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Le blog d'André Boyer

Les chemins de la vérité

26 Avril 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Le 14 avril dernier, dans un blog intitulé « les signes d’entropie » j’achevais un cycle de textes sur l’histoire de l’humanité, centrés sur la mise au point d’outils de plus en plus massifs qui lui ont permis de prendre le contrôle de la planète. Dans la période actuelle, comme au cours de plusieurs périodes précedentes, l’humanité semble se rapprocher de ses limites de survie.

Mais il reste présomptueux de vouloir saisir la direction de l’histoire, comme voudraient nous le faire croire ceux qui, se fondant sur la période de réchauffement de la planète, nous annoncent la voie à suivre  pour nous sauver. Les hommes semblent toujours dépassés par un mouvement qui leur paraît aussi irrésistible qu'arbitraire.

Pourra t-on échapper dans le futur aux maladies, à la guerre et surtout à l’impéritie ? Pourquoi y échapperait-on d’ailleurs ? Dans l’avenir, l’homme sera t-il à la fois plus puissant et plus sage ? Je ne sais pas, mais je sais par contre qu’il est possible d’observer une logique de croissance de la consommation qui conduit l’humanité à l’épuisement des ressources, une logique de l’individualisme qui entraîne la baisse de la natalité et une logique de l’échange qui améliore la transmission des innovations, des informations, mais qui accroît les conflits et la propagation des maladies.

 Depuis le début de son parcours, l’homme a fait progresser ses outils et a cherché à améliorer son organisation. Il a pris le pouvoir sur la nature grâce à ses capacités d’analyse et d’adaptation. Comme pour toute espèce vivante, il existe au fond de la nature humaine une logique d’espèce qui est de survivre, avec l’aide consciente ou non de chacun de ses membres. Cette logique se traduit par la nécessité dans laquelle se trouve l’homme de rechercher sans cesse sa vérité.

À cet égard, il a procédé par tâtonnements successifs, qui lui ont fait appeler « vérité » les différentes manières qu’il a trouvées pour expliquer les évènements.  Or il lui faut comprendre non seulement ce que signifie le monde dans lequel il se trouve plongé, mais aussi le rôle qu’il est supposé y jouer. Puisqu’il a acquis la conscience et perdu en contrepartie le confort des comportements instinctifs, il lui appartient de décider lui-même quelle est la place qu’il s’attribue dans l’Univers.

Cette recherche de la vérité est aussi bien une nécessité individuelle que collective. Que ce soit au temps de la préhistoire ou aujourd’hui, tout être humain s’est trouvé et se trouve toujours dans l’obligation de justifier ce qu’il dit et ce qu’il fait, aussi bien vis-à-vis de lui-même que des autres. Il lui faut chasser en permanence le mensonge, la mystification, la contrevérité, la fable, l’artifice, l’invention, l’illusion ou la tromperie pour ne citer que quelques-uns des antonymes de la vérité.

Au plan collectif, l’humanité a mis au point des techniques de recherche de la vérité qui constituent l’essence de son patrimoine culturel. Or la recherche collective de la vérité s’est progressivement heurtée au mur de l’incommunicabilité, à l’abyme de l’incertain et au brouillard du doute, jusqu’à modifier la manière dont l’homme voit et comprend le monde.

C’est ce que nous allons regarder de plus prés dans les blogs suivants qui concernent notre trajectoire.

 

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Une double proximité de lieu et de temps

22 Avril 2009 Publié dans #HISTOIRE

Dans mon blog du 10 avril dernier, je vous proposais une explication terre-à-terre au monopole de la vérité revendiquée par la pensée unique, en avançant que cette dernière n’est pas du uniquement au contrôle financier, bien réel, exercé par l’État sur les medias. Cette explication réside surtout dans la proximité sociologique qui rassemble les journalistes, les hommes politiques au pouvoir, les intellectuels reconnus et les artistes, une proximité incroyablement physique.

