ADIEU, LES CIMENTS FRANÇAIS
Heureusement, la balance des paiements, grâce au tourisme et aux services aux entreprises, n’accuse qu’un déficit de 16,6 milliards d’Euros en 2018.
Car le tourisme a lui tout seul, génère 45 milliards d’euros de recettes, grâce à 90 millions de visiteurs en 2018. Il suffirait donc d’attirer 120 millions de visiteurs, en ouvrant par exemple deux ou trois Disneyland supplémentaires, pour faire disparaître le déficit de la balance des paiements. À terme, on peut même imaginer une sorte de Disney France qui suppléerait avantageusement notre insuffisante activité de production industrielle, pourquoi pas ? Qu’en dites-vous les amis allemands ?
En attendant de contempler cet avenir radieux, est-ce un hasard si nous perdons progressivement nos grands groupes industriels que nous avons construit durant la seconde moitié du XXe siècle ? Aujourd’hui même, deux prédateurs, l’un américain, Ford, ferme son usine de Blanquefort à la barbe d’un État français impuissant, l’autre, chinois, trompeusement appelé Casil Europe, veut vendre les 49,9% qu’il détient dans l’exploitation de l’aéroport de Toulouse Blagnac avec une plus-value de 62% en quatre ans...
Ce processus de désagrégation a commencé en 1992 par le rachat des Ciments français qui sont devenus une filiale d’Italcementi Group, à l’époque deux fois plus petit que son acquisition et à l’époque personne ne pressentait que cette prise de contrôle était un premier signal d’alerte.
Ce rachat résulte des agissements d’une banque française, Paribas, qui détenait 38,9 % du capital des Ciments français et qui les a cédé au groupe italien. Dommage pour les Ciments Français né en 1881 et en pleine croissance, qui couvrait 40 % du marché français.
Le groupe Italcementi associé aux Ciments français et devenu Ciments Calcia, a poursuivi sa politique de croissance externe au Maroc, en Thaïlande, en Bulgarie, en Inde et en Égypte. Puis, Ciment Calcia, dont le siège social était à Puteaux, qui était dirigé par un Français et qui était coté à la Bourse de Paris pour 5,6 milliards d’Euros, a été radié de la cote le 15 juillet 2014, avant d’être racheté en 2016 par un géant allemand, HeidelbergCement, dont il est devenu une filiale détenue à 100%.
5,6 milliards d’euros ont donc quitté le marché français pour se situer en Allemagne, le siège social avec ses cadres s’est déplacé à Heidelberg, sauf ceux qui gèrent encore les 10 usines et les 1300 salariés français indispensables parce qu’il est couteux de transporter le ciment, compte tenu de son prix au kg.
Dans l’affaire, Paribas a fait quelques bénéfices à court terme, mais à long terme il a privé la France d’un groupe industriel rentable et puissant. Désormais, les Ciments Français représentent en valeur quelques centièmes du groupe allemand HeidelbergCement, le leader mondial, c’est-à-dire quasiment rien.
Les Ciments Français ont tout simplement disparu. Et savez-vous qui s’est finalement approprié les Ciments Français ? Ludwig Merckle, un financier allemand un peu dépressif de 54 ans domicilié à Ulm, la 248efortune mondiale. C’est lui qui contrôle HeidelbergCement dont il possède encore 24% après en avoir vendu prés de la moitié après la crise de 2008, une crise qui a si fortement secoué sa famille que son père s’est suicidé.
Reste à éclaircir la cause de la vente puis de la disparition des Ciments Français.
L’une est stratégique, c’est la décision de Paribas, actionnaire avec Axa des Ciments Français depuis vingt ans, de réaliser une plus-value à court terme contre tous ses engagements, puisqu’il proclamait auparavant vouloir « arrimer la banque à l’industrie » : bien audacieux celui qui se fie à son actionnaire-banquier.
