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Le blog d'André Boyer

Le surhomme

31 Mai 2014 Publié dans #PHILOSOPHIE

Le 18 mai dernier, dans mon dernier blog sur la philosophie de Nietzsche, intitulé « l’éternel retour », je concluais en m’interrogeant sur la capacité de l’homme à accepter l’éternel retour de sa vie.

 

Superman.jpgNietzche se pose à lui-même la question : « Je ne veux pas que ma vie se répète. Comment l’ai-je supportée ? en créant. Qu’est-ce qui me fait supporter son aspect ? Le regard vers le surhomme qui affirme la vie » (Fragments posthumes, 1882-1883, 4, 81)

C’est en effet une tâche surhumaine. Il faut, soit être infaillible pour que nos décisions soient dignes d’une répétition infinie, soit insensible à la souffrance pour supporter de l’éprouver pour l’éternité.

Dés lors, il faut sans doute se résoudre à la faiblesse humaine qui se manifeste par le besoin d’excuses lorsque l’on échoue et qui s’invente des échappatoires.

Pire encore, l’être humain se sent nécessairement coupable lorsqu’il jouit de la vie et il cherche des boucs émissaires lorsqu’il n’en jouit pas assez.

Or le concept d’éternel retour interdit ces excuses.

Est-ce trop demander à l’homme ?

Au fond, le seul qui serait capable d’accepter l’éternel retour ne peut être qu’un surhomme.

Pour Nietzsche, un surhomme n’est pas celui qui est doté d’une force surhumaine ou un génie. Un surhomme est celui qui est capable d’accepter l’éternel retour, parce qu’il accepte pleinement la réalité.

Être mécontent de sa vie, aspirer à un idéal qui est contraire à la réalité, vouloir se dépasser pour devenir un autre sont des faiblesses inhérentes à l’être humain.

De même, le désir d’une humanité composée de surhommes semble aussi le recherche d’un idéal qui est issu de la déception que l’homme lui-même ressent par rapport au comportement de ses semblables comme de soi-même.

Nietzsche répond à cet objection en invoquant le désir de se surpasser comme étant inhérent à la vie en général :

«  La vie m’a dit ce secret : « vois, dit-elle, je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même » (Ainsi parlait Zarathoustra, II)

En effet,  l’homme a toujours su qu’il lui fallait se dépasser. L’homme occidental l’a transformé en fuite hors de soi, notamment par la consommation, et par une négation de la réalité, comme celle de la vieillesse.

En Orient, l’homme ascétique prône de surmonter ses instincts à l’aide de la raison, en détruisant son corps pour glorifier son esprit.

Dans les deux cas, pour chercher à devenir Dieu, l’homme combat contre lui-même.

 

 

Pour sa part, Nietzsche propose à l’homme de se dépasser, non pas en niant sa nature, mais en l’affirmant davantage. Pour lui, il ne s’agit pas d’aspirer à être Dieu, mais à être tout à fait humain.

 

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Trois questions sur le commerce de la France

27 Mai 2014 Publié dans #ACTUALITÉ

 

Eurostat vient de publier les résultats statistiques du commerce extérieur de l’Union Européenne. Je vous invite à répondre, après la lecture de ce blog, à deux questions simples et une dernière question un peu plus compliquée.

 

Globalement, la zone Euro est excédentaire par rapport au reste du monde, un excédent de 153,8 milliards d’Euros. Cet excédent se compose de résultats très différents selon les pays ayant adopté l’euro. Ces résultats ne portent que sur les 11 premiers mois de 2013, pour des raisons de collecte des données, mais cela ne change rien aux leçons que l’on peut en tirer.

 

PAYS

DEFICIT (-) ou EXCEDENT (+) en milliards d’euros

Allemagne

185,5

Pays-Bas

50,6

Irlande

34,6

Italie

26,8

Belgique

13,9

Slovaquie

3,5

Slovénie

0,5

Estonie

-1,3

Finlande

-1,6

Malte

-1,7

Chypre

-3,0

Luxembourg

-5,2

Autriche

-5,3

Portugal

-8,4

Espagne

-14,4

Grèce

-17,9

France

-69,9


Mémorisez tout d’abord que, jusqu’au 31 décembre 2013, la zone euro comprenait la Belgique, l'Allemagne, l'Estonie, l'Irlande, la Grèce, l'Espagne, la France, l'Italie, Chypre, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, l'Autriche, le Portugal, la Slovénie, la Slovaquie et la Finlande. À compter du 1er janvier 2014, la zone euro comprend également la Lettonie.

