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Le blog d'André Boyer

La volonté de puissance

20 Juillet 2013 Publié dans #PHILOSOPHIE

Si, depuis le 8 juillet dernier, je n'ai plus publié de blog, ce n'est pas par manque de sujet ou de motivation, mais parce que je suis absorbé jusqu'à la fin juillet par l'impérieuse nécessité de finir un travail qui m’a été confié.

Enfin, j'ai trouvé quelques dizaines de minutes pour reprendre le cycle de mes blogs, qui se poursuit avec la pensée de Nietzsche.

Le vendredi 28 juin dernier, je traitais de "la force de donner un sens à sa vie". Elle trouve son origine dans notre volonté de puissance, que nous ne pouvons nier: 

volonté de puissanceLa vie a t-elle un sens ? Mais, franchement, est ce que cela a un sens de se poser cette question ? 

Nietzsche y répond par la négative :

« La valeur de la vie ne saurait être évaluée. Pas par un vivant qui est partie prenante dans la question. Ni évidemment par un mort. Par personne. » (Le Crépuscule des idoles, le problème de Socrate, 2).

En vérité, personne ne peut trouver un sens global au monde, les plus stupides maudissant Dieu de tout le mal qui se produit sur Terre :

« Le caractère général du monde est de toute éternité chaos, au sens de l’absence d’ordre, d’articulation, de forme, de beauté, de sagesse et de tous nos anthropomorphismes esthétiques, quelque nom qu’on leur donne. » (Le Gai Savoir, III, 109).

Et pourtant, si nous observons ce qui se passe dans l’univers, nous voyons des torrents d’eau creuser inlassablement la roche pour se frayer un chemin, des termites grignoter des arbres pendant des décennies, des araignées tisser leur toile, le lierre envahir un mur, une entreprise racheter ses concurrents, un prédateur manger ses proies, des trous noirs engloutir des planètes…

Aucune loi, aucun ordre ne semble régner sur ces forces qui s’affrontent, qui se détruisent, qui s’allient parfois. Pourtant, chaque élément de l’univers possède son propre sens : croitre, augmenter, s’épandre, s’intensifier, se renforcer.

Nietzsche a donné un sens à ce but universel : la volonté de puissance.

Car la vie n’est pas simple volonté de vivre. Elle n’est pas non plus une simple lutte pour survivre. Nous ne nous contentons pas d’être, nous voulons davantage.

Il est tentant, donc facile, de condamner l’immoralité de cette lutte sans fin qu’est la vie. On peut estimer que l’homme a vocation à mettre fin à cette lutte insensée et renoncer à la volonté de puissance pour trouver enfin la paix.

Mais le paradoxe est que cette lutte contre la volonté de puissance est elle-même volonté de puissance: en condamnant cette dernière, nous augmentons  notre propre puissance en tant qu’autorité morale opposée à la volonté de puissance ! Nous sommes du côté des gentils, nous sommes pour la paix…

Même l’ermite qui se retire dans le désert est motivé par sa volonté de puissance, puissance de l’autonomie envers le reste du monde. Le scientifique qui renonce au pouvoir politique veut la puissance lorsqu’il cherche à soumettre la nature à ses théories. De fait, il est vain de lutter contre la volonté de puissance : nous sommes volonté de puissance, nos instincts, nos pulsions, nos idées, nos habitudes qui veulent dominer ceux des autres !

Paradoxalement, se soumettre à une autorité semble le contraire de la volonté de puissance, sauf que du même coup l’on participe de la puissance dominante et l’on profite de cette puissance supérieure pour soumettre plus faible que nous. La tyrannie des petits chefs nous le montre quotidiennement dans les administrations et les entreprises.

Tout exécutant sait que sa soumission lui permet de participer à la domination totale des autres, ceux qui ne veulent pas se soumettre. Le summum de cette soumission consiste à sacrifier sa vie à une idée. Se faire exploser face à un supposé ennemi de l’idée permet d’atteindre dans la mort une puissance inaccessible dans la vie.

Cette morale du sacrifice prend, heureusement pour les autres, des formes plus douces, comme l’abnégation au travail, l’action charitable ou même le renoncement à un héritage qui inspira à Nietzsche le texte suivant à propos du philosophe Wittgenstein, étalant sa grandeur d’âme parce qu’il renonçait à son héritage :

« En vous immolant, vous vous êtes enivré du sentiment de puissance. Vous vous sacrifiez seulement en apparence, car dans votre pensée, vous jouissez de vous-même comme si vous étiez Dieu » (Aurore, IV, 215).

 

Voilà Wittgenstein démasqué et nous tous avec lui, qui nions notre volonté de puissance, alors qu’elle est inhérente à la vie…

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Le prix de l'arachide à Ouahigouya

8 Juillet 2013 Publié dans #INTERLUDE

Vous vous souvenez que le 17 juin dernier, j’ai commencé à vous raconter, en tenant la plume de Madame Lunel, ce qu’était un marché d’arachides à Ouahigouya en janvier 1935.

