L'ORIGINE DE LA BAISSE DE FERTILITÉ
La réduction du taux de fécondité humain à l’échelle mondiale est un phénomène majeur pour la survie de l’humanité à terme d’une dizaine de générations environ.
Ce n’est donc pas si lointain, d'autant plus que les conséquences de cette baisse du taux de fertilité vont se faire sentir très vite avec le vieillissement continu de la population.
Que se passe-t-il donc ?
Le rapport de l’United Nations Population Fund l’exprime clairement dans son SWP Report 2023: The problem with « too few »[1] :
« Au niveau mondial, la fécondité est passée d'une moyenne de 5 naissances par femme en 1950 à 2,3 naissances par femme en 2021, ce qui témoigne du contrôle croissant que les individus - en particulier les femmes - sont en mesure d'exercer sur leur vie reproductive. La fécondité globale devrait tomber à 2,1 naissances par femme d'ici 2050. »
Tout y est :
- La date (approximative) de 2050 pour atteindre le seuil à partir duquel la population humaine ne se renouvellera plus assez pour se maintenir. Cependant, elle continuera quelque temps à augmenter, faisant illusion grâce aux progrès médicaux qui maintiendront en vie des couches de population plus âgées, mais la poursuite de la baisse de la fécondité sonnera la baisse à terme de la population humaine.
- L’explication : le contrôle croissant que les individus - en particulier les femmes - sont en mesure d'exercer sur leur vie reproductive.
En particulier les femmes ! On ne saurait mieux écrire. Il arrive simplement que les femmes ont décidé d’avoir moins d’enfants, et tout se passe comme si chacune d’entre elle s’était résolue, à son niveau, à résoudre le problème de la surpopulation et de la pollution, en limitant sa propre fécondité.
Quand les femmes ont-elles pris cette décision ? En pratique depuis 1960 et quant à leur volonté, depuis toujours, à ceci prés que cette volonté s’est heurtée à une résistance qui s’effondre peu à peu.
En pratique, à partir de 1960 : l’invention de la pilule contraceptive en 1956 n’est pas le fruit d’un pur hasard scientifique, car elle a été induite par le mouvement féministe qui en a encouragé la recherche et qui en a assuré le succès. Ainsi, deux facteurs se renforcent mutuellement pour réduite la natalité, la volonté de libération de la femme et la possibilité physique de l’obtenir.
La pilule contraceptive a été mise sur le marché américain en 1960 et en France en 1967, après la loi Neuwirth. Elle a eu un succès immédiat, ce qui signifie qu’elle répondait fortement à une attente : dés 1965, soit cinq ans après la mise sur le marché, plus du quart des femmes américaines de moins de 45 ans l'avaient adoptée, ce qui avait entrainé une baisse de 20% du taux de fécondité par rapport à 1955.
Le succès de la pilule ne s'est pas démenti depuis, même si les développements des maladies sexuellement transmissibles et particulièrement du SIDA au milieu des années 1980, ont contribué à développer d'autres modalités de contraception, mais le principe de la séparation des actes sexuels et de la procréation a été acquis.
Car la transformation profonde du rapport de la femme à la sexualité explique l'adoption immédiate de la pilule, selon l'idée révolutionnaire qu'une sexualité débarrassée de la crainte de la grossesse permettrait de libérer la femme.
La libérer de quoi ? De la nécessité d’avoir des enfants et de s’en occuper, de les nourrir, de les éduquer. Si rien ne l’empêche de vouloir des enfants, rien désormais ne l’oblige à subir une ou des naissances.
Et lorsque l’on essaie de savoir combien d’enfants les femmes voudraient avoir, en dehors de toute contrainte externe, homme, famille, société, culture, religion, elles disent généralement deux ou moins, rarement trois ou plus, et ceci au niveau mondial.
Les hommes, justement, les voilà compagnons avant d’être pacsés et plus rarement époux. L’homosexualité devient une autre solution, une fois que la nécessité d’avoir un enfant s’éloigne. Tout est possible, tout est tolérable, transgenre si l’on préfère, couple homosexuel avec enfant si on le souhaite, les limites étant fixées par les différentes sociétés.
Toute cette évolution est inscrite dans un mouvement individualiste de la société, selon lequel ne compte vraiment que la satisfaction ou le plaisir individuel, le reste, c’est-à-dire les exigences de la famille et de tous les groupes qui entourent l’individu n’étant que contraintes, qu’elles soient acceptées ou refusées.
Naturellement, cet individualisme est plus ou moins triomphant, selon les sociétés. Mais même s’il existe parfois des sociétés ou le contrôle de la femme est tel que cette dernière a encore plus de six enfants, il est rare que ce soit uniquement de sa propre volonté.
Il est donc cohérent que, plus l’individualisme s'affirme par rapport à une société qui continue à imposer sa volonté à l’individu et plus celle de la femme l’emportera sur les desiderata de la société. Or, c’est un fait que, lorsqu’elle la femme exerce individuellement cette volonté, elle n’a, en moyenne, pas assez d’enfants pour que le maintien de la population soit assuré.
Est-il possible de convaincre les femmes d’avoir le nombre d’enfants nécessaire pour maintenir une population satisfaisante au regard de la société ?
C’est ce que tente sans succés Singapour, où le taux de fécondité est l’un des plus bas du monde malgré les efforts des autorités pour renverser la tendance. Le 5 octobre 2020 encore, Heng Swee Keat, le vice-premier ministre de Singapour, a annoncé une nouvelle prime à la naissance, alors que le système actuellement en vigueur à Singapour permet déjà aux parents éligibles de bénéficier d’une prime de 10 000 dollars singapouriens (6 268 euros). S’il est naturellement trop tôt pour juger des résultats de cette nouvelle prime, force est de constater que tous les indicateurs démographiques restent à la baisse à Singapour, comme en Corée, en Chine ou au Japon.
Il semble donc que quelque chose de profond se soit modifié dans le mécanisme de reproduction de la population humaine qu’il nous faut acter pour le moment, en attendant que la croissance de la fécondité reparte à la hausse ou que des solutions alternatives soient mises en place.
Mais, pour les prochaines décennies, nous ne pouvons éviter d'évaluer les conséquences de la baisse de la fécondité parce qu’elles sont à nos portes, en particulier aux portes de l’Europe.
