DOUBLE PUGILAT À L'IUT
J’ai été professeur à l’IUT de Nice (département des Techniques de Commercialisation) de 1983 à 1987, avant d’être nommé à l’Université de Nice et plus précisément à l’IAE de Nice.
Le retour à l’IAE n’était qu’un retour aux sources, puisque j’y avais été auparavant étudiant (1968-1969) et assistant (1972-1980). Mais entretemps, vers 1985, j’ai tenté d’accéder à la direction de l’IUT de Nice.
Mon premier pugilat, électoral, m’opposa au Directeur de l’IUT sortant, Jean Saide. Autant que je me souvienne, il gérait consciencieusement l’IUT de Nice, sans toutefois faire l’unanimité. Incité à me présenter par quelques amis, je savais au départ que j’avais peu de chances d’être élu, mais l’illusion lyrique qui accompagne toujours une campagne électorale me fit croire de plus en plus fortement à mes chances à mesure que le jour de l’élection approchait. Ce jour-là je revins brutalement sur terre, après avoir commis un discours agressif contre le directeur en place qui obéra complètement mes chances d’être élu.
Jean Saide fut donc réélu et je retournais sans trop d’amertume à mon travail de professeur qui connut alors un incident marquant, unique dans toute ma carrière. Ce fut mon deuxième et dernier pugilat, physique celui-là.
Jean Saide avait pris au sérieux les injonctions hypocrites du gouvernement de l’époque à pratiquer la discrimination positive. Il est vrai que nous avions la mauvaise habitude de donner la préférence aux lycéens qui obtenaient une mention au Bac et qui possédaient un bon livret scolaire. Il décida donc de nous recommander au contraire de donner la préférence dans le recrutement aux lycéens sans mention et encombrés d’un mauvais livret : je vous rassure, il ne se livra à cette expérience originale qu’une seule année, mais c’est justement cette année-là que j’acceptais malencontreusement de donner le cours d’introduction au marketing en 1ereannée.
Ce cours avait lieu chaque semaine, par séances de deux heures. J’avais en face de moi un amphi de 150 étudiants, assez agité. Je décidais de faire une pause d’un quart d’heure au milieu du cours et je distribuais durant cette pause trois ouvrages usagés de marketing afin que les étudiants se rendent concrètement compte du contenu de l’enseignement dans cette matière.
À la fin de la pause, les trois ouvrages avaient disparu. Si je me réjouissais du fort intérêt pour le marketing que ce vol signifiait, je ne manquais pas moins de rappeler aux étudiants que le marketing n’était pas fondé sur le vol (quoique…) mais sur l’échange et je leur demandais instamment de me rendre les trois ouvrages.
Ces derniers ne revinrent pas entre mes mains pendant ou après le cours. Je dois à la vérité de préciser que j’ai ensuite retrouvé les trois livres dans mon casier au cours de la semaine. J’aurais donc pu considérer que l'incident était clos, mais j’étais d’humeur vindicative, ce qui m’entraina vers une confrontation avec les étudiants.
La semaine suivante, je décidais d’imposer à tout l’amphi une épreuve surprise, composée de quatre questions relatives à l’analyse du comportement face au vol, selon une approche marketing qu’ils étaient bien incapables de pratiquer compte tenu du faible avancement du cours. J’ajoutais, pour renforcer le caractère frontal de l’affrontement, que cette épreuve compterait pour la note finale de l’examen, alors qu’en réalité je n’en avais pas l’intention. Mais mon but était de les provoquer au maximum pour leur montrer ma volonté de m’imposer au groupe, après l’incident de la semaine précédente.
J’ai été servi.
Tout de suite une étudiante au dernier rang en haut à droite, contesta mon droit à imposer une épreuve comptant pour l’examen dans ces conditions. Elle n’avait pas tort sur le fond, mais ce n’était pas le moment pour moi de le reconnaitre. Je lui demandais donc de quitter l’amphi, ce qu’elle fit sans barguigner, entrainant toute la rangée avec elle.
Divers autres étudiants élevèrent la même objection et je les excluais de même, sans incident. Je fis ainsi sortir de l’amphi une trentaine d’étudiants sur cent cinquante, avant qu’un étudiant contestataire ne finisse par refuser de sortir.