Remarquez tout d’abord l’énorme excèdent commercial allemand, cela ne peut pas vous échapper.

Notez ensuite qu’il existe six pays au sein de la zone euro qui sont excédentaires, pour la plupart regroupés géographiquement autour de l’Allemagne, sauf l’Italie qui maintient, au prix d’une croissance nulle, la compétitivité de son industrie et l’Irlande qui a brillamment maintenu son excèdent commercial au prix d’un dumping fiscal et social.

Observez les quelques difficultés de l’Estonie, tandis que la Finlande rétablit progressivement son équilibre commercial.

Regardez les deux îles, Malte et surtout Chypre, qui ont bien du mal à garder leur équilibre.

Oubliez le Luxembourg dont les rentrées financières compensent largement le déficit commercial.

Voyez que l’Autriche ne va pas si bien.

Encouragez le Portugal et l’Espagne qui se serrent la ceinture pour sortir la tête de l’eau.

Plaignez la Grèce qui n’a aucune chance de s’en sortir.

Et maintenant ma question, lorsque vous aurez remarqué que la France est le pays de la zone euro qui a le plus fort déficit commercial, et de loin :

defitcit-commerce-exterieurFrance2000-2012

1 Est ce que vous croyez que la France a la possibilité, ou les moyens, de rétablir son commerce extérieur au sein de la zone euro ?

Si vous répondez non à cette question, en voici une seconde :

2 Est ce que vous croyez que les pays excédentaires et les banquiers vont financer indéfiniment notre déficit ??

Si vous répondez non à cette deuxième question, voici une question ouverte :

3 Que va t-il se passer à votre avis ???

 

Si vous ne voulez pas répondre à cette dernière question, j’espère que vous êtes raisonnablement confortable, la tête enfouie dans le sable.

 

 

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La Constitution tordue des Thermidoriens

24 Mai 2014 Publié dans #HISTOIRE

Le 26 avril dernier, dans mon blog intitulé « Les Thermidoriens sur trois fronts », j'exposais la lutte féroce de ces derniers pour se maintenir au pouvoir. En effet, ce n’était pas parce que la Terreur était finie que la Convention était composée d’innocents…

constitution thermidorienneSelon l’habitude de ces années-là, la Convention thermidorienne saisit l’opportunité d’une situation politique apaisée pour préparer une nouvelle constitution destinée à remplacer celle qui, souvenez-vous, reposait, inappliquée, au milieu de la salle de ses délibérations.

La nouvelle Constitution représentait un effort remarquable pour éviter les écueils qui avait marqué la Révolution. Par certains côtés, elle était trop sophistiquée. Elle retournait à un régime électoral restreint, qui réduisait le corps électoral aux notables : les citoyens nés et résidents en France de 21 ans qui payaient une contribution directe, réunis en assemblée primaire par canton élisaient les électeurs du deuxième degré à raison de un pour deux cents citoyens.

Ces grands électeurs devaient avoir 25 ans et disposer d'un revenu personnel important. Ils élisaient les membres du corps législatif ainsi que les différents juges. Le législatif était formé de deux chambres, le conseil des Cinq Cents qui avait l'initiative des lois, et le conseil des Anciens, composé de 250 membres âgés d’au moins 40 ans et mariés ou veufs, qui approuvait ou rejetait les propositions des Cinq Cents.

Le corps législatif élisait l'exécutif, mais ne pouvait pas le révoquer.

L'exécutif, le Directoire, était
composé de cinq membres, renouvelé par cinquième tous les ans, choisis à bulletins secrets par les Anciens, parmi une liste qui devait contenir le décuple des postes à pourvoir, établie par le Conseil des Cinq Cents.

Les Directeurs sortants ne pouvaient pas être réélus avant cinq ans et les décisions du Directoire devaient être prises à la majorité de trois membres sur cinq.