L’autre est conjoncturelle et elle s’explique par la gestion aventureuse de son PDG, Pierre Conso, qui a été rapidement démis de ses fonctions après la fusion, suite à des malversations qui ont ultérieurement donné lieu à condamnation. Il s’agissait d’opérations de portage qui permettaient à Pierre Conso de financer la politique de forte croissance externe des Ciments Français.
En résumé, une politique aventureuse pratiquée par un PDG autocratique, comme souvent en France, ajouté à une banque qui renie ses engagements à long terme pour des profits à court terme et une industrie française qui disparaît.
UN COMMERCE EXTÉRIEUR EN BERNE
Bien qu'un peu meilleures qu'en 2011, les statistiques du commerce extérieur de la France ont été franchement mauvaises en 2018, avec 59,9 milliards d’Euros de déficit.
- La désindustrialisation a fait baisser notre revenu par habitant, provoquant un niveau élevé de notre taux de chômage qui s’est traduit par un faible pourcentage de population active dans la population totale (44% contre 52% pour l’Allemagne).
- Elle est aussi à l’origine du montant élevé de notre déficit commercial et de l’accroissement des dépenses publiques (de 34.6% du PIB en 1980 à 56.4% du PIB en 2018), en raison de la nécessité politique de soutenir les populations et les territoires touchés par la désindustrialisation.
Ainsi, la France se trouve installée dans un cercle vicieux, où des prélèvements fiscaux et sociaux plus élevés qu’ailleurs provoquent une réduction de la valeur ajoutée des entreprises françaises et donc de leur compétitivité par rapport à leur concurrents. À son tour l’affaiblissement de la compétitivité entraine celui des entreprises françaises, d’où l’amenuisement du secteur industriel, d’où la diminution du nombre des emplois industriels et des emplois induits, ce qui nécessite, au plan politique, un accroissement des dépenses sociales qui provoquent une augmentation des impôts et de la dette : la boucle est bouclée.
Mais si l’on est aisément d’accord sur les effets de la désindustrialisation, on peut en revanche tout aussi facilement gloser sur les causes de cette dégradation.
On peut invoquer des impôts trop élevés sur les entreprises industrielles qui affaiblissent leur compétitivité (selon la doxa libérale), la réduction du temps de travail à 35 heures (selon la doxa conservatrice), le niveau trop élevé de l’euro (selon la doxa nationaliste), mais aucun des « remèdes » envisagés n’est facilement applicable du point de vue politique. On peut même penser que c’est une fatalité liée à la mondialisation et au rattrapage des pays autrefois sous industrialisés, et dans ce cas, c’est encore plus simple, il n’y a qu’à regarder passer les trains.
Cependant, s’il s’agit d’une fatalité, comment expliquer qu’elle touche spécifiquement la France tandis que d’autres pays européens industrialisés, comme l’Allemagne ou l’Italie, sans même mentionner la Suisse ou la Suède, n’ont pas subi la même désindustrialisation ?
Dans ce billet et les suivants sur ce sujet, je vous dispenserai des jérémiades sur la mentalité française qui constituent une sorte de Ligne Maginot argumentaire : les Français n’aiment pas les riches, ils veulent trop d’égalité, ils veulent trop d’État, bref ils sont inadaptés au monde tel qu’il avance.
Il faut choisir, nous explique t-on doctement, entre un monde libéral et un monde dirigiste et comme le premier domine le monde, la réponse est toute trouvée : que la France rentre dans le rang, avec plus d’inégalités, moins de protection sociale, moins de dépenses de santé et avec des salaires plus bas : le modèle espagnol au mieux, le modèle grec au pire.
Mais ces « modèles » n’en sont pas et toutes ces solutions ne sont que verbiages inutiles, tant elles ne s’appuient que sur de fausses évidences, qui révèlent autant les a priori idéologiques de leurs auteurs que la faiblesse de leurs analyses.
Car il faut commencer par regarder de face et de près ce que signifie précisément la « désindustrialisation de la France ». De quelles entreprises s’agit-il ? Comment s’est passée la disparition de telle ou telle entreprise industrielle française ? Quels étaient les acteurs et quels étaient les enjeux ? Nous allons alors découvrir un monde effrayant ou se joue notre destinée collective, avant de suggérer des « solutions »…
À suivre
LES TROUPES FRANÇAISES ABANDONNENT QUÉBEC
Tandis que Bougainville faisait retraite, le général Wolfe était mort et Montcalm allait le suivre de peu dans la tombe.