À SUIVRE
[1] https://www.unfpa.org › swp2023
LA GUILLOTINE ET LA FAIM
La « loi des suspects » permettait aux comités révolutionnaires de surveillance d’arrêter qui bon lui semblait.
Jugez-en, puisque cette loi proclamait qu’étaient déclarés suspects :
« Ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs propos ou leurs écrits se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la liberté ;
« Ceux qui ne pourront justifier de leurs moyens d'existence et de l'acquit de leurs devoirs civiques ;
« Ceux qui n'auront pu obtenir de certificat de civisme ;
« Les ci-devant nobles qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution,
« Les émigrés, même s'ils sont rentrés,
« Les prévenus de délits, même acquittés… »
Depuis « l’inauguration » de la guillotine sur un voleur de grand chemin, Nicolas-Jacques Pelletier, le 25 avril 1792, la première utilisation politique de la guillotine concernera l’exécution de Laporte, le 23 août 1792. Puis le nombre d’exécutions s’accrut régulièrement pour atteindre trente par jour à Paris après la loi sur le tribunal révolutionnaire du 10 juin 1794.
On procéda notamment à l’exécution de Marie-Antoinette le 15 octobre 1793 après un procès odieux où Hébert essaya de l’accuser de crimes sexuels sur son fils, et à celle de Philippe Égalité le 6 novembre 1793, bien mal récompensé de son zèle révolutionnaire.
La guillotine, présentée à l’Assemblée Constituante le 28 novembre 1789 par le docteur Joseph Guillotin, avait été conçue par le chirurgien Antoine Louis, lui-même inspiré d’un dispositif utilisé en Italie et perfectionné par un mécanicien allemand, Tobias Schmidt, qui inventa le couperet en forme de trapèze. Elle avait pour but d’assurer une mort immédiate et sans souffrance, une invention humanitaire en somme. Le docteur Guillotin y voyait, pour se situer dans l’air du temps, un moyen d’introduire l'égalité de tous les citoyens face à la peine capitale.
Le 3 juin 1791, l'Assemblée constituante édicta que « tout condamné à mort aura la tête tranchée », mais les députés eurent tout d’abord à repousser une proposition de loi abolissant la peine de mort, émanant de Robespierre !
De septembre 1793 à juillet 1794, environ cinquante guillotines furent installées en France, fonctionnant jusqu'à 6 heures par jour à Paris. On estime que soixante-deux mille personnes furent guillotinées pendant cette période de neuf mois.
C’était donc la Terreur, mais pour quoi faire ? Ce n’était pas pour le bien du peuple en tout cas, car la misère s’accroissait. La Convention ne pouvait ni l’ignorer ni la réduire, et sa réponse administrative la conduisit à sa perte.
En février 1793, elle répondit aux affamés qu’il fallait qu’ils se contentent de l’égalité pour nourriture : « La ruine du despotisme, le règne de l'égalité, le triomphe des principes de l'éternelle justice reconnus, voilà une partie de nos dédommagements »
Trois mois plus tard, sous la pression de l’émeute, La Convention finissait par céder, en instituant un maximum pour le prix du grain.
Aussitôt les paysans cessèrent d'apporter leurs produits sur les marchés, augmentant encore la pénurie, et provoquant en retour de la part de la Convention un prurit réglementaire encore plus violent, qui se traduisit par la loi du 29 septembre 1793. Cette loi instituait le maximum général sur toutes les denrées de première nécessité et les salaires.
Le blocage des salaires ! ce fut l’erreur fatale, comme l’on en commet toujours lorsque l’on surréglemente.
À l’automne 1793, ce furent des femmes du peuple qui attaquèrent les chariots chargés de nourriture entrant dans Paris. La Convention y répondit par l’invention des cartes de rationnement qui bénéficiaient en priorité aux patriotes, deux mois après avoir institué les « cartes de civisme », qui attestaient de la pureté révolutionnaire du détenteur. Les autorités locales reçurent les pleins pouvoirs pour enquêter, perquisitionner et appliquer la peine de mort pour les thésauriseurs.
Les listes d’habitants affichées à l’entrée des maisons n’empêchaient pas les perquisitions des commissaires du peuple, prétextant la recherche de nourriture stockée. Les contemporains décrivent comment les inspecteurs fouillaient dans tous les coins, forçant les coffres-forts, brisant les sceaux des lettres, des testaments, sautant sur la moindre feuille de papier dont les phrases banales étaient censées dissimuler des codes secrets, saisissant les assignats, l’or, l’argent, les bijoux.
La plupart des perquisitions étaient fondées sur la délation, une délation encouragée dans les termes suivants par le député de la Convention, Jean-Pierre André Amar, ce riche reconverti dans la surenchère terroriste : « Dénoncez, dénoncez ! le père doit dénoncer son fils, le fils son père. Il n’y a pas de patriotisme sans dénonciation ».
Mais la famine menaçait le pouvoir de la Montagne.
À SUIVRE
C'EST CORRECT
D’autres contacts ? J’en avais beaucoup au Canada, de Québec jusqu’à Vancouver, mais il s’agissait souvent de relations superficielles. Il restait les Palda, père et fils, mais ce n’était hélas pas le moment de les solliciter.
Parmi les collègues au Canada, bon nombre, à Montréal et à Québec, étaient d’origine française, et j’avais même parfois travaillé en France avec eux. Une de mes collègues avait fait sa carrière à l’école de gestion Telfer, université d’Ottawa. Elle m’indiqua que je ne pouvais pas y obtenir de cours, en tant que vacataire ou de professeur associé, mais que je pouvais toujours me présenter sur un poste de professeur en marketing, actuellement vacant.
Ce que je fis, tout en sachant que si j’étais choisi, ce serait un défi considérable, mais je m’en sentais la force.
Pour déposer ma candidature à Telfer, le dossier était vraiment impressionnant, depuis les nombreuses recommandations nécessaires jusqu’au formatage particulier du CV en passant par des exigences spécifiques pour les pièces à fournir. J’estime que j’y ai consacré environ un mois de travail à temps plein, fin 2014.
Une fois l’accusé de réception reçu, j’attendis la réponse.
Elle ne vint jamais.
Compte tenu des énormes exigences de Telser pour le dossier de candidature, il me semblait qu’un mail m’informant que ma candidature n’avait pas été retenue aurait relevé de la courtoisie minimale. Mais non, la coutume à Telser consistait à ne rien dire du tout. Le candidat retenu était connu d’avance, comme dans toutes les universités du monde. Mon dossier avait juste servi à montrer qu’ils avaient fait un choix.
