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Le blog d'André Boyer

LES LIMITES PHYSIQUES DE LA ROBOTIQUE

30 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES LIMITES PHYSIQUES DE LA ROBOTIQUE

L’humanité se trouve, pour le demi-siècle à venir, devant un dilemme. Soit accroitre sans cesse sa consommation d’énergie et donc son empreinte écologique, soit trouver les moyens de la réduire. Le développement de la robotique est une donnée importante de ce choix.   

 

Pour les dix ou quinze années qui viennent, l’inertie de l’économie mondiale pousse dans le sens d’une augmentation de la consommation d’énergie. La logique de la concurrence entre les producteurs d’énergies fossiles a entrainé la mise en exploitation du gaz et du pétrole de schiste. Il en résulte que les réserves mondiales de pétrole ont augmenté, permettant désormais de répondre à une cinquantaine d’années de consommation (BP 2017). Du coup, le prix du pétrole baisse et son remplacement par des énergies moins polluantes s’en trouve freiné : selon les prévisions (WEO, 2017), la demande de pétrole en 2040 devrait encore être de 105 millions de barils par jour.

Il en résulte que l’on s’attend à un accroissement continu des gaz à effet de serre, ce qui va provoquer un réchauffement global supérieur à 2oC du climat de la Terre. On ne sait pas encore prévoir quand les problèmes liés aux ressources en eau, à la production agricole, à la survie et l'épanouissement de la biosphère naturelle pourraient devenir critiques, d’autant plus que l’évolution du climat peut provoquer de brusques ruptures, comme le réchauffement du pergélisol de la zone subpolaire qui risque de libérer de fortes quantités de méthane susceptibles d’accélérer encore le réchauffement climatique ou comme un ralentissement voire une déviation du Gulf Stream qui affecterait le climat de l'Atlantique nord.

Mais même si le climat ne réagit que lentement aux perturbations provoquées par la croissance économique, la perspective de tels changements est de nature à bouleverser les choix technologiques et économiques de l’humanité. La réduction des émissions de COcontraindra à limiter la consommation d’énergie fossile et donc d’énergie tout court, qui ne peut être obtenue que par une augmentation du prix de l’énergie ou par son rationnement. 

Il est donc probable que, même après une courte période de stabilisation des prix, jusque vers la fin des années 2020, le coût de l’énergie devrait augmenter sensiblement, ce qui affecterait le coût de fabrication et d’utilisation des robots. 

En effet, les robots consomment de l’énergie électrique, en raison de leur action mécanique et des moyens d’information dont ils disposent pour communiquer avec les hommes, pour recueillir des informations sur leur environnement et pour organiser leurs actions.

Si la quantité d’électricité consommée par les robots est difficile à isoler, la consommation électrique nécessaire pour faire fonctionner l’ensemble du système sur lequel sont adossés les robots, composé de terminaux, d’équipements de transmission et de centres de données, dégage une grande quantité de chaleur. On évalue que la seule électricité consommée par les échanges de données représente 10% de l’électricité mondiale (Mills M. P., 2013). 

Des progrès techniques pour réduire la consommation énergétique sont en cours, mais ces gains sont largement contrebalancés par l’accroissement rapide des données échangées et stockées. En effet, selon Data Age 2025 (Reinsel D. and al., 2017), la quantité de données échangées en 2025 devrait être dix fois supérieures à celles échangées en 2016 et le développement des big data, indispensables à «l’intelligence» des robots, est un facteur important de la croissance des échanges de données.

En outre, les calculateurs et les batteries des robots font appel à des métaux rares, tels que le platine pour les piles à hydrogène et le néodyme dopé au dysprosium pour les aimants (Zhou, 2017). Les batteries utilisent également divers matériaux rares, tels que le gallium, le sélénium, l'indium, le cadmium et le tellure pour les panneaux solaires. Dans les ordinateurs des robots, des dizaines de métaux différents sont utilisés, dont certains sont rares ou/et chers comme l'or, l'argent, le cuivre, le lithium, le cobalt, l'étain, le gallium, l'indium, le germanium, le tantale, le ruthénium, le tellure, l'antimoine et le palladium.

