histoire
LA MORT, LA TERREUR, LA DICTATURE
Le procès de Louis XVI commence, tandis qu’en province des manifestations ont lieu en faveur du roi.
Le 15 janvier 1793, les députés déclarent unanimement Louis Capet coupable de conspiration contre la sûreté générale de l'État et, du 16 janvier au 17 janvier, les 721 députés présents défilent pour se prononcer à haute voix sur la sentence.
Sous la pression des tribunes, le vote de la Convention donne 361 voix pour la mort sans condition, soit une seule voix de majorité, 26 voix pour la mort avec sursis, 43 voix pour la mort avec sursis sous conditions et 291 voix pour un châtiment autre que la mort.
Louis XVI est exécuté par le moyen de la guillotine, le 21 janvier à 10 heures 10, place de la Concorde, alors appelée place de la Révolution.
La fin de la royauté coïncide avec les victoires militaires de la toute nouvelle République. Depuis Valmy, victoire ambiguë acquise par les troupes de Dumouriez le 20 septembre 1792, les troupes françaises ont avancé pour occuper la Belgique. La Convention veut l’annexer afin d’étendre la France à ses « frontières naturelles », les Alpes, les Pyrénées et le Rhin, en somme réaliser les rêves territoriaux des Rois de France.
Mais cela n'effraie pas la Convention : alors qu’elle est déjà en guerre avec la Prusse et l’Autriche, elle décide, pour faire bonne mesure, de déclarer en sus la guerre à l’Angleterre et à la Hollande, et même à l’Espagne. Pour faire face aux deux cent quatre-vingt mille hommes de la coalition qu’elle a décidée d’affronter, la Convention ordonne la levée de trois cent mille hommes supplémentaires, ce qui portera les effectifs de l’armée française à quatre cent soixante-dix mille hommes pour atteindre un million d’hommes fin 1793, en supériorité numérique sur les Alliés.
Cette décision provoque la révolte des campagnes contre la conscription, et notamment celle de la Vendée. Autre revers, Dumouriez, le vainqueur de Valmy, passe aux Autrichiens avec son état-major et le Duc de Chartres qui deviendra Louis-Philippe, le roi des Français de 1830 à 1848. Le Duc de Chartres est le fils de Philippe Égalité, ci-devant Duc d’Orléans qui a voté la mort de son cousin Louis XVI, mais qui sera lui-même exécuté le 6 novembre 1793.
Le régime de la Convention se transforme en dictature pour s’exonérer de toutes les faiblesses et compromissions d’un régime d’assemblée. Le 6 avril 1793 est créé un Comité de Salut Public excluant les Girondins et dont Danton est le maître. Le Comité est destiné à surveiller le Conseil exécutif et l’administration.
Doté de fonds secrets, occupant des centaines d’employés, il dirige la diplomatie, les opérations militaires et la politique économique pour finalement prendre en main la police et l’administration. Dans chaque Département, deux membres de la Convention, véritables proconsuls limogeables à tout moment, sont chargés d’épurer les administrations.
Le Comité de Salut Public est complété par un Comité de Sûreté Générale, qui a la charge de rechercher les suspects, de rédiger les ordres d'arrestation qui sont effectués par des policiers de la Commune insurrectionnelle de Paris et de les envoyer devant le Tribunal révolutionnaire, dont les jugements sont sans appel et exécutoires dans les 24 heures.
Politiquement donc, les Montagnards et la Commune de Paris sont les maîtres, car, avec le Comité de Salut Public, le Comité de Sûreté Générale et le Tribunal Révolutionnaire, ils se sont donné les organes qui leur permettent d’arrêter, de condamner puis d’exécuter n’importe qui.
Aucune structure politique aussi radicale que celle de la Terreur n’existera jamais plus dans le monde, jusqu’aux bolcheviks de Lénine, Trotski et Staline, suivis de Pol Pot.
Il prirent chaque jour des décisions inouïes, dont voici un échantillon avec des décrets pris en deux semaines seulement, entre le 27 mars 1793 et le 09 avril 1793 :
- Le 27 mars, Danton propose d’armer chaque citoyen d’une pique : la liberté de tuer tout un chacun, dés lors qu’il est « suspect ».
- Le 28 mars, les immigrés sont déclarés hors la loi, en d’autres termes ils sont condamnés à mort par contumace.
- Le 29 mars, l’obligation est faite aux propriétaires d’afficher le nom de ceux qui résident chez eux et la peine de mort est applicable contre tout écrivain, imprimeur ou éditeur d'écrits « contre-révolutionnaires ».
- Le 01 avril, l'inviolabilité des députés est supprimée. Ainsi il est possible de terroriser, d’arrêter et d’exécuter tout opposant politique, élu du Peuple ou pas.
- Le 05 avril, les pouvoirs du Tribunal Révolutionnaire sont considérablement accrus et ses jugements sont sans appel et exécutoires dans les 24 heures !
- Le 09 avril, des Commissaires de la République sont mis en place dans les armées, chargés de surveiller la conduite des officiers généraux.
- Le 11 avril, l’assignat a désormais cours forcé. En conséquence, il est défendu de conserver des louis d’or, sous peine de mort.
Des révoltes éclatent dans tout le pays.
À SUIVRE
LA ROYAUTÉ DISPARAIT
Le 10 août 1792, le royaume de France, sa constitution et la légalité de son régime politique ont vécu. Comment un régime politique enraciné depuis un millénaire dans le pays a-t-il pu s’effondrer en trois années ?
Les causes des tensions politiques étaient connues depuis la fin du règne de Louis XIV. Elles tenaient avant tout au déséquilibre financier de l’État et son ambition à vouloir régenter toute la société, ce qui le poussait à introduire un système égalitaire dans une société de vieilles hiérarchies, selon une idéologie qui justifiait une Révolution dont le but était en profondeur conforme aux désirs du pouvoir royal.
Sans doute la faiblesse du roi Louis XVI a-t-elle été pour quelque chose dans les circonstances de la Révolution, mais il semble que la mécanique totalisante de l’État français l’y menait de toute manière.
Revenons au processus de la chute du Royaume: après l’émeute, le coup d’État.
