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Le blog d'André Boyer

Pouvoir et politique

31 Octobre 2011 Publié dans #PHILOSOPHIE

La question que nous abordons aujourd’hui, en nous fondant sur le texte de Max Weber, Le Savant et le Politique, est celui du sens de l’activité politique, dans sa généralité.

1223184619067Ce que nous appelons « politique », ce sont les activités liées à la direction d’un État : il s’agit de l'ensemble des efforts en vue de participer au pouvoir dans le cadre d’un État et entre les États. On peut dès lors postuler que tout homme qui fait de la politique aspire au pouvoir, soit parce qu'il le considère comme un moyen au service d'autres fins, soit qu'il le désire « pour lui-même » en vue de jouir du sentiment de supériorité qu'il lui confère.

Sachant que, depuis toujours, les groupements politiques les plus divers considère tous que la violence est un outil naturel du pouvoir, un État est une organisation politique dont la spécificité est de revendiquer pour lui le monopole de la violence vis-à-vis d’une communauté humaine située dans les limites d'un territoire déterminé.

En effet, le propre de l’État est de se considérer comme l'unique source du « droit » à la violence, en ce sens qu'il n'accorde à personne d’autre le droit de faire appel à la violence sur le territoire qu’il contrôle. L’État revendique d’exercer des rapports légitimes de domination des hommes sur les hommes. Cela signifie qu’il s’attend à ce que les hommes qu’il domine se soumettent à l'autorité revendiquée par les dominateurs  qu’il a mandatés. Les fondements de cette légitimité, selon la classification désormais classique introduite par Max Weber lui-même, sont de trois types. Il s’agit en premier lieu de l'autorité coutumière sanctifiée par l'habitude et enracinée dans l’homme. Elle se manifeste par des pouvoirs traditionnels tels que ceux des seigneurs terriens sur « leurs » serfs.

En second lieu, l'autorité peut être fondée sur le charisme d'un individu; elle se caractérise alors par la confiance que les sujets lui accordent du fait des qualités qu’ils lui prêtent et en conséquence par le dévouement personnel qu’ils lui manifestent. Il s’agit ici du pouvoir « charismatique » d’un prophète, d’un chef de guerre élu, d’un souverain plébiscité, d’un démagogue ou d’un chef de parti politique. Pour que le sujet puisse s'abandonner au charisme du chef, il faut que ce dernier soit reconnu comme étant naturellement « destiné » au rôle de conducteur d'hommes, si bien qu’il n’est obéi ni en vertu d'une coutume ni d'une loi, mais parce que l’on a foi en lui. L'histoire nous montre que l'on rencontre des chefs charismatiques dans tous les domaines et à toutes les époques historiques, qu’ils soient prophètes, magiciens ou chefs de bande. Ce genre d'homme politique a «vocation » au pouvoir. Il a toujours su depuis la plus tendre enfance qu’il serait le chef. Il en a rêvé, il s’y est préparé et mille anecdotes témoignent de ses qualités « naturelles » de chef.

Il y a enfin l'autorité qui s'impose du fait de la « légalité » de celui qui la revendique, en vertu de la croyance en la validité d'un statut légal, d’une constitution approuvée, votée ou octroyée. C'est le pouvoir qu’exerce le «serviteur de l'État » moderne.

La motivation première qui porte l’individu à obéir est celle de « la carotte ou du bâton », c’est la peur de subir la vindicte des détenteurs du pouvoir, la peur du gendarme ou les foudres de la justice ou du fisc, ou au contraire celle de l’espoir d’une récompense, telle qu’un droit accordé ou un diplôme délivré. Il s’agit donc pour l’État de disposer d’une panoplie de carottes à distribuer et de bâtons à agiter. Aussi le facteur décisif, en matière de pouvoir, réside t-il dans les moyens dont les hommes politiques disposent pour affirmer leur autorité.

Cet aspect du pouvoir concerne toutes les formes de domination politique, qu'elles soient traditionaliste, légaliste ou charismatique. Il leur faut toujours une structure administrative pour déterminer l'activité de leurs sujets et d'autre part disposer des moyens nécessaires pour se faire obéir.