C’est pourquoi le secteur informatique représente une part importante de la consommation minière mondiale : 6 % du cuivre, 10 % de l’or et du palladium, 20 % de l’argent, 35 % de l’étain et du cobalt, 60 % du tantale, 80 % de l’indium (Zhou, 2017), d’autant plus que la récupération de ces métaux dans les déchets électroniques s’avère malaisée, car les métaux y sont trop mélangés et trop dispersés pour être recyclés. 

 

Ainsi les besoins en énergie et les besoins en métaux se renforcent mutuellement et le système industriel fondé sur la robotique puise dans un stock limité de ressources en énergie et en métaux.  

 

Références:

BP Statistical Review of Energy (June 2017), retrieved from

https://www.bp.com/content/dam/bp/en/corporate/pdf/energy-economics/statistical-review-2017/bp-statistical-review-of-world-energy-2017-full-report.pdf

Mills, M. P. (2013), The Cloud Begins With Coal, Big Data, Big Networks, Big Infrastructure and Big Power: an overview of the electricity used by the global digital ecosystem, retrieved from https://www.tech-pundit.com/wp-content/uploads/2013/07/Cloud_Begins_With_Coal.pdf.

Reinsel, D., Gantz, J.,&Rydning, J. (2017), Data Age 2025: The Evolution of Data to Life-Critical Don’t Focus on Big Data; Focus on the Data That’s BigIDC White Paper, retrieved from https://www.seagate.com/files/www-content/our-story/trends/files/Seagate-WP-DataAge2025-March-2017.pdf

WEO (2017), World Energy Outlook 2017, Executive Summary, retrieved from  https://www.iea.org/Textbase/npsum/weo2017SUM.pdf

 Zhou, B., Li, Z., & Chen, C. (2017),Global Potential of Rare Earth Resources and Rare Earth Demand from Clean Technologies, Minerals, 7(11), 203. doi:10.3390/min7110203

 

À SUIVRE

 

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CONTRÔLER LES CHINOIS, VASTE PROGRAMME

25 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

CONTRÔLER LES CHINOIS, VASTE PROGRAMME

Le peuple chinois est actuellement dirigé par Xi Jinping, un dirigeant qui est fermement opposé aux Droits de l’Homme en tant que valeur universelle et plus concrètement au modèle démocratique occidental.

 

Dans cette logique, il est compréhensible que Xi Ping ait fait abolir la limitation à deux quinquennats qui était imposée jusqu’alors aux Présidents de la République Populaire de Chine, ce qui lui permet de rester Président aussi longtemps qu’il aura la confiance du PCC. 

Mais la Chine reste un pays structurellement instable. Le pacte actuel repose sur une hyper croissance économique, qui, par définition, ne peut pas durer. En dehors de quelques centaines de milliardaires et de quelques dizaines de millions de riches, les bonnes relations entre trois classes sociales chinoises sont fortement liées au taux de croissance : la classe moyenne urbaine qui rassemble 150 à 400 millions de Chinois, les migrants ruraux, 280 millions de personnes qui subissent un apartheid social et 600 millions de paysans qui s’efforcent de survivre dans les campagnes. 

Les tensions qui en résultent s’expriment sur la blogosphère, par conséquent surveillée de près par le pouvoir. C’est pourquoi le China Wide Web a été construit comme un intranet, ce qui lui permet de s’isoler du reste du monde ou de couper l’accès à une partie du territoire en cas de problèmes. De nombreux sites occidentaux ont été ainsi rendus inaccessibles, comme Facebook ou Google. Quant aux internautes chinois récalcitrants, ils sont repérés par des délateurs qui y sont fortement incités par des primes importantes. 