On s’en doute, la tension était à son comble.
Je fis à l’étudiant récalcitrant un discours selon lequel je ne faisais pas partie des professeurs qui prenaient prétexte du moindre incident pour quitter l’amphi et s’éviter à bon compte la fatigue de donner un cours. Personnellement, lui déclarais-je, je ne quitterai pas cet amphi et c’était donc à lui d’obtempérer à ma demande de quitter la salle. Comme il s’y refusait toujours, je montais encore d’un cran, en lui indiquant que s’il cherchait un rapport de force avec moi, il le perdrait, parce que j’étais totalement déterminé à le faire sortir. Et comme il ne bougeait toujours pas, je quittais l’estrade en bas de l’amphi, montait les marches, traversait le rang où il se trouvait, au milieu de l’amphi, pour le faire sortir de force.
Lorsque je voulus le prendre par le bras, il se débattit, je reçus sans doute un coup et je répliquais en lui assénant un uppercut du gauche qui l’assomma immédiatement. Je le rattrapais, le trainais sur les marches à moitié lucide et le fis sortir hors de l’amphi où je trouvais un appariteur à qui je demandais de l’accompagner à l’extérieur de l’IUT.
Après cet incident, l’épreuve et le cours eurent lieu dans une ambiance étrange, faite d’incrédulité et d’hostilité. J’étais évidemment inquiet des suites de cette altercation, je me préparais à faire face à une plainte de l’étudiant et à tout ce qui s’ensuivrait, du point de vue juridique, administratif et relationnel. Je mettais même au point une stratégie plutôt offensive pour y répondre.
À ma grande surprise et soulagement, rien de fâcheux ne se produisit. Les trente étudiants que j’avais exclus revinrent en cours la semaine suivante, y compris l’étudiant boxé. Puisqu’ils n’avaient pas participé à l’épreuve, je leur donnais en compensation un résumé de trente-six pages d’un ouvrage de marketing à faire. Puis les cours reprirent sans autre incident, encore que l’ambiance ne fût plus jamais satisfaisante en raison de l’incident de départ qui m’avait définitivement coupé des étudiants, au plan affectif.
J’imagine votre réaction, puisque je l’ai souvent entendue : cette histoire ne pourrait plus se dérouler aujourd’hui…
À SUIVRE
LES ROBOTS CONTRE LE TRAVAIL
Les effets négatifs du développement des robots sur l’emploi sont bien connus depuis la parution de l’ouvrage de Jeremy Rifkin intitulé « La fin du travail ».
Désormais, on sait que les employés faiblement qualifiés sont menacés par le chômage technologique. Et pas qu'eux. Les robots présentent en effet l’avantage d’effectuer plus de tâches avec des coûts opératoires plus réduits que ceux des employés et par conséquent, tant que les coûts de production par les robots seront inférieurs au coût du travail humain, les entreprises investiront dans les robots plutôt que d’embaucher des employés, quitte à faire collaborer ces derniers avec les robots.
Car un robot n’est rien d’autre qu’une machine qui rend des services matériels à l’homme, soit en se substituant à lui, soit en collaborant avec lui.
Au début de l’ère des robots, il s’agissait essentiellement de robots industriels fixes, puis l’on a conçu des robots mobiles qui doivent être capables, non seulement d’effectuer des tâches, mais de connaître leur position, de déterminer leur destination et de planifier leur déplacement. Le développement des drones illustre bien la nouvelle dimension qu’a prise la robotique.
Le problème majeur d’un robot réside dans son contrôle par l’homme. Ce contrôle s’effectue au travers de boucles de contrôle qui peuvent être jusqu’au nombre de quatre: une boucle de régulation interne, une boucle, dite boucle réflexe, qui assure la prise en compte de l’environnement pour modifier la trajectoire du robot si nécessaire, une boucle dite de réflexion qui permet d’effectuer la tâche à accomplir et une boucle de contrôle qui permet à l'homme de superviser l'ensemble des opérations.
La relation entre l'homme, le robot et l'environnement génère donc des interactions permanentes grâce à une interface dont la qualité est déterminante pour la productivité du partenariat entre l'homme et le robot. L'interface a une double fonction, l'envoi d'informations depuis les robots vers l'homme et l’envoi d’instructions depuis l'homme vers le robot, sachant qu’une interface appropriée doit s'adapter aux humains, en respectant leur ergonomie physique, sensorielle et mentale.