(Adapté de Max Weber, « le Savant et le Politique »)

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Requiem pour Mouammar Khadafi

22 Octobre 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Le 23 février dernier, j’écrivais un blog intitulé « Mouammar ? Dégage ! ». Il aurait dû écouter mon conseil, Mouammar, c’était le bon : il aurait sans doute survécu, lui et sa famille, et il aurait évité les morts et les destructions de la guerre de ces huit derniers mois. C’est le même conseil que je donne aujourd’hui à Bachar, avec encore plus de conviction.

3946467565-le-discours-surrealiste-du-martyr-kadhafiMais Mouammar ne m’a pas écouté. Je notais ce jour-là dans mon blog que le vieux dictateur avait quelque chose d’un Ceausescu à la dérive dans un palais vide  ou d’un petit Hitler à la recherche d’une apocalypse qui l’engloutirait avec son peuple :  « Je suis un combattant, un révolutionnaire venu du désert, je suis prêt à mourir comme un martyr ! »

Ce jour-là encore, j’avais écrit que Mouammar m’inspirait un mélange de pitié et, j’avouais, de mépris, lorsqu’il pérorait : « Mouammar Kadhafi est un combattant, un révolutionnaire venu du désert, je ne suis pas un président qui se retire. C’est mon pays. Mouammar n’est pas un président qui quitte son poste ». Il disait vrai.

Maintenant son cadavre ne m’inspire plus que de la pitié, et son personnage des sentiments mêlés. Il a été un tyran orgueilleux et aveugle, mais aussi courageux et obstiné jusqu’à la mort. La mémoire de ce personnage restera dans l’histoire. Il ne s’écoulera pas beaucoup de temps avant qu’il ne devienne, comme Ben Laden, un martyr symbolisant la lutte contre les occidentaux, contre la modernité et contre les impies. L’horrible justification du fanatisme.

Je ne suis étonné ni de sa mort, ni des circonstances de sa mort. Tout le monde, du CNR libyen aux Français en passant par les Américains, voulait sa peau et souhaitait surtout le faire taire afin d’éviter les affres d’un procès qui n’aurait  été que trop propice aux déballages nauséabonds. Je suis par contre toujours esbaudi par la capacité de nos dirigeants à nous peindre la vie dans de pimpantes couleurs, si loin de la triste réalité qu’ils veulent à tout prix nous cacher, nous les moutons : d’après leurs déclarations, un avenir démocratique s’ouvre enfin pour la Libye ! Quels grands comédiens, nos dirigeants ! Comme on aimerait les croire, mais comme on aurait tellement tort d’y souscrire ! L’avenir de la Libye se résume au futur pétrole acheté et vendu. Autour de cela, la bataille des convoitises des chefs et des sous-chefs libyens et des crocodiles mondialisés. Ce qui ne sera ni rose, ni romantique.

Mais revenons à mes conseils à Bachar. 

Bachar, tu as fait tuer en six mois trois mille personnes. Je t’accorde que c’est trois fois moins que l’écrasement de la révolte des frères musulmans par ton père Bachar en 1982 à Hama. Mais ce ne sont que comptes d’apothicaires pour ceux qui veulent ton départ. Or ton temps est, fini, il est bel et bien terminé, tu as compris ? Tout le monde veut ton départ, même la Chine et la Russie. Je sais, certains te soutiennent à Damas ou à Alep, mais c’est le soutien de la corde au pendu. Il te reste à faire un choix. Ou bien tu t’obstines, comme Mouammar, et tu finis comme lui. Cela a une certaine grandeur, j’en conviens. Ou bien tu pars piteusement comme Ben Ali, et tu survis quelque part. Pour ma part, c’est ce deuxième choix que je te recommande, pas tellement pour toi que pour toutes les personnes que tu vas éviter de tuer dans les prochains mois. Encore que la guerre civile qui suivra ne sera guère tendre pour les citoyens syriens. Mais cette dernière, personne ne pourra l’éviter, c’est trop tard.

Alors pars tout de suite, Bachar, fait préparer un avion, remplit le d’or et de dossiers pour te protéger toi et ta famille, et file. Cela nous évitera de devoir regarder encore, en voyeurs honteux, de désastreuses images de meurtres et de visages ensanglantés, comme celle de Mouammar ou du couple Ceausescu.

 

Car, nous les moutons, on aime bien que l’on nous peigne la vie en rose, on adore même, mais à condition de nous cacher les abattoirs. 

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Atterrée, la classe moyenne française regarde disparaitre l'État-providence

16 Octobre 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

International Herald Tribune du 25 septembre 2013.