Le choix du libéralisme économique est au cœur des problèmes de contrôle de la société chinoise par le pouvoir. Ce libéralisme économique a donné des espaces d’action à la classe moyenne, comme la possibilité de créer son entreprise, de choisir son emploi, d’étudier et de faire des affaires ou du tourisme à l’étranger. 

C’est une grande différence avec le hukou, ce document d’enregistrement qui liait chaque chinois à une unité de travail et qui lui permettait de recevoir un logement, d'avoir accès aux soins de santé et à l’école. Mais le hukou est aujourd’hui en voie de disparition et les agents chargés de l'encadrer sont de moins en moins efficaces. Il faut donc trouver des solutions de remplacement pour surveiller la population, à l’aide des nouvelles technologies. 

Les autorités chinoises s’y emploient activement. Il paraît que l’on trouve désormais 270 millions de caméras en Chine, soit une pour cinq habitants, situées plus particulièrement dans les gares, les aéroports, les transports en commun, les rues, les parcs, les universités, les hôpitaux, mais aussi dans toutes les entreprises. Les projets Skynet et Sharp Eyes, initiés par le Ministère de la Sécurité Publique, ont respectivement pour objectif de reconnaître n’importe qui, n’importe où en Chine, et d’utiliser les objets connectés, comme les smartphones ou les télévisions, pour observer les habitants, chinois ou étrangers. Des centaines de start-ups développent toutes sortes d’objets connectés qui sont autant de capteurs de données personnelles permettant de contrôler la société. Aujourd’hui, quatre cent millions de personnes, un tiers de la population, sont déjà répertoriées dans des banques de données qui permettent de les identifier en trois secondes à l’aide des caméras. 

Les initiatives se multiplient pour développer la surveillance des habitants: dans cinq provinces, la police utilise des drones camouflés en oiseaux pour suivre des suspects ; une entreprise de nettoyage de Nankin suit en temps réel les déplacements de ses employés grâce à des traceurs GPS ; les ouvriers de la manufacture Chongheng Electric de Hangzhou revêtent pour travailler un corset et un casque qui captent les ondes de leur cerveau et leur corps, afin de connaitre leurs émotions; une application de WeChat sait géolocaliser les personnes endettées qui sont signalées dans votre smartphone qui se met à clignoter, avec le nom et le numéro de carte d’identité de la personne endettée dès que la personne endettée s’approche de vous. 

Le pouvoir chinois cherche ainsi, par tous les moyens techniques dont il dispose, à organiser un système de contrôle social adapté aux évolutions rapides qui caractérisent le pays. L’idée de doter chaque personne ou entreprise présentes en Chine, quelle que soit leur nationalité, d’un crédit social est l’une des pierres angulaires de ce projet de contrôle. 

Depuis 2014, soixante-dix projets pilotes ont été lancés jusqu'à ce que soit retenu le modèle de la ville de Rongcheng, qui devrait être généralisé très prochainement, à partir de janvier 2020. Chacun se verra doté de bonus et de malus en fonction de critères définis au niveau local et national. Pour rendre effectif le crédit social universel, au niveau de la Chine, tous les acteurs du numérique, depuis les plateformes de commerce en ligne jusqu’aux réseaux sociaux, ont l’obligation de transférer aux agences étatiques les métadonnées qu'ils ont accumulées. Le Ministère de la Sécurité Publique y ajoute les données biométriques de chaque citoyen chinois. 

La notation n’est pas encore généralisée, mais déjà dans les zones où elle est expérimentée, six millions de personnes se sont retrouvées interdites de prendre l’avion en raison de leurs « méfaits sociaux », et ce n’est évidemment que le début des listes noires que va probablement générer le système des crédits sociaux. 

Avec ce crédit social, on peut dénoncer l’apparition d’un monstrueux Big Brother, mais le pays a toujours eu une tradition de contrôle social étroit, comme en témoigne le hukou, qui est un système bien plus contraignant que le crédit social. 

