'apologie de la guerre !
M. de Baudry d'Asson. Très bien ! la République, c'est la guerre. Nous ferons imprimer votre discours à nos frais et nous le répandrons dans toutes les communes de nos circonscriptions.
M. Jules Ferry. Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l'écart de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège, comme une aventure, toute expansion vers l'Afrique ou vers l'Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, croyez-le bien, c'est abdiquer, et dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c'est descendre du premier rang au troisième ou au quatrième. (Nouvelles interruptions sur les mêmes bancs. - Très bien ! très bien ! au centre.) Je ne puis pas, messieurs, et personne, j'imagine, ne peut envisager une pareille destinée pour notre pays.
Il faut que notre pays se mette en mesure de faire ce que font tous les autres, et, puisque la politique d'expansion coloniale est le mobile général qui emporte à l'heure qu'il est toutes les puissances européennes, il faut qu'il en prenne son parti, autrement il arrivera... oh ! pas à nous qui ne verrons pas ces choses, mais à nos fils et à nos petits-fils ! il arrivera ce qui est advenu à d'autres nations qui ont joué un très grand rôle il y a trois siècles, et qui se trouvent aujourd'hui, quelque puissantes, quelque grandes qu'elles aient été descendues au troisième ou au quatrième rang. (Interruptions.)
Aujourd'hui la question est très bien posée : le rejet des crédits qui vous sont soumis, c'est la politique d'abdication proclamée et décidée. (Non ! non !) Je sais bien que vous ne la voterez pas, cette politique, je sais très bien aussi que la France vous applaudira de ne pas l'avoir votée ; le corps électoral devant lequel vous allez rendre n'est pas plus que nous partisan de la politique de l'abdication ; allez bravement devant lui, dites-lui ce que vous avez fait, ne plaidez pas les circonstances atténuantes ! (Exclamations à droite et à l'extrême gauche. - Applaudissements à gauche et au centre.) ... dites que vous avez voulu une France grande en toutes choses...
Un membre. Pas par la conquête !
M. Jules Ferry. ... grande par les arts de la paix, comme par la politique coloniale, dites cela au corps électoral, et il vous comprendra.
M. Raoul Duval Le pays, vous l'avez conduit à la défaite et à la banqueroute.
M. Jules Ferry. Quant à moi, je comprends à merveille que les partis monarchiques s'indignent de voir la République française suivre une politique qui ne se renferme pas dans cet idéal de modestie, de réserve, et, si vous me permettez l'expression, de pot-au-feu... (Interruptions et rires à droite) que les représentants des monarchies déchues voudraient imposer à la France. (Applaudissements au centre.)
M. le baron Dufour. C'est un langage de maître d'hôtel que vous tenez là.
M. Paul de Cassagnac. Les électeurs préfèrent le pot-au-feu au pain que vous leur avez donné pendant le siège, sachez-le bien !
M. Jules Ferry. Je connais votre langage, j'ai lu vos journaux... Oh ! l'on ne se cache pas pour nous le dire, on ne nous le dissimule pas : les partisans des monarchies déchues estiment qu'une politique grande, ayant de la suite, qu'une politique capable de vastes desseins et de grandes pensées, est l'apanage de la monarchie, que le gouvernement démocratique, au contraire, est un gouvernement qui rabaisse toutes choses...
M. de Baudry d'Asson. C'est très vrai !
M. Jules Ferry. Eh bien, lorsque les républicains sont arrivés aux affaires, en 1879, lorsque le parti républicain a pris dans toute sa liberté le gouvernement et la responsabilité des affaires publiques, il a tenu à donner un démenti à cette lugubre prophétie, et il a montré, dans tout ce qu'il a entrepris...
M. de Saint-Martin. Le résultat en est beau !
M. Calla. Le déficit et la faillite !
M. Jules Ferry. ...aussi bien dans les travaux publics et dans la construction des écoles... (Applaudissements au centre et à gauche), que dans sa politique d'extension coloniale, qu'il avait le sentiment de la grandeur de la France. (Nouveaux applaudissements au centre et à gauche.)
Il a montré qu'il comprenait bien qu'on ne pouvait pas proposer à la France un idéal politique conforme à celui de nations comme la libre Belgique et comme la Suisse républicaine, qu'il faut autre chose à la France : qu'elle ne peut pas être seulement un pays libre, qu'elle doit aussi être un grand pays exerçant sur les destinées de l'Europe toute l'influence qui lui appartient, qu'elle doit répandre cette influence sur le monde, et porter partout où elle le peut sa langue, ses moeurs, son drapeau, ses armes, son génie. (Applaudissements au centre et à gauche.)
Quand vous direz cela au pays, messieurs, comme c'est l'ensemble de cette oeuvre, comme c'est la grandeur de cette conception qu'on attaque, comme c'est toujours le même procès qu'on instruit contre vous, aussi bien quand il s'agit d'écoles et de travaux publics que quand il s'agit de politique coloniale, quand vous direz à vos électeurs : « Voilà ce que nous avons voulu faire » soyez tranquilles, vos électeurs vous entendront, et le pays sera avec vous, car la France n'a jamais tenu rigueur à ceux qui ont voulu sa grandeur matérielle, morale et intellectuelle (Bravos prolongés à gauche et au centre. - Double salve d'applaudissements - L'orateur en retournant à son banc reçoit les félicitations de ses collègues.)
Aujourd'hui, la France en est toujours, avec ses moyens, à justifier la politique qu'elle conduit par des considérations stratégiques et économiques, mais elle n'a toujours pas abandonné l'idée qu'elle disposait d'un droit moral sur les anciennes colonies françaises, suscitant au pire l'ire des Africains et au mieux leur sourire. Que la Russie ou la Chine interviennent en Afrique apparait souvent en France comme un crime de lèse-majesté: mais enfin la France est une démocratie, le pays des droits de l'homme, aller frayer avec ces pays impurs est parfaitement illégitime...
Si les diplomates et les journalistes français connaissaient vraiment l'Afrique et un peu l'histoire, ils se tairaient.
LA POLITIQUE COLONIALE DE LA FRANCE
Il est peu probable que vous ayez déjà lu le compte-rendu de la séance parlementaire du 28 juillet 1885. Or, il le mérite, car il décrit avec un cynisme roboratif la politique coloniale française jusqu’à ces dernières années, qui ont été marquées par l’échec total de notre politique africaine.
Depuis le début des années 1880, la France cherche à coloniser de nouveaux territoires : la Tunisie, en 1881, l’Annam en 1883 et le Tonkin en 1885 deviennent des protectorats français. La séance parlementaire du 28 juillet 1885 est consacrée à la discussion d’un projet de crédits extraordinaires pour financer une expédition à Madagascar où la France tente d’imposer son protectorat, en concurrence avec les Anglais. Jules Ferry, ancien maire et député de Paris,joue à cette occasion un rôle majeur devant l’Assemblée Nationale, car il est le porte-parole de cette nouvelle politique de conquête coloniale défendue par la gauche moraliste de l’époque. Face à un adversaire tel que Georges Clemenceau, il défend dans le langage fleuri alors en usage, dans l’ordre les bienfaits économiques, humanitaires ensuite et stratégiques enfin, du colonialisme français qui sera effectivement appliqué par lui et ses successeurs. Il fait face à deux types d’opposition, l’une de principe à gauche qui invoque les grands principes de la République qui risquent d’être bafoués par le processus de colonisation et l’autre, plus timide à droite, qui trouve que la colonisation coûte trop cher. Vous pourrez ainsi constater que le débat est finalement moderne.