Notre correspondante à Paris, Rachel Donadio, nous a fait parvenir le reportage suivant:  

1829362369_small_1.jpgAssise dans la modeste salle de séjour qu’elle occupe dans le pavillon  qu’elle partage avec ses parents, son mari et ses deux enfants, Sabine Dupuis s’inquiète de la capacité de sa famille à faire face aux incertitudes du système économique qu’elle voit s’effondrer autour d’elle. Elle est en tout cas sûre d’une chose, c’est qu’elle ne paiera pas le nouvel impôt sur la propriété, pièce maîtresse du nouveau plan d’austérité annoncé ce mois de Septembre 2013 par le gouvernement français.

« Je ne vais pas le payer » énonce Madame Dupuis comme une évidence, tandis qu’elle allume une cigarette et vérifie son téléphone portable, afin d’éviter de devoir répondre aux appels de sa banque qui lui réclame de payer les dernières mensualités de son emprunt. « Tout simplement parce que je n’ai pas les moyens de le payer. Ils peuvent me mettre en prison s’ils le veulent, mais je ne le paierai pas. »

Tandis que les banques et les dirigeants européens font des discours théoriques sur l’impact d’un défaut possible de la France sur l’Euro et sur l’économie mondiale, quelque chose d’effrayant sur le plan pratique est en train de se passer en France : le démantèlement de l’État providence, sans que rien ne soit prévu pour le remplacer. Depuis 2012, le gouvernement a augmenté les impôts, réduit les retraites et les salaires des fonctionnaires pour diminuer les charges, alors que la fonction publique, qui n’a jamais cessé d’accroître ses effectifs, emploie un salarié sur cinq en France. 

La semaine dernière, le gouvernement a annoncé qu’il allait mettre au chômage technique deux cent mille fonctionnaires avec un salaire réduit de 40%, en attendant de prendre la décision de les licencier. Il a aussi annoncé qu’il allait réduire à nouveau le montant des pensions de ses trois millions et demi de fonctionnaires retraités.

Employée de la ville, Madame Dupuis, comme tous les  fonctionnaires, a subi l’an dernier une forte réduction de sa rémunération qui est passée de 2000€ à 1300€ par mois, pour répondre aux exigences des prêteurs étrangers. Son époux, qui vend des pièces détachées pour voitures d’occasion, a vu ses revenus décroître fortement. Quant à la pension de retraite de sa mère, son montant mensuel est passé de 920€ à 800€.

Comme nombre de familles de la classe moyenne, les Dupuis espéraient limiter en partie l’impact de ces baisses de revenus et ceux de l’accroissement des prix grâce à la propriété de leur logement. Le grand-père avait en effet réussi à acheter il y a quelques dizaines d’années un petit immeuble de deux étages dans la banlieue parisienne où ils vivent encore aujourd’hui tous les six. C’est pourquoi le nouvel impôt qui devrait se monter pour eux à 2000€ par an leur paraît particulièrement difficile à avaler: « Cette maison, c’est la seule chose qui nous reste » dit-elle. 

En ce moment, il y a beaucoup de choses difficiles à digérer pour les Français. En plus des réductions de salaire du secteur public, le gouvernement a récemment imposé un impôt de solidarité sur tous les salaires d’un montant compris entre 1% et 4% et un impôt additionnel sur les revenus des travailleurs indépendants. Il a surtout accru le taux de la TVA sur de nombreux produits et services, y compris l’alimentation, qui est passée de 5,5% à 15,5% et de 19,6% à 23%. L’économie française est désormais en récession et il est courant pour les salariés du privé de voir leurs salaires baisser de 30% avec ou sans réduction du temps de travail. 

La fameuse troïka des prêteurs étrangers, La Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fonds Monétaire International, sont de plus en plus exigeants avec l’État français. Ils font des objectifs de réduction du déficit public qu’ils lui ont assigné une condition nécessaire pour lui octroyer  une nouvelle aide d’un montant de 55 milliards d’euros, dont il a besoin à la mi-octobre 2013 pour faire face à son budget. Nombreux sont les Français qui craignent que ne se mette en place une spirale mortelle de mesures d’austérité toujours plus nombreuses, d’une dépression économique sans cesse accentuée qui engendrera des  recettes fiscales toujours plus réduites rendant chaque jour plus difficile une réduction de la dette. Ils craignent que l’État ne soit finalement contraint au défaut, malgré ces mesures d’austérité drastiques.