En France, ce système est inimaginable, pour le moment. Encore que l'on a mis en place depuis plusieurs années, à l'aide du couple radar-ordinateur, un système qui aboutit à priver de permis de conduire cent mille personnes tous les ans, un système qui pourrait être appliqué à d'autres dérives que la conduite automobile, à partir des données accumulées de toutes parts.  

 

Je n’ose imaginer quels moyens mettrait en oeuvre la République Française, si elle devait gérer un milliard trois cent millions d'habitants...

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LA BATAILLE NAVALE DE LAGOS

20 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA BATAILLE NAVALE DE LAGOS

Nous sommes au printemps 1760. Dans la neige et la boue, Levis assiège Murray, retranché dans Québec. Il n’a pas les moyens de prendre Québec de vive force, mais il rêve d’un retour en force de la Marine Royale.

 

Isolé au sein de l’hiver canadien, qui fige les êtres et les messages, il ne sait pas que la Marine Royale a subi une double défaite, à Lagos et aux Cardinaux, qui l’a gravement affaiblie. 

La bataille navale de Lagos (Portugal) s’est déroulée les 18 et 19 août 1759, tandis que la perspective de la perte de Québec était peu probable. Cette bataille a opposé une flotte anglaise commandée par l'amiral Edward Boscawen à une partie de la flotte française venue de Toulon, commandée par le chef d'escadre La Clue-Sabran. 

Alors que la France combat à la fois contre la Prusse et la Grande-Bretagne, elle cherche à protéger ses colonies en portant la guerre sur le sol britannique. Il faut pour cela que la flotte de Brest escorte deux flottes de navires de transport vers la Grande-Bretagne. Pour soulager la flotte de Brest face à la redoutable Royal Navy, l’escadre de Toulon est appelée en renfort.

Le 5 août 1759, profitant de ce que l'escadre britannique qui bloque Toulon, a dûregagner Gibraltar pour se ravitailler et effectuer des travaux nécessaires à la remise en état des navires, le chef d'escadre La Clue appareille de Toulon avec 12 vaisseaux et 3 frégates. Le 17 août, il passe en fin de journée le détroit de Gibraltar mais son escadre est repérée par la frégate HMS Gibraltar postéeau sud du détroit et cette dernière rallie Gibraltar pour alerter l'amiral Boscawen et ses officiers qui sont à̀ terre, invités à un dîner.

Les marins anglais réagissent très rapidement. Il ne faut que deux heures aux premiers vaisseaux anglais pour récupéreŕ officiers, marins et appareiller. Les navires qui avaient démonté́s leur voilure, voire une partie de leur mature, ne mettront qu'une heure de plus pour se mettre en route. Lancés à la poursuite de l'escadre française, ils forment deux groupes. En avant, Boscawen et huit vaisseaux, puis, à une heure derrière, Broderick et 5 vaisseaux.

L’escadre française est divisée en deux colonnes. À deux heures du matin, La Clue décide de ne pas rallier Cadix pour ne pas s’y faire bloquer, et de continuer vers le nord. Le signal qu’il envoie pour faire connaitre son changement de cap n’est pas vu, ou pas compris, par les navires de la colonne de droite qui continueront vers Cadix. 

Au matin du 19 août, La Clue n'a plus que sept vaisseaux avec lui. Il voit huit voiles à l'horizon derrière lui, et croyant que ce sont les huit vaisseaux français manquants, fait ralentir les siens, mais l'absence de réponse aux signaux de reconnaissance lui apprend qu'il s'agit des Anglais. L'escadre française force de voiles mais, pour rester unie, doit régler sa marche sur le navire le plus lent, Le Souverain 

La flotte anglaise se rapproche. L'amiral anglais envoie le pavillon blanc à croix rouge signifiant « chasse générale», et la flotte française se voit contrainte d’accepter le combat à un contre deux. Vers treize heures, les adversaires sont à portée de combat. Ils envoient leurs couleurs. Les Français se disposent en une ligne de bataille arrondie. En tête Le Téméraire, suivi, dans l'ordre, par Le ModesteLe RedoutableLe SouverainL'OcéanLe Guerrier et Le Centaure. Vingt minutes plus tard, Boscawen envoie le signal d'engager le combat.