Pour ajouter à mes désillusions, un article co-écrit avec une collègue qui avait été retenu pour une publication fut retoqué au dernier moment, sans explication.
L’année 2014 s’achevait ainsi sur une remarquable et inattendue série de rebuffades, comme si mes tentatives pour continuer mon activité universitaire sous d’autres formes étaient rejetées de toutes parts.
À moi le jeu de boule et la belotte ?
Mais depuis mon plus jeune âge, je n’avais jamais cessé d’être têtu et, en 2015, il m’a semblé que c’était le bon moment de l’être.
Au début de cette année-là, à Montréal, comme dans un ultime épisode d’une série, j’ai fracassé ce qui me restait de volontarisme sur la carapace d’une association qui se déclarait admirative de mon CV mais qui se révéla incapable de me proposer la moindre activité cohérente. Cela me permit d’acquérir une compréhension profonde de la mentalité québécoise*, mentalité qui lui a permis et lui permet toujours de résister à toute tentative d’invasion, anglosaxonne, française ou de toute autre nationalité : ne vous attendez pas à vous confronter de face aux Québécois. C’est toujours « correct », en d’autres termes « tout va bien ». Mais en réalité...
Je n’ai pas passé toute l’année 2015 au Québec, d’autant plus que ce fut l’année durant laquelle j’ai fait soutenir les deux dernières thèses de ma carrière, les quarante et une nième et quarante deuxième.
Entre 2010 et 2015, j’avais ainsi fait soutenir neuf thèses, ce qui m’avait demandé un effort considérable :
En 2010, Orelien Berge : Séance Cinéma ou soirée télévision ? Le rôle médiateur de l’expérience sur l’intention des consommateurs.
En 2011, Ridha Chakroun : Publicité trompeuse des médicaments : la place de la régulation par les prescripteurs et les consommateurs au regard de la régulation par la tutelle et Amélie Fiorello : Le comportement de tri des déchets ménagers : une approche marketing.
En 2012, Séverine Dalloz : De la défaillance de service touristique à la perception d’injustice. Approche par la disconfirmation.
En 2013, trois thèses :
Mouna Bounaouas, La perception de l’image des marques de luxe via une approche expérientielle : le cas d’une cible jeune grand public.
Nathalie Maumon, L’intention du consommateur de s’immerger dans les mondes virtuels : L’influence de la présence d’interactions sociales, de la persistance et de l’avatar ».
Faranak Farzaneh : L’effet de l’insécurité de l’emploi sur le comportement innovateur des personnels : le rôle des attentes en matière de performance et d’image.
En 2014 : rien. C’était décidemment une mauvaise année !
En 2015, enfin : Romain Lazzarini, L’effet de l’orientation marché sur l’établissement de la stratégie de segmentation-ciblage-positionnement : le cas de la Société Marseillaise de Crédit et Jeanette Mc Donald, The Role of Ethics on Tourist Destination Image Formation : An Analysis of the French Student Market.
Cette affluence de thèses, qui était moins due à la qualité de mon encadrement qu’à la pénurie de professeurs de marketing à Nice, m’avait contraint à organiser une véritable organisation pour les gérer.
* J’ai consacré un livre entier, en voie de parution, sur la guerre qu’ont mené les Français pour conserver, sans succès, le Canada à la France. Cette guerre a du moins appris aux Québécois à résister, et à ce titre je leur rends hommage.
À SUIVRE
LA VALEUR DU DOUTE
Le doute est la seule activité humaine susceptible de contrôler l'usage du pouvoir de manière positive.
Le doute est nécessaire à la compréhension, face à des élites qui définissent le leadership comme étant la capacité de savoir quoi faire, ce qui délégitime le doute des simples citoyens.
Face à une question à trancher, la réponse logique consiste à commencer par douter, puis à examiner la question sous plusieurs angles et à délibérer avant de prendre une décision. En effet, la plupart des activités humaines peuvent être scindées en trois étapes, l'acte de douter étant la deuxième étape et étant aussi la seule étape qui demande une application consciente de son intelligence.
Quant à la première étape, elle consiste à prendre conscience de la réalité à laquelle il va être nécessaire de faire face. Cette étape consiste toujours en un mélange confus de la prise de conscience d’une situation qui semble hors contrôle et d'attitudes qui sont largement déterminées, et embrumées, par des idées reçues ainsi que des solutions simplistes.
La troisième étape, la prise de décision, est supposée être le résultat d'une solution qui a été produite par une réponse correcte au problème initial. En pratique, la prise de décision est une activité souvent surévaluée, alors qu’elle n’est souvent guère mieux qu’un mécanisme quasi-automatique.
La mise en avant du leadership, et au fond, la peur de douter, poussent à faire de la prise de décision un acte de première importance. Cette étape du management est souvent présentée comme étant de la première importance, alors qu’elle n’a aucune valeur si elle n’a pas été précédée par le doute.
Le doute se situe entre la réalité et l'application d'une idée. Il doit être soumis à l’appréciation de l’expérience, de l’intuition, de la créativité, de l’éthique, du bon sens et bien sûr du savoir et il doit conduire à des considérations équilibrées sur ce qui doit être fait. Plus cette étape du doute se prolonge et plus nous pouvons utiliser pleinement notre intelligence de la situation.
Je ne suis pas certain que les concepteurs de l’Intelligence Artificielle aient pris pleinement la mesure du rôle crucial de cette étape du doute, dans la mesure où ils sont sans doute trop influencés par les théories du management qui mettent en avant la prise de décision et peut-être trop anxieux de voir leurs machines passer à l’acte, plutôt que de tout arrêter sous l’emprise du doute.
Les élites, la part de nos sociétés qui détient le pouvoir, cherchent presque automatiquement à sauter directement de la réalité à la solution, de l'abstraction à l'application, de l'idéologie à la méthodologie. Elles ne veulent laisser à personne le temps de douter, c’est pourquoi elles présentent la délibération comme une faiblesse et elles effectuent l’examen de la situation à la va-vite, quand elle n’est pas purement et simplement éliminée. La conséquence de ce comportement des élites est de ramener la capacité de compréhension des citoyens à des idées reçues, à des procédures inconscientes ou secrètes et à des actions mécaniques. On le voit bien lorsque l’on interroge des citoyens sur leur compréhension des évènements : elle s’évade rarement des idées reçues.