Wolfe recut trois blessures successives par balle. il est d'abord atteint par une balle au poignet droit, qui lui arrache des doigts, qu'il couvre d'un mouchoir avant de reprendre le commandement. Mais il est ensuite atteint d'une balle à l'abdomen et d’une autre au côté droit de sa poitrine, et il s’effondre pour mourir rapidement. À onze heures du matin, son corps est rapatrié à bord du HMS Lowesoft.
Pour sa part, Montcalm, en retraite, chevauche vers la ville. Il est atteint au bas du dos et trois soldats, qui le voient vaciller sur sa monture, accourent vers lui pour l'empêcher de tomber. Arrivé dans la ville de Québec, il est transporté chez le chirurgien André Arnoux, qui se trouve être absent, étant en service au lac Champlain. Aussi est-ce un autre chirurgien qui examine Montcalm pour en conclure qu’il n’a que quelques heures à vivre. De fait, il décède vers quatre heures du matin et est enterré le soir même dans une fosse creusée par une bombe anglaise sous la chaire de l'église des Ursulines.
Pendant ce temps, à la suite de la perte de la bataille des plaines d’Abraham et de la mort de Montcalm, une confusion compréhensible se répandit dans le camp français, tandis que les troupes anglaises, au contraire, se renforcaient. Le commandement, dés la mort de Wolfe, revint tout d’abord au brigadier-général Robert Monckton jusqu’à ce qu’il fut lui-même gravement blessé, preuve que la bataille n’était pas si aisée pour les Britanniques. Le commandement échut alors au brigadier-général Georges Townshend, qui commenca les préparatifs du siège terrestre de Québec avec le concours de la Royal Navy de Saunders.
Townshend fortifia sa position et envoya vers vingt-deux heures un détachement de deux cent soldats prendre l'Hôpital Général pour y installer son commandement. Puis, le matin du 14 septembre 1759, la marine britannique transporta de nombreuses pièces d'artillerie sur les Buttes-à-Neveu, au point de permettre à l'armée anglaise d'aligner trois jours plus tard soixante canons et cinquante huit mortiers ou obusiers Howitzer.
Pendant ce temps, côté français, un conseil de guerre se tenait dans l’après-midi du 13 septembre. Vaudreuil et Bigot plaidaient pour rassembler toute l’armée et attaquer au point du jour le lendemain 14 septembre, tandis que les officiers qui avaient assisté à la bataille proposaient d'abandonner le camp de Beauport pour se replier sur la rivière Jacques Cartier, à quarante kilomètres à l’ouest de Québec. Vaudreuil finit par se rendre aux raisons de ses officiers, car il craignait que s'il donnait l'ordre d'attaquer contre leur opinion unanime, il s'exposait « à perdre la bataille et la colonie.»
Cela signifiait que l'armée française laissait la ville de Québec à la seule protection de sa garnison de deux mille cent hommes. C'est ainsi qu'à 21 heures, le 13 septembre 1759, les troupes françaises quittaient Beauport par la route de Charlesbourg, laissant derrière elles leurs bivouacs en ne transportant qu'un minimum de rations et de munitions.
Sur la route de leur retraite, elles allaient construire le fort Jacques Cartier sur la rive ouest de la rivière Jacques-Cartier, afin de bloquer toute tentative de passage par l'armée anglaise.
QUITTER DAKAR
Il fallait se résoudre à quitter Dakar. Je m’y préparais matériellement et psychologiquement.