.
M. Jules Ferry. Messieurs, je suis confus de faire un appel aussi prolongé à l'attention bienveillante de la Chambre, mais je ne crois pas remplir à cette tribune une tâche inutile. Elle est laborieuse pour moi comme pour vous, mais il y a, je crois, quelque intérêt à résumer et à condenser, sous forme d'arguments, les principes, les mobiles, les intérêts divers qui justifient la politique d'expansion coloniale, bien entendu, sage, modérée et ne perdant jamais de vue les grands intérêts continentaux qui sont les premiers intérêts de ce pays.
Je disais, pour appuyer cette proposition, à savoir qu'en fait, comme on le dit, la politique d'expansion coloniale est un système politique et économique, je disais qu'on pouvait rattacher ce système à trois ordres d'idées ; à des idées économiques, à des idées de civilisation de la plus haute portée et à des idées d'ordre politique et patriotique.
Sur le terrain économique, je me suis permis de placer devant vous, en les appuyant de quelques chiffres, les considérations qui justifient la politique d'expansion coloniale au point de vue de ce besoin de plus en plus impérieusement senti par les populations industrielles de l'Europe et particulièrement de notre riche et laborieux pays de France, le besoin de débouchés.
Est-ce que c'est quelque chose de chimérique ? est-ce que c'est une vue d'avenir, ou bien n'est-ce pas un besoin pressant, et on peut dire le cri de notre population industrielle ? Je ne fais que formuler d'une manière générale ce que chacun de vous, dans les différentes parties de la France, est en situation de constater.
Oui, ce qui manque à notre grande industrie, que les traités de 1860 ont irrévocablement dirigé dans la voie de l'exportation, ce qui lui manque de plus en plus ce sont les débouchés.
Pourquoi ? parce qu'à côté d'elle l'Allemagne se couvre de barrières, parce qu’au-delà de l'océan les États-Unis d'Amérique sont devenus protectionnistes et protectionnistes à outrance ; parce que non seulement ces grands marchés, je ne dis pas se ferment, mais se rétrécissent, deviennent de plus en plus difficiles à atteindre par nos produits industriels parce que ces grands États commencent à verser sur nos propres marchés des produits qu'on n'y voyait pas autrefois. Ce n'est pas une vérité seulement pour l'agriculture, qui a été si cruellement éprouvée et pour laquelle la concurrence n'est plus limitée à ce cercle des grands États européens pour lesquels avaient été édifiées les anciennes théories économiques ; aujourd'hui, vous ne l'ignorez pas, la concurrence, la loi de l'offre et de la demande, la liberté des échanges, l'influence des spéculations, tout cela rayonne dans un cercle qui s'étend jusqu'aux extrémités du monde. (Très bien ! très bien !)
C'est là une grande complication, une grande difficulté économique.
[...]
C'est là un problème extrêmement grave.
Il est si grave, messieurs, si palpitant, que les gens moins avisés sont condamnés à déjà entrevoir, à prévoir et se pourvoir pour l'époque où ce grand marché de l'Amérique du Sud, qui nous appartenait de temps en quelque sorte immémorial, nous sera disputé et peut-être enlevé par les produits de l'Amérique du Nord. Il n'y a rien de plus sérieux, il n'y a pas de problème social plus grave ; or, ce programme est intimement lié à la politique coloniale.
[...]
Messieurs, il y a un second point, un second ordre d'idées que je dois également aborder, le plus rapidement possible, croyez-le bien : c'est le côté humanitaire et civilisateur de la question.
Sur ce point, l'honorable M. Camille Pelletan raille beaucoup, avec l'esprit et la finesse qui lui sont propres ; il raille, il condamne, et il dit : qu'est-ce que c'est que cette civilisation qu'on impose à coups de canon ? Qu'est-ce sinon une autre forme de la barbarie ? Est-ce que ces populations de race inférieure n'ont pas autant de droits que vous ? Est-ce qu'elles ne sont pas maîtresses chez elles ? Est-ce qu'elles vous appellent ? Vous allez chez elles contre leur gré ; vous les violentez, mais vous ne les civilisez pas.
Voilà, messieurs, la thèse ; je n'hésite pas à dire que ce n'est pas de la politique, cela, ni de l'histoire : c'est de la métaphysique politique... (Ah ! ah ! à l'extrême gauche.)
Voix à gauche. Parfaitement !
M. Jules Ferry. et je vous défie - permettez-moi de vous porter ce défi, mon honorable collègue, monsieur Pelletan -, de soutenir jusqu'au bout votre thèse, qui repose sur l'égalité, la liberté, l'indépendance des races inférieures. Vous ne la soutiendrez pas jusqu'au bout, car vous êtes, comme votre honorable collègue et ami M. Georges Perin, le partisan de l'expansion coloniale qui se fait par voie de trafic et de commerce.
[...]
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures... (Rumeurs sur plusieurs bancs à l'extrême gauche.)
M. Jules Maigne. Oh ! vous osez dire cela dans le pays où ont été proclamés les droits de l'homme !
M. de Guilloutet. C'est la justification de l'esclavage et de la traite des nègres !
M. Jules Ferry. Si l'honorable M. Maigne a raison, si la déclaration des droits de l'homme a été écrite pour les noirs de l'Afrique équatoriale, alors de quel droit allez-vous leur imposer les échanges, les trafics ? Ils ne vous appellent pas ! (Interruptions à l'extrême gauche et à droite. - Très bien ! très bien ! sur divers bancs à gauche.)
M. Raoul Duval. Nous ne voulons pas les leur imposer ! C'est vous qui les leur imposez !
M. Jules Maigne. Proposer et imposer sont choses fort différentes !
M. Georges Périn. Vous ne pouvez pas cependant faire des échanges forcés !
M. Jules Ferry. Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... (Marques d'approbation sur les mêmes bancs à gauche - Nouvelles interruptions à l'extrême gauche et à droite.)
M. Joseph Fabre. C'est excessif ! Vous aboutissez ainsi à l'abdication des principes de 1789 et de 1848... (Bruit), à la consécration de la loi de grâce remplaçant la loi de justice.
M. Vernhes. Alors les missionnaires ont aussi leur droit ! Ne leur reprochez donc pas d'en user ! (Bruit.)
M. le président. N'interrompez pas, monsieur Vernhes !
M. Jules Ferry. Je dis que les races supérieures...
M. Vernhes. Protégez les missionnaires, alors ! (Très bien ! à droite.)
Voix à gauche. N'interrompez donc pas !