Tandis que les syndicats ont lancé un appel à la grève générale pour le 19 octobre prochain et que la tension monte, les économistes expliquent que ces mesures sont nécessaires pour réduire la dette et pour rendre à l’économie française sa compétitivité. Mais les coupes financières ont été beaucoup plus rapides que les modernisations : le tissu social commence à partir en lambeaux, voire à se déchirer. Le taux de chômage, déjà à 16%, s’accroît sans cesse; le taux de natalité est en baisse et le taux de suicide en hausse. Le moral du pays est en berne.

« Le gouvernement est de plus en plus en guerre avec les citoyens » déclare Jean Bastien, un économiste appartenant à la Fondation Française de Science Politique. «  Il prend des décisions qui font plus que pressurer la classe moyenne. Elles menacent son existence même ». Certains employés du secteur privé disent qu’ils n’ont pas été payés depuis des mois. Tandis qu’elle participe à Paris à une marche pacifique contre ce nouvel impôt, Marie Courroye, 38 ans, orthophoniste employée dans un centre d’enfants handicapés, déclare à propos du nouvel impôt sur la propriété: « C’est un impôt illogique et déloyal. » Et d’ajouter :« Je n’ai pas été payée depuis deux mois, comment pourrai-je payer cet impôt ? » Un nombre croissant de Français se posent la même question et leur colère se concentre de plus en plus sur le nouvel impôt sur la propriété, celui que Madame Dupuis ne veut pas payer. Mais le gouvernement a déclaré qu’il attendait du nouvel impôt foncier, qui devrait concerner 13 millions de propriétaires, 6,4 milliards d’euros de recettes supplémentaires. De son côté, l’Association Française des Propriétaires estime que l’impôt devrait se monter pour une famille moyenne à une somme comprise entre 1200 et 2000 euros par an.

La semaine dernière, le Président socialiste, François Hollande, a supplié les Français d’accepter ces mesures. « Nous n’avons pas d’autre choix, sinon la faillite, et cette dernière aurait de graves répercussions sur tous les citoyens français » a t-il déclaré, ajoutant : « Ce sera difficile, mais c’est une bataille décisive que nous livrons »

Pour des raisons d’efficacité, l’impôt sera perçu en utilisant les factures d’électricité. Si l’impôt n’est pas acquitté, l’électricité pourrait être coupée, encore que le syndicat CGT, tout puissant à EDF, a déclaré qu’il refuserait d’appliquer la mesure.

Les critiques disent que le gouvernement n’a pas réussi à limiter l’évasion fiscale de la partie la plus riche de la société  et qu’il n’a pas pu non plus mettre en place des réductions de charges mieux ciblées, parce qu’il ne veut pas se mettre à dos les syndicats du secteur public très liés au Parti Socialiste. 

« Je ne crois pas qu’ils sachent ce qu’ils font » déclare Nicolas Pierre, 38 ans, un archéologue qui travaille au Ministère de la Culture et qui participe à une manifestation à Paris la semaine dernière. « Au lieu d’affronter les syndicats d’EDF ou de la SNCF, ils se contentent de réduire uniformément les salaires »

Quelques-uns des employés récemment licenciés devront payer le nouvel impôt sur la propriété. Face à cette perspective, une femme dont nous ne connaissons que le prénom, Anne, a éclaté en sanglots alors qu’elle faisait la queue à l’ANPE le lendemain du jour où elle avait été licenciée d’un emploi de femme de ménage au Ministère de l’Éducation.  « Mon mari travaille dans la construction et il y a des mois qu’il n’a pas trouvé d’emploi en raison de la crise dans le bâtiment » nous a t-elle déclaré, « mon fils a vingt ans et il est également sans emploi ». 

De telles histoires sont courantes en France aujourd’hui. Mais alors que le pays souffre, il n’est toujours pas en mesure d’atteindre les objectifs qui lui ont été assignés par les prêteurs. Selon les données fournies par le Ministère des Finances, les recettes sont inférieures de 47 milliards d’Euros par rapport aux objectifs fixés et les dépenses dépassent de 13 milliards d’euros le montant prévu, rien que pour les sept premiers mois de l’année 2013…

De retour dans sa salle de séjour, Madame Dupuis ajoute qu’elle n’a rien vu venir. « Personne ne nous a prévenu » dit-elle « je n’ai aucun espoir, ni pour moi, ni pour mes enfants et j’ai seulement cinquante ans. » Puis elle se met à rire : « Je ne peux pas faire entrer dans ma tête que ma vie est devenue un tel gâchis » dit-elle. « Je crois encore que ce n’est qu’une plaisanterie !»