 

cfao-.jpgLa veille du marché, convergent et s’installent chez Nader Attié, le commerçant syro haïtien de Ouahigouya, la meute des commerçants dont  deux personnages importants suisse allemands qui résident à Bobo-Dioulasso*, Meïer et Feller, qui ont pratiquement le monopole des transports sur toute la région, si bien qu’en 1939, leurs camions feront tous les transports nécessaires à la mobilisation.

À ces deux personnages s’ajoutent les agents de diverses maisons de commerce et cette arrivée massive de commerçants est prétexte à réception chez les fonctionnaires locaux, qui, au gré des connaissances et des sympathies, en reçoivent chacun six à dix à leurs tables. Mais l’affaire sérieuse, c’est l’arrivée des arachides.

Elles sont en route, elles  viennent, elles arrivent. De tous les points de l’horizon, sur toutes les pistes qui convergent vers Ouahigouya, des colonnes de femmes, d’hommes d’adolescents groupées par village, par canton, abattant cinquante kilomètres par jour avec une charge de trente kilos sur la tête, arrivent à Ouahigouya la veille du marché.

Le même soir, chez Nader Attié, se discutent les choses sérieuses. En définitive, il n’existe qu’un seul acheteur et un seul transporteur maritime pour les arachides entre l’AOF (Afrique Occidentale Française) et la France, la CFAO.

Il n’ y a aucune concurrence. 

C’est à la CFAO que sont finalement livrées à Abidjan les arachides provenant de toute l’AOF. Tous les commerçants travaillent donc, directement ou indirectement, pour l’agent de la CFAO. En période de traite des arachides, ce dernier reçoit tous les jours de Londres, siège mondial du marché des arachides, le cours du jour de la tonne d’arachide.

De ce cours, l’assemblée des commerçants installée chez Nader Attié en tire le cours à Ouahigouya, en défalquant le transport, les taxes, les manutentions, le pourcentage de perte. Il faut une assez longue discussion pour savoir de combien sera abaissé le cours de l’arachide à Londres pour obtenir le cours de l’arachide à Ouahigouya qui sera offert demain matin.

Il reste à enlever la marge des commerçants. S’il est facile, une fois estimé  le volume d’arachide, de calculer le bénéfice global que fera l’ensemble des commerçants, il est plus difficile de se mettre d’accord sur la part du gâteau de chacun. La grosseur de la part dépend de la capacité de nuisance de chaque commerçant, c’est-à-dire de sa capacité à faire monter les cours lors de la discussion avec l’Administrateur. 

Mais finalement, après des marchandages plus ou moins fermes, tout s’arrange, chacun est inscrit sur les tablettes de Meïer pour une part bien déterminée de bénéfice et tout se réglera à Bobo-Dioulasso en fin de période des achats chez Meïer, dont la fiabilité ne fait aucun doute pour personne.

Tout étant bien au clair, Meïer, Nader et quelques commerçants de moindre importance se rendent alors chez l’Administrateur : c’est qu’il y a des formes à respecter, puisque l’achat se fait théoriquement par adjudication. En fait, une discussion a lieu entre l’Administrateur qui a une idée approximative des cours et veut tirer le maximum du stock d’arachide pour pouvoir recouvrer les impôts et le chef de la délégation des commerçants qui doit sauvegarder un bénéfice  qu’il a déjà partagé !

Mais le rapport de force est inégal, car le chef de la délégation des commerçants dispose d’un terrible moyen de pression, celui de refuser d’acheter. Aussi obtient-il la reddition totale de l’Administrateur, ce qui se traduit pudiquement par un simulacre d’adjudication, dûment inscrit dans le compte-rendu administratif adressé à ses supérieurs.

 

Le marché va alors pouvoir commencer : il y a quelques jours déjà que les représentants locaux des chefs de canton font déverser, chacun à l’emplacement qui lui a été assigné, les charges venues de leurs circonscriptions. Mais depuis hier, le poste est submergé par l’inhabituel va-et-vient des camions des commerçants et le torrent des porteurs qui déferlent par toutes les pistes, tourbillonnant sur la place dans une tempête de hurlements…

 

*La deuxième ville du Burkina-Faso, actuellement prés de  500000 habitants.

** La CFAO, Compagnie Française de l’Afrique Occidentale, a été créée en 1887. D’abord spécialisée dans le commerce alimentaire, elle s’est ensuite consacrée à la distribution automobile, des médicaments et récemment des réseaux informatiques. Elle emploie près de 10000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de prés de trois milliards d’euros.

Elle a été rachetée en décembre 2012 par le groupe japonais Toyota Tsusho. 

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Le génocide vendéen

2 Juillet 2013 Publié dans #HISTOIRE

 

Après mon blog du 11 juin intitulé « Meurtres en série dans les villes révoltées » consacré à la sauvage répression de la Convention contre son opposition politique, j’en viens aux plus hauts faits de la Convention qui se situent incontestablement en Vendée.

vendee.jpgLa guerre commença mal pour la Convention : le 23 juin 1793, l'armée vendéenne occupait Angers. Le 29 juin, elle débutait le siège de Nantes. L'armée républicaine de Westermann était écrasée par les Vendéens à Chatillon-sur-Sèvre, mais l'assaut vendéen contre Nantes échouait.