L'assemblée qui ne comptait plus que 285 députés sur 750, les autres ayant fui l’insurrection et on les comprend, s’allie à la commune insurrectionnelle pour former un Conseil exécutif provisoire dominé par Danton.
Ce qui reste de l’assemblée législative prononce sa propre dissolution et son remplacement par une nouvelle assemblée constituante, la Convention. Le 11 août, les assemblées primaires sont convoquées pour élire cette constituante croupion.
Selon la constitution royale de 1791, ces assemblées primaires constituent la réunion des « citoyens actifs », formée des Français âgés de vingt-cinq ans au moins qui paient une contribution égale à trois journées de travail et qui n'étaient ni domestiques ni employés à gages. Ces derniers nommaient ensuite des électeurs, à raison d'un électeur pour cent citoyens actifs, qui nommaient à leur tour les députés. Le nombre de citoyens actifs s'élevait à quatre millions trois cent mille tandis que les citoyens passifs représentaient deux millions sept cent mille personnes. On ne pouvait donc pas qualifier les citoyens actifs de "riches" mais plutôt de classe moyenne. Les conjurés balaient tout cela. Le décret du 11 août 1792 supprime la distinction entre citoyens actifs et passifs.
Désormais, pour être électeur, il suffisait d’être français, âgé de vingt et un ans, de vivre de son revenu ou du produit de son travail et pour être éligible, outre les conditions précédentes, d’avoir vingt-cinq ans au moins. Il résulte de ce changement du corps électoral que le nombre d’électeurs était porté à sept millions.
Mais le nombre de votants ne dépassera pas sept cent mille ! C’est cette petite minorité qui élit la Convention, qui décapite le Roi, qui supprime la Royauté et qui institue la Terreur.
Mais, dès que la nouvelle de la sédition fut connue en province, des révoltes royalistes éclatèrent dans le Dauphiné, à Lyon, en Bretagne, en Mayenne et en Vendée. Rappelons-nous, tant l’histoire officielle inverse les rôles, que la royauté était le régime légal de la France et que les Conventionnels de l’automne 1792 n’étaient que des putschistes, qui, pour lutter contre cette résistance légaliste, décidèrent d’envoyer des commissaires dans tous les départements.
Puis, regardez comme les événements vont vite, le 17 août 1792, à la demande de la Commune insurrectionnelle, la minorité des 285 députés de l'Assemblée nationale législative inventa un tribunal criminel extraordinaire, composé de juges élus par les sections parisiennes, devant lequel devaient être traduits les « contre-révolutionnaires ».
La suite du calendrier des Conventionnels est extrêmement tendue :
Le 19 août, la garde nationale est purgée des opposants à la Commune.
Le 21 août a lieu la première exécution politique, avec Collenot d’Angremont, chef du bureau de l'Administration de la Garde Nationale, qui est guillotiné.
Le 26 août, les prêtres réfractaires sont condamnés à la déportation.
Le 29 août, la Commune insurrectionnelle impose le vote à haute voix et en public aux électeurs parisiens.
Le 30 août, la Commune inaugure les visites domiciliaires : elle arrête six cents « suspects ».
Du 2 au 5 septembre, le Conseil exécutif « laisse » se produire les massacres de plus de mille deux cents prisonniers, dont de nombreux prêtres réfractaires, dans l’abbaye de Saint-Germain.
À SUIVRE
LE COUP D'ÉTAT QUI TERRASSA LE ROYAUME DE FRANCE
Dés que la Constitution fut mise en œuvre en octobre 1791, une fois les députés élus, il fut tout de suite patent que le couple formé par l’Assemblée législative et le roi Louis XVI fonctionnait mal.
L’Assemblée rêvait d’un roi constitutionnel qui accepterait volontiers l’amputation permanente de son pouvoir. Or, Louis XVI s’y refusait depuis le début de la Révolution, exactement depuis le 9 juillet 1789, date à laquelle les États Généraux s’étaient déclarés Assemblée Constituante.
Contraint par la rue et l’Assemblée, ramené de force aux Tuileries après la fuite à Varennes, il faisait une sorte de résistance passive. Puisque la Constitution lui avait octroyé un droit de veto, il se mit tout de suite à en user largement, à renvoyer les ministres, pendant que l’Assemblée de son côté prenait sans cesse des mesures contre le clergé ou les immigrés, poussée qu’elle était à la surenchère par la pression qu’exerçait sur elle une foule parisienne manipulée par des agitateurs.
Puis l’Assemblée prit l’initiative, invoquant l’appui que l’empereur Léopold II apportait aux immigrés, de déclarer le 20 avril 1792 la guerre au « roi de Bohême et de Hongrie », ouvrant vingt-trois années de guerres européennes presque ininterrompues.
Dès lors, la tension ne cessa de croître entre le roi qui s’opposait aux décrets sur la déportation des prêtres réfractaires et les militants des faubourgs parisiens, conduits notamment par le riche brasseur Santerre, celui-là même qui mènera le 10 août 1792 l’assaut contre les Tuileries. Ces militants envahirent donc une première fois les Tuileries pour lui demander de retirer son veto. Ce roi réputé faible ne céda pas, pas plus que l’Assemblée. Une pétition circula le lendemain pour demander la punition des émeutiers tandis que le Roi publiait une proclamation pour condamner cette intrusion et passait fermement en revue un bataillon de la garde nationale.
Après ce grave incident, l’Assemblée fut accablée par les membres du Club des Jacobins de demandes de déchéance du Roi auxquelles elle avait de plus en plus de mal à résister.
Le pouvoir était à prendre.
Il fut pris.
Lorsque la cloche des Cordeliers se mit à carillonner, à minuit moins le quart le 9 août 1792, donnant le signal aux sections de la Commune insurrectionnelle pilotée par Danton de l’occupation de l’Hôtel de Ville, nul ne savait encore qu’elle sonnait le glas d’un millénaire de royauté.
Nul ne se doutait non plus que les nouveaux dirigeants, qui allaient, par la force, facilement s’emparer des commandes de l’État le 10 aout 1792, allaient déchainer pendant les deux années suivantes la tempête politique la plus violente qu’ait jamais connu la France dans toute son histoire, sous le nom tout à fait approprié de Terreur.