Comme des tâches de plus en plus complexes sont confiées aux robots, il leur faut en outre disposer de capacités physiques, sensorielles et mentales de plus en plus proches de celles des hommes. Et si ces robots doivent en outre fonctionner dans un environnement humain, ils doivent se déplacer, agir et communiquer de la même manière que les êtres humains. Désormais, les robots écoutent et parlent aux êtres humains, cherchent à comprendre leurs intentions et à exprimer des émotions.
Grâce au développement de l'intelligence artificielle, fondée sur le concept de logique floue, de réseaux de neurones et de techniques d'apprentissage profond, un robot peut reconnaître son environnement, organiser ses mouvements et perfectionner lui-même ses comportements à l’aide des Big Data.
Il est par conséquent compréhensible que les robots concurrencent les hommes dans des domaines d’activité de plus en plus étendus. Pendant longtemps on a cru que les nouvelles technologies permettraient simultanément d’accroitre la productivité tout en créant plus d'emplois, même si Karl Marx, dès 1867, avait prédit que les machines pourraient bien remplacer les travailleurs en accomplissant les tâches plus rapidement que les êtres humains, sans prendre de temps de repos, ni de vacances et de congés de maladie, le salaire étant remplacé par le coût d’amortissement de la machine. Keynes, en 1930, a mis en avant les dangers du chômage technologique, défini comme un «chômage dû à notre découverte de moyens d'économiser l'emploi du travail qui dépasse le rythme auquel nous pouvons trouver de nouvelles opportunités d’emploi ».
C’est ce qui s’est passé depuis la fin du XXe siècle, puisque la productivité a continué à augmenter tandis que l'emploi s'est effondré (Brynjolfsson et McAfee, Race against the machine, 2011), conduisant à rechercher des solutions pour faire face au chômage technologique, des solutions qui sont d’ordre social, professionnel, politique ou éducatif…
`
À SUIVRE
L'AFFAIRE PIERUCCI ET LA VENTE D'ALSTOM À GE
En avril 2013, arrivant d’Asie Frédéric Pierucci, directeur monde de la division chaudière d’Alstom, est arrêté à la sortie de son avion à l’aéroport JFK de New York.
Il se retrouve à Wyatt Detention Facility, passant des hôtels quatre étoiles à une prison de haute sécurité, avec les chaînes aux chevilles et aux poignets, dans la promiscuité avec des barons de la drogue et les truands de la finance, avec des soins de santé défaillants, des avocats qui jouent contre lui du fait du lâchage de son entreprise et bien sûr, la séparation avec sa femme et ses quatre enfants, qui luttent depuis Singapour pour l’aider à sortir de ce piège.
J’ai déjà décrit une situation analogue au sujet de mon beau-frère, piégé d’une manière analogue par la « Justice » américaine en 2007-2008, dans trois articles intitulés « Le gibier », « le convict » et « l’exfiltré » écrits en octobre 2013.
Il s’agit d’une tactique d’intimidation courante des autorités américaines vis-à-vis des individus, des entreprises et des États étrangers, aujourd’hui popularisée par le Président Donald Trump qui, chaque semaine, menace l’un ou l’autre de ses interlocuteurs jusqu’à ce que ce dernier accepte de consentir à passer des accords favorables aux États-Unis.
Fréderic Pierucci raconte dans son livre, Le piège américain, que son premier interlocuteur, David Novick, procureur fédéral dans le Connecticut, lui propose de « faire des choses pour eux et contre Alstom et sa direction ». Le procureur reconnaissait que Frédéric Pierucci « n’était pas décisionnaire mais était au courant de tout ce qui se passait ». En d’autres termes, un lampiste, qui n’allait pas accepter de payer pour la direction d’Alstom, la vraie fautive. Car ce que voulait le Département de la Justice (DoJ) « c’était de poursuivre la direction générale d’Alstom et notamment son PDG, M. Kron ».
Appliquant les consignes d’Alstom, Pierucci refusa de coopérer dans le sens demandé par le Procureur, tout en étant convaincu qu’en retour, douce illusion, sa direction allait voler à son secours.