Malgré tout, je m’étais attaché à la vie à Dakar, que j’avais construite autour de mon travail, de mes amis et de mes habitudes. Mon travail, j’allais le poursuivre ailleurs, de manière différente. Adieu les amphis de mille étudiants, les tableaux noirs réfractaires à la craie, l’éclairage aléatoire. Les amis, l’avenir dirait si j’allais les conserver, mais sur le coup j’allais m’éloigner d’eux et je ne pouvais pas décemment laisser mon boy, Mamadou Diallo, sans travail. En outre les habitudes, le logement, la voiture et les routines me devenaient tout d’un coup plus précieuses.
Daniel Gouadain, mon successeur dans le poste de Professeur de Gestion à l’Université de Dakar se proposa d’embaucher Mamadou. Mais par la suite, son style de vie frugal qui contraignait son boy à acheter de la viande bon marché sur le marché africain, fit que Mamadou l’abandonna rapidement pour un patron moins économe de ses sous.
Or, je me doutais un peu que Mamadou ne supporterait pas très longtemps le style de vie de Daniel Gouadain, car ce dernier m’acheta pour une somme ridicule la 104 jaune que nous avions amené à Dakar. Certes, elle était vieille, certes elle avait été percutée à l’arrière par un taxi, ce qui avait valu à mon épouse un sérieux coup du lapin dont elle mit du temps à se remettre. Mais elle avait été soigneusement remise en état, à petits coups de marteaux par de jeunes carrossiers sauf les catadioptres qu’il avait fallu remplacer, et puis après tout elle roulait. Sauf erreur, il proposa de la payer cent mille francs CFA, soit 150 euros.
Pour finir, il acheta nos couverts au prix qu’il proposa, soit un franc CFA par couvert, soit 1,5 euros pour 100 couverts !
Le reste, je l’emballais pour le ramener en France, mais j’abandonnais encore le café Laetitia où j’allais lire Le Monde, les lépreux qui nettoyaient la 104, le magasin et le cinéma que je frequentais, les marchés Sandaga et Kermel, l’ile de Gorée et son imposture, les plages, bref tout le décor de ma vie à Dakar.
J’abandonnais aussi mes collègues sénégalais dont mes deux étudiants en doctorat, Léopold Ahounou et Bassirou Tidjani, jusqu’à ce que ces derniers viennent soutenir leurs thèses respectives à Nice. Quant à mes amis, ils organisèrent le repas d’adieu traditionnel pour les coopérants qui partaient, avec discours d’adieu de la part d’un collègue proche, dans mon cas ce fut le futur Recteur Marc Debene qui s’y colla avec réponse de ma part, deux discours en miroir, soigneusement préparés et empreints de l’humour nécessaire pour envelopper l’émotion. Le repas fut parfait, fort chargé en alcools et l’on me remit en cadeau un magnifique fusil de traite, un objet ancien fort précieux que j’ai soigneusement conservé depuis.
Vint le jour et l’heure du départ, une fois les dix cantines remises au transporteur et les multiples papiers signés à la Mission Française, au Comptable du Trésor, à la Senelec ou à la Régie du logement. Mes amis firent le chemin que j’avais si souvent parcouru pour accueillir parents et amis ou pour les ramener à l’aéroport de Dakar Fann.
Ce fut un moment fort nostalgique, cet adieu à une tranche de vie qui ne reviendrait plus jamais.
Enfin, l’avion décolla, le temps qui s’écoula jusqu’à Paris puis Nice me laissa le temps de me souvenir des bons moments et de commencer à me préparer à la vie qui m’attendait à Nice, comme Professeur à l’IUT. Je fis symboliquement ce vol de retour le 1er décembre 1983, le jour de mon anniversaire.
DE LA VIOLENCE
La violence, au sens immédiat, consiste à employer la force contre quelqu'un.
La notion de violence dépend cependant des normes en vigueur à une époque donnée. S'il y a des faits que chacun considère comme violents, comme les coups ou la torture, il existe d’autres formes de violence telles que la violence domestique qui ont été́ longtemps considérées comme normale, ce qui rend difficile d'en proposer une définition normative.
Il reste cependant possible de caractériser la violence par son aspect chaotique, transgressif et imprévisible qui introduit un dérèglement. En effet, en remettant en cause l'ordre des choses, la violence est avant tout un acte de transgression des règles.