Les attributions de l'exécutif étaient limitées par la nouvelle constitution à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, la disposition de la force armée, la nomination des généraux et des ministres.

Le Directoire n'avait pas le droit de dissolution sur les chambres ni le droit de veto sur les lois. De plus, la Trésorerie échappait au Directoire pour être confié à cinq commissaires élus dans les mêmes conditions que le Directoire et le pouvoir judiciaire étaient séparé du législatif et de l'exécutif, avec des mandats courts, 2 ans pour les juges de paix, 5 ans pour les juges départementaux et du tribunal de cassation.

Échaudés par les changements permanents de la Constitution, les conventionnels mirent en place une procédure de révision qui s'étalait sur neuf ans.

Comme les Conventionnels ne voulaient pas être balayés par les élections à venir, ils votèrent, avec un culot roboratif, le décret dit « des deux tiers » qui imposait le maintien de cinq cents anciens conventionnels parmi les sept cent cinquante députés des Conseils des Cinq Cents et des Anciens. 
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L'éternel retour

18 Mai 2014 Publié dans #PHILOSOPHIE

 

 

Nous pouvons, et en même temps, nous ne pouvons pas fuir le caractère tragique de la vie, grâce, ou à cause, du concept de « l’éternel retour » que propose Nietzsche :

éternel retout« Et si une nuit, un démon se glissait auprès de toi et te murmurait à l’oreille : «  cette vie, il te faudra la vivre encore une fois, et encore d’innombrables fois; elle ne comportera rien de nouveau, chaque douleur et chaque plaisir reviendra sans cesse, selon le même enchainement. Est ce que tu vas maudire ce démon ou est ce que tu vas le remercier ? » (Le Gai Savoir, IV, 341)

L’idée de revivre une infinité de fois chaque instant de notre vie peut sembler à première vue démoniaque. Revivre nos désagréments, nos échecs, nos disputes, nos accidents, nos tragédies, nos maladies, notre mort. Et les revivre encore et toujours, dans le même ordre…

Dans l’esprit de Nietzsche, cette pensée désespérante est en même temps une thérapie. S’il y a éternel retour (et pourquoi n’y aurait-il pas éternel retour?), nous n’avons plus aucune excuse pour ne pas vivre pleinement notre existence.

Même le suicide n’est plus une échappatoire à la vie, puisque nous aurions à le vivre une infinité de fois.

Alors, si nous devons accepter l’hypothèse de l’éternel retour, il faut endosser pleinement notre vie pour que nous acceptions la répétition infinie de chacun de nos instants. Du coup, l’idée de l’éternel retour élimine la possibilité d’une vie malheureuse, puisque je ne voudrais jamais répéter indéfiniment une telle vie. L ‘eternel retour ne nous laisse pas d’autre choix que de faire ce que nous aimons ou, écrit d’une autre manière, d’aimer ce que nous faisons.

L’idée de l’éternel retour nous réconcilie aussi avec le passé. Même si nous sommes capables de créer notre présent et de façonner notre avenir, nous restons prisonniers de notre passé sur lequel notre volonté n’a pas de prise. Nos regrets, nos remords, nos mauvaises décisions, les opportunités que nous avons ratés, la douleur des souvenirs pénibles ou la nostalgie des moments heureux, tout notre passé nous rappelle l’impuissance de la volonté. Mais si nous voulons le retour du présent, nous devons vouloir aussi le retour du passé, puisqu’il est aussi notre avenir.

Nous devons donc, avec l’éternel retour, assumer nos actes, sans remords ni regrets. Ainsi, nous nous réconcilions avec le temps, dés lors qu’il est éternel et circulaire.

Il faut bien sûr être amoureux de la vie pour demander une nouvelle part de souffrances et de joies, de blessures et de plaisirs, de surprises et de déceptions. Mais notre récompense sera de traverser victorieusement les marécages du pessimisme et du nihilisme.

 

Mais quel est l’être humain qui est vraiment capable d’accepter l’éternel retour de sa vie ?

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...Comment échouer au Cepun!