Le dernier navire de la file française est Le Centaure, commandé par Sabrant-Gramont. Il va combattre les navires anglais qui le remontent sur les deux bords. Boscawen, de son côté, voudrait que ses navires ne s'attardent pas à détruire l'arrière-garde mais remontent la ligne française pour empêcher l'avant-garde de s'échapper, mais certains capitaines ne comprennent pas ses ordres, se retrouvent sous le vent des Français et ne peuvent donc pas se joindre au combat.

Vers seize heures, Boscawen réussi à se porter au niveau du navire amiral français qui lui abat en une demi-heure le mât d'artimon et les autres mâts de hune. Boscawen doit transférer son pavillon sur l’HMS Newark, un autre trois ponts de 90 canons, et abandonner l’HMS Namur, presque immobile.

Vers 19 h 30, Le Centaure, entouré de quatre vaisseaux anglais, n’a plus de mats et doit baisser pavillon. Les autres navires  français font route au nord-est, vers la côte. Parmi eux, deux navires, Le Guerrier et Le Souverain, parviennent à s’échapper pour rallier, l’un Rochefort, l’autre les Canaries. 

Le 20 août au matin, l'amiral français n'a plus que quatre vaisseaux avec lui. Il tente de se réfugier dans la baie d'Almadora, près de Lagos au Portugal, comptant bénéficier de la neutralité du pays pour réparer. Vers neuf heures du matin, L'Océan et Le Redoutable s’échouent près de deux batteries portugaises. Le Modeste et Le Téméraire jettent l'ancre près du rivage.

Boscawen n'hésite pas à violer la souveraineté portugaise pour attaquer les quatre navires français. Sur les deux batteries côtières portugaises, l'une reste silencieuse, l'autre tire quelques coups de semonce puis se tait. Les deux navires à l'ancre ont été évacués par leurs équipages. Le Modeste est incendié, Le Téméraire capturé. Les deux navires échoués sont incendiés à leur tour. Sur L'Océan, tout le monde n'a pas eu le temps de fuir et une centaine de marins sont faits prisonniers. L'amiral La Clue, blessé aux jambes dès le début du combat, a pu gagner le rivage.

Le Centaure et Le Téméraire sont ramenés à Gibraltar.

Le reste de la flotte de Toulon, huit navires, reste bloqué à Cadix. Le résultat est que l'escadre de Toulon n'a pas pu rallier la flotte de Conflans, qui, le 20 novembre 1759, perd la bataille des Cardinaux (voir mon billet du 18 avril 2019) au large de la Bretagne. 

Cette dernière défaite met la Marine royale dans l’incapacité de disputer la maîtrise des mers à la Royal Navy. Il en résulte, mais Lévis et Murray ne le savent pas encore, qu’il n’y a aucune chance de voir apparaître un navire de guerre français dans le Saint-Laurent en ce mois de mai 1760. 

 

Ce n’est pas que la France eut abandonné la Nouvelle-France pour la livrer aux Anglais, mais c’est qu’elle n’avait plus les moyens maritimes de la défendre, ce qui signifiait qu’elle n’en avait plus les moyens du tout. 

 

À SUIVRE    

 

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BOXEUR OU PROFESSEUR?

15 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer

BOXE FRANÇAISE

BOXE FRANÇAISE

Dans mon dernier billet sur mes activités, intitulé "Double pugilat à l'IUT", j’imaginais que votre réaction serait sans doute de penser que cet incident ne pourrait plus se dérouler de la même manière aujourd’hui.