M. Jules Ferry. Je dis que les races supérieures ont des devoirs...
M. Vernhes. Allons donc !
M. Jules Ferry. Ces devoirs, messieurs, ont été souvent méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement, quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. (Très bien ! très bien !) Mais, de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de ce devoir supérieur de civilisation.
M. Paul Bert. La France l'a toujours fait !
M. Jules Ferry. Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu'un peut nier qu'il y a plus de justice, plus d'ordre matériel et moral, plus d'équité, plus de vertus sociales dans l'Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête ? Quand nous sommes allés à Alger pour détruire la piraterie, et assurer la liberté du commerce dans la Méditerranée, est-ce que nous faisions oeuvre de forbans, de conquérants, de dévastateurs ? Est-il possible de nier que, dans l'Inde, et malgré les épisodes douloureux qui se rencontrent dans l'histoire de cette conquête, il y a aujourd'hui infiniment plus de justice, plus de lumière, d'ordre, de vertus publiques et privées depuis la conquête anglaise qu'auparavant ?
M. Clemenceau. C'est très douteux !
M. Georges Périn. Rappelez-vous donc le discours de Burke !
M. Jules Ferry. Est-ce qu'il est possible de nier que ce soit une bonne fortune pour ces malheureuses populations de l'Afrique équatoriale de tomber sous le protectorat de la nation française ou de la nation anglaise ? Est-ce que notre premier devoir, la première règle que la France s'est imposée, que l'Angleterre a fait pénétrer dans le droit coutumier des nations européennes et que la conférence de Berlin vient de traduire le droit positif, en obligation sanctionnée par la signature de tous les gouvernements, n'est pas de combattre la traite des nègres, cet horrible trafic, et l'esclavage, cette infamie. (Vives marques d'approbation sur divers bancs.)
[...]
M. Jules Ferry. Voilà ce que j'ai à répondre à l'honorable M. Pelletan sur le second point qu'il a touché.
Il est ensuite arrivé à un troisième, plus délicat, plus grave, et sur lequel je vous demande la permission de m'expliquer en toute franchise. C'est le côté politique de la question.
[...]
À SUIVRE
LE TEMPS ET SON CONTRÔLE
Le temps et son contrôle
Fondée sur la mythologie, la philosophie grecque présente le temps comme une dégradation, qui détruit tout peu à peu.
Allant au-delà de cette mythologie, les philosophes grecs ont introduit une opposition entre le temps du monde et le temps du sujet. Certains philosophes comme Aristote, et dans une certaine mesure Platon, parlent d’un rapport au temps cosmique, alors que d’autres comme Saint-Augustin pensent qu’il s’agit d’une question subjective et que, finalement, le temps n’existe peut-être pas : pour lui le temps n’est qu’une distension de l’âme, parce que je ne connais le passé que par la mémoire et le futur par la crainte, l’espoir ou l’anticipation. Ces réflexions de Saint-Augustin anticipent celles d’Heidegger, qui développera une conception du temps radicalement subjective.
Cette différence entre un temps objectif et un temps subjectif a engendré une constante oscillation entre l’un et l’autre dans l’histoire de la philosophie. Paul Ricœur a ainsi développé des figures mixtes du temps, à la fois subjectives et cosmiques, en partant d’un temps historique qui est à la fois un temps inscrit dans un calendrier cosmique, un temps du monde, physique, géographique, et en même temps, qui constitue un temps subjectif, un temps vécu, un temps dans lequel des points de vue subjectifs divers se rencontrent ou s’éloignent.
Selon cette approche, il n’y aurait pas un seul temps, mais des registres temporels différents dont il faut accepter les discontinuités et les pluralités.
Le concept de temps suscite d’autres oppositions, comme celle entre Kant et Hegel, avec une conception statique du temps confrontée à une conception dynamique du temps comme dialectique. L’histoire de la philosophie est structurée entre un temps du sujet et du monde vécu sur le mode de la durée, comme on le trouve chez Schopenhauer, Nietzsche ou même Bergson, sur le mode de la volonté de vivre, ou de la poussée vitale, où le temps est une sorte de continuum, et une conception du temps comme rupture, comme une discontinuité.
Si nous revenons à la conception antique du temps, comme une lente destruction, une entropie, une perte, nous observons, sans doute à partir de la Renaissance, que la conception du temps s’est peu à peu inversée, que le temps n’est plus uniquement dégradation, mais peut devenir créateur jusqu’à inverser la conception du monde: pour les Grecs le monde était la vie et la mort était le problème, alors qu’aujourd’hui le mystère n’est plus la mort qui est partout, mais plutôt la vie.
Selon cette perspective de la vie, miracle ou mystère, nous avons peur de l’entropie, du temps qui détruit. Nous voulons toujours plus de complexité, de croissance. Nous estimons qu’il n’y a de la vie que lorsqu’il y a de la croissance, de l’intensification. ET pour continuer d’exister dans une société où le nombre de connexions augmente sans cesse, il faut entretenir constamment les connexions, envoyer des messages à tout le monde — et comme on connaît de plus en plus de monde, il faut envoyer de plus en plus de messages et en recevoir de plus en plus.
Sans limites ?
Dans une société, la confiance repose sur le sentiment que le monde dure plus longtemps que moi. Or nous sommes plongés dans une société qui délaisse ces institutions pour des connexions horizontales multiples qui s’accélèrent. On accélère la vitesse, on accélère les transports, les déplacements, on se déplace de plus en plus vite, les connexions sont de plus en plus fréquentes, avec une limite due à la finitude physique et psychique de l’homme
Le temps d’aujourd’hui est en train de devenir un temps inhumain, comme si un processus technique était en train de manager nos cerveaux, nos corps, nos relations, notre emploi du temps, la forme entière de notre société, trop rapidement pour nos capacités.
Pouvons-nous encore reprendre le contrôle de notre temps ?
VERS L'INDONÉSIE
Depuis un an environ, je tourne dans mon récit autour de l’année 1995, l’année pendant laquelle j’ai « tranché le nœud gordien », me décidant à quitter la direction de l’IECS sans toutefois parvenir à assurer sereinement ma succession, l’année qui me vit enseigner à Hanoï, l’année qui précéda l’accession de « cinq destins de docteurs », l’année qui précéda celle du lancement des ENCG au Maroc, l’année pendant laquelle je publiais « L’essentiel de la Gestion », et aussi l’une des trois années durant lesquelles j’enseignais à Timisoara.
Malgré cette multitude d’évènements, je n’en ai pas fini avec l’année 1995, car ce fut aussi l’année indonésienne, celle de ma plus improbable réussite, fruit d’une volonté qui parvint, je ne sais comment, à faire plier les faits à ma guise.
Avec l’expérience, j’ai fini par croire à l’extraordinaire force de la volonté. Je ne prétends pas faire tout ce que je veux dans la vie, mais je soutiens que rien n’est arrivé que je ne voulais pas, consciemment ou inconsciemment, que je ne pressentais pas, que je n’orientais pas d’une manière ou d’une autre. C’est du moins ce que je ressens, mais c’est sans doute une illusion.