8 Mai 2014 Publié dans #INTERLUDE

 

Enfin, voici comment l’histoire se termina :

 

echouer.jpgIl se trouva justement qu’un professeur, après avoir passé quelque temps à l’étranger, cherchait un point de chute à l’Université de Nice. Il candidata sur ce poste qu’il obtint pour la rentrée 1979. Dés qu’il présenta sa candidature, on me suggéra avec, on s’en doute, la chaude recommandation de l’inusable Miss W., de lui abandonner la fonction de Chargé de Mission.

Je compris alors que je n’avais guère le choix qu’entre démissionner et être débarqué et que mes « succès » aggravaient plutôt mon cas qu’ils ne plaidaient en ma faveur. 

Je m’attendais naïvement à ce que le nouveau Chargé de Mission poursuive, ou soutienne du moins, le travail que j’avais accompli. C’était mal le connaître et il me faut avouer que, sur le coup, je fus surpris par son inconséquence vis-à-vis du Cepun et son incorrection à mon égard…

Pour excuser son comportement, il faut convenir qu’il se fichait comme d’une guigne du travail que nous avions accompli. Il ne voulait qu’un point de chute, la direction du Cepun ne l’intéressait pas, il l’abandonna d’ailleurs rapidement.

C’est pourquoi il laissa la vindicative Miss W. obtenir le licenciement de mes trois collaboratrices, malgré tous leurs mérites.

Il la laissa aussi remplacer la nouvelle maquette du Cepun par les anciennes, malgré les investissements importants qui lui avaient été consacrés.

Il la laissa abandonner les salles libres chèrement obtenues, malgré l’avantage considérable qu’elles représentaient pour l’organisation de ses formations et le coût de l’équipement des salles désormais dépensé en vain.

Pire encore, il accepta la partition du Cepun en autorisant l’IUT à créer un département de formation continue autonome, à la grande joie du rentier Karl  H.

Un vrai désastre pour le Cepun et un complet désaveu de notre action ! De tous nos efforts, il ne restait que le contrat avec les infirmières.

 

Il fallait donc que je me rende à l’évidence, en reconnaissant que j’avais échoué à changer l’organisation et le fonctionnement du Cepun.

 

Il ne me restait plus qu’à rendre les armes devant la triomphante Miss W.. Elle radieuse, moi piteux, nous nous quittâmes donc en septembre 1979 jusqu’à ce que, quinze ans plus tard, par une fin d’après-midi pluvieuse de novembre, je croise dans la pénombre la retraitée Miss W., toute menue, toute triste, toute fripée, toute repliée sur elle-même.

Le souvenir de mes combats d’antan avec cette furie resurgit brusquement dans ma mémoire. J’eus envie, non pas de l’étrangler, mais de lui serrer la main, ou même de l’embrasser en lui déclarant : « c’était le bon temps, miss W., vous vous souvenez ? » mais je n’en ai rien fait, par peur du ridicule ou, qui sait, d’un dernier sursaut de sa part qui la pousserait à me planter un canif entre les omoplates…

 

De toute façon, elle ne m’avait pas vu ou avait fait semblant…

 

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À force de succès au Cepun...

8 Mai 2014 Publié dans #INTERLUDE

J’ai expliqué mes efforts pour lutter contre les forces conservatrices du Cepun. Nous avons donc agi.

 

reussir.pngLa première tâche que j’assignais à mon équipe consistait à revoir la maquette graphique du Cepun. C’était une tâche complexe du point de vue technique, tout en n’étant pas spécialement susceptible de générer des difficultés avec la coriace Miss W., qui parvint tout de même à provoquer quelques tensions. Elle ne pût cependant empêcher la conception de documents lumineux et attractifs, qui furent abandonnés au profit des tristes plaquettes d’origine dès que je cessais d’être chargé de mission du Cepun. Plein succès donc, mais bien limité dans sa durée.

La seconde tâche consistait à obtenir que des salles disponibles en permanence soient affectées au Cepun, afin de pouvoir organiser des cours et des séminaires sans dépendre de la bonne volonté des services des emplois du temps des différents campus. Toutes trois réussirent, exploit considérable, à obtenir deux salles à l’entrée du campus Valrose qu’elles se chargèrent également d’équiper en matériel pédagogique moderne.

Le Cepun, grâce à elles, était désormais capable, avec une image moderne et des salles disponibles, de concurrencer les autres organismes de formation, publics comme les redoutables Greta du Rectorat ou privés comme la Formation Continue de la CCI.