Sur le rapport de Barère (toujours lui), la Convention faisait raser les maisons et brûler les récoltes en Vendée, mais, malgré les quinze mille hommes supplémentaires commandés par Kléber, ce dernier était encore battu par les troupes de Charrette.

Finalement, il faudra quatre colonnes réunies pour battre, après deux jours de combat, l'armée catholique et royale à Cholet le 17 octobre 1793. Puis, le 12 décembre 1793, la colonne vendéenne sera surprise au Mans par Marceau et complètement défaite. Acculés à la Loire, douze à quinze mille vendéens sont alors massacrés, après qu’ils se soient rendus et cela  sur ordre de Prieur-de-la-Marne, qui fit fusiller tous les prisonniers, hommes et femmes, après les avoir dépouillés de leurs vêtements en vue de les récupérer. Il y eut tout de même des survivants qui parvinrent à traverser la Loire et à se jeter dans les Mauges où ils continuèrent le combat pendant deux ans de plus.

Lorsque les troupes vendéennes eurent été battues et exterminées, le général Grignon ordonna de passer au fil de la baïonnette tous les habitants de la Vendée. Le général Turreau précisa que « La Vendée devait être un cimetière national ». À partir du 21 janvier 1794, ce dernier lança sur ordre de la Convention, douze « colonnes infernales » qui convergèrent vers le centre de la Vendée en exterminant tous les êtres humains qu’elles trouvèrent sur leur passage, hommes, femmes, enfants, tandis que le reste, fermes, bois, récoltes, était brûlé.

Ainsi, au nom de la liberté, les pires barbaries furent commises, femmes enceintes éventrées, prisonniers noyés dans la Loire ou étouffés dans des pontons hermétiquement clos.

Nous qui sommes glacés d’effroi par la froide cruauté d’Hitler, de Staline ou de Pol Pot, nous ne pouvons accepter l’idée que les hommes de la glorieuse Révolution, rassemblés dans la Convention, les ont encore dépassé en horreur, d’autant plus que la République, celle qui nous régit aujourd’hui se refuse encore à reconnaître la responsabilité de la Première République dans ce génocide. 

On peut être certain que ces fauves assoiffés de sang qu'étaient Robespierre, Saint Just, Marat, Barère, Prieur-de-la-Marne, Turreau, Grignon, pour n’en citer que quelques uns, n’auraient pas hésité à massacrer les trois quart de la population française pour sauver la partie « saine », celle qui acceptait par peur ou par conviction de se soumettre à leurs idées monstrueuses. Et l’on fustige Staline, mais il n’a fait que suivre leurs pas, et de loin encore !

Au nom de la liberté, au nom de la République, sur ordre de la Convention, de cent à trois cent mille personnes, selon les estimations, ont été massacrées de la sorte, sur les huit cent mille habitants de la Vendée militaire.

Ne croyez pas ceux qui insinuent qu’il s’agissait d’excès commis par des militaires trop zélés. Des ordres d’extermination formels ont été donnés par la Convention, selon la loi du 1er août 1793, dite « d’anéantissement de la Vendée ». Lisez le compte rendu du général Turreau, cet ignoble bourreau, qui rend compte de ses faits d’armes au Ministre de la Guerre : 

« Le général de brigade Huché, qui commande à Chollet une forte garnison avait reçu l'ordre de moi de dissiper tous les rassemblements qui pourraient se former aux environs. Instruit qu'il y avait sept ou huit cents brigands à la Gaubretière qui inquiétaient Mortagne, Huché part de Chollet avec un fort détachement, et, par une marche nocturne et rapide, surprend les ennemis. Cinq cents ont été taillés en pièces, parmi lesquels un grand nombre de femmes, car les femmes s'en mêlent plus que jamais. »

Comment ces « brigands » ont–il été tués ? le général Huché en rend compte : « Plus de cinq cents, tant hommes que femmes, ont été tués. J'ai fait fureter les genêts, les fossés, les haies et les bois, et c'est là qu'on les trouvait blottis. Tout a passé par le fer, car j'avais défendu que, les trouvant ainsi, on consommât ses munitions. » Des malheureux décapités, les oreilles coupées, les femmes, les enfants, les vieillards…

Si le terme de génocide a un sens, il s’applique sans aucun doute à l’action de la Convention en Vendée, perpétré par des responsables politiques et militaires français sur leur propre peuple, avec pour objectif de terroriser tous ceux qui auraient l’intention de se révolter contre la Convention.

 

Or les députés de la Ve République n’ont pas encore trouvé le temps de donner suite à une proposition de loi déposée en février 2007 à l’Assemblée nationale  par neuf députés visant à la « reconnaissance du génocide vendéen » et le comble est sans doute que le nom du général Turreau fasse toujours partie des six cent soixante personnalités dont le nom est inscrit sur l’Arc de Triomphe, qu’il déshonore...

 

 

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