 

Cet article n’est qu’une demi-fiction. Écrit par Rachel Donadio, il a été publié le 25 septembre 2011 par  l’International Herald Tribune à propos de la Grèce. Je me suis contenté de le traduire, de l’adapter au cas de la France et de le post dater de deux ans. Ceux qui croient que c’est une pure fiction continuent à vouloir garder les yeux fermés. 

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Adieu Steve

9 Octobre 2011 Publié dans #INTERLUDE

Le 31 août dernier, j'écrivais un article de remerciements à l'occasion du départ de Steve Job de la direction d'Apple. Comme je me doutais bien que la maladie avait fini par imposer sa loi, j'avais écrit qu'il s'était retiré "sans doute vaincu par la maladie". 

Steve-Job-copie-1.jpgDepuis, il est vraiment mort, totalement mort et il a reçu des hommages extraordinaires. Un génie! l'égal d'Einstein! Apple ne s'en remettra pas...

J'avoue que je suis gêné par tous ces hommages, qui me semblent d'ailleurs excessifs. Il est vrai qu'il est un symbole, celui de l'innovateur, de l'enfant adopté, qui a refusé de faire des études et qui a réussi au-delà de ce que chacun de nous peut le rêver. Il a même laissé un message posthume, avec son discours de Stanford. Je l'ai déjà mentionné dans mon blog du 31 août. Mais c'était aussi un homme dur et malade de ce cancer qui l'a emporté. 

Ce que je retiens personnellement, c'est que ses produits m'ont convaincu. J'ai toujours utilisé des Mac, sans jamais céder à la sirène des PC. À l'instant même, j'écris ce blog sur un Mac. Pour moi, j'ai toujours pensé que les Mac étaient supérieurs aux PC, plus simples, plus faciles à utiliser, sans virus. Je n'ai pas été vraiment étonné par l'invention des I Pods, I Phones et I Pad. Ils découlaient naturellement de l'inventivité permanente qui entourait l'univers de la Pomme.

En revanche, j'observe que la plupart de ceux qui ont écrit des hommages dithyrambiques sur Steve Jobs l'ont fait à partir de PC. Ils devraient s'interroger sur cette curieuse contradiction...

Pour moi, Steve Jobs a tout simplement compris ce qu'une partie croissante des consommateurs attendait: un produit simple à utiliser, enveloppé dans une forme séduisante et sachant s'inscrire dans le merveilleux que chacun attend. Le snobisme aidant, les derniers produits Mac, en dehors des ordinateurs, sont devenus des musts que chacun devait posséder et Apple s'est mis à générer des profits proprement extraordinaires. 

Steve Jobs était avant tout un hommes d'affaires doué d'un excellent sens commercial. Il est curieux que son meilleur produit, l'ordinateur Mac, soit infiniment moins répandu que les produits plus courants dont l'avance en matière d'usage est la moins forte. En tout cas, merci encore Steve pour ces ordinateurs que j'utilise depuis vingt-cinq ans. J'ai continué à les utiliser quand tu n'étais plus chez Mac, je continuerai à les utiliser après ta disparition, sauf si je trouve un meilleur produit. 

Adieu Steve. 

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Comment prendre un nouveau marché sans se fatiguer

5 Octobre 2011 Publié dans #INTERLUDE

Je reprends ici la suite du recit de mes activités professionnelles à la Mobil, à la suite de mon article du 16 août dernier, intitulé « la Mobil, le malchanceux et moi »


tassemobilAu printemps 1972, une année qui allait se révéler riche en événements, ma famille et moi quittâmes Saint Germain en Laye pour Dijon, dans une petite rue tranquille derrière le célèbre Hôtel de la Cloche. L’appartement était agréable, vaste et calme, la ville se traversait en quelques minutes et nous avions des parents dans le voisinage. Je sollicitais l’installation d’un téléphone dans l’appartement (six mois à deux ans de délai) et en attendant je passais mon temps dans les Postes et les cabines téléphoniques pour communiquer avec la Mobil et ses clients, mes clients désormais.