Comment s’étaient organisés ces hommes ? Députés, avocats, comploteurs aguerris, ils avaient formé hors de l’Assemblée un comité destiné à préparer une insurrection. Ils commencèrent par le plus facile, la prise de l’Hôtel de Ville de Paris. Puis, le bâtiment occupé, ils y convoquèrent le chef de la garde nationale, le marquis de Mandat qu’ils abattirent immédiatement afin de désorganiser la garde. Puis ils marchèrent sur les Tuileries qui étaient protégées à la fois par les gardes suisses et les gardes nationaux qui firent en partie défection, désorientés qu’ils étaient par la mort de leur chef.
Au matin du 10 août, le jardin des Tuileries fut investi. Les Suisses barricadés dans le palais déclenchent une fusillade qui mit hors de combat une centaine d'assaillants, mais ils ne parvinrent pas à rompre l’encerclement conduit par les émeutiers du faubourg Saint-Antoine. Sur l’insistance des députés, le Roi signa un billet donnant l'ordre aux Suisses d'arrêter le combat et de se rendre. Mal leur en prit d’obéir, puisqu’ils furent presque tous, huit cent soldats au total, massacrés par les émeutiers qui en profitèrent pour piller les Tuileries, tandis que le Roi et sa famille cherchaient refuge à l'Assemblée.
Mais l’Assemblée ne constituait qu’un refuge tout relatif, le Roi n’étant protégé que par les députés qui l'entouraient, lui et sa famille. De fait, ils se retrouvèrent rapidement à la merci des émeutiers qui, après l’Hôtel de Ville et les Tuileries, ne s’arrêtèrent pas en chemin et envahirent les bâtiments de l’Assemblée. Ils contraignirent les députés qui n’avaient pas encore fui à prononcer la suspension du Roi et à mettre fin immédiatement au mandat de l’Assemblée qui courait jusqu’au 30 septembre 1793.
Les comploteurs avaient en effet décidé que l’Assemblée serait remplacée par une Convention dont le but affiché serait d’élaborer une nouvelle constitution. En attendant, la commune insurrectionnelle de Paris fit prisonniers Louis XVI et sa famille.
C’était un vrai coup d’État, qui inspirera par la suite Lénine.
Ce coup d'État fit disparaître le Royaume de France, sa constitution et la légitimité de ceux qui s'emparèrent du pouvoir, mais malheureusement aussi de tous leurs successeurs, d'où le nombre élevé de constitutions de 1789 à nos jours.
À SUIVRE
UNE CONSTITUTION POUR UN RÉGIME DÉMOCRATIQUE?
La Constitution du 3 septembre 1791 est la première constitution française issue des États Généraux érigés érigés en Assemblée Constituante. Elle est la première d'une longue série de constitutions liées aux circonstances, jusqu'à celle de 1958, cette dernière étant amendée presque chaque année.
Les deux principes fondamentaux de cette première Constitution étaient la liberté et l’égalité (et pas la fraternité). Pour y parvenir, le préambule de la Constitution faisait table rase de tous les privilèges de la naissance, des charges, des corporations et des vœux religieux, en somme de tout ce qui faisait obstacle au pouvoir d’un État chargé d’unifier une nation :
« L'Assemblée nationale voulant établir la Constitution française sur les principes qu'elle vient de reconnaître et de déclarer, abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l'égalité des droits.
- Il n'y a plus ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinctions d'ordres, ni régime féodal, ni justices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient, ni aucun ordre de chevalerie, ni aucune des corporations ou décorations, pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse, ou qui supposaient des distinctions de naissance, ni aucune autre supériorité, que celle des fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions.
- Il n'y a plus ni vénalité, ni hérédité d'aucun office public.
- Il n'y a plus, pour aucune partie de la Nation, ni pour aucun individu, aucun privilège, ni exception au droit commun de tous les Français.
- Il n'y a plus ni jurandes, ni corporations de professions, arts et métiers.
- La loi ne reconnaît plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution. »
Les droits naturels, Rousseau perçait sous l'écriture des constituants...
Il restait à la mettre en œuvre. Elle fut acceptée par le roi dès le 13 septembre 1791 et il prêta ensuite le serment de la respecter. Lorsque l'Assemblée Nationale Législative se réunit pour la première fois le 1er octobre 1791, c’était un régime monarchique et parlementaire d’une grande nouveauté pour la France, alors que le même type de régime fonctionnait depuis longtemps en Grande-Bretagne. Mais les conditions de son fonctionnement étaient toutes différentes dans les deux pays.
La première constitution avait prévu deux tours d'élections, le premier, en juin 1791, consistant à nommer les électeurs du second tour. Un million neuf cent mille électeurs passifs étant écartés du scrutin, les quatre millions trois cent mille citoyens actifs masculins avaient élu le centième des leurs qui formèrent les assemblées électorales du second tour, du 29 août 1791 au 5 septembre 1791.
La majorité des députés étaient proches du Club des feuillants, favorable à une monarchie constitutionnelle, qui était issu d'une scission avec le Club des Jacobins, républicain. Les députés comptaient de nombreux avocats et ils avaient souvent moins de trente ans. La participation au vote, entre un tiers et un quart des votants, semblait à priori faible, mais elle se révéla par la suite la plus forte de toute la période révolutionnaire.
Sur proposition de Robespierre, la morale venant à l'appui d'un calcul électoraliste, la nouvelle assemblée ne comprenait aucun membre de la Constituante. Le rôle du Roi était limité. Il était tenu de prêter serment à la Constitution et il devait se satisfaire d'une liste civile de 25 millions de livres octroyée par les députés pour subvenir à ses besoins matériels.
Si le pouvoir législatif revenait à l'Assemblée nationale, le Roi pouvait tout de même suspendre l'application d'une loi pendant quatre ans. Le pouvoir exécutif appartenait aux six ministres désignés par le roi (Justice, Guerre, Marine, Affaires étrangères, Intérieur, Finances), qui devaient rendre des comptes aux députés.