La France est le seul pays dont les journalistes vedettes sont couramment mariées ou sont les amies des ministres. On en rappellera à peine que le Président de la République Nicolas Sarkozy est marié à une vedette du show-biz. Personne ne s’étonne qu’il ne soit pas marié avec une fonctionnaire une cadre d’entreprise, ou une femme au foyer. Non, une chanteuse, normal. Des présentatrices vedettes de télévision Christine Ockrent, Anne Sinclair et Béatrice Schönberg se sont respectivement mariées à des Ministres, lorsqu’ils étaient en fonction ou qu’ils étaient bien prés de le devenir, comme Bernard Kouchner, Dominique Strauss-Kahn  et Jean-Louis Borloo. La productrice Dominique Cantien est la compagne de Philippe Douste-Blazy, l’ancien Ministre des Affaires Etrangères. On s’émerveilla de ce que Marie Drucker, nièce du producteur Michel Drucker, ait renoncé à la présentation de « Soir 3 » durant la durée de la campagne pour l’élection présidentielle française à la suite de la révélation de sa relation avec François Baroin, ministre de l’Outre-mer. L’émerveillement fut tel, au sein de l’oligarchie politico-médiatique, qu’on lui a attribué à Courchevel, quelques jours après l’annonce de ce retrait provisoire, le Trophée des Femmes en Or 2007, dans la catégorie Communication.

Il n’y a donc plus lieu de s’étonner  de voir débarquer dans les medias les fils de ministres, d’anciens ministres, de journalistes et d’animateurs qui se retrouvent tous ensemble dans les salles de rédaction. L’osmose parisienne des journalistes et des politiques s’explique sans doute par leurs nombreuses opportunités de rencontres. Leur proximité est d’abord géographique, en raison de la centralisation du pouvoir. Il ne viendrait à l’idée d’aucun journal régional de rédiger un article sur la politique nationale depuis sa ville de province. Les rédactions nationales de tous les medias sont à Paris, à portée de taxis des ministères. Les journalistes et les hommes politiques se voient tous les jours, dînent dans les mêmes restaurants, habitent dans les mêmes quartiers, prennent souvent leurs vacances ensemble, viennent chercher leurs enfants dans les mêmes écoles. Les politiciens tiennent à décorer les journalistes qui, de leur côté, n’écrivent rien sans avoir les commentaires off des premiers.

En sus de la proximité s’ajoute la fascination du pouvoir, qui agit comme un miroir aux alouettes. En France, de par sa nature pyramidale, le centre du pouvoir se situe précisément au 55 Rue du Faubourg Saint Honoré, dans le VIIIe arrondissement de Paris, en d’autres termes au Palais de l’Elysée. Ce pouvoir est immense puisque à l’exception de quelques dictatures, le Président de la République Française détient des prérogatives inconnues ailleurs qui lui permettent de tenir en laisse tous les autres pouvoirs qu’ils soient politiques, juridiques, militaires, économiques ou journalistiques. Les medias sont attirés par le rayonnement de ce soleil dont ils essaient de s’approcher afin de  comprendre ses ressorts et profiter de ses rayons. C’est la course aux réceptions, aux petits-fours, aux rencontres en petits comités, aux confidences. Il suffit de connaître quelques centaines de personnes, qui ne changent que très rarement de niveau de responsabilité sinon de poste, pour tout savoir du pouvoir, ses rumeurs, ses ragots, ses scoops.

Comme la carrière de presque tous les membres du bocal politique à l’instar de Giscard d’Estaing, Mitterrand ou de Chirac s’étale souvent sur un demi-siècle, ce sont des amitiés, des complicités qui se forment durablement. Par exemple, au sein du personnel politique de niveau intermédiaire, député, sénateur, tout le monde connaissait dans les medias Lucien Neuwirth, dont la femme est journaliste au Figaro. Aujourd’hui retraité, il est bien représentatif de ce personnel politique qui prétend gouverner pendant un demi-siècle ou plus, si Dieu lui prête vie. Élu député de 1958 à 1975, sa fonction la plus importante fut celle de Questeur de l’Assemblée Nationale de 1962 en 1975 et sa principale action fut d’avoir proposée la loi sur le contrôle des naissances en 1967. Il réussira à poursuivre sa carrière politique en présidant le Conseil Général de la Loire de 1979 à 1985, ce qui lui permettra d’être élu en 1983 sénateur, fonction qu’il parviendra à conserver durant deux mandats jusqu’au 30 septembre 2001, date à laquelle il se retira malgré lui à l’age de 75 ans après 54 ans de vie politique, victime d’un oukase de Chirac.