Il décida donc de plaider non coupable et en réponse le procureur sortit le gros bâton. Théoriquement, Pierucci avait bien le droit de plaider non coupable, mais il risquait alors une peine de 125 ans de prison (pourquoi pas mille années?). Quelle était donc l’énorme faute que lui reprochait la justice américaine ? D’avoir été, dix ans auparavant, l’un des treize cadres d’Alstom qui avait donné leur aval, par leur signature au bas d’un document que détenait le DoJ, pour recruter un consultant, en clair un intermédiaire, afin de faciliter une vente d’Alstom en Indonésie, pour un montant de 118 millions de dollars. Or ce consultant avait versé des commissions à des élus indonésiens qui avaient ensuite témoigné devant le DoJ. Cela suffisait pour que l’on puisse accuser Pierucci aux États-Unis d’être l’un des responsables de ce délit commis par des Français aux dépens des Indonésiens, mais payé en dollars, ce qui suffisait pour que le DoJ, avec un cynisme confondant, procède à son arrestation, à peine le pied posé sur le sol américain.
Au cours de ses différentes auditions, Pierucci comprit que son emprisonnement avait pour but de mettre la pression sur la direction afin qu’elle coopère. Il comprit progressivement qu’Alstom allait plaider coupable et qu’il lui fallait faire de même, ce qui lui permit, après 14 mois de prison et en pleine période de vente d’Alstom, d’être mis en liberté conditionnelle jusqu’à son jugement en 2017. Il fut alors remis en prison pour 12 mois de prison supplémentaires, histoire de montrer que sa condamnation n’avait rien à voir, bien sûr, avec l’achat d’Alstom par GE, qui avait eu lieu entretemps.
Dans l’affaire Pierucci, tout se passe comme si les Américains avaient monté cette affaire pour faire peur au PDG d’Alstom et l’obliger à vendre l’entreprise à GE. Il existe d’ailleurs un indicateur décisif de la collusion entre le DoJ et GE : alors que les juges exigent normalement le paiement de l’amende dans les dix jours qui suivent la validation de l’accord entre le « criminel » repenti et le DoJ, dans le cas d’Alstom, les juges ont attendu onze mois pour exiger le paiement de l’amende, le temps que les autorités européennes eussent approuvé la vente. Il est fort probable que, si GE n'était pas parvenu à acheter Alstom, les juges auraient fortement accru l’amende et inculpé Patrick Kron.
Kron avait donc un intérêt personnel à la transaction, puisqu’elle lui a permis d’éviter une inculpation aux États-Unis et de recevoir en outre 6,5 millions d’Euros de bonus pour ses services à la tête d’Alstom.
Il me semble donc que l’on peut tirer deux leçons de l’achat d’Alstom par GE :
- Les Etats-Unis, sans qu’il faille distinguer l’administration, la justice et les entreprises puisqu’elles agissent de concert, utilisent avec un mélange spécifique de cynisme et de bonne conscience tous les moyens à leur disposition, et ils sont nombreux et puissants, pour s’emparer des entreprises qu’ils convoitent.
- La France, en revanche, défend ses intérêts avec faiblesse, légèreté et sans coordination.
Mais, si l’État français renonce à protéger ses acquis pour se placer à la remorque des intérêts américains, il ne nous reste plus qu’à nous demander où nous conduisent donc les Etats-Unis par le licol ?
LA VENTE D'ALSTOM ET SES CONSÉQUENCES
Le 23 février 2015, la Commission européenne ouvre une enquête sur le rachat de la branche « énergie » d'Alstom par General Electric, en raison d’éventuels problèmes de concurrence.
Cela ne fait pas l’affaire des vingt et un dirigeants d’Alstom qui doivent percevoir un bonus additionnel de 30 millions d'euros dont 4 millions d'euros pour le seul Patrick Kron, sous réserve de la conclusion effective de la vente, donc de l’accord de la Commission Européenne que, miraculeusement, ils obtiennent très rapidement.
Il reste à s’interroger sur les conditions dans lesquelles cette vente a eu lieu.
Tout d’abord, la vente s'est faite en catimini. Patrick Kron est allé négocier sans en informer son comité exécutif ni son conseil d'administration, ni l’État. Elle n’est devenue publique qu’en raison des révélations de Bloomberg.