Les 745 députés de l'Assemblée nationale étaient élus pour deux ans par les délégués des citoyens actifs. On appelait «citoyens actifs » ceux qui payaient un impôt au moins égal à trois journées de travail. Les délégués, quant à eux, devaient être choisis parmi ceux qui payaient un impôt d’au moins dix journées de travail.
Le troisième pouvoir, la justice, était rendue par des magistrats élus par les citoyens actifs. Chaque canton disposait d’un juge de paix élu pour deux ans, chaque district possédait un tribunal de première instance et chaque département un tribunal criminel. Dans ce dernier, un jury d'accusation de 8 membres décidait s'il y avait lieu de poursuivre l'accusé et un jury de jugement de 12 membres décidait de la peine à appliquer. Dans la capitale, un tribunal de cassation veillait à la conformité des jugements.
Mais la Constitution de 1791 a été appliquée pendant moins d'une année.
À SUIVRE
LE POUVOIR QUITTE LA PERSONNE DU ROI
La municipalité parisienne est de facto le nouveau maître. Commence la dictature de l’émeute, qui est paradoxalement célébrée comme une victoire sur la tyrannie. C’est en effet sous la protection du Faubourg Saint-Antoine que l’Assemblée Constituante peut écrire sereinement la première constitution de l’histoire du pays.
Sereinement ? l’émeute gronde en province. Les paysans sont agités par la « Grande Peur ». Ils croient que les nobles vont lâcher sur eux des nuées de brigands pour se venger de leur perte de pouvoir. Pour anticiper cette réaction inventée, ils brûlent les châteaux, ils tuent. Après le roi, c’est l’Assemblée qui cède sous la pression en supprimant les privilèges, les inégalités fiscales et les droits féodaux. Puis, dans un grand élan de foi en l’humanité, elle produit l’immortelle « Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen », le credo de la France nouvelle et le catéchisme de tous les hommes, de tous les temps et de tous les pays !
Aussi est-il vraiment étonnant que la date du 26 août 1789, celle de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, n’ait pas été retenue comme celle de la fête nationale. C’est pourtant au nom de cette déclaration que nos gouvernants se croient autorisés à faire la leçon aux dirigeants politiques de tous les pays du monde. On ne peut pas croire, à moins d’être un esprit très cynique, qu’il s’agisse de faire comprendre aux citoyens français, de manière subliminale, que la République a choisi le 14 juillet comme fête nationale afin de célébrer l’émeute en tant que procédé politique, de préférence au respect des règles démocratiques.
En août 1789, la Déclaration a pour premier effet de renverser le fondement du pouvoir en France, puisqu’elle remplace l’onction du sacre de Reims qui faisait du roi de France « le lieutenant de Dieu sur terre » par la « Nation ». Désormais, le roi n’était comptable du pouvoir de l’État non pas devant Dieu, mais devant la Nation qui le chargeait de faire respecter la Déclaration des Droits de l’Homme.
Puis l’automne 1789 voit le pouvoir échapper concrètement au roi, lorsque l’émeute vient le quérir dans son palais de Versailles pour le forcer à s’installer à Paris. Le roi otage est désormais contraint d’entériner les actes fondateurs de sa dépossession, sous la menace permanente des groupes d’insurgés actionnés par les clubs.
Dans une ambiance constamment agitée, l’Assemblée qui a rejoint Paris, légifère, modifie la fiscalité, l’armée, les régions. Elle crée quatre-vingt-trois départements qui deviennent le nouveau cadre administratif du pays. Elle définit un corps électoral, la Nation, qui exclut les femmes, les domestiques et les pauvres. Puis elle s’attaque à l’Église par la confiscation de ses biens. C’était logique puisqu’il fallait détruire les fondations de la croyance au roi de droit divin et faire disparaître le contre-pouvoir susceptible de s’opposer au règne de la raison, que l’Assemblée Constituante prétendait incarner.
C’est un long combat qui s’amorçait, un combat qui contribua à affaiblir les cadres moraux de la Nation et qui n’était pas de nature à plaire au roi.
En conséquence, le roi tenta, sans succès, de quitter la France avec sa famille, ce qui fit voler en éclats l’unité de façade de la Révolution.
Lorsque, le 23 juin 1791 au matin, la berline royale reprit le chemin de Paris où elle entra le 25 juin dans un silence funèbre, le roi fut reconduit au palais des Tuileries où il se retrouva placé sous la « surveillance du peuple» et provisoirement suspendu de ses pouvoirs. Pour maintenir la souveraineté symbolique du roi sur un peuple qu’il avait essayé de fuir, l'Assemblée se résolut à qualifier la péripétie de Varennes « d'enlèvement ».
Il n’est pas étonnant dans ces circonstances qu’au Club des Cordeliers, Danton et Marat aient lancé une pétition pour la déchéance du roi, pétition déposée au Champ de Mars accompagnée par les habituels manifestants des faubourgs.
L'assemblée réagit en proclamant la loi martiale. La garde nationale, sous les ordres de La Fayette, fit feu sur les pétitionnaires, provoquant des dizaines de morts. Danton et Marat s'enfuirent provisoirement en Angleterre pour en revenir sans encombre, apprenant ainsi que l’on pouvait être émeutier sans en mourir.
Mais au Club des Jacobins, la majorité des députés, y compris Robespierre, souhaitait maintenir la monarchie par stratégie, afin d’éviter que la déchéance de Louis XVI n'entraîna la France dans une guerre contre les autres monarchies européennes, dans laquelle la Révolution aurait pu se perdre.
Une partie d’entre eux, qui, comme La Fayette, souhaitaient que les pouvoirs du roi soient accrus dans la future Constitution de manière à restaurer un minimum de confiance entre le roi et la Révolution, se séparèrent du Club des Jacobins pour former le Club des Feuillants.
Quelques semaines après la fuite avortée du roi, le 3 septembre 1791, l’Assemblée parvenait à produire une Constitution pour le Royaume, à laquelle le roi voulut bien prêter serment.