Faire une carrière de journaliste politique, c’est rencontrer des dizaines de fois et même des centaines de fois des hommes comme Lucien Neuwirth dans les enceintes politiques, dans les multiples réceptions qui rythment la vie de l’oligarchie, dans les manifestations culturelles où ils adorent utiliser leurs privilèges d’élus. Bref, c’est connaître intimement les détenteurs du pouvoir, leur demander des services et leur en rendre. Aussi est-ce une banalité de constater la symbiose entre le monde politique, les hauts fonctionnaires, les grands chefs d’entreprise, les artistes connus, les journalistes et les animateurs : ils vivent ensemble, ils se renvoient l’ascenseur, ils se chamaillent, ils se font des confidences, ils forment un monde à part où le renouvellement est rare. Il est de fait que la proximité géographique qui rassemble l’ensemble de l’oligarchie à l’intérieur de quelques arrondissements parisiens que l’on peut parcourir à pied en moins d’une heure, renforcée par le non renouvellement du personnel politique, contribuent ensemble à créer un groupe fusionnel.

C’est une société de connivence, somme toute naturelle, que je qualifie d’oligarchie depuis le début de ce blog, parce qu’elle s’autoproclame classe dirigeante, en veillant avec succès à écarter toute concurrence.

 

 

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Millenium Force 4

17 Avril 2009 Publié dans #ACTUALITÉ

Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous conseille de lire les trois tomes de Stieg Larsson, Millenium 1, 2 et 3, vous y apprendrez pas mal de choses, sur la Suède, sur les hackers et sur les rapports entre la tyrannie et la liberté. Si je fais référence au roman de Stieg Larsson, c’est que ce que l’on vient d’apprendre des révélations faites par Abdülkadir Aygan fait irrésistiblement penser à ce roman.

Dans son édition du 13 avril 2009, Le journal « LE MONDE » nous raconte qu’Abdülkadir Aygan vit reclus dans un village en Suède, sous la protection des services secrets du pays. Ancien membre de la rébellion kurde du PKK, il a ensuite été retourné par l'armée turque dans les années 1990 pour collaborer avec le Jitem, une cellule clandestine de la gendarmerie chargée de la lutte antiterroriste. Pendant dix ans, il a pris part aux crimes perpétrés par l'armée contre les rebelles kurdes. Il a quitté la Turquie en 2003 et aujourd’hui, il parle, enfin.

Il raconte les séances de torture et les exécutions sommaires dont il fut le témoin. Des centaines de meurtres et d'enlèvements auraient été commis dans le sud-est de la Turquie entre 1987 et 2001. Les aveux d'Abdülkadir Aygan ont par exemple permis de retrouver le corps de Murat Aslan, un jeune de 25 ans dont le cadavre brûlé a été déterré sur ses indications. Abdülkadir Aygan raconte : « Nous l'avons enlevé dans un café après une dénonciation et conduit au local du Jitem, Un caporal expert en torture l'a accroché au plafond par les mains, avec des poids aux pieds. Il le battait. Il est resté trois ou quatre jours sans nourriture. » Finalement mené au bord du Tigre, « On lui a mis un bandeau sur les yeux et des menottes. Le sous-officier Yüksel Ugur a tiré et Cindi Saluci l'a arrosé d'essence et a mis le feu. C'est grâce à mon témoignage que son corps a pu être retrouvé par sa famille et identifié grâce à un test ADN». Il décrit également des cuves de la compagnie pétrolière d'Etat Botas, dans lesquelles des corps auraient été jetés après avoir été dissous dans l'acide.

La justice turque enquête et réclame en même temps, l'extradition de l’ex-tortionnaire repenti qui craint pour sa vie. Certains commencent cependant à parler en Turquie depuis qu’une enquête a été lancée sur le réseau Ergenekon « infiltré » dans l'appareil d'Etat turc et soupçonné d'avoir fomenté putschs et assassinats. 142 personnes sont en cours de jugement à ce titre. Le Jitem n’était en effet pas le seul à commettre ces meurtres, « d'autres services de police, de gendarmerie ou de l'armée, voire même par le MHP, le parti d'extrême droite nationaliste » étaient aussi impliqués, précise le repenti.