Ensuite, l'action du Département de la Justice américain contre Alstom pour des faits de corruption a, semble-t-il, joué un rôle déterminant dans cette cession à General Electric.
Enfin, la négociation ne pouvait pas être à l’avantage d’Alstom, car ce dernier se trouvait dans une situation difficile. D’une part, il y avait, au moment de la négociation, un effondrement des ventes des turbines à gaz et d’autre part Bouygues exerçait une forte pression sur le management pour sortir de l’actionnariat d’Alstom où il était principalement entré pour remplacer l'Etat et répondre aux exigences de la Commission européenne.
Vendre Alstom était une solution facile pour sortir de ces problèmes. Mais, c’était faire peu de cas de l’importance de la branche énergie d’Alstom, qui avait été financée par la collectivité nationale, au travers des crédits publics, de la Coface, des marchés publics privilégiés ou des commandes d'EDF. En outre, Arabelle, le grand turbo alternateur, avait été développé grâce aux efforts de la collectivité nationale et c’était GE qui allait en hériter. Le turbo-alternateur, qui transforme la chaleur des réacteurs nucléaires en électricité, avait été développé par Alstom avec l’aide de son grand client EDF et des laboratoires publics français, en particulier le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA).
Cette adaptation au nucléaire d’une technique dont l’origine provient des centrales charbon avait demandé des années d’efforts de milliers d’ingénieurs et de techniciens, avec un savoir-faire incontestable puisque 40% des centrales nucléaires en fonctionnement dans le monde utilisent « Arabelle ». Ces machines sont à la pointe de la technique, allant de 900 Mégawatts à 1900 Mégawatts avec une sortie en 50 ou 60 Hertz. Ce sont des merveilles avec une architecture unique et novatrice et leur mise au point a été et est toujours l’objet d’un soin minutieux.
Mais il semble, comme souvent dans ce type de négociations, que l’affaire était jouée d’avance en faveur de GE, parce que Patrick Kron était déterminé à vendre tout Alstom Power, y compris Arabelle, un Alstom Power qui représentait 70% de l'activité du groupe, tout en espérant pour que GE paierait l'amende de 772 millions de dollars réclamée par le Département de la Justice américain. Ce qui évidemment n’a pas eu lieu, car le Foreign Corrupt Practices Act a été, comme toujours, un outil parfait pour affaiblir les concurrents étrangers et accessoirement récupérer des amendes prohibitives au profit du contribuable américain.
Comme toutes les transactions en dollars transitent par les Etats-Unis, ces derniers font en sorte de dénicher des opérations illégales effectuées en dollars, puis somment les entreprises étrangères fautives de collaborer avec le Department of Justice (DoJ), sous peine d’être interdites d’activité, non seulement aux Etats-Unis mais sur une bonne partie de la planète qui, elle-même, est soumise à des sanctions si elle n’applique pas les injonctions du DoJ.
C’est ainsi qu’Alstom, après avoir été racheté par GE, a dû payer une forte amende pour un délit commis en Indonésie, comme auparavant la BNP avait dû débourser neuf milliards de dollars en application de la même extraterritorialité du droit pratiqué aux États-Unis.
Au total, l’affaire Alstom a été une affaire de rapports de force et de volonté politique. L'Etat aurait pu exclure Arabelle, la partie nucléaire des accords et tout ce qui relève de la Défense de la vente d'Alstom. Mais il n’en a pas été question, si bien que GE contrôle désormais la politique d'exportation française dans le domaine de l’énergie comme dans celui la défense, puisque le groupe américain détient désormais le monopole de la fabrication des turbines de la flotte de guerre française.
À cette catastrophe économique et stratégique, s'ajoute l’aspect le plus sordide, l’affaire Pierucci.
À SUIVRE
L'ÉQUIVOQUE VENTE D'ALSTOM
General Electric a acheté la branche énergie d'Alstom. Cinq ans plus tard, il licencie mille employés sur son site de Belfort dans le cadre d’un triple scandale qui résulte de l’intolérable pression américaine, de l’absence vertigineuse d’une stratégie d’État et de l’insupportable légèreté de ses dirigeants.
Pour tirer les fils de cet écheveau, tout en ne prenant en compte que les principaux changements de structure, il est nécessaire de revenir sur l’histoire compliquée de cette entreprise, faite d’achats, de ventes et de découpages de périmètres d’activité.