On mesure la bonne santé des démocraties à accueillir le doute comme un plaisir paisible, tandis que les démocraties malades sont obsédées par les réponses et par le management : c’est ainsi qu’elles perdent leur raison d'être.
Cependant, il reste que le doute est la seule activité qui fasse profondément usage des qualités spécifiques de l’être humain.
D’après l’ouvrage de John Ralston Saul (1995), The Doubter’s Companion, Penguin Book, Londres.
AFRIQUE, ADIEU?
Le coup d’État, les manifestations de Niamey, le sommet de Saint-Pétersbourg sonnent trois glas de l’influence de la France en Afrique. Il serait temps d’en comprendre les raisons.
Le premier achève de chasser l’armée française de la plus grande partie du Sahel, où elle n’est plus la bienvenue, ni au Mali, ni au Burkina-Faso, ni en République Centre-Africaine, ni désormais au Niger. Reste le Tchad, pour le moment.
Le deuxième révèle à la population française attristée que la France n’est plus la bienvenue en Afrique. Plus exactement, que l’influence de la France officielle, celle des ambassades, n’est plus tolérée en Afrique. J’ai écrit en Afrique et pas au Niger, car je suis convaincu, et il est facile de le vérifier, que toute l’Afrique francophone est vent debout face à la politique des ambassades, qui consiste à diriger les gouvernements africains depuis l’ambassade de France qui se trouve dans le pays. Je voudrais témoigner de mon étonnement, mais aussi de ma compréhension, en discutant avec un franco-togolais qui m’expliquait que le pouvoir n’appartenait pas au Président, Faure Gnassingbé, le fils du défunt président Gnassingbé Eyadema, mais à l’ambassadeur de France à Lomé, sans lequel le Président ne prenait aucune décision importante. Et il ajoutait : « vous croyez que le peuple togolais va supporter indéfiniment d’être dirigé par des dictateurs adoubés par la France ? ».
Le troisième a été présenté, le 27 juillet dernier, par le Figaro lorsqu’il titra, atteignant ainsi un sommet en matière de désinformation : « la Russie, très isolée, ouvre le 25e forum économique de Saint-Pétersbourg » ! dix sept mille participants, cent trente pays représentés, drôle d’échec. Et il s’y est ajouté le sommet Russie Afrique, les 27 et 28 juillet 2023 avec des délégations venues de presque tous les pays d’Afrique, dont une quarantaine de dirigeants africains. Un autre échec pour la Russie ?
Nous pouvons observer a contrario du Figaro que les Africains sont venus saluer à Saint-Pétersbourg l’actuelle résistance victorieuse de la Russie à l’Occident. Ils y ont exprimé leur frustration de subir eux-mêmes le diktat du modèle occidental, diktat qu’ils déclarent vouloir rejeter, à l’exemple de la Russie. Car la résistance russe leur donne le courage d’agir, tandis qu’ils n’accordent aucune considération pour le modèle ukrainien, pur succédané occidental.
Il est très simple de comprendre le rejet du modèle que propose l’État Français en Afrique. Il faut commencer par reconnaitre que l’Afrique a changé depuis l’indépendance. Entre 1960 et 2020, la population du Niger est passée de 3 à 21 millions d’habitants, dont la moitié est âgée de moins de 15 ans, ce qui permet de réaliser que le rapport de force démographique a totalement changé entre la France et l’Afrique et du coup le rapport de force tout court.
Ensuite les puissances occidentales ont fait des déclarations surannées. Face aux maladresses de Mohamed Bazoum, qui bien que représentant d'une ethnie ultra minoritaire au Niger, n’hésita pas à irriter sa propre armée en appelant les troupes françaises, américaines, allemandes, italiennes à venir s’installer massivement au Niger pour lutter contre les rebelles, un Mohamed Bazoum qui en est à subir sa troisième tentative de coup d’État en deux ans, les pays occidentaux ont fait pitoyablement appel au respect de l’état de droit. Comme s’ils étaient en charge de le faire respecter au Niger, quoi qu’en pense la population nigérienne. Mais où sont les foules nigériennes qui manifestent à Niamey pour le respect de l’état de droit réclamé par les occidentaux ?
Les dirigeants, mais aussi l’opinion publique occidentale, ne comprennent donc pas encore que les interventions militaires, économiques et par-dessus tout morales de l’Occident, à commencer par celles de la France, exaspèrent les opinions africaines. Un ministre d’un pays du Sahel affirmait récemment que si la France voulait conditionner son aide au développement au soutien de la cause LGBT ou à l’écologie, il ne serait pas étonné que l’on mette le feu aux ambassades françaises en Afrique.
Et Moscou ? Les Africains s’appuient sur le modèle russe de résistance à l’Occident pour se libérer du joug de l’Occident, du FMI et de ses accords conditionnels, comme du Franc CFA aligné sur l’Euro. Ils ne veulent plus de cadre imposé pour qu'on leur octroie des fonds, mais des négociations à égalité et ils ne veulent plus d’une lutte contre des rebelles qui, selon eux, ont été générés par l’Occident lorsqu’il a détruit la Libye de Kadhafi.
Il apparait ainsi qu’une retombée inattendue de l’échec de la tentative de déstabilisation de la Russie par la guerre serait la perte d’influence occidentale, française en particulier, en Afrique. Cela ne s’inscrit sûrement pas dans une détestation des Français mais dans celle de la politique de la France.
Pour revenir en Afrique, il faudra s’y rendre sans poser de conditions et sans imposer de principes. Par exemple, je suis sûr que si la France proposait simplement au Niger, qui dépend à 70% du Nigeria pour son alimentation électrique alors qu’il fournit 30% de l’uranium utilisé par les centrales nucléaires en France, d’y financer et construire un mini réacteur nucléaire, aucun gouvernement nigérien ne le refuserait.
Alors, Afrique, Adieu ?
Plus exactement, adieu à l’arrogance en Afrique…
HISTOIRE IMMÉDIATE
Dans la rubrique intitulée « Interlude », je conte mes aventures universitaires avec, en ce moment, une bonne trentaine d’années de distance. Pour narrer les épisodes que j’ai vécu à l’IPAG depuis novembre 2018 jusqu’en ce mois de juillet 2023. Il m’a semblé difficile d’attendre aussi longtemps…
Vous n’ignorez pas plus que moi les risques de relater des péripéties récentes : d’une part la patine du temps n’est pas disponible, qui permet de ne retenir que les évènements saillants. D’autre part, le risque de heurter le sensibilité des acteurs reste élevé, quelles que soient les précautions. Cependant il s’agit d’une tranche de vie bien particulière qui vient de s’achever et je n’ai pas l’intention de blesser qui que ce soit, l’objet de ce récit ne concernant que mes propres actions.