De plus, on peut classer les formes de violence en distinguant la violence issue des guerres, celle provenant de l'activité politique et celle résultant de la criminalité́.
Si les guerres sont une des constantes de l'histoire humaine, il faut noter qu'elles ont pris au XXe siècle une ampleur sans précèdent. Les guerres anciennes étaient logiquement moins meurtriéres que les plus récentes puisque la violence militaire se règle sur les moyens de destruction disponibles.
De son côté, la violence politique possède deux faces, celle qui est tournée contre le pouvoir et celle en provenance du pouvoir, auxquelles on peut ajouter la violence issue de l'effondrement d’une communauté́ politique, qui génère la guerre civile.
La violence tournée contre le pouvoir concerne tout d'abord la violence socio politique diffuse qui reste circonscrite à des rixes, des bagarres entre groupes, ou des émeutes populaires contre la vie chère, sans oublier le brigandage et le banditisme. Peu organisée et largement spontanée, elle n'entraine pas de réorganisation de pouvoir même si ses ravages peuvent être paroxystiques.
Mais il existe aussi une violence contre le pouvoir qui vise à sa réorganisation par le moyen de soulèvements et de révolutions. L'histoire mentionne à cet égard les révolutions anglaises de 1642 et 1688, la révolution française de 1789 ou la révolution russe de 1917. De telles révolutions supposent d'une part que le pouvoir central soit occupé́ par des groupes aux intérêts antagonistes et d'autre part que des groupes conscients mettent en avant des projets touchant à l'organisation de la société́ et du pouvoir.
À cette violence contre le pouvoir s'oppose toujours une violence d'État exercée par les forces de l’ordre lorsque les mécanismes de ritualisation des conflits destinés à pacifier la compétition pour le pouvoir ne fonctionnent plus. À cet égard, on ne sait pas encore si les Gilets Jaunes relèvent de la violence sociopolitique diffuse ou de la violence révolutionnaire.
Si la violence du pouvoir vise à̀ établir le pouvoir politique, à le maintenir et à le faire fonctionner, il peut prendre des formes despotiques avec un tyran qui fait régner la terreur dans le cercle restreint de ses proches et qui s'assure de la faveur du peuple par des mesures démagogiques. Le pouvoir vénézuelien reléve t-il de cette catégorie?
Il arrive aussi que la terreur se propose, non d'établir ou de maintenir l'État, mais de renouveler la société́ à travers des purges de grande ampleur. C'est le cas de la Terreur de 1793-1794 en France, de la Terreur soviétique tout au long du pouvoir stalinien ou de la Terreur exercée par les Khmers rouges au Cambodge à partir de 1972.
Face à l'État, le terrorisme se propose de mettre en œuvre un changement de pouvoir ou de faciliter la négociation. C'est ainsi que le terrorisme contemporain a aussi bien cherché à se faire le relais d'une avant-garde consciente et organisée auprès de masses qui restent à sensibiliser que de peser sur les évolutions politiques en éliminant les chefs d'État encombrants, tels qu'Anouar El Sadate en Égypte en 1981, Mohamed Boudiaf en Algérie en février 1992 ou Itzhak Rabin en Israël en 1995. Peut-on classer dans la même catégorie l'assassinat de Mouammar Khadafi en Libye en 2011?
De leur côté, les guerres civiles sont l'occasion de violences illimitées, tortures, exécutions sommaires, épurations, caractéristiques de l'effondrement d'une communauté́. Les guerres liées à la disparition de la Yougoslavie (1991-2001) relèvent de cette situation.
Reste la criminalité et son corollaire, le sentiment d’insécurité, qui relèvent du nombre et de la gravité des crimes commis, mais aussi des normes à partir desquelles les phénomènes criminels sont appréhendés. Or, à la différence de périodes passées pendant lesquelles la violence criminelle et l'insécurité́ étaient omniprésentes, les sociétés modernes sont parfois parvenues à un haut degré de sécurité, aussi bien physique que social.