Pourtant, durant ma carrière universitaire, j’en vois de nombreux exemples comme la création de l’université du troisième âge, les concours de maitre de conférences et de professeur, la création de l’IAE de Tianjin puis de Beijing et même dans mes échecs relatifs, au Cepun, en Bulgarie ou encore dans mon départ récent de l’IPAG, que je n’ai naturellement pas encore raconté.
Cette force de la volonté n’est peut-être qu’une manière de décrire la manière dont nous cherchons à nous insérer dans les flux du monde. Du moins m’a-t-elle donné confiance et elle ne s’est jamais si clairement manifestée que dans cette incroyable aventure indonésienne.
Au printemps 1995, j’étais en train de quitter la direction de l’IECS et de revenir m’installer dans mon bureau, douillet mais minuscule, à l’IAE de Nice. Pas pour m’y endormir, pas pour revenir sur mes pas, pas pour capituler, mais pour faire ce que je n’avais pas eu le temps de créer du fait de mes lourdes occupations à Strasbourg. On a vu que je ne m’étais pas endormi, comme au Maroc, mais mon plan, élaboré au retour du Sénégal en 1983, avait été suspendu par les contraintes de la direction de l’IECS, elle-même reliée à des contingences personnelles.
Je ne sais pas si j’ai déjà exposé clairement ce plan au cours de ces billets, mais le voici : mon plan initial, fondé sur la volonté de contribuer en tant qu’universitaire au maintien et au développement de l’influence de la France dans le monde, consistait à proposer la création, je disais d’IAE, mais en réalité de CAAE, dans les plus grands pays en développement.
L’IAE était la structure et le CAAE une formation à la gestion en un an à laquelle je croyais. Bien sûr je visais aussi à installer une structure d’appui de type IAE, tout d’abord légère puis plus complexe au fur et à mesure où les formations deviendraient plus structurées.
L’objectif était du type « gagnant-gagnant », le seul qui fonctionne à terme, la France finançant une formation de qualité aux cadres de ces pays ainsi que l’ouverture à des entreprises françaises qui échangeraient avec les entreprises du pays ou qui s’installeraient sur place. Nous n’étions pas encore à l’ère d’internet ou les échanges, universitaires ou commerciaux, pourraient se contenter de supports virtuels.
La France, de son côté, en attendait une influence accrue dans ces pays, sur les plans intellectuel, culturel et économique. Elle n’avait pas encore capitulé, contrainte et forcée, devant la pratique universelle d’un véhicule linguistique fondé sur une sorte d’anglais qui permettait à n’importe quelle personne dans le monde d’échanger, même fort peu ou fort mal, avec n’importe quelle autre.
C’est pourquoi la langue pratiquée était le français, les professeurs venaient pour un séjour limité des universités et des écoles françaises, le programme était celui des IAE en France, les stages qui succédaient à la formation se faisaient dans les entreprises françaises ou dans leurs filiales à l’étranger.
Pour peu de temps, c’était un discours qui était encore intelligible pour les conseillers culturels dans les ambassades et dans le MAE, même s’ils comprenaient plus difficilement que ce soit un universitaire niçois, et non un universitaire parisien, qui le tienne. Mais avec l’appui de la Fnege et moyennant quelques arrangements avec des collègues parisiens, je parvenais généralement à surmonter cet obstacle ontologique, sauf, on l’a vu, au Vietnam.
J’avais projeté cet objectif général sur des territoires. Au départ, j’imaginais installer ces formations en Chine, que je connaissais pour y avoir enseigné, puis en Indonésie, avant de me lancer en Inde et au Brésil.
Pourquoi l’Indonésie ? Je ne sais pas trop, une intuition, un pays qui me permettrait de souffler entre deux plus gros morceaux, la Chine et l’Inde.
En 1995, après le succès chinois, j’en étais là, à vouloir installer une formation à la gestion en Indonésie…
À SUIVRE
BONAPARTE SAUVE ENCORE LA CONVENTION
Bonaparte sauve encore la Convention
Le 10 mars dernier, je vous ai présenté la constitution « tordue » des Thermidoriens. Elle n’est pas passée comme une lettre à la poste…
Comme d’habitude, le referendum au suffrage universel qui fut organisé pour approuver cette constitution se caractérisa par une forte abstention et de nombreuses irrégularités.
Les résultats officiels firent état de 1.057.390 voix en faveur de la Constitution dite de l’An III et de 49.978 voix contre. Pour sa part, le décret des deux tiers ne fut approuvé que par 205.498 voix pour et 108.754 voix contre.
Il faut noter, alors que l’on déplore en ce début de XXIe siècle des taux d’abstention « records » de 60%, que le taux d'abstention du referendum de l'époque s’éleva à 78% pour la Constitution de l’An III et à 94% pour le décret des deux tiers !
Cela n’empêcha pas cette nouvelle constitution d’être proclamée le 23 septembre 1795. Elle impliquait d’élire ensuite le corps législatif. Mais, avant que les élections législatives ne se déroulent, les royalistes parisiens formèrent un comité insurrectionnel, s’estimant lésés, à Just titre, par le décret des deux tiers et les fraudes.
L'épreuve de force eut lieu 4 octobre 1795.
Une petite armée commandée par le général Danican chercha à encercler les Tuileries pour faire capituler sans combat la Convention, protégée par les troupes du général Menou qui plièrent face aux royalistes. C'est alors que Barras remplaça le général défaillant par Bonaparte qui, aidé par Murat, récupèra des pièces d'artillerie avec lesquelles il fit mitrailler les forces royalistes sur les marches de l'église Saint Roch, faisant 200 tués avant de disperser les survivants.
Napoléon s'imposait une deuxième fois, en tant que défenseur des régicides. La première fois, il avait déjà repris Toulon aux Anglais pour le compte de la Convention de la Terreur, et, cette fois, il sauvait la Convention thermidorienne.
Le 14 vendémiaire (6 octobre 1795), Paris était occupé militairement et l'émeute étouffée, sans que ne soit toutefois exercée une répression excessive qui aurait trop renforcée les partisans de la Terreur. Le 16 octobre, Bonaparte était élevé par Barras au grade de général de division et le 26 octobre, tandis qu'entrait en vigueur la nouvelle Constitution, il devenait commandant en chef de l'armée de l'intérieur en remplacement de son mentor qui faisait son entrée au Directoire.