À SUIVRE
LOUIS XVI LAISSE LE POUVOIR LUI ÉCHAPPER
Plus personne ne croyait, en 1789, à l’origine divine du pouvoir du roi de France. Il fallait en trouver une autre, que l’on garde ou non le roi en devanture.
Ce fut une nouvelle abstraction, forgée par les têtes pensantes du tiers-état afin de justifier leur future mainmise sur le pouvoir royal : la Nation. Dans son article 3, la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen proclame, dès le 26 août 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».
C’est ainsi que le pouvoir central royal, à bout de souffle, a passé le flambeau à la République, porteuse de l’idéologie qui a pour mission de garder intact le vrai trésor, la concentration du pouvoir au sommet de l’État, une idéologie aujourd’hui contestée en France.
Il reste à traiter du rôle de Louis XVI. Deux thèses opposées peuvent être avancées à son égard : soit il a pris le pouvoir au mauvais moment et Leviathan s’est empressé de le broyer et de le dévorer. En d’autres termes, quels que soient ces actes, il n’aurait pas résisté à la Révolution, c’est juste pas de chance pour lui et les siens. Soit ses actes l’ont condamné. Je retiendrai plutôt cette seconde thèse, même si la force du mouvement des Lumières ne peut pas être sous-estimée.
Louis XVI a été en effet l’un des principaux acteurs de la Révolution, sinon le principal. Dès son avènement en 1774, il cède face aux Parlements en les rétablissant dans les pouvoirs que Louis XV avait rognés. Il en résulta que les Parlements s’opposèrent par la suite à la suppression des corvées et des corporations, y voyant l’annonce de la fin de la société d’Ordres. Ils s‘opposèrent de même à Necker lorsqu’il tenta de mettre en place un système de régie pour la perception des impôts, y voyant une atteinte aux pouvoirs que Louis XVI venait de leur redonner. Renvoyant Necker pour appeler Calonne qui tenta pour la troisième fois d’équilibrer les finances de l’État, Louis XVI se heurta encore aux élites traditionnelles qui firent chuter Calonne en 1787. Car les dettes accumulées dans la guerre américaine plombaient les finances du Royaume.
La guerre américaine : Louis XVI a aidé de manière déterminante les Insurgents en Amérique contre les Anglais, mais il n’en a tiré rien d’autre que la diffusion des idées libérales et des dettes. En soutenant la guerre d’indépendance des colonies d’Amérique, Louis XVI s’est en effet engagé dans un traquenard idéologique où il s’agissait de délier des sujets de leur obéissance envers un souverain européen au nom de principes universels. Et il n’a en contrepartie pratiquement obtenu aucun avantage territorial qui aurait pu justifier l’endettement considérable du Royaume.
Il ne restait plus qu’à engager une bataille frontale contre les Parlements qui représentaient les privilégiés ou à remettre son sort entre les mains des États Généraux. Fuyant ses responsabilités, il choisit la seconde solution, s’enferrant dans l’engrenage naissant de la Révolution, alors qu’il est en même temps privé du soutien des « privilégiés » et déconsidéré aux yeux des « patriotes ».
La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, ruina tous ses efforts pour contrôler le jeu politique. Dès octobre 1789, Il fut pris en otage par la foule parisienne qui l’obligea à accepter les décrets d’août 1789 et à s’installer à Paris avec sa famille. La situation lui échappa ensuite jusqu’au 21 juin 1791, date à laquelle la famille royale tenta de quitter Paris dans l’espoir de passer sous la protection de l’empereur d’Autriche. Ramené de force à Paris, il soutint, dans un dernier effort de résistance, un affrontement armé entre l’aile radicale de la Révolution et les défenseurs du roi, qui tourna à son désavantage et marqua la fin de la monarchie, puis son exécution le 21 janvier 1793.
La monarchie succombait provisoirement, avant de réapparaître pour un petit tiers de siècle en 1814. Mais l’État centralisé, qui était l’apport fondamental de la monarchie française depuis Philippe le Bel ne disparaissait pas pour autant, au contraire.
Tombant des mains débiles de Louis XVI, le pouvoir échut à des maîtres autrement plus énergiques, qui le sanctifièrent au nom de principes supposés universels, à la manière de la monarchie qui s’était adossée à l’onction divine. Pour plus de sûreté, à l’aide de vigoureux massacres à l’intérieur et de la guerre révolutionnaire portée à l’extérieur du pays, les nouveaux détenteurs du merveilleux pouvoir centralisé français firent savoir urbis et orbis qu’ils ne s’en laisseraient pas déposséder facilement.
Le Royaume de France était mort, la République Française venait de naitre, affirmant de la sorte la permanence de la France.
À SUIVRE
LE ROI MEURT, LE POUVOIR CENTRALISÉ DEMEURE
Louis XIV, par ses excès, excès de pouvoir, excès de guerres, a sans nul doute généré le terreau de la Révolution Française. Encore cette dernière aurait sans doute été évitée, ou pris une forme moins radicale, si Louis XVI avait prolongé l’action de Louis XV, laquelle fut très négative pour les armes de la France mais aussi habile que ferme au plan politique.
Louis XV laissait à son successeur une couronne trop pesante pour la tête de Louis XVI qui croyait faire l’histoire alors qu’il se contentait de suivre la mode. Devant le tribunal de l’histoire, comment condamner Louis XVI ? Certes, il n’a pas su résoudre les contradictions entre la nécessité de procéder à des réformes et le besoin de conserver les traditions. Mais qui l’aurait pu ? Un roi autoritaire aurait-il pu garder le pouvoir après les excès de Louis XIV ? comment l’absoudre par ailleurs, lui qui était assez inconscient pour prétendre maîtriser un système dont il avait perdu toutes les clefs ?
Louis XVI, dernier roi de l’Ancien Régime fut exécuté pour des raisons politiques, son seul crime étant d’avoir été Roi. Petit-fils de Louis XV, devenu dauphin en 1765, roi en 1774, il commença par faire machine arrière en rétablissant les Parlements dans les pouvoirs que Louis XV avait rognés, leur abandonnant un lambeau du pouvoir royal. Il se consacra ensuite à reformer l’économie en pratiquant une saine gestion des finances royales, des réductions d’impôts et en laissant la liberté de circulation aux produits.