Toutefois, ce qui s’est passé à partir de novembre 2018 nécessite au préalable un retour en arrière.
Le 31 décembre 2013, j’ai cessé d’être professeur d’université pour muter dans une fonction hybride, professeur émérite pour cinq ans, fonction qui a été renouvelée deux fois pour trois ans et qui s’achèvera irrévocablement le 31 décembre 2024, cinquante-deux ans et trois mois après le début de ma carrière universitaire.
J’aurais pu prendre plus tôt ma retraite, mais je souhaitais faire soutenir la plupart des thèses que je dirigeais en étant en activité, afin de permettre aux trois doctorants qui soutenaient en 2013 de bénéficier encore de mon soutien pour obtenir un poste de Maitre de Conférences. Mais seul l’un d’entre eux réussit à obtenir un poste de Maitre de Conférences et la vérité est qu’il l’obtint par son entregent plutôt que par mon soutien.
La fonction hybride de professeur émérite permet de donner des cours ou de faire soutenir des thèses, mais pas d’assurer des responsabilités administratives. Je fis donc soutenir deux thèses supplémentaires en 2015 dont l’une devint la seule thèse en langue anglaise que j’ai jamais dirigé, tout en étant la 42e et dernière thèse que j’ai fait soutenir depuis 1983.
L’année 2014 s’annonçait tranquille. Elle ne le fut pas, au contraire elle fut très agitée et, au moins pour le 1er semestre 2014, elle restera comme un fort mauvais souvenir.
Quoi qu’il en soit, j’organisais mes activités professionnelles autour de deux pôles, un pôle recherche à partir de mon bureau de la Faculté de Droit, travaillant notamment avec les juristes sur le lien entre la fiscalité et la gestion ou sur les problématiques de management dans le cadre européen qui donnèrent lieu à deux congrès les années suivantes, à Varsovie et à Banska Bystrica.
Le second pôle, celui de l’enseignement, s’annonçait actif, du moins en cette année 2014. J’enseignais, et j’enseigne toujours le Marketing dans le cadre du Master Management à l’Université de Corse. Je dirigeais un séminaire à Mundiapolis, à Casablanca, sur la recherche marketing et cela entrainait de nombreux échanges avec les étudiants en DBA. En ce qui me concerne, ce séminaire s’est arrêté, quelques années plus tard, car mes collègues préféraient à juste titre envoyer des enseignants en activité donner les cours plutôt que de les confier à un professeur émérite.
Je venais aussi, grâce à l’action de mon regretté collègue et ami Filip Palda, d’être nommé pour trois ans professeur associé à l’ENAP, université du Québec à Montréal.
C’est pourquoi je me rendis deux fois au Québec, au printemps et à l’automne 2014. Mais ma déception, voire mon étonnement, furent grands. Je croyais, naïvement, que ma triple expérience, en enseignement, en recherche et en création de programmes de formation en gestion, pourrait leur sembler féconde. Je compris rapidement qu’à l’ENAP, préoccupés à 99% par leurs problèmes internes, mes collègues québécois ne se posaient même pas la question de savoir si je pouvais leur être utile. Je ne crois même pas que quiconque à l’ENAP lut jamais mon CV.
Après avoir cherché à me faire une place dans leur organigramme, je finis par comprendre assez rapidement que le proverbe « on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif » s’appliquait parfaitement aux rapports entre l’ENAP et moi.
Je laissais l’âne à ses occupations et me tournais vers d’autres contacts au Canada.
A SUIVRE
L'ACCIDENT
Après Un récital intérieur (2013) et Le quatuor de Lucerne (2021), deux œuvres fort distinctes mais toutes deux consacrées à la musique, Christian Caleca nous livre L’accident, un ouvrage qui aborde une thématique éloignée en apparence de la musique.
En apparence, encore qu’il s’agisse toujours d’harmonie, harmonie avec son monde, harmonie avec sa vie, harmonie apparente, harmonie perdue, harmonie retrouvée mais harmonie fragile. Et pour peindre ces différentes formes d’harmonie, l’auteur nous propose un roman, qui lui permet de prendre la distance qui l’arrange avec ses personnages, encore que l’on sente bien qu’il les a tous rencontré, parfois de très prés.
Car tout de suite, ce roman apparait authentique, personnel, profond. Il ne fait aucun doute que l’auteur fait corps avec les créatures auxquels il s’identifie, et pas seulement à Pierre Dorval, le héros central du roman.
J’ai beaucoup aimé ce livre car il reste authentique dans toutes ses dimensions. Lorsque l’auteur choisit « l’accident » comme titre, il ne triche pas, car l’accident est bien au cœur du roman et il y est même à plusieurs titres, comme vous le verrez. Lorsqu’il décrit Lancigny, on reconnait sans peine une charmante ville d’eau bien connue en train de s’éteindre doucement, mais où il fait si bon vivre. Lorsqu’il décrit le site d’Alphagum, cette usine qui fabrique des caoutchoucs spéciaux, on partage la fascination de ses cadres pour la matière qu’ils transforment, tout en étant inquiets face aux projets de la maison mère américaine General Rubber. Car cette dernière n’a, on le sent bien, aucune tendresse particulière pour l’usine française ou pour ses employés livrés tout crus à l’ogre américain par l’État français, par les actionnaires et par l’opinion publique.
Enfin, lorsque l’auteur décrit les rêves, les ambitions et les faiblesses de ses personnages, on reconnait aisément les acteurs de notre société contemporaine, ces cadres qui font semblant de croire que leur vie ne connaitra aucun accident, qu’ils peuvent se permettre de mettre de côté leur vie personnelle au profit de leur vie professionnelle, avec la foi du charbonnier pour un système qu’ils ne contrôlent pourtant pas.
Comme j’avoue un fort penchant pour l’incomparable culture iranienne, j’aime qu’il ait pris le soin d’inscrire dans son roman une femme iranienne, Mithra, qui finalement se révèlera dans le rôle de l’épouse de Pierre. Et lorsque tout le système de Pierre déraillera à cause de l’accident, sans que je puisse ici vous en révéler les détails, elle jouera son rôle avec une finesse toute iranienne alors que toutes les conséquences qui en découlent s’enchaineront implacablement.