En se séparant, la Convention prononça une amnistie générale dont elle excluait les révoltés de Vendémiaire, les prêtres réfractaires et les immigrés. Elle décidait également que la Place de la Révolution deviendrait la Place de la Concorde, un excellent choix puisqu’il a perduré jusqu’à ce jour…
Reste pour nous à tirer le bilan de la Terreur. Peu se risquent à la glorifier mais nombreux sont ceux qui lui trouvent des excuses: elle aurait été provoquée par l’état d’extrême tension du pays; les menaces austro-prussiennes auraient déclenché le processus; le roi a joué la politique du pire; il fallait sauver la République; la Terreur a échappé à la volonté des responsables qui ont essayé d'en punir ses excès ; Robespierre voulait le bonheur du peuple…
Du point de vue politique, elle a tout simplement été une stratégie de prise et de contrôle du pouvoir et elle s'est appuyée sur une idéologie qui prétendait vouloir faire respecter, au travers du pouvoir politique, de grands principes philosophiques.
La recette pratique de la Terreur a consisté à faire place nette de tout ce qui faisait obstacle au pouvoir d’un État chargé d’unifier une nation, les privilèges provenant de la naissance, des charges, des corporations et des vœux religieux, pour installer les préfets, les commissaires, les juges, les bourreaux qui allaient appliquer de grands principes à la pauvre matière humaine.
L’horreur était en vue, car les acteurs de la Terreur ont organisé une oppression systématique, accru sans cesse les pouvoirs des tribunaux, supprimé tous les droits de la défense, envoyé des commissaires pour exciter l’ardeur des bourreaux et des délateurs. Ces hommes ont promulgué l’incroyable loi des suspects: étaient suspects tous « ceux qui, par leur conduite, leurs relations, leurs propos ou leurs écrits se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la liberté; ceux qui ne pourront justifier de leurs moyens d'existence et de l'acquit de leurs devoirs civiques ; ceux qui n'auront pu obtenir de certificat de civisme; les ci-devant nobles qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution, les émigrés, même s'ils sont rentrés, les prévenus de délits, même acquittés… ». Délit d’opinion, délit de faciès, délit de classe, tout y est.
La Terreur a engendré les deux cent mille morts du génocide vendéen, les soixante-deux mille guillotinés, les dizaines de milliers de personnes livrées à la mitraille dans les villes révoltées et tout un pays soumis à des tyrans qui se croyaient tout permis au nom de leurs principes.
Face à ce passif monstrueux, on cherche en vain le moindre actif, à moins que l’invention du totalitarisme ne soit considérée comme une gloire nationale.
À SUIVRE
FIN DE L'HISTOIRE
Ce billet est une pure fiction
Le 14 juillet 2024, le Président réunit son Premier Ministre et son ministre des Affaires étrangères. Après cette longue journée de commémoration, ils sont fatigués. Le Président a lu le rapport de la DGSE qui lui indique que les troupes ukrainiennes n'en ont plus que pour quinze jours avant de devoir se retirer d'Odessa.
Les troupes russes poussent continûment, les bombardements sont incessants sur la ville, sa périphérie et ses accès. Si Odessa tombe, la mer Noire sera fermée à l'Ukraine. Il est temps de montrer que la détermination de la France à aider l'Ukraine reste intacte.
Une discussion presque violente s'engage entre les trois hommes qui savent que leur avenir politique, et pas seulement, se joue ce soir là. Le Président et le ministre des Affaires Étrangères sont du même avis, il faut envoyer des troupes constituées et sans attendre. Le Premier Ministre, plus politique, y est opposé. Il souligne notamment l'imminence des JO qui commencent dans 12 jours. Faire la guerre et les JO en même temps, ce serait une première !
Le Président sourit de cette objection secondaire : dès l'entrée de nos troupes en Ukraine, il fera un discours pour informer et rassurer les Français; il annoncera en même temps le report sine die des Jeux.
Mais il veut se concentrer sur l'essentiel. Il ne croit absolument pas à une riposte stratégique, sous forme d'attaque nucléaire sur la France. Ce serait disproportionné et Poutine a toujours calculé ses réactions. Il croit en revanche que nos troupes devront faire face à de violents bombardements, mais ça c'est l'affaire du chef d'état-major des armées. Lui se concentre sur l'aspect politique. La France apparaitra comme l’acteur stratégique principal en Europe, devant les Anglais, les Allemands et même les Américains, sans même mentionner les Polonais, va-t’en guerre mais prudents.
Si les troupes françaises réussissent à retarder, voire à arrêter, l'avance russe sur Odessa, la France parviendra à mobiliser les Européens derrière elle. Elle sera en position de force pour proposer à la Russie de négocier. Le risque, bien sûr, réside dans des pertes humaines et matérielles trop élevées. Mais même si c’est le cas, on ne les rendra publiques que dans un délai raisonnable, ce qui nous laissera le temps d'exploiter l'avantage politique de l'initiative et cela rajoutera à notre autorité. Le prestige de Napoléon n'a pas souffert du million de soldats tués.
Le Premier Ministre objecte, qu'en matière militaire, les risques d'échecs sont nombreux et non maitrisables, que ce risque non mesurable rend l’enjeu, à savoir la prédominance militaire française en Europe, trop sujet à caution. Il va réfléchir, mais il n'exclut pas de démissionner dès demain ; ses deux interlocuteurs se réécrient ; il se tait.
Tous trois évoquent brièvement les conditions de l'intervention avant de se séparer. Les troupes françaises en Roumanie, dotées d'un nombre important de blindés ont déjà doublé. Plus de 1300 soldats français étaient déployés depuis deux ans à Cincu (Roumanie) avec des chars Leclerc, des canons Caesar, des LRU (lance-roquettes unitaires), des mortiers de 120 mm, des véhicules blindés, un détachement de défense sol-air MAMBA et un élément avancé de niveau brigade. Récemment, le 2e régiment étranger d'infanterie (2e REI) a rejoint Cincu et il dispose d'un nouveau véhicule blindé multi rôles Griffon. Il est prévu de leur adjoindre immédiatement des éléments supplémentaires, surtout logistiques, permettant au détachement de passer au niveau d'une brigade.
Le Président compte que ce sera effectif dans la semaine et une fois complétée, la brigade, composée de 6000 soldats environ, se mettra en route vers Odessa à plus de 600 kms de là, passant au travers de la Moldavie et effleurant la Transnitrie, cette longue bande de territoire ou stationnent 2000 ou 3000 soldats russes.
Avant ce passage, qui débouche à 40 kilomètres d'Odessa, le Président se sera adressé à la nation, mais il sait que les Russes pourront suivre quasiment en direct le mouvement théoriquement secret des troupes depuis la France jusqu'à Cincu, puis vers Odessa.
Le 24 juillet, le Président annonce donc l'entrée des troupes françaises en Ukraine et la suspension des JO, les premières mesures de défense civiles et demande au gouvernement d'informer le Parlement de l'entrée des troupes françaises en Ukraine, selon l'article 35 de la Constitution. Aucun vote n'est prévu, mais s’il avait eu lieu, il sait qu’il aurait été clairement négatif.
Le 27 juillet, les troupes françaises se positionnent à 20 kms en arrière d'Odessa, sans avoir subi d'attaques russes contrairement à ce que les porte-paroles officieux du Kremlin avaient claironné. Première victoire ?