À l'origine Als-Thom résulte de la fusion en septembre 1928, il y a presque un siècle, d'une partie de la SACM, spécialiste de la construction de locomotives, et de la CFTH, société́ franco-américaine spécialiste des équipements de traction électrique ferroviaire et de la construction électro mécanique. L’entreprise passe sous le contrôle de la Compagnie Générale d’Electricité (CGE) en 1969, tandis que, pour sa part, Alsthom acquiert les Chantiers de l'Atlantique en 1976 et en profite pour changer de nom, une manie chez Alstom, pour devenir Alsthom Atlantique.
Commencent ensuite les grandes manœuvres internationales. En 1989, Alsthom fusionne avec la branche GEC Power Systems du groupe britannique General Electric Company et devient, sous le nom de GEC Alsthom, une coentreprise paritaire franco-britannique. Déjà General Electric (GE) apparait dans l’actionnariat, avec Alcatel. En 1998, GEC et Alcatel décident de vendre en bourse 52 % du capital de GEC Alsthom. La nouvelle société́ devient indépendante et en profite pour changer de nom et s’appeler Alstom, sans h.
Il ne s’est pas écoulé deux ans, en 2000, que resurgit GE à qui Alstom vend la totalité́ de son activité́ turbines à gaz, pour laquelle elle avait des accords de licence avec GE. Grosse erreur stratégique déja, d’après les spécialistes. Un an plus tard, en 2001, Alcatel et Marconi qui avaient conservé ensemble 48% des actions d’Alstom, les vendent, tout en ayant récupéré auparavant un dividende exceptionnel et sans doute exorbitant, qui met en difficulté Alstom, déjà pénalisé par les difficultés de ses turbines à gaz de grande puissance.
Alstom subit alors une grave crise financière, mais à l’époque l’État, en la personne de Francis Mer, un ministre de l’Économie sérieux, comprend le rôle stratégique d’Alstom en matière industrielle et intervient. Alstom est financièrement sauvé, mais le pire de ses tribulations reste à venir, du fait des décisions de Patrick Kron, PDG d’Alstom de 2003 à 2016. En 2014, Patrick Tron « décide » (on va voir dans quelles circonstances) de vendre la branche énergie d'Alstom à GE, tandis qu’Alstom se repliera sur ses activités de transport, qui ne représentaient guère, à cette date, qu'un tiers des activités du groupe.
Patatras, une dépêche de Bloomberg révélant, le 23 avril 2014, les négociations entre Patrick Kron et Jeffrey Immelt, le PDG de General Electric, en vue du rachat partiel d'Alstom par General Electric pour un montant de 13 milliards de dollars, met le feu aux poudres.
Quatre jours plus tard, une offre alternative est présentée par Siemens pour acquérir les activités énergétiques d'Alstom, contre une partie des activités ferroviaires de Siemens. Les actionnaires d’Alstom rejettent cette proposition et acceptent au contraire l’offre de GE, qui entre-temps est montée à 16,9 milliards de dollars
Pour sa part, le gouvernement français s'oppose à̀ l'offre de General Electric, craignant sa mainmise sur les activités nucléaires françaises. Il publie le 16 mai 2014 un décret permettant d’opposer un veto sur les investissements étrangers qui portent atteinte aux intérêts stratégiques de la France.
Puis les évènements s’accélèrent : le 16 juin, Siemens et Mitsubishi Heavy Industries émettent une nouvelle offre commune de rachat qui est encore rejetée par Alstom. Le 19 juin 2014, General Electric améliore son offre initiale et le lendemain, malgré une nouvelle enchère de Siemens et Mitsubishi, le gouvernement français se déclare favorable à l’offre de GE, tout en se proposant d’en devenir partie prenante avec le rachat, qui n’aura jamais lieu, des 20% d’actions détenues par Bouygues. Officiellement, il faudra attendre le 4 novembre 2014 pour que le Ministre de l'Économie de l’époque, Emmanuel Macron, autorise l’achat d’Alstom par GE.