Puisqu’il faut un responsable à l’accident, Pierre devra assumer ce rôle. À cette occasion il découvrira la brusque solitude du chef, il verra ses patrons américains saisir l’occasion qu’offre l’accident pour régler leurs comptes avec la filiale française et ses dirigeants. Il verra son monde intime se dissocier sous les coups de l’inévitable corbeau qui se cache dans la foule, une foule qui ne ratera pas l’occasion de se réjouir du malheur de l’autre, et on la comprend, puisqu’elle a dû si longtemps ronger son frein en le regardant étaler vivre un double bonheur, professionnel et familial sans pouvoir l’atteindre.
Face à cette déconstruction programmée d’un système qui révèle alors toutes ses contradictions et ses illusions, Pierre devra attendre l’opportunité de rebondir, à supposer qu’elle se présente. C’est alors, et j’aime particulièrement cette partie du roman, que les évènements, après s’être organisés pour l’abattre, se concerteront pour lui permettre de se reconstruire.
L’accident ne serait pas un bon roman s’il n’était un roman pluridimensionnel. Il est, dès les premières lignes, un hommage tendre et mélancolique pour Vichy et son art de vivre en péril. Il propose une analyse du détricotage de l’industrie française, au profit de l’ogre américain. Il montre de l’intérieur les mécanismes d’un management limité par son manque de pouvoir et toutes les hypocrisies qui en découlent.
C’est aussi un roman sur la loyauté qui est le révélateur de l’amitié. J’aime le personnage d’Olivier Vermeulen le syndicaliste, loyal envers son ex Directeur Général dont il a compris la sincérité et la profondeur, comme envers ses syndiqués et son entreprise. Vermeulen, un homme, un vrai.
C’est enfin un roman sur l’amour entre des personnages qui cherchent leur voie au milieu des pièges qu’ils ont, chacun pour leur part, contribués à créer et qu’ils devront surmonter ou contourner durant les sept années durant lesquelles le roman se déroule, selon quarante chapitres nerveux y compris l’épilogue, qui cernent bien chacun un épisode précis, réaliste et clair de cette belle histoire.
Logiquement l’histoire a commencé avec la susdite Lancigny, elle se termine aussi avec cette dernière, au point de se demander si cette ville n’en est pas, au fond, l’acteur principal, à moins que l’auteur veuille juste nous le faire croire. Voici en tout cas les deux dernières phrases de son livre :
« Il semble qu’il existe de moins en moins de refuges pour se tenir à l’écart de tous ces grands basculements. Et pourtant on ne renonce pas à l’espoir. »
Des refuges en peau de chagrin ?
De grands basculements ?
L’espoir ?
On pourrait discuter longtemps de ces assertions, mais le mieux est de lire L’accident.
Christian Caleca, L’accident, Éditions Maïa, 187 pages, 20 euros.
GUERRE ET GÉNOCIDE EN VENDÉE
La Révolution s’enfonce dans les révoltes, la répression sous forme de massacres à partir du printemps 1793. On peut désespérer des personnes obtuses ou endoctrinées qui veulent encore croire que la Révolution fut bénéfique pour la France, mais on ne peut guère espérer les convaincre. C’est pourquoi je ne ferai pas d’effort dialectique particulier en ce sens.
La guerre de Vendée commença mal pour la Convention : le 23 juin 1793, l'armée vendéenne occupait Angers. Le 29 juin, elle débutait le siège de Nantes. L'armée républicaine de Westermann était écrasée par les Vendéens à Chatillon-sur-Sèvre*, tandis que l'assaut vendéen contre Nantes échouait.
Malgré les quinze mille hommes supplémentaires commandés par Kléber, ce dernier était battu par les troupes de Charrette. Il faudra quatre colonnes réunies pour battre, après deux jours de combat, l'armée catholique et royale à Cholet le 17 octobre 1793. Puis, le 12 décembre 1793, la colonne vendéenne sera surprise au Mans par Marceau et complètement défaite. Acculés à la Loire, après qu’ils se soient rendus, douze à quinze mille vendéens furent massacrés sur ordre de Prieur-de-la-Marne, qui fit fusiller tous les prisonniers, hommes et femmes, après les avoir dépouillés de leurs vêtements en vue de les récupérer.
Il y eut tout de même des survivants qui parvinrent à traverser la Loire et à se jeter dans les Mauges où ils continuèrent le combat pendant encore deux ans.
Lorsque les troupes vendéennes eurent été battues et exterminées, le général Grignon ordonna de passer au fil de la baïonnette tous les habitants de la Vendée. Le général Turreau précisa que « La Vendée devait être un cimetière national ». À partir du 21 janvier 1794, ce dernier lança sur ordre de la Convention, douze « colonnes infernales » qui convergèrent vers le centre de la Vendée en exterminant tous les êtres humains qu’elles trouvèrent sur leur passage, hommes, femmes, enfants, tandis que le reste, fermes, bois, récoltes, était brûlé.Sur les huit cent mille habitants de la Vendée militaire, de cent à trois cent mille personnes, selon les estimations, ont été massacrées de la sorte. Au nom de la liberté, les pires barbaries furent commises, femmes enceintes éventrées, prisonniers noyés dans la Loire ou étouffés dans des pontons hermétiquement clos. Hitler, Staline ou Pol Pot ne sont pas parvenus à dépasser en horreur la Révolution française. Lisez à ce propos le compte rendu du général Turreau qui rend compte de ses faits d’armes au Ministre de la Guerre :
« Le général de brigade Huché, qui commande à Chollet une forte garnison avait reçu l'ordre de moi de dissiper tous les rassemblements qui pourraient se former aux environs. Instruit qu'il y avait sept ou huit cents brigands à la Gaubretière qui inquiétaient Mortagne, Huché part de Chollet avec un fort détachement, et, par une marche nocturne et rapide, surprend les ennemis. Cinq cents ont été taillés en pièces, parmi lesquels un grand nombre de femmes, car les femmes s'en mêlent plus que jamais. » En outre, le général Huché rend compte du déroulement des opérations : « Plus de cinq cents, tant hommes que femmes, ont été tués. J'ai fait fureter les genêts, les fossés, les haies et les bois, et c'est là qu'on les trouvait blottis. Tout a passé par le fer, car j'avais défendu que, les trouvant ainsi, on consommât ses munitions. » Des malheureux décapités, les oreilles coupées, les femmes, les enfants, les vieillards…
Si le terme de génocide a un sens, il s’applique sans aucun doute à l’action de la Convention en Vendée, perpétré par des responsables politiques et militaires français sur leur propre peuple, avec pour objectif de terroriser tous ceux qui auraient l’intention de se révolter contre la Convention.