En France, des manifestations contre la guerre ont lieu depuis plusieurs jours dans divers points du territoire national et une grande manifestation nationale de protestation se prépare à Paris pour le dimanche 28 juillet. Il est question de l’interdire.
Le soir du 27 juillet, le Président, en tant que Chef des Armées, donne l'ordre au Chef d'état-major des Armées de faire avancer les troupes en direction d'Odessa, ce qui les mettra en contact direct avec les troupes russes. Ce dernier, invoquant l'article D. 4122-3 du Code de la défense, informe le Président, qu'en tant que subordonné, il refuse d'exécuter cet ordre* qui « prescrit d’accomplir un acte contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés », dans la mesure où il prend l'initiative d'un conflit contre des forces ni menaçantes, ni belligérantes contre la France.
En vertu du même article, il procède ensuite à la mise aux arrêts du Président et en informe le Premier Ministre. Aussitôt le Président du Sénat, saisi, fait une allocution pour informer le pays qu'il assure l'intérim de la Présidence de la République et qu'il donne l'ordre aux troupes françaises de se replier à Cincu, en attendant les ordres ultérieurs.
Le 28 juillet, le ministère de la défense russe annonce que ses troupes ont suspendu leur offensive vers Odessa. En France, le PM, maintenu dans ses fonctions, prévoit de faire commencer les JO avec une semaine de retard.
Le Président a finalement réussi sa manoeuvre sans casse, mais au prix de son mandat.
* Ronan Doaré, Ordre légal, ordre illégal, Inflexions, 2013/3 (N° 24), pages 153 à 162 Éditions Armée de terre.
LE DEUXIEME SEXE
Le deuxième sexe est une étude sur la femme et son rôle dans la société, qui se place tout d'abord dans une perspective historique et mythique, tout en s'appuyant sur des expériences vécues.
Simone de Beauvoir montre comment, d'une manière ou d'une autre la femme a toujours été l'esclave de l'homme. Elle récuse l'idée d'une nature féminine, pourtant si encensée dans la littérature.
En effet l'homme tente de faire oublier à la femme sa dépendance en attribuant un charme particulier à son sexe. Or rien de naturel ni de biologique ne cantonne la femme à son rôle, car sa condition est un phénomène purement culturel :" Ce n'est pas l'infériorité des femmes qui a déterminé leur insignifiance historique, c'est leur insignifiance historique qui les a vouées à l'infériorité".
Or, un mythe forgé depuis des millénaires par les hommes à travers « les cosmologies, les religions, les superstitions, les idéologies, les littératures » laisse croire que la féminité́ constitue une condition, une nature, une essence, alors qu'il s'agit d'une situation imposée par la volonté́ de l'homme. Ainsi la maternité́ n'est qu'un phénomène culturel et « l'instinct maternel » ne saurait être inné.
Car, qu'elle soit mère, épouse, fille, prostituée, la femme ne se définit qu'en fonction de l'homme, au travers du désir masculin. L'homme est le sujet omnipuissant, la femme est l'objet et le lieu d'accomplissement de sa volonté́. Elle ne se définit que pour et par lui et jamais pour elle-même : elle incarne l'Autre. Cette altérité posée à priori entraîne l'impossibilité de relation de réciprocité et d'égalité entre hommes et femmes. Souvent assimilé à la matière, car les métaphores de la féminité empruntent en majorité leur vocabulaire aux matières organiques et végétales, la femme aspire à devenir une conscience autonome
Et Simone de Beauvoir de conclure que c'est à partir d'une égalité totale des deux sexes que naitra la liberté de la femme.
Cette imposante étude, au style polémiste, a suscité un tollé général à sa sortie en 1949, avant de connaitre un grand succès après 1970. Il est vrai que la qualité de la réflexion, l’érudition et la grande modernité de l’auteure, puisqu'elle s'appuie sur les apports de Lacan et de Levi Strauss pour renforcer son argumentation. Elle utilise également l'existentialisme pour proclamer qu'elle se refuse à devenir ce que la société́ a supposé́ qu'elle deviendrait ; dénonçant une aliénation, elle déclare que son destin lui appartient, revendiquant sa liberté de sujet, selon une approche métaphysique.
Voici deux extraits révelateurs de sa démarche, lorsqu’elle démonte le mécanisme amoureux :
"Pendant 20 ans d'attente de rêve d'espoir, la jeune fille a caressé le mythe du héros, libérateur et sauveur : l'indépendance conquise dans le travail ne suffit pas abolir son désir d'une abdication glorieuse. Il faudrait qu'elle eut été élevée exactement comme un garçon pour pouvoir surmonter aisément le narcissisme de l’adolescence : mais elle perpétue dans sa vie d'adulte, ce culte du mois auquel toute sa jeunesse l'a inclinée; de ses réussites professionnelles, elle fait des mérites dont elle enrichit son image, elle a besoin qu'un regard venu d'en haut révèle et consacre sa valeur."
Ou lorsqu’elle expose l'état de dépendance des femmes :
" L'histoire nous a montré que les hommes ont toujours détenu tous les pouvoirs concrets ; depuis les premiers temps du patriarcat, ils ont jugé utile de maintenir la femme dans un état de dépendance ; leur codes se sont établis contre elle; et c'est ainsi qu'elle a été concrètement constitué comme l'Autre.
Cette constitution servait les intérêts économiques des mâles ; mais elle convenait aussi à leurs prétentions ontologiques et morales. Dès que le sujet cherche à s'affirmer, l'Autre qui le limite et le nie lui est cependant nécessaire : il ne s'atteint qu'à travers cette réalité qu'il n'est pas."
Déconstructiviste sans être nihiliste, l’ouvrage de Simone de Beauvoir incarne l'exigence existentialiste de transformer la femme d'objet en sujet, de refuser la passivité, d'agir malgré toutes les résistances et de devenir à ce prix tout simplement un être humain.
FAIRE COURS À TIMISOARA
Pendant cette période strasbourgeoise, J’ai enseigné ailleurs qu’à Hanoi : Durant trois années successives, de 1995 à 1997, j’ai donné un cours de marketing sur une durée de deux semaines à l’Université de Timisoara.
Il y avait un accord entre, je ne sais plus trop qui, la FNEGE ou l’IAE de Nice, avec l’Université de Timisoara dans l’extrême ouest de la Roumanie aux abords de la Hongrie et de la Serbie. Belgrade se trouve à 150 kms de là et Budapest à 280 kms de Timisoara. Aussi la population de la ville est-elle d’origine hongroise et serbe plus que roumaine et la ville a été longtemps revendiquée par la Hongrie.
En effet, la ville a été créé par des Hongrois et elle resta hongroise cinq siècles avant d’être conquise par les Ottomans en 1552. Mais deux siècles plus tard, en 1716, elle fut reconquise par les troupes autrichiennes du prince Eugene de Savoie et elle devint ensuite une grande ville industrielle de l’empire Austro-Hongrois jusqu’à l’éclatement de l’empire en 1918. Elle fut alors rattachée à la Roumanie, une décision contestée par la Hongrie.