Lorsqu’il supprima la corvée et les corporations, les parlementaires y virent l’annonce de la fin de la société d’Ordres ; leur opposition contraignit Louis XVI à faire machine arrière, mettant fin à sa tentative de révolution par le haut. De même, les propositions de Necker de mettre en place un système de régie pour la perception des impôts et de créer des assemblées provinciales se heurtèrent à la résistance des parlementaires mobilisés contre cette atteinte à leurs pouvoirs.
En soutenant la guerre d’indépendance des colonies d’Amérique, Louis XVI s’engagea, peut-être sans en prendre pleine conscience, dans une voie idéologique où il s’agissait de délier des sujets de leur obéissance envers un souverain européen au nom de principes universels. L’introduction dans le vocabulaire de mots comme « patriote » ou « convention » témoigne des bouleversements de l’opinion publique, dont l’influence sur les affaires de l’État alla croissant.
Devant la persistance des difficultés financières fortement aggravées par la guerre d’Amérique, Louis XVI appela Calonne qui élabora un plan « d’amélioration des finances ». Ce plan consistait essentiellement à introduire des impôts sur les biens fonciers, selon une répartition effectuée par des propriétaires élus au sein d’assemblées consultatives et sans distinction d’ordre. Elle engendra un mouvement de protestation des élites traditionnelles contre ce qui apparaissait comme une contestation de l’ordre établi, un mouvement qui se révéla suffisamment fort pour faire chuter Calonne en 1787, ce qui rendait à terme indispensable la convocation des États Généraux.
Face à ces derniers, Louis XVI était à la fois privé du soutien des « privilégiés » et déconsidéré aux yeux des « patriotes ». La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, ruina tous ses efforts pour contrôler le jeu politique. Dés octobre 1789, Il fut pris en otage par la foule parisienne qui l’obligea à accepter les décrets d’août 1789 et à s’installer à Paris avec sa famille.
La situation lui échappa ensuite progressivement jusqu’au 21 juin 1791, jour ou la famille royale quitta Paris dans l’espoir de passer sous la protection de l’empereur d’Autriche. Reconnu, empêché de continuer sa route et reconduit à Paris, il soutint, dans un dernier effort de résistance, un affrontement armé entre l’aile radicale de la Révolution et les défenseurs du roi, qui tourna à son désavantage et marqua la fin de la monarchie.
La monarchie succombait provisoirement, avant de réapparaître pour un petit tiers de siècle en 1814. Mais l’Etat centralisé, qui était l’apport fondamental de la monarchie française depuis Philippe le Bel ne disparaissait pas pour autant, au contraire.
Tombant des mains débiles de Louis XVI, le pouvoir échut à des maîtres autrement plus énergiques, qui le sanctifièrent au nom de principes supposés universels, à la manière de la monarchie qui s’était adossée à l’onction divine. Pour plus de sûreté, à l’aide de vigoureux massacres à l’intérieur et de la guerre révolutionnaire portée à l’extérieur du pays, les nouveaux détenteurs du merveilleux pouvoir centralisé français firent savoir urbis et orbis qu’ils ne s’en laisseraient pas déposséder facilement.
Lorsque Alexis de Tocqueville déplore, dans « l’Ancien Régime et la Révolution », que la Révolution n’ait pas su rompre avec la centralisation que lui léguait la monarchie, il se trompe car la Révolution n’a jamais eu cette intention.
Le mot d’ordre de la Révolution était à la lutte contre l’absolutisme, non à la déconcentration des pouvoirs. Au reste depuis 1789, aucun pouvoir politique important n’a été concédé aux pouvoirs locaux, ni la police, ni l’éducation, ni la santé, ni la politique sociale, ni même la culture. Au sommet, on a toujours voulu contrôler les esprits, les corps et les revenus des citoyens. Les préfets de l’an VIII sont toujours là, et la décentralisation reste une façade.
La Révolution est en effet la source d’une légitimité renouvelée du pouvoir centralisé français.
À SUIVRE
LA RÉVOLTE DES PARLEMENTS
Louis XIV avait tellement abusé du système royal qu'il craquait de toutes parts sous le règne de Louis XV. À l'intérieur du royaume, le mécontentement s'amplifiait et se manifestait fortement.
Le train de vie de la cour était critiqué. Louis XV en vint même à subir une tentative d’assassinat. L'ambassadeur d'Autriche écrivait à Vienne : « Le mécontentement public est général. Toutes les conversations tournent autour du poison et de la mort. Le long de la galerie des glaces apparaissent des affiches menaçant la vie du roi ».
Affecté par cette impopularité, Louis XV décida d’abandonner toutes les tentatives de réformes et de renvoyer ses ministres les plus décriés. Il se tourna alors vers une mesure plus populaire, du moins dans les cercles parisiens, qui consistait à dissoudre l’ordre des Jésuites, attaqués par les Jansénistes et les Encyclopédistes.
Mais il ne pût en rester à des mesures destinées à satisfaire l’opinion publique éclairée, celle que l’on appellerait aujourd’hui le microcosme de la pensée unique. Il lui fallut se résoudre à rétablir l’autorité royale. Les membres du Parlement se mirent en grève à la suite de l’Affaire de Bretagne: en 1764, sur requête des états de la province, le parlement de Rennes refusa la levée de centimes additionnels ; en réponse, le Conseil du roi cassa l’arrêt rendu par le parlement de Rennes qui répliqua en se mettant en grève avant de démissionner.
C'est alors que le Roi accepta de céder en rétablissant le Parlement de Rennes dans ces droits et que ce dernier décida de se venger sur la personne du lieutenant de Bretagne en l’inculpant d’abus de pouvoir. Le Parlement de Bretagne était allé trop loin, car le Roi ne pouvait pas accepter qu’un Parlement régional fasse le procès de son représentant, c’est-à-dire indirectement du pouvoir royal lui-même. Il intervint pour arrêter la procédure entamée par le parlement de Rennes par lettres patentes. En réponse, tous les Parlements de France se solidarisèrent avec le Parlement de Rennes pour déclarer nulles les lettres patentes royales.