Il en résulte que la réapparition de la violence suscite de nombreuses interrogation sur son origine et sa perennité.
À SUIVRE
LIBRE?
De quoi parle t-on? De quelle liberté s’agit-il ? De liberté positive ou de liberté négative? La première concerne notre capacité à agir selon notre propre volonté et la seconde notre capacité à agir sans subir la contrainte des autres.
Quelqu’un est libre dans le sens positif du terme lorsqu’il contrôle sa vie. Si nous ne sommes pas libres à ce titre, c’est parce que nos désirs et nos passions nous l’interdisent. Cette liberté, au sens de l’individu face à lui-même, a été examinée, excusez du peu, par Platon. Spinoza, Rousseau, Kant et Hegel, entre autres bien sûr.
D’un autre côté, nous sommes libres au sens négatif du terme lorsque personne ne nous empêche d’agir, soit en rendant impossible notre action, soit en exerçant une pression sur nous. L’on ne s’étonnera pas de voir quatre philosophes anglais du XVIIIesiècle, Bentham, Hobbes, Locke et Hume se pencher sur la question de la liberté octroyée par la société à l’individu. En ce dernier sens, sommes nous empêchés de faire ce que nous voulons dans la société dans laquelle nous vivons en ce début du XXIe siècle, oui ou non ?
Oui, nous sommes empêchés.
En effet, dés l’enfance, nous sommes enfermés dans un système éducatif qui nous opprime parce que, malgré tous nos efforts pour adhérer à ce que les adultes nous proposent, nous n’en comprenons ni la logique ni l’efficacité. Je ne traite pas ici des efforts variables que font les parents pour éduquer leurs enfants, mais pourquoi nos professeurs nous crient-ils dessus au lieu de nous encourager? Cela ne leur plait pas de nous faire cours? Pourquoi font-ils ce métier alors? Est-ce cela la vie lorsqu’on est adulte, faire ce que l’on n’aime pas? Peut-on croire après ce long enfermement souvent déstabilisateur que représentent les études, que l’on a été préparé efficacement à faire face à la vie adulte?
Non. Alors effectivement, en tant qu’enfants, nous ne sommes pas libres, face aux contraintes incohérentes que l’on nous impose. Et lorsque nous devenons adultes, sommes nous libres pour autant ?
Pas du tout, car nous sommes confrontés à une vie que nous ne maîtrisons pas. Notre salaire est le plus souvent trop faible pour nous donner les moyens d’être libres au sens économique du terme. Nous empruntons, nous nous serrons la ceinture. Si nous sommes dans l’administration, nous revoilà en butte à une logique de l’inefficacité qui nous rappelle l’école. Nous avons choisi ce métier pour disposer au moins d’une liberté, celle du salaire assuré, même faible. Mais du coup, nous nous sommes privés de toutes les autres libertés, qui commencent par celle de changer ce qui nous paraît absurde. Rien à faire, tout est trop rigide, trop lourd, hors de notre portée.
Si nous sommes employés dans le privé, nous pouvons parler dans la mesure où notre parole ne provoque pas notre licenciement. Aussi la peur du chômage nous oblige à subir. Si nous avons choisi la liberté du travail individuel, agriculteur libre dans sa ferme, artisan qui choisit son emploi du temps, commerçant maître à bord de son entreprise, médecin fier de sa vocation, avocat libre de causes et de paroles, c’est le triple système économique, fiscal et social qui nous oppresse. Nous voilà à la merci d’un changement de prix des céréales, livré aux contrôles sinon à la persécution d’une administration qui multiplie les règlements, les procédures et les précautions, subissant l’évolution souvent brusque de notre profession sous la pression de la concurrence mondiale.
En outre, collectivement, nous avons l’impression d’être ballotté par des forces qui nous échappent: la mondialisation qui détruit nos emplois, l’Europe qui, au lieu de nous protéger dans son cocon, ouvre toute grande ses portes aux produits étrangers et aux manœuvres de la finance pour s’emparer de nos richesses.
Non, adultes, nous ne sommes pas libres du tout.