La période autrichienne est tout à fait visible dans l’architecture de la ville, notamment avec celle de son Opéra.
La Brasserie locale est bien représentative de l’histoire de la ville : en 1718, le prince Eugène de Savoie fit construire à Timisoara une brasserie destinée à la garnison autrichienne. En 1890, un grave incendie permit de la rénover et d’en faire l’une des plus modernes du monde et elle le resta en devenant l’une des premières unités de fabrication de bière dans le monde à automatiser complètement sa ligne de production. Rachetée finalement par le groupe japonais Asahi, la bière Timisoareana est restée, malgré toutes ces mutations, une bière excellente et je puis en témoigner.
Sur de nombreux plans, Timisoara a été un pionnier de l’industrialisation : le 12 novembre 1884, elle a été la première ville d'Europe dont les rues étaient éclairées par 731 ampoules électriques et l’une des premières villes dotées d'un tramway électrique (1899)
Le 21 décembre, une proclamation était lue par les représentants du Front démocratique roumain, demandant, entre autres, l'abolition du régime et des élections libres. À Bucarest, le régime s’effondra le lendemain 22 décembre et le couple Ceausescu, en fuite, était exécuté le 25 décembre à la suite d’un procès sommaire.
Les médias occidentaux mentionnaient plus de mille morts à Timisoara, alors qu’il n’y avait eu « que » 93 morts. Pour conforter ces chiffres falsifiés qui justifiaient la chute du régime, des images de cadavres furent abondamment diffusées dans le monde entier, alors qu’il s’agissait de montages assez grossiers. Lorsque la supercherie fut officiellement démasquée en février 1990, le nom de Timisoara resta associé aux manipulations dont les médias sont à la fois les dupes et les relais.
Timisoara est une jolie ville de deux cent cinquante mille habitants qui offre un contraste saisissant entre d’une part un centre riant grâce à son parc couvert de roses qui entoure la rivière Timis et d’autre part une banlieue assez tristement industrielle.
Dans un bâtiment universitaire proche du parc, j’enseignais le marketing à des étudiants à l’époque francophones et qui doivent l’être beaucoup moins aujourd’hui. La matière se prêtait bien à cette période de changement qui voyait la Roumanie basculer rapidement d’une économie socialiste à une économie de marché. On voyait ainsi tous les endroits susceptibles de recevoir du public, bars, auberges, magasins, se peupler rapidement de distributeurs rouges vendant du Coca-Cola.
On vit aussi le dimanche après-midi, un groupe rock s’installer en face de l’Opéra, sur la place de la Victoire, qui n’était qu’un prétexte pour attirer la foule et lui distribuer des échantillons de cigarettes Marlboro. Comme souvent, les Italiens avaient largement précédé les Français sur le marché de la Roumanie de l’Ouest : plus de 2000 entreprises italiennes avaient ouvert des filiales à Timisoara contre 20 françaises !
Dans mon souvenir, Timisoara offrait un séjour agréable dans une atmosphère calme. Mais calme en surface seulement, car le trafic de voitures volées y prospérait au point qu’il s’affichait dans de petites annonces apposées sur un mur du restaurant où je déjeunais.
Calme, à condition de ne pas se frotter aux familles tsiganes qui y étaient (bien) installées. L’une d’elles, le trouvant à son goût, se mit en tête d’acheter le bâtiment qui abritait le centre culturel français à Timisoara qu’elle se proposait d’expulser et il fallut toute l’amicale pression de l’Ambassade de France sur les autorités roumaines pour les dissuader. Il m’arriva aussi de visiter une maison construite par une autre famille tsigane où j’eus la surprise de découvrir que toutes les dimensions avaient été multipliées par 1,5, en particulier les portes, les fenêtres et les lits ! Avoir tout plus gros que les autres ! Quel curieux rapport au monde !
Timisoara, une ville dont je n'ai conservé que de bons souvenirs, de ses habitants pique-niquant au bord de la rivière jusqu'aux étudiants francophones et attentifs en passant par des collègues de l’Université de l’Ouest à Timisoara avec qui j'entretiens encore aujourd'hui d'amicales relations...
À SUIVRE
LA CONVENTION NE MAITRISE QUE LE PRÉSENT
Nous avons laissé le 9 février dernier (mon blog intitulé « En même temps la Convention) tout faire et son contraire…
Le danger qui menaçait les Thermidoriens au pouvoir se situait toujours dans les faubourgs, base des sans-culottes, dont le combustible provenait de la faim qui tenaillait les grandes villes, à commencer par Paris où d’énormes queues se formaient devant les boulangeries, alors que la ration de pain passait de 1 livre et demie en février 1795 à un quart de livre en mai 1795, six fois moins!
Le 1er avril 1795, les sans culottes, saisissant le prétexte des accusations portées contre Barère, Collot d’Herbois et Billaud-Varenne qui passaient pour leurs défenseurs, envahirent la salle de la Convention en réclamant du pain.
Ils furent évacués par les gendarmes tandis que les trois accusés étaient déportés, que Paris était mis en état de siège avec le général Pichegru chargé de réprimer l'agitation dans les faubourgs. C’est dire qu'elle était la nervosité des Thermidoriens.
Une deuxième alerte intervint trois mois plus tard, le 20 mai 1795, alors que la Convention était envahie à nouveau aux cris de : « Du pain et la Constitution ! ». Les députés s’enfuirent, à l’exception de ceux d’entre eux, que l’on appelait les Crétois parce qu’ils siégeaient à la crête de la Montagne et étaient favorables aux sans-culottes,
Les forces militaires de la Convention reprirent le contrôle des Tuileries et passèrent à l’offensive dans les faubourgs, arrêtant soixante-deux députés et cinq mille jacobins.
Pendant ce temps, la paix des cimetières s’installait dans l’ouest de la France. Hoche avait fini par signer une amnistie avec Charrette et les Chouans, en leur garantissant la restitution de leurs biens confisqués, la liberté de culte et la dispense du service militaire.
Mais comme le génocide pratiqué par les troupes républicaines ne pouvait être rayé d’un trait de plume. la guérilla contre les troupes républicaines se poursuivait en Bretagne et en Normandie. Une attaque coordonnée entre immigrés et Chouans fut organisée à la fin du mois de juin 1795. Une armée de quatorze mille Chouans se rassembla dans la région de Quiberon, Charrette reprit les hostilités en Vendée et quatre mille émigrés furent débarqués dans la baie de Carnac par une flotte anglaise. Cependant, ils n’étaient pas assez organisés et soutenus par la croisière anglaise pour faire face à Hoche, qui les battit et les captura le 21 juillet 1795.
Sur le front de la guerre étrangère, il était aussi difficile pour les Thermidoriens de mécontenter les généraux que de se passer des revenus des conquêtes.