LE MONDE ajoute que c’est peut-être « la fin de l'impunité pour ces crimes perpétrés jusque très récemment ». Mais il ajoute aussi, énigmatique, que le colonel Abdulkerim Kirca, l’assassin présumé d’une douzaine de Kurdes dans les années 1990, a été  récemment retrouvé avec une balle dans la tête avant de pouvoir être interrogé. Officiellement, un suicide. Tout le gratin de l'état-major turc assistait à ses funérailles.

Voici tout d’abord ce que le journal Le MONDE et toutes les bonnes âmes veulent nous faire croire : cela s’est passé dans les années 90, cela ne pourrait plus se passer aujourd’hui. Les crimes ont été commis par des membres d’organisations « d’extrême droite », mot fétiche comme le mot secte. Le parti actuel au pouvoir, issu de la mouvance islamiste a été lui-même persécuté, il n’est donc pas susceptible de commettre les mêmes crimes. D’ailleurs la justice enquête, ce qui prouve que la démocratie existe dans ce pays. Enfin, on peut aussi bien en tirer la conclusion qu’il faut aider la Turquie à devenir vraiment démocrate en l’accueillant dans l’Union Européenne que d’en déduire qu’il faut se garder d’être trop proche d’un peuple qui est susceptible d’être dirigé par des tortionnaires.

En ce qui me concerne, je n’accepte aucune de ces « vérités suggérées ». Je crois que cela pourrait encore avoir lieu aujourd’hui et même demain. Je ne crois pas que seule « l’extrême droite » soit susceptible d’exactions et de tortures. Je ne crois pas non plus que cela ne puisse pas se passer en Europe. Pour appuyer mes dires, je vous rappelle que l’on torture en Algérie, juste en face de chez nous et en ce moment même, que les USA viennent d’avouer que la CIA torturait, et chez nous, quand je vois l’instrumentation de la police par notre président de la République à Strasbourg, l’état ignominieux de nos prisons, je me dis qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que nous basculions dans un État policier, ce qui entraînerait immanquablement, avec la culture du résultat, arbitraire, violence, torture et meurtre.

Turquie, Algérie, USA, Europe, il n’y a pas de sanctuaires dans lequel nous puissions être certain d’éviter les tortionnaires, qui savent bien qu’ils bénéficieront partout de  « l’abjecte patience de l’opprimé », comme la qualifie Aldous Huxley.

 

 

 

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Les signes d'entropie

14 Avril 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Si l’homo faber ne s’arrête jamais, il reste à définir une direction nouvelle pour soutenir le développement de l’humanité.

Partie de l’Europe, la vague de mutation est désormais sortie de son giron occidental pour toucher toutes les sociétés du monde. Un processus d’unification culturelle et d’égalisation matérielle est en cours, dont on ne peut qu’observer le développement sans pouvoir en imaginer les conséquences. Le monde entier se trouve désormais dans un système condamné à la surenchère : toujours plus de produits, de croissance, de nouveauté, sans que la direction religieuse, philosophique ou politique de cette course ne soit clairement définie par quiconque. Un large, mais vague consensus semblait exister autour de quatre orientations générales :

-  L’incapacité à imaginer une autre direction que celle de l’économie de marché.

-  La nécessité d’intégrer tous les peuples dans un processus de mondialisation.

-  La validité du système politique démocratique.

-  L’universalité de la notion de droits de l’homme.

Or tous ces principes vacillent, presque en même temps, du fait des perturbations que provoquent les changements voulus et subis par les populations humaines. L’économie de marché, notamment du point de vue de la justice, de l’écologie et même de l’efficacité, dans sa composante financière, provoque une profonde perte de confiance dans la validité universelle de ses principes. On réclame de plus en plus de régulation, donc de plus en plus de limitations de ses effets et au final de plus en plus de renoncements à sa dynamique.

L’intégration des populations dans le processus de mondialisation perturbe profondément les équilibres internes de sociétés fondées sur des principes séculaires. Elle entraîne une migration massive des populations  menacées de disparition vers les zones les plus riches,   ce qui altère les fondements des cultures qui ont engendré la révolution scientifique et industrielle.