D’autant plus qu’au-dessus de nous, nous sentons la lourde présence d’un État qui prélève des impôts jusqu’à plus soif, fabrique des déficits immenses, distribue des subsides, nous enserre dans un filet de plus en plus serré de règlements qu’il change à sa guise, nous tance en permanence comme si nous étions des irresponsables à mettre hors d’état de nuire ou des égoïstes à punir, tout en nous racontant que tout va bien, qu’il suffit de nous laisser conduire par nos chefs.
Ceux-là on sent bien qu’ils se sont installés aux commandes sans notre permission. Mais eux-mêmes ne sont pas libres, il faut que chacun d’entre eux, du Président au journaliste, respecte les règles du système, sinon, pfuit ! Éjecté du sommet de la société!
À nous, on nous annonce que nous sommes dans une démocratie, ce qui veut dire officiellement que c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, comme c'est écrit dans notre Constitution. On est donc censé voter pour les chefs que l’on veut, et là il y aurait bien un espace de liberté si on pouvait vraiment les sélectionner, mais c’est impossible, ils se sont arrangés entre eux pour se partager le pouvoir auquel nous n’aurons jamais accès. On ne peut pas les choisir, on le voit bien, puisque l’alternative qui nous est chaque fois proposée revient à faire élire celui que veut notre élite, qui comme par hasard veut ce que veulent les financiers mondiaux réunis. Et c’est tout ce qui nous est concédé comme liberté, une fois tous les cinq ans, le droit de débattre et de faire semblant d’élire celui que l’on nous a désigné, rien quoi, aucune liberté électorale.
Finalement quelles libertés nous reste t-il? Celle de râler dans notre coin, de manifester gentiment, ce qui fait tout de même chaud au cœur quand on voit tous ces gens rassemblés qui partagent notre destin. Mais notre sentiment de puissance ne dure guère, une après-midi, une journée, et puis on rentre au bercail. Il nous reste aussi, si on en a le courage et l’opportunité, la possibilité de partir ailleurs, mais on sent bien que le système est universel et qu’il nous rattrapera où que nous allions.
Bien sûr demeure la liberté d’ignorer ces contraintes, en faisant comme si elles n’existaient pas. L’enfant qui rêve en classe, l’employé qui accepte le metro-boulot-dodo et le chômage, le vieux qui file sans brocher dans sa maison de retraite, occultent la tyrannie du monde. Ils acceptent les contraintes que les autres leur imposent sans se révolter. Car ils savent que c’est un combat perdu d’avance. Qui l’a jamais gagné ? On le sait tellement qu’il n’y a plus de révolution, ni même d’idéal et la religion est devenue une consolation à usage personnel que l’on hésite à dévoiler en public.
Ces personnes fuient les informations. Elles se replient sur le petit monde où elles peuvent agir. Elles s’emparent des libertés qui leur restent, circuler, parler, manger, rire, jouer, fumer dehors, boire en cachette, s’offrir en douce un joint, et elles les magnifient. Ce sont les vraies libertés, proclament-elles, les autres, celle de vivre à sa guise, de ne pas se sentir menacé dans son travail, ses biens ou même sa vie, de se sentir en accord avec la société dans laquelle on vit, ce sont des libertés illusoires puisqu’elles sont hors d’atteinte.
En somme, elles se contentent de la liberté positive. Accepter le monde. Il ira où il doit aller. Devenir Zen. S’occuper de sa vie, trouver son équilibre à soi. Faire en sorte que la raison parle à la passion pour lui dire que tout ce qui m’est interdit n’est pas le fait de la stupidité, de la cupidité ou de la violence des hommes, mais la loi du monde.
Et s’endormir sur cette pensée réconfortante.
PS : j’ai publié un article identique sur le fond, il y a presque dix ans de cela, le 9 décembre 2010. Aujourd’hui, il m’a semblé, en corrigeant légèrement la forme, que je pouvais le publier à nouveau, au nom de l’exigeant précepte de Soljenitsyne : « Vivre sans mentir ».