D’où l’invasion de la Hollande le 10 octobre 1794, qui fut transformée en République Batave. C’est à cette occasion que la cavalerie de Pichegru réalisa un exploit sans précèdent en capturant la flotte hollandaise bloquée par la glace au Helder. La Hollande fut aussitôt amputée de la Flandre Hollandaise pour être rattachée à la Belgique, elle-même annexée à la France, cette dernière étant reconnue par un traité de paix conclu entre la République Française et la Prusse, pressée de retourner ses troupes contre la Pologne.
Selon l’habitude de ces années-là, la Convention thermidorienne saisit l’opportunité d’une situation politique apaisée pour préparer une nouvelle constitution destinée à remplacer celle qui, souvenez-vous, reposait, inappliquée, au milieu de la salle de ses délibérations.
La nouvelle Constitution représentait un effort remarquable pour éviter les écueils qui avaient marqué la Révolution. Par certains côtés, elle était trop sophistiquée. Elle retournait à un régime électoral restreint, qui réduisait le corps électoral aux notables : les citoyens nés et résidents en France de 21 ans qui payaient une contribution directe, réunis en assemblée primaire par canton élisaient les électeurs du deuxième degré à raison de un pour deux cents citoyens.
Ces grands électeurs devaient avoir 25 ans et disposer d'un revenu personnel important. Ils élisaient les membres du corps législatif ainsi que les différents juges. Le législatif était formé de deux chambres, le conseil des Cinq Cents qui avait l'initiative des lois, et le conseil des Anciens, composé de 250 membres âgés d’au moins 40 ans et mariés ou veufs, qui approuvait ou rejetait les propositions des Cinq Cents.
Le corps législatif élisait l'exécutif, mais ne pouvait pas le révoquer. Ce dernier exécutif, le Directoire, était composé de cinq membres, renouvelé par cinquième tous les ans, choisis à bulletins secrets par les Anciens, parmi une liste qui devait contenir le décuple des postes à pourvoir, liste établie par le Conseil des Cinq Cents.
Les Directeurs sortants ne pouvaient pas être réélus avant cinq ans et les décisions du Directoire devaient être prises à la majorité de trois membres sur cinq.
Les attributions de l'exécutif étaient limitées par la nouvelle constitution à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, la disposition de la force armée, la nomination des généraux et des ministres.
Le Directoire n'avait pas le droit de dissolution sur les chambres ni le droit de veto sur les lois. De plus, la Trésorerie échappait au Directoire pour être confié à cinq commissaires élus dans les mêmes conditions que le Directoire et le pouvoir judiciaire étaient séparé du législatif et de l'exécutif, avec des mandats courts, 2 ans pour les juges de paix, 5 ans pour les juges départementaux et du tribunal de cassation.
Échaudés par les changements permanents de la Constitution, les conventionnels mirent en place une procédure de révision qui s'étalait sur neuf ans.
Comme les Conventionnels ne tenaient pas à être balayés par les élections à venir, ils votèrent, avec un culot roboratif, le décret dit « des deux tiers » qui imposait le maintien de cinq cents anciens conventionnels parmi les sept cent cinquante députés des Conseils des Cinq Cents et des Anciens, dispensés donc des élections.
À SUIVRE
EUROPE, THE BUTT OF THE JOKE?
The United States not only provided money and weapons to Ukrain, it also helped and still helps train Ukrainian soldiers, provides reconnaissance and targeting data, and is at the heart of operational planning from its headquarters in Wiesbaden.
The Europeans will not be able to provide all these services. This is why European leaders who think in terms of continuing the war are frightened by Trump's possible arrival. Whatever happens in the United States, the will of most European leaders to wage war on Russia seems to remain unshaken.
However, the military situation in March 2024 is as follows: Ukrainian forces have lost their offensive capability. They have to content themselves with demonstrating their existence by carrying out attacks on Russian territory, including against the civilian population.
On the other side, the Russians have regained the initiative and seem content to consolidate their current positions, but it's not out of the question that Kharkiv and Odessa could be threatened. In these conditions, after pushing the Ukrainians on the offensive in 2023, the Americans have dictated a defensive strategy for 2024, aimed at holding on to as much territory as possible while limiting human losses.
Looking ahead, they hope the Ukrainian army will be stronger in a year's time, and even stronger in ten years' time. The CIA likes to think ahead.
With a view to withdrawing its involvement in Ukraine, albeit partially, the United States has also dictated that European states sign ten-year bilateral defense commitments with Ukraine, which amounts to bringing Ukraine into NATO through a back door.
Obediently, the main European states - first Great Britain, the most loyal ally, then Germany, the most involved in the conflict, followed by France, Italy and even Canada - have already signed these commitments.
To justify these agreements, the prospect of a Russia whose strategic objective would be not only to conquer the whole of Ukraine, but also to attack the Baltic states and Poland, without fear of a head-on war with NATO, is being bandied about.
These rumors are merely hypotheses, which are not confirmed by Putin's statement or by previous facts. Indeed, Putin has always declared that the crisis in Ukraine was not a conflict over territory and that, as Russia was already the biggest country in the world, it had no interest in conquering new ones. What he wants, according to his statements, is Crimea, Donbass and the neutrality of the part of Ukraine that will not be under Russian control. Moreover, the facts are these: in February 2022, Russia has deployed 190,000 soldiers compared with 400,000 Ukrainian soldiers well trained and equipped by the West since 2014. It would be impossible to conquer Ukraine with such weak resources, or even to occupy it once conquered: it would need to station 1 million soldiers permanently. To attack and occupy Poland and the Baltic States, how many would it need?
At this stage of events, the question is one of negotiation.
Negotiations have already broken down twice, in Minsk and Istanbul, the first time because the United States wanted time to prepare the Ukrainian army for war, the second because they wanted this same army to launch a major offensive with the support of the West, which they presumably expected to succeed.
It was a fiction, visible today. The Ukrainians have achieved all that their armed forces were capable of with Western support. Now we know that Ukraine will never defeat Russia militarily, that there is no miracle weapon, that the Ukrainian armed forces are in a critical state and that a military defeat for Ukraine is looming, despite Western help.
If Western leaders don't want to negotiate today, what do they expect next?
Europe's armies are too weak to take on the Russian army, and the United States has never wanted, nor does it want, a direct confrontation with Russia, because of the nuclear danger and the looming shadow of China.
Since the West has decided that Russia is its long-term enemy, let it prepare for war and have the means to wage it. Let them sharply increase their military budgets, knowing that it will take between five and ten years to reach a sufficient level and convince their public opinion of the merits of a future war against Russia.
In the meantime, they need to digest the humiliation of having overestimated their strength and agree with Russia on a ceasefire followed by peace negotiations, before thinking about war.
Alternatively, as they are now suggesting, they could actively intervene in Ukraine to try to prevent its military defeat, at the risk of a major European war involving the use of tactical atomic weapons. Then, after the considerable massacres and destruction that this great war is likely to entail, perhaps the Europeans will agree to hold talks with Russia, between survivors?
Many Europeans must think that, in a situation that is unfavorable to both Ukraine and Europe, the sooner the better, unless you're willing to be the fall guy.