Tandis que la Convention massacrait les Vendéens, elle procédait par la force à une levée en masse de soldats, qui avait fortement contribué aux violentes révoltes contre la Convention. Mais l’importance numérique de sa population à la fin du XVIIIe siècle donnait à la France un avantage par rapport à une coalition de pays aux populations plus faibles : alors que la France comptait vingt-sept millions d’habitants, la Prusse, l’Autriche et l’Angleterre en rassemblait à peine 30 millions à elles trois et l’Espagne pas plus de dix millions et c’est pourquoi la France n’avait pas hésité à déclarer la guerre à l’ensemble des pays européens.
Sur les frontières, la levée en masse permit de rassembler un effectif considérable, cinq cent mille hommes répartis en quatorze armées, ce qui assura la supériorité numérique des troupes françaises sur l’ensemble des troupes coalisées et les obligea à se replier. C’est ainsi que sur le front de l'Est, les armées de Moselle et du Rhin repoussèrent les austro prussiens au-delà du Rhin où elles prirent leurs quartiers d'hiver. Sur les Pyrénées, les Espagnols furent contenus.
À l’intérieur de la France, une armée de sans culottes sillonnait la province, avec pour mission de terroriser les opposants et les tièdes, utilisant la « loi des suspects »
* Chatillon sur Sèvre a fusionné depuis avec Saint-Jouin-sous-Chatillon pour devenir la commune de Mauléon.
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CINQ DESTINS DE DOCTEURS
Pendant ces quatre années de direction de l’IECS (1992- 1995), j'ai continué mes activités universitaires, à un rythme toutefois plus ralenti.
En 1992, j'ai fait soutenir la thèse de Djamila El Madjeri, l'épouse d'Ali El Idrissi qui avait soutenu sous ma direction sa propre thèse quelques années auparavant. Sa thèse portait sur "Les joint-ventures et le processus d'innovation", une thèse de bonne qualité qui l'a conduite à une belle carrière à l'IAE de Nice qu'elle n'a pas encore achevée. Nous avons souvent travaillé ensemble, notamment pour la direction du Master Marketing où elle s'est révélée une administratrice prudente et avisée ou la Direction du Master en Administration des Entreprises de l'IAE de Nice qu'elle a fort bien géré et développé.
En 1993, Ghazi Qazi, un étudiant irakien de bon niveau soutenait sous ma direction une thèse intéressante sur la "Stratégie de développement des petites et moyennes entreprises industrielle : le cas de l'Irak.". C'est le seul doctorant irakien que je n’ai jamais dirigé et j'en garde un bon souvenir. Il croyait en l'avenir de l'Irak et en particulier au développement de ses PME. Tout de suite reparti en Irak après sa soutenance, je n'ai malheureusement plus jamais eu de ses nouvelles. En raison du sort tragique de l'Irak déterminé par le règne de Saddam Hussein puis l'horrible intervention américaine, j'espère qu'il a survécu à tous ces cataclysmes et qu'il mène une belle vie. Si quelqu'un a de ses nouvelles, je serai heureux d'en bénéficier.
La même année, Annie Sinda a soutenu sa thèse portant sur "La Stratégie de l'Entreprise Agricole : Application à la gestion de la petite entreprise agricole en France." Je connaissais Annie depuis longtemps, puisque elle avait été mon étudiante en Maitrise et que je l'avais embauché lorsque je dirigeais la formation continue de l'Université de Nice (CEPUN). J'étais donc heureux de lui faire soutenir une thèse sur un sujet qui lui tenait à cœur, mais qui allait engendrer d'énormes difficultés pour qu'elle obtienne un poste de Maitre de Conférences en Sciences de Gestion.
Finalement son obstination et la mienne conjuguées ont permis de la nommer à Clermont II où elle a, semble t-il, été appréciée, avant de partir à la retraite cette année.
En 1994, Jean-Marc Ferrandi a soutenu sous ma direction sa thèse sur "Les effets de la culture sur le comportement de consommation : complexité du concept et limites de la mesure.". Depuis, il est devenu un brillant professeur à ONIRIS dont il est le directeur du Centre d’Innovation Alimentaire. ONIRIS qui est l'École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l'alimentation de Nantes-Atlantique, l'une des quatre grande écoles françaises assurant la formation des vétérinaires. Je suis très heureux du succès de Jean-Marc Ferrandi qui est, à ma connaissance, l'un de mes docteurs qui a le mieux réussi sa carrière professionnelle. Nous avons gardé des relations amicales, quoique plus distendues depuis ma pseudo retraite, mais j'aurais l'occasion de citer Jean-Marc Ferrandi lorsqu'il m'a aidé plus tard à résoudre un problème de direction de thèse.
En 1995, Henri Alexis a soutenu sous ma direction "Les Stratégies des PME face au Management Public Local." Mais il a rapidement compris que son profil n'était pas adapté aux Sciences de Gestion. Il a donc entrepris une seconde thèse en Science de la Communication qui lui a permis de trouver un poste de Professeur et d'entreprendre une brillante carrière d'encadrement universitaire, tout d'abord comme chef du Département TC de l'IUT de Nice, puis comme Directeur de ce même IUT. Il est aujourdh'ui retraité mais n'en poursuis pas moins une seconde carrière d'enseignant universitaire et nous ne nous perdons pas de vue.
Je suis bien entendu heureux d'avoir participé, parfois si peu que ce soit, à la réussite professionnelle de mes collègues, même si je l'ai fait de façon fort inégale en fonction des besoins de chacun.
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UKRAINE: LA PARTIE EST DÉJA JOUÉE.
Je ne vous ai pas accablé par mes billets sur l’Ukraine : le dernier date du 8 février dernier, l'avant dernier du 30 juillet 2022. Ce n'est pas que le sujet ne me passionne pas, mais je me retiens d'écrire pour ne pas heurter la majorité de mes lecteurs, endoctrinés par la doxa qui a cours dans le (petit) monde occidental.