Par l’entremise du chancelier Maupeou, le roi fit sommer les parlementaires de rentrer dans l’obéissance. En grande majorité, ces derniers refusèrent ce qui entraina leur déchéance et leur exil. On voit jusqu'à quelles extrémités la révolte s'était développée. Mais le Roi avait compris la leçon et la justice jusqu'alors administrée par des magistrats dont la charge était héréditaire devint une institution publique, avec des fonctionnaires payés par l'État. Elle l’est toujours. C’est ainsi qu’après une véritable fronde des magistrats qui toucha l’ensemble du royaume, le Roi finit par obtenir la fin de la rébellion des Parlements. Malheureusement, à peine installé sur le trône, Louis XVI fit une imprudente marche arrière qui le conduisit jusqu'à l'échafaud.
Louis XV suivit, relativement aux affaires étrangères, le même chemin que celui qu'il avait parcouru avec les affaires intérieures. Il commença par rechercher la paix à tout prix, en pratiquant une politique d'alliance avec l’Angleterre, tout en se réconciliant avec l'Espagne.
Cependant il intervint sans grand succès dans la guerre de Succession de Pologne, ce qui permit tout de même à terme l’intégration de la Lorraine dans le royaume de France.
Il joua ensuite le rôle peu risqué de médiateur, avant d’entrer en conflit avec l’Autriche, aux cotés de la Prusse, dans la guerre de Succession d’Autriche. Les troupes françaises remportèrent de grands succès militaires. Mais, sans doute pour faire pardonner les atrocités du règne de Louis XIV, Louis XV se comporta chevaleresquement en rendant à l’Autriche les conquêtes de ses troupes, ce qui ne contribua guère à sa popularité en France, d'où l'expression qui est restée "Travailler pour le Roi de Prusse".
Cette impopularité ne fit que s’accroître lorsqu’un renversement d’alliance conduisit Louis XV à combattre sans succès les Anglais et les Prussiens au cours de la Guerre de Sept ans, qui se termina par la perte du Canada et de l'Inde au profit des Britanniques*.
Finalement, lorsque Louis XV mourut, le 10 mai 1774, victime de la variole, ce fut dans l’indifférence ou dans l’hostilité, tant ses actes à la tête du pouvoir avaient paru illégitimes, même si cette illégitimité tenait plus à la structure de l’Etat qu’à ses actes personnels. Le dernier acte avant la Révolution restait encore à jouer.
Louis XV annonçait bien Louis XVI : un roi trop faible pour un pouvoir trop lourd.
* Voir la longue série de billets que j'ai consacré à l'aspect canadien du conflit entre la France et le Royaume-Uni.
À SUIVRE
APRÉS LES EXCÈS DE POUVOIR DE LOUIS XIV
L’expansionnisme de Louis XIV en Europe et son corollaire, les exactions commises par ses troupes, suscitèrent la formation de la Ligue d’Augsbourg (1688).
Pour faire face aux troupes alliées, le roi de France demanda un effort énorme à sa population. Une armée de quatre-cent cinquante mille hommes fut rassemblée, la plus grande jamais réunie en Europe depuis l’Empire Romain. Sous la direction de Louvois et de Le Tellier, les dépenses militaires atteignirent un niveau insensé puisqu’elles mobilisèrent les deux tiers des dépenses de l’État.
Les troupes royales durent se battre sur plusieurs fronts, en Flandre, en Savoie et en Catalogne. La guerre dura neuf années, de septembre 1688 à septembre 1697, réduisant dix pour cent de la population française à la mendicité, selon les estimations du Maréchal Vauban.
Louis XIV finit par considérer que le temps était venu de négocier la paix, paix qui fut signée à Ryswick (1697) et qui aboutit à un match nul : les troupes françaises évacuèrent la Lorraine et les Pays-Bas espagnols, mais gardèrent Strasbourg et la Basse Alsace ainsi que Sarrelouis et la partie occidentale de l’île de Saint-Domingue.
Un roi modéré aurait pu considérer qu’il avait fait assez de guerres pour se refuser à en provoquer une de plus. Mais Louis XIV, pour éviter qu’un Habsbourg ne s’installe sur le trône d’Espagne, choisit la guerre, quatre années seulement après la fin de la précédente. Il provoqua donc la Guerre de Succession d’Espagne qui dura 13 années, entre 1701 et 1714.
Ses troupes durent faire face à une guerre qui rassemblait contre elles les troupes de l’Angleterre, des Pays-Bas, de la Prusse, de l’Autriche, du Piémont et du Portugal. On se doute que, malgré les efforts inouïs qu’il exigea de ses troupes et de sa population, la guerre finit par tourner au désavantage d’une France épuisée.
Malgré tout, le Traité de Rastatt (1714) permit à Philippe V de conserver le trône d’Espagne. Il ne restait plus à Louis XIV qu’à mourir un an plus tard, ayant passé sa vie à épuiser son peuple de guerres et d’impôts, à ravager l’Europe, utilisant toutes les ressources du pouvoir royal excessif dont il disposait.
Peut-on écrire que Louis XIV fut un grand roi ? Je ne le crois pas car il fit payer à ses contemporains le prix de sa volonté, sinon de ses caprices, par d’immenses pertes humaines, par d'innombrables destructions et par des impôts considérables.
S’il reste Versailles, il me paraît incontestable qu’il a dressé le bûcher sur lequel la monarchie française se consumera soixante-quatorze ans après sa mort. Car il laissait un régime affaibli face à un pays rétif, chacun, que ce soit le roi, son administration, son armée et le peuple ne pouvant que chercher à retrouver des forces.
Du fait des dépenses inconsidérées de Louis XIV, la Régence se trouva dans une situation financière catastrophique, qui la poussa à expérimenter le système de Law, lequel système s’effondra rapidement tout en suscitant une sorte de boom économique. Puis Louis XV commença par gouverner avec le cardinal de Fleury qui parvint à stabiliser la monnaie et à équilibrer le budget du royaume. Mais ce budget était structurellement instable, déséquilibré par les guerres du XVIIIe siècle, tandis que le pouvoir n’était plus assez fort pour s’emparer des revenus de ses sujets afin de combler le déficit du budget de l’État.