Elles se mirent donc à prospecter et réussirent à arracher aux Greta la formation continue des infirmières, qui est aujourd’hui encore gérée par Asure Formation, l’organisme qui a succédé au Cepun.

Autant dire que ces succès dérangeaient beaucoup de monde, l’administration comme les concurrents du Cepun. Les uns et les autres n’étaient pas prés de convenir que ma petite équipe et moi-même avions raison mais plutôt que nous étions des gêneurs dont il fallait se débarrasser. En outre, j’observais que le Président de l’Université était de plus en plus réticent à me soutenir contre les tentatives de déstabilisation que je subissais en permanence, même si j'avais le soutien du Vice Président chargé du CEVU, François Gaymard, qui s'intéressait depuis longtemps à la Formation Continue. 

En janvier 1979, j’avais enfin soutenu ma thèse et il fallait maintenant que j’assure la pérennité de ma carrière. Par ailleurs, un poste vacant de professeur était affecté au Cepun.

Si quelqu’un l’occupait, il serait naturel, sinon obligatoire, que son détenteur devienne à son tour Chargé de mission du Cepun…

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Lutter contre l'inertie au Cepun

6 Mai 2014 Publié dans #INTERLUDE

La bienveillante Miss W. se chargea aussi de m’éduquer sur un point crucial du fonctionnement d’une administration : l’arme absolue de l’inertie.

 

Tortue-escargotCar non seulement ma croisade moralisatrice fut un échec complet, mais la rusée Miss W. utilisa un autre responsable pédagogique, Jacques Dominique P. pour me persécuter.

Ce dernier était enseignant en comptabilité, une discipline qu’il maîtrisait avec une telle virtuosité qu’il parvint à la rendre incompréhensible aux générations d’étudiants qui eurent l’infortune d’assister à ses cours. Fort de cette incompétence rassise, il s’était aussi attribué le monopole de l’enseignement comptable en formation continue et il n’avait pas l’intention de modifier d’un iota la moindre de ses mauvaises habitudes. Par conséquent, même s’il n’était pas (directement) concerné par mes initiatives, il flairait dans un Chargé de Mission réformateur un ennemi héréditaire.

Il était encouragé dans cette voie par la diabolique Miss W. qui lui avait suggéré d’exiger qu’avant chaque début de programme, que dis-je de cours au sein de son programme, le Chargé de Mission se déplace en personne pour lui confirmer, de vive voix et à l’aide d’un procès verbal signé sur place, qu’il était à la fois le responsable du programme et déchargé par le Chargé de Mission de toute responsabilité directe dans le bon fonctionnement dudit programme, à savoir les horaires, la satisfaction des étudiants et  son financement.

Officiellement, la candide Miss W. levait avec ingénuité les yeux au ciel quand elle apprenait que Jacques Dominique P. avait de telles exigences, mais mes espionnes me rapportaient les conversations téléphoniques au cours desquelles elle lui demandait, et avec quelle vigueur, de formuler ces mêmes exigences !

De plus, ce n’était qu’au tout dernier moment que Jacques Dominique P., téléguidé par l’infernale Miss W., faisait savoir qu’il exigeait la présence du Chargé de Mission pour commencer ses cours. Faute de quoi, il entendait les renvoyer à plus tard !

Naturellement, j’accourrais pour éviter le fiasco, tout en enrageant de ces mauvaises manières : c’était le lot des réformateurs que d’être suppliciés sur la croix de leurs bonnes intentions !

 

Mes espionnes !

 

Devant la nécessité de m’appuyer sur quelqu’un pour réorganiser le Cepun, contre l’avis de l’impitoyable Miss W., idéalement située au centre de la toile d’araignée pour tout bloquer, il me fallait disposer d’une structure autonome qui partage mes objectifs.

À cet effet, j’obtins du Président de l’Université d’embaucher trois personnes, Hélène, Dominique et Annie, en l’occurrence trois de mes anciennes étudiantes qui venaient d’obtenir le Master de Sciences de Gestion. Leur loyauté, leur capacité d’analyse et leur enthousiasme ne faisaient aucun doute.