Mais le silence ne peut être qu'une attitude provisoire, le temps que les circonstances deviennent plus propices à l'écoute qu'à l'époque où l'on expliquait la guerre ukrainienne par la folie de Poutine et auparavant la guerre de Syrie par la méchanceté d'Assad, celle de Libye par la violence de Khadafi, celle d'Irak par les armes de destruction massive de Saddam Hussein ou celle d'Afghanistan par les tours de Manhattan.
Il est possible désormais de comprendre que la guerre d'Ukraine, qu'a déclenché Poutine, trouve ses racines dans la volonté des Américains d'étendre le périmètre de l'OTAN jusqu'en Ukraine, ce qui s'est traduit par le coup d'État de 2014. À cette volonté américaine s'opposent les Russes qui n’acceptent pas de laisser s'installer des lanceurs d'ogives nucléaires à quelques minutes de Moscou, comme les Américains s'étaient autrefois opposés à l'installation de missiles russes à Cuba.
Il en résulte que, compte tenu de l’enjeu atomique, les Russes ne céderont pas. On peut imaginer toutes sortes de scénarios, depuis l'assassinat de Poutine jusqu'à un coup d'état ou une révolution en Russie, mais c’est méconnaitre que le choix russe relève de la géostratégie mondiale et pas de l’humeur, du caractère ou de l’équilibre psychique du Président.
Donc s'affrontent d'un côté les Russes qui ne veulent pas céder et de l'autre les Américains qui voudraient bien les écraser pour faire exploser l'entité russe et se retrouver seuls face aux Chinois.
Les États-Unis ont déjà atteint leur objectif stratégique à court terme, qui était de séparer les Européens des Russes. Sur le plan militaire, c’est plus douteux, car les Ukrainiens souffrent face aux fortifications et à la préparation d'une relative petite armée russe de deux cent mille hommes disposés sur un front d'un millier de kilomètres.
La suite? Voici, en résumé, ce que j'écrivais en février dernier et que je maintiens: il est possible que l'envoi de matériel supplémentaire ne permette pas aux Ukrainiens de contre-attaquer. Que fait-on, alors ? Soit on négocie, soit il faudra envoyer d’autres matériels, comme les avions demandés par Zelensky. Si les avions ne suffisent pas, il faudra envoyer des troupes constituées, ce qui équivaudrait à une déclaration de guerre officielle, à laquelle aspirent les Polonais mais pas les Américains qui ne veulent pas flirter avec une guerre nucléaire.
Le plus vraisemblable est qu'il ne se passera rien. On fera semblant d'envoyer des armes supplémentaires, on formera des pilotes, on enverra des volontaires pour suppléer un contingent ukrainien qui a fortement tendance à préférer vivre sur la Côte d'Azur que mourir aux frontières du Donbass. On peut les comprendre.
Passez donc un été tranquille, braves gens, pas de guerre généralisée en vue. Les Américains ayant atteint leur premier objectif stratégique qui était de séparer les Russes et les Européens, sont sans doute prêts à se contenter de l’établissement d’une DMZ qui sauverait la face de tous les protagonistes. Une DMZ (Demilitarized Zone) de deux cent cinquante kilomètres existe déjà entre les Corée du Nord et du Sud sur une bande de terre de quatre kilomètres. Elle subsiste depuis l'armistice de Panmunjeom dont on fêtera le soixante-dixième anniversaire le 27 juillet prochain, ceci pour vous faire comprendre qu’une DMZ peut durer.
En Ukraine, il faudrait installer une DMZ quatre fois plus longue et on ne sera pas à l'abri de divers incidents, centrales nucléaires menacées, avancées russes pour protéger Belgorod ou sabotages organisés en Russie, mais rien qui mette en danger la paix du monde. Cette DMZ pourrait bien émerger vers le printemps 2024, lorsque les Russes et les Américains, et non les Ukrainiens qui n'ont pas leur mot à dire sauf comme porte-voix de la coalition, se mettront d'accord pour un cessez le feu provisoire sur la ligne de front. Et on passera à autre chose, jusqu’à ce que la situation bouge à nouveau au plan militaire.
Pendant ce temps, largement occulté par des médias habitués à voir les pays s'effondrer sous le poids des sanctions occidentales, un évènement économique est en train d'émerger qui met sérieusement à mal ce que l'on appelle poliment l'unilatéralisme des États-Unis.
En effet, les quatre autres pays des BRICS, Brésil, Inde, Chine et Afrique du Sud, ont refusé de sanctionner le cinquième, la Russie, et ils ont été suivis par de très nombreux pays, de la Turquie, pourtant dans l'Otan, à l'Arabie Saoudite, bien qu'elle soit largement dotée de bases américaines qui la "protège", en passant par la quasi-totalité de l'Afrique, une bonne partie de l'Asie (sauf le Japon) et, mezzo voce, de l'Amérique du Sud. Mais l'évènement le plus spectaculaire de cette révolte contre "l'unilatéralisme" a été l'accord Iran-Arabie Saoudite sous l'égide de la Chine.
Tout à coup, le couple États-Unis-Europe, même renforcé par le Japon, le Canada et l'Australie, s'est retrouvé isolé face à un fait stratégique massif : les autres pays ne veulent pas que la Russie perde, parce que ce serait une victoire de l'unilatéralisme, qu'ils rejettent. Du coup, les sanctions occidentales, autrefois imparables, sont devenues des chiffons de papier.
Dès lors, la victoire économique des Occidentaux sur la Russie semble hors de portée et l'Europe est bien imprudente de jouer les supplétifs de l'unilatéralisme, alors qu'elle en est la première victime. Pensez à la position de l'Allemagne qui a parié sur un approvisionnement énergétique peu coûteux en gaz russe pour s'en trouver désormais privée et sur des dépenses militaires quasi nulles pour se retrouver obligée de réarmer à grands frais pendant que ses Léopards se font détruire sur le front.
La situation en ce mois de juin 2023 voit le succès stratégique à court terme des États-Unis parce qu’ils ont obtenu de séparer l'Europe de la Russie au prix de dizaines voire de centaines de milliers de morts ukrainiens dont ils se soucient comme d'une guigne et de l’affaiblissement économique de l’Europe dont ils se nourrissent, mais à long terme, le multilatéralisme des BRICS sortira vainqueur de ce coup de poker un peu désespéré des Occidentaux.
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