Ainsi, lorsque le contrôleur des finances, Machault d'Arnouville, créa un impôt prélevant un vingtième des revenus, taxant aussi bien les privilégiés que les roturiers, la nouvelle taxe fut accueillie avec hostilité par le clergé et le Parlement et le « vingtième » finit par se fondre dans une augmentation de la taille, qui ne touchait que les agriculteurs.
À la suite de cette tentative de réforme, le Parlement de Paris, s’érigeant en « défenseur naturel des lois fondamentales du royaume » contre l'arbitraire de la monarchie, crût devoir adresser des remontrances au roi.
À SUIVRE
LOUIS XIV, L'AGRESSEUR BRUTAL
Après le traité d’Aix-la-Chapelle de 1668, il ne fallut pas attendre plus de quatre ans pour que Louis XIV déclenche une nouvelle guerre, la guerre de Hollande.
Louis XIV avait l’intention de mettre la Hollande à genoux afin de se saisir sans risque des territoires espagnols voisins. Les armées françaises fortes de cent vingt-cinq mille hommes faisaient face à seulement vingt-cinq mille soldats hollandais, qui ne durent leur salut qu’à la décision d’inonder la Hollande en ouvrant les écluses. Dans cette guerre, les troupes royales commirent les pires atrocités et Louis XIV se fit un ennemi mortel de Guillaume d’Orange qui planifia le rapprochement entre l’Angleterre et les Provinces-Unies en épousant en 1677 Marie d’York, nièce de Charles II.
Guillaume d’Orange s’active alors pour constituer une coalition contre la France qui rassemblait les Provinces-Unies, le Saint Empire, le Brandebourg et l’Espagne. L’indignation contre la politique française était telle en Europe, qu’à l'exception de la Bavière, tous les princes allemands, initialement favorables à la France, l'abandonnèrent. L'Angleterre l’abandonna aussi, puisque le Parlement contraignit Charles II à faire la paix avec les Provinces-Unies.
Louis XIV, dont la volonté n’était pas bornée par un Parlement, continua la guerre, prit la Franche-Comté et pilla le Palatinat. L’ensemble des troupes coalisées ne parvinrent pas à arrêter l’avance des troupes françaises, d’autant plus que Louis XIV finançait l’alliance suédoise comme il l’avait fait pour l’Angleterre. La guerre se solda par la paix de Nimègue (1678), par laquelle Louis XIV obtint le rattachement de la Franche-Comté au Royaume de France ainsi que l’obtention de plusieurs places fortes.
Après la paix de Nimègue, Louis XIV se mit à pratiquer une politique agressive dite des « réunions », en revendiquant tous les territoires qui avaient, même très momentanément, dépendu de la France depuis les traités de Westphalie (1648). Des « Chambres de réunion » furent installées à Besançon, Brisach, Metz et Tournai. En pleine paix, elles prononcèrent des annexions aussitôt exécutées. C’est ainsi que Courtrai, Sarrelouis, Nancy, Sarreguemines, Lunéville et Commercy furent rattachés au royaume. Des fiefs appartenant à l’électeur de Trèves, au marquis de Bade, au duc des Deux-Ponts passèrent dans la mouvance du roi de France par dizaines. Le parlement de Besançon fut sommé de réunir au royaume de France le comté de Montbéliard, les seigneuries de Ruaux, Val-d’Ajol, Fontenay-le-Châtel. Le comté de Vaudémont en Lorraine fut annexé de la même façon, avec les châtellenies de Pont-à-Mousson, Saint-Mihiel et Foug. En août 1680, ce furent les réunions de Strasbourg et de son évêché ainsi que des biens de la noblesse d’Alsace et de l’abbaye de Murbach. La ville de Strasbourg fut occupée en septembre 1681. En Alsace, seule la ville de Mulhouse resta libre, grâce à son alliance avec les cantons suisses.
Cette violation répétée du droit international engendra une nouvelle guerre autour de la ligue d’Augsbourg. Les violentes opérations menées par la France en 1684 contre la Flandre espagnole et le Luxembourg pour contraindre Charles II d’Espagne à abandonner des terres réclamées par Louis XIV furent la préfiguration du conflit qui couvait.
Une médiation hollandaise rétablit momentanément la paix et aboutit en août 1684 à la trêve de Ratisbonne entre la France, l’Espagne et l’Empire : les réunions déjà faites étaient acceptées, mais elles ne pourraient plus se poursuivre à l’avenir et La Ligue d’Augsbourg, comprenant les Provinces-Unies, l’Espagne et la Prusse, fut constituée pour se défendre contre la politique agressive de Louis XIV.
Ce dernier ne s’estimait pas rassasié par les prises que ses voisins venaient de lui concéder de mauvais gré, dans l’espoir d’obtenir la paix. Saisissant le prétexte du refus du Pape de désigner son candidat à l’archevêché de Cologne, le cardinal Von Fürstenberg, qui n’était autre que l’évêque de Strasbourg, les troupes de Louis XIV envahirent le Palatinat en 1688 avec la mission de le dévaster systématiquement pour faire peur. Les Allemands s’en souviennent encore. Les villes de Mannheim, de Worms, de Speyer et d’Heidelberg furent détruites. Des centaines de villages furent pillés, leurs habitants passés au fil de l’épée : les atrocités des troupes françaises foulaient au pied les conventions de la guerre au XVIIe siècle, qui permettaient de limiter les pertes civiles et de respecter les propriétés.
Ces exactions soulevèrent l’indignation en Allemagne, poussant notamment les Électeurs de Saxe et de Brandebourg à s'allier avec l'Empereur contre Louis XIV. Dans le même temps, le roi de France perdit Jacques II, son allié anglais, chassé du trône d’Angleterre par Guillaume d’Orange malgré le débarquement de troupes françaises en Irlande. L’Angleterre déclara donc la guerre à la France aux côtés de l’Espagne et de la Savoie.
La presque totalité de l’Europe, catholique et protestante, se trouvait réunie pour s’opposer à l’expansionnisme violent conduit par Louis XIV.
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