Le système politique démocratique fondé sur les opinions de populations stables et peu nombreuses, résiste mal aux changements de styles de vie. Appliqué à des populations urbanisées et hétérogènes, il doit désormais être piloté par des professionnels de la politique et des medias dont la légitimité est inconsistante. 

Les droits de l’homme appliqués de manière élastique par des sociétés qui en contestent les fondements culturels sont dénoncés comme une arme stratégique de domination, tandis que les inégalités matérielles et éthiques rendent vaine la revendication toute théorique de leur application.

Au-delà des principes, la mécanique du développement s’enraye d’elle-même. L’implosion démographique s’installe comme une menace qui aboutira à la disparition de l’humanité au cours du XXVe siècle si elle se prolonge jusque-là, tandis que la  surexploitation des  ressources de la biosphère engendre une pollution de moins en moins supportable par l’espèce humaine et l’épuisement des matériaux nécessaires au  système de vie de la société post industrielle.

En partant de l’ensemble de ses observations, il semble manifeste qu’en ce XXIe siècle, l’humanité se rapproche de ses limites de survie, définie par sa capacité à se maintenir sur l’écorce terrestre. La situation n’est cependant pas nouvelle, elle s’est déjà produite à la fin de la période de chasse et de cueillette, et à plusieurs reprises durant la période agricole. Mais elle n’a jamais été aussi globale pour l’humanité, qui est désormais sommée d’inventer une nouvelle métamorphose.

 

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L'extraordinaire convergence entre les journalistes et les politiques

10 Avril 2009 Publié dans #HISTOIRE

 Dans mon blog du 20 fevrier dernier, je vous présentai la fable de la Fontaine intitulée « Le loup et le Chien » que je dédiais tout spécialement aux journalistes qui officient dans la presse écrite, à la télevision et à la radio. Je concluais en observant que sauf sur Internet et dans l’édition, on ne trouve plus guère de loups dans les medias.Qu’est ce qui rassemble donc les journalistes et les hommes de pouvoir ?

La merveilleuse convergence des journalistes et du pouvoir n’est pas le fruit du hasard. Autrefois, les journalistes des chaînes publiques se plaignaient de recevoir des instructions du ministre de l’information. Aujourd’hui cela n’arrive plus, paraît-il, mais tout se passe comme si chacun recevait le même message subliminal que l’on a fini par qualifier de pensée unique, un fait observé par chacun d’entre nous de manière si indiscutable qu’il nous paraît moins nécessaire de le démontrer que d’en rechercher l’explication.

La justification première de la pensée unique, qui fait la gloire des penseurs officiels, est tout simplement que l’union de nos penseurs patentés croit détenir la vérité. Ils savent ce qui est bien et ce qui est mal. Ils ont compris la complexité des événements, des raisons de la Crise aux subtilités de la pensée de Barak Obama en passant par les complexes équilibres de la société française. Il nous suffit de nous rallier à leur opinion. Lorsque nous sommes d’avis contraire, c’est parce que nous sommes soit de mauvaise foi, soit mal informés. Ils en concluent que nous avons besoin de plus de « pédagogie ». 

Pourtant, quand on y pense avec quelque recul c’est une prétention extravagante que de revendiquer la vérité en matière d’opinion politique et de morale. D’autant qu’il est assez difficile d’accepter qu’une actrice ou qu’un chanteur, dont on connaît parfois la vie torturée, vienne nous exhorter à nous aligner sur ses opinions simplement parce qu’elle a une plastique avantageuse ou qu’il a une belle voix, et qu’il nous est plutôt pénible d’entendre un animateur dont on connaît les honoraires mirobolants nous donner des leçons de générosité sur les ondes que nous finançons de nos impôts. Il nous est encore plus douloureux de supporter qu’un homme politique qui a passé sa vie à trahir ses engagements nous demande de le croire.  Quant à l’objectivité des journalistes, il suffit d’observer leur attitude face aux puissants qu’ils flattent de leurs questions complaisantes et de la comparer avec celle qu’ils prennent avec les boucs émissaires médiatiques qu’ils lardent de leurs critiques acerbes, puisque tout le mal vient de ces pelés, de ces galeux. Se tournant vers leurs auditeurs et téléspectateurs, s’arrogeant le monopole de la parole comme si l’une et l’autre n’appartenaient de droit qu’au cercle étroit de l’oligarchie à laquelle ils appartiennent, nos commentateurs n’estiment pas incongru de les exhorter à penser comme eux. D’un côté, le monopole de la vérité, de l’autre côté le silence.