Après les premiers contacts, je découvris rapidement que je n’avais pas grand-chose à faire, à moins que cette découverte ne soit liée à mon manque de savoir-faire et de motivation. Les clients avaient signé avec la Mobil des contrats pour une durée de trente ans, lorsqu’il s’agissait de petites stations-service ou de fourniture d’huile. Ils ne se renégociaient donc pas tous les jours. Que leur dire, entre-temps ?

Il y avait tout de même les contrats de FOD (Fuel Oil Domestique) avec les collectivités locales qui devaient être renégociés tous les ans ou presque, et qui me permirent de découvrir l’univers des ententes illicites sur les marchés et les prix entre pétroliers.

Je me souviens d’un exemple précis, que j’ai souvent raconté à mes étudiants. La direction de la Mobil m’avait demandé de « prendre » le marché de FOD de la ville de Dole, dans le Jura. C’était un marché détenu par la Shell. Je demandais à la direction à quel prix je devais faire mon offre. C’était le temps où le FOD se négociait autour des vingt centimes de francs le litre, aujourd’hui ce serait plutôt quatre-vingt centimes d’Euros, 28 fois plus ! On me ria au nez, me répondant que je n’avais qu’à offrir le prix que je voulais…

Le prix que je voulais ? je ne comprenais pas et lorsque j’insistais pour avoir une fourchette de prix, je n’obtins pas de réponse. Un peu énervé, je demandais par téléphone si je pouvais en faire cadeau du FOD ? Lorsque l’on m’eut répondu de ne pas jouer à l’imbécile, je finis par comprendre qu’il n’y avait qu’une solution raisonnable, celle de négocier avec l’heureux détenteur du marché de Dole. J’appelais mon homologue de Shell et quelques minutes au téléphone public à la Poste après avoir fait la queue pour avoir une cabine (pas de portable, pas de ligne à la maison) nous suffirent pour régler la question entre nous.

Après lui avoir rappelé qu’une guerre des prix serait contreproductive pour les marges de nos compagnies et avant tout pour nos primes, nous convînmes qu’il devait m’abandonner le marché de Dole sans combattre puisque mes chefs m’avaient donné l’ordre de le conquérir. Mais comme toute peine mérite salaire, je lui laissais en échange, bien sûr sans lutter, le marché de Chenôve, ville située en banlieue de Dijon : ses chefs à la Shell lui avaient en effet donné instruction de prendre le marché. C’était parfait : nous avions rempli tous deux nos objectifs, gagnant-gagnant, sans perdre de temps, ni d’énergie, ni d’argent pour nos deux entreprises. Quant à ces dernières, elles n’avaient ni gagné ni perdu de volume de ventes ou de marge. Par contre, mon homologue de la Shell et moi-même avions créé un mouvement qui démontrait que les services commerciaux des pétroliers étaient actifs en Bourgogne, luttant chaque jour pour étendre nos territoires dans une guerre de mouvement fourmillant de combats incertains, conquérant une ville ici, nouveau point rouge sur la carte, tout en perdant hélas, mais c’est la vie, une autre ville ailleurs, point rouge enlevé.

Bien sûr, le seul perdant était le contribuable qui payait trop cher le FOD, mais n’est-il pas destiné à se faire plumer, un jour pour nourrir les pétroliers, un autre jour pour engraisser les politiciens et un autre pour maintenir ces pauvres Grecs dans l’Eurozone ? Inutile de souligner aussi que ces manœuvres étaient parfaitement illégales, qu’elles ont donné lieu à de nombreux procès qui n’ont jamais abouti, personne apparemment ne se demandant comment la Mobil, comme les autres compagnies, parvenait à conserver depuis les années trente, une part de marché constante égale à six pour cent sans aucune fluctuation.

C’est ainsi que j’ai commencé à comprendre la profondeur de l’hypocrisie des jeux de pouvoir dans les sociétés humaines, les faibles faisant semblant de croire en l’honnêteté des prédateurs tandis que ces derniers font semblant de créditer les faibles de leur crédulité pour leur permettre de sauver la face, parce que les victimes veulent bien payer la note mais ne veulent pas avoir de surcroît à reconnaître qu’elles le savent.

 

Il ferait beau voir que les victimes reconnaissent qu’elles préfèrent payer plutôt que de livrer bataille pour défendre leur territoire : plutôt mourir ! 

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