Bien entendu, elles étaient tout à fait qualifiées pour développer de nouveaux projets pour le Cepun et elles présentaient aussi l'ensemble des caractéristiques, jeunesse, diplôme et éthique, susceptibles d'exaspérer l’irascible Miss W. 

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Rentier au Cepun

3 Mai 2014 Publié dans #INTERLUDE

 

Je prends la responsabilité du Cepun au printemps 1978, sans savoir ce qui m’attend.

 

Rentier.jpgLe Cepun était une administration centrale de l’Université de Nice, représenté par des secrétariats sur tous les campus, Sciences, Droit, Lettres, Médecine et IUT.

C’est ainsi que l’un de mes grands combats, en dehors de la bataille interne contre la redoutable Miss W., fut de maintenir l’IUT dans le giron du Cepun, alors que mon ami Xavier Boisselier, directeur de l’IUT, souhaitait que ce dernier soit doté d’un service indépendant de formation continue. Il y parvint, mais seulement après mon départ de la direction du Cepun. 

Les enseignants dans toutes les disciplines, sciences droit, économie, lettres, médecine, étaient au nombre de cent cinquante environ qui fournissaient des vacations au tarif de 90 francs de l’heure de cours.

Comme souvent, il y avait des enseignants plus égaux que d’autres. Les nobles étaient les responsables pédagogiques qui dirigeaient les programmes de formation, ce qui leur donnait le droit de recevoir une indemnité fixée statutairement à 10% du montant des heures de cours et le privilège justifié de choisir le volume de cours qui leur convenait à l’intérieur du programme.

Parmi ces nobles, il y avait les pauvres qui recevaient une indemnité modeste parce que leurs programmes étaient relativement limités mais il y avait aussi quelques nouveaux riches, qui faisaient leur beurre sur le dos des programmes pour chômeurs. Parmi ces nouveaux riches, l’un d’entre eux attira particulièrement mon attention, Karl H.

Je le connaissais assez bien, car il était de la même génération que moi et nous avions parfois coopéré pour un projet commun. Il avait été placé à la direction de la Formation Continue de l’IUT depuis longtemps et se trouvait dans la situation d’encaisser une commission sur tous les contrats de Formation Continue signés par l’IUT. Il n’y était pas pour grand chose à l’époque, car les contrats, notamment ceux destinés aux chômeurs, arrivaient tous seuls à l’IUT.

C’était de très gros contrats, pérennes, puisque, comme on peut le constater encore aujourd’hui, le marché des chômeurs est toujours en expansion trente ans plus tard. On commence même à découvrir officiellement, avec trois décennies de retard, que la Formation Continue est un énorme fromage !

Karl H., lui, avec ses commissions automatiques faisait plus que doubler son salaire. C’était au point qu’à lui tout seul, il recevait 40% de toutes les rémunérations pédagogiques versées par le Cepun.

Fort de ces données, je m’attaquais à son cas, avec toute l’énergie juvénile que génère le sentiment d’avoir pour soi, à la fois, la morale, le droit et le pouvoir. Mon objectif était de réduire à un niveau « raisonnable » le montant de ses indemnités.

Logiquement, j’échouais lamentablement.

Pire encore, Karl H., s’abritant derrière la discrète autonomie de l’IUT, réussit à conserver sa rente universitaire. Je m’en fis naturellement un ennemi juré et j’eus même le dépit de constater que sa secrétaire, Anne de Q., que j’avais antérieurement sauvé de la dépression en la recrutant à U3, le soutenait totalement contre moi, choisissant la protection de son chef direct aux aléas du respect de la morale.

Naturellement, l’infatigable Miss W. se chargea de renforcer la détermination du planqué, puisqu’il était mon ennemi. Même des années plus tard, Karl H. s’activa encore pour lutter contre ma candidature à la direction de l’IUT : il avait eu tellement peur !

Bref, ce fut une magnifique leçon de réalisme :

La morale ne peut rien contre l’inertie administrative, formidable cuirasse des planqués.

Le droit est un outil optionnel, qui sert aux puissants pour détruire les faibles.

Le pouvoir n’est rien s’il n’est pas assuré de la durée.

La reconnaissance est une vertu sur laquelle il est constamment dangereux de s’appuyer.

 

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