Il existe une explication terre-à-terre de ce monopole de la vérité revendiquée par la pensée unique, qui dépasse celle du simple contrôle financier exercé par l’État sur les medias. Elle réside dans la proximité sociologique qui rassemble les journalistes, les hommes politiques au pouvoir, les intellectuels reconnus et les artistes, une proximité quasiment physique.

 

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La Révolution industrielle

2 Avril 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

La Révolution industrielle 

À compter de la Renaissance, l’émergence progressive de l’esprit scientifique en Europe modifie radicalement la condition humaine.

Le nombre des êtres humains suit l’accroissement des moyens matériels : de 1500 à 1750 on passe de quatre cent soixante à sept cent soixante-dix millions d’hommes sur Terre. Auparavant, il avait fallu quinze siècles pour que la population double, entre l’époque du Christ et la découverte de l’Amérique, de 250 à 460 millions d’habitants. L’accroissement de population s’accélère encore par la suite, puisqu’elle s’est accrue de sept cent soixante-dix millions à six milliards entre 1750 à 2000, soit une multiplication par huit en 250 ans.

Cette croissance est directement liée à la révolution industrielle qui s’est traduite par une succession ininterrompue d’innovations techniques qui substituent des machines à l’habileté humaine et qui permettent de remplacer la force humaine et animale par l’énergie mécanique. Le muscle est remplacé par le moteur, la main par la machine, la mémoire par le papier. La marche que l’humanité avait entrepris depuis le premier outil, le galet éclaté, la conduit jusqu’à la révolution industrielle qui trouve son premier appui dans les progrès de l’agriculture. Cette révolution était aussi liée à la croissance de l’information, à un investissement croissant dans l’éducation et à l’utilisation du langage mathématique.

La dynamique de la révolution industrielle est  fondée sur les innovations générées dont  un petit nombre d’hommes, mais aussitôt mises en pratique par le plus grand nombre. Aux côtés des grands savants qui cherchent à travailler pour le bien de l’humanité, les Pasteur, Maxwell, Einstein, Say, Schumpeter, on trouve aussi ceux qui sont à l’écoute des attentes de la société, que ce soit la demande de nouveaux produits de consommation ou la conception de nouvelles armes. La multiplication des biens est remarquablement parallèle à l’accroissement de la circulation de l’information. La machine à écrire est inventée en 1873, le télégraphe, le téléphone le sont en 1885, la radio en 1912, la télévision en 1930. Depuis, l’ordinateur s’est substitué à nombre de processus de la pensée humaine.

Les mutations déracinent les paysans et bouleversent les modes de vie. Quitter son village pour gagner plus implique souvent de vivre dans un taudis, d’effectuer un travail répétitif et pénible et de risquer de se retrouver au chômage, sans ressources. Ces déracinés n’ont pas le sentiment d’être plus heureux en ville qu’au pays. Cependant les prix des matières premières et de la nourriture baissent, l’école est ouverte à tous, les médecins ne sont plus réservés aux privilégiés.

La réaction face au coût élevé de la révolution industrielle pouvait être prévu. L’idée est rapidement venue de casser le marché et de contrôler les flux de production à l’aide d’un système bureaucratique centralisé. L’application pratique de ce dogme autocratique a été réalisée aux marges de l’Europe par le système soviétique. Il a connu sa fin en 1989 puisqu’il n’était qu’une conséquence du système occidental, mais la nostalgie d’un système contrôlé demeure chez les nombreux perdants du système capitaliste. Il resurgit avec la crise qui touche l’ensemble du monde économique globalisé du début du XXIe siècle.

La révolution industrielle est sans doute en train de s’achever. Il va nous falloir inventer une nouvelle direction et de nouveaux outils capables de soutenir la dynamique de l’humanité.

L’homo faber ne s’arrête jamais.

 

 

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