L’accord est validé par l’AG d’Alstom le 19 décembre 2014. C’est alors qu’apparait une facette sordide de l’affaire. Trois jours après, Alstom, plaidant coupable dans une affaire de corruption portant sur un marché de 118 millions de dollars en Indonésie, signe un accord avec le Département de la Justice (DoJ) des États-Unis, selon lequel il accepte de payer une amende de 772 millions de dollars !
L’affaire Alstom commence, et elle n’est pas près d’être close, du fait des circonstances de la « négociation » entre GE et Alstom et de ses importantes conséquences stratégiques.
À suivre
LE DUC DE LÉVIS SE PRÉPARE AU COMBAT
La mort de Montcalm entrainait l’attribution du commandement des troupes françaises de la Nouvelle-France à Lévis, qui inaugura la charge qui lui incombait en partant immédiatement pour Québec, qu’il rejoignit le 17 septembre 1759.
Il y trouva une armée française démoralisée, bivouaquant sur la rivière Jacques-Cartier. En apprenant ce qui s’était passé, il devint blême de rage. Jamais, déclara-t-il avec colère, il n’avait vu un désordre pareil ! Avec raison de mon point de vue, Il imputa à Montcalm, qui avait ordonné d'attaquer avant d'avoir réuni toutes ses forces, la responsabilité de la défaite et de la débandade qui s’en était suivie, juste au moment où le commandement français estimait qu’il allait terminer glorieusement la campagne de 1759 !
Il se mit alors au travail en vue de restaurer l’ordre dans les troupes, de renforcer Québec avant qu’elle ne dût capituler et de préparer une attaque contre le camp britannique. Mais il était déjà trop tard pour Québec, puisque le 18 septembre 1759, Ramezay capitulait. Il ne restait plus qu’à maintenir une position défensive sur la rivière Jacques-Cartier et à envoyer le reste de l’armée à ses quartiers d’hiver.
Les derniers navires de la flotte britannique étant partis en octobre, les navires français qui restaient descendirent le fleuve et gagnèrent la France, sollicitant l’envoi de renforts en hommes et en matériel à envoyer dès l’ouverture de la navigation, avant le retour de la flotte britannique. Sans ces renforts, il paraissait improbable à Levis, sauf si un traité de paix était signé au printemps, d’empêcher la conquête de la colonie.
Pendant l’hiver, Lévis et Vaudreuil firent des plans pour tenter de repousser les assauts que la colonie ne manquerait pas de subir au printemps 1760. Ils pensaient tous deux que la seule chance de l’emporter était de commencer par reprendre Québec, afin de transférer le plus tôt possible la quasi-totalité de l’armée de la Nouvelle-France sur des positions défensives sur le lac Champlain ou sur le haut Saint-Laurent, selon que l’une ou l’autre voie d’invasion serait choisie la première par les troupes ennemies. Ils espéraient, grâce à la rapidité des communications offertes par les voies fluviales, défaire une après l’autre les armées d’invasion.
Tout dépendait d’une première réussite à Québec et de l’arrivée des renforts de France.
En attendant, à la fin du mois de novembre 1759, au moment même où la bataille perdue des Cardinaux décidait du sort de la Nouvelle-France, Lévis donnait des ordres aux commandants de bataillon pour renforcer la discipline, pour compléter les équipements et pour veiller à ce que les soldats aient toujours huit jours de ration de réserve, afin qu’ils soient prêts à marcher au premier signe. Il donna également des ordres pour renforcer l’entente entre l’armée régulière et la milice, milice que Montcalm, obtu, méprisait.
Pendant l’hiver, Lévis entretint une correspondance polie avec Murray, commandant des sept mille cinq cent hommes de troupe britanniques qui tenaient Québec, au sujet des blessés et des prisonniers, ce qui n’empêcha pas la guerre de continuer, les détachements de la Nouvelle-France harcelant la garnison britannique et la privant de ravitaillement. Il reste que les pires ennemis des Britanniques furent le froid et le scorbut, si bien qu’au printemps la garnison de Murray était tombée de sept mille cinq cent à quatre mille hommes valides.
Puis l’attaque de Québec vint. Le 20 avril 1760, avant que le fleuve ne fût libéré de ses glaces, Lévis quitta Montréal avec une armée de 7 000 hommes, dont 3 000 miliciens. Il leur fallut huit jours d’une marche très difficile dans la neige fondante et la boue pour rejoindre Québec.
À SUIVRE