 

Les rapports entre les professeurs et les étudiants ont en effet changé, d’autant plus que la loi, à l’écoute des opinions répandues par les médias, y a contribué. Aujourd’hui, je serai surement accusé de violence physique, je me serai défendu en invoquant la défense contre un premier coup porté par l’étudiant et cette histoire aurait été portée sur la place publique par les réseaux sociaux.  

Pourquoi ce changement ? J’ai bien en tête quelques théories un peu vagues, comme la montée de l’individualisme ou l’affaiblissement de l’autorité dans un contexte de multiplication des moyens de communication, mais cela n’a pas beaucoup d’importance dans le cadre de mes propos. 

En revanche, dans mon esprit, avec trente-quatre ans de recul, il est certain que je ne vois toujours pas comment j’aurais pu agir autrement. 

Une fois que j’avais décidé de chercher le rapport de force avec mes étudiants afin de leur imposer ma volonté pendant la semaine entre les deux cours , toute marche arrière était impossible. Je ne pouvais pas accepter que les étudiants refusent de composer tout en restant dans l’amphi : imaginez une partie des étudiants les bras croisés pendant que les autres composeraient. Il fallait donc que les contestataires sortent et, s’ils s’y refusaient, que je le leur impose coûte que coûte. 

Coûte que coûte ?  J’avais aussi le choix de reculer, soit en renonçant à ce que l’épreuve compte pour l’examen, soit en n’expulsant personne. Mais j’y aurais perdu toute autorité et le cours se serait déroulé en coproduction avec les étudiants : « Monsieur, c’est trop long, c’est trop dur, c’est pas juste… ». 

Il n’était donc pas question que je recule, puisque je n’avais nulle intention de renoncer au rôle de professeur qui m’était dévolu et que j’avais endossé. 

Quel rôle de professeur ? Je pense toujours qu’il consiste à faire passer un message qui permette aux étudiants de mieux comprendre le monde et de s’y insérer. Comme toute définition, on peut toujours la discuter, mais, quelle qu’elle soit, le professeur a besoin de garder sa liberté d’action pour organiser son message. Il ne saurait l’abdiquer en acceptant de négocier avec les étudiants l’organisation de son activité, le contenu, les méthodes, la durée…

Dans cette affaire de pugilat, je n’avais tout simplement pas l’intention de capituler face à une question qui était l’une des plus graves de ma vie, celle du sens de mon métier. Or, je me trouvais en face d’étudiants qui avaient fort peu appris à travailler durant leurs études secondaires et moi, je devais tout de même faire passer mon message sur le marketing. Je voulais qu’ils m’écoutent, qu’ils posent des questions et qu’ils finissent par participer à la construction du cours. 

Pour cela il me fallait reprendre le contrôle du cours, après l’emprunt des ouvrages. Il n’était pas significatif qu’ils me l’aient rendu, mais il l’était qu’ils les aient « empruntés ». Et une fois que j’étais engagé dans le processus que j’avais choisi pour m’imposer face au groupe, je n’avais plus d’autre choix que d’aller au bout de ma logique, sans limite. 

Si j’avais mis une limite, dans le cadre de la raison bien sûr, j’aurais perdu mon rapport de force, et c’est ainsi que cette affaire a pris une importance considérable pour moi, et pour moi seul, ce qui m’a conduit à assommer un étudiant. 

 

Pour finir par une note humoristique sur ce sujet traité avec peut-être trop de sérieux, il arriva assez souvent durant les années suivantes, alors que j’étais devenu professeur à l’IAE, que des étudiants m’interrogent, la mine gourmande, sur l’authenticité du coup de poing donné, et devant ma réponse positive, de m’exprimer leur respect un peu malicieux ... 

 

A SUIVRE 

 

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LES ROBOTS, LE TRAVAIL, L'ÉNERGIE

11 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES ROBOTS, LE TRAVAIL, L'ÉNERGIE

Si, en raison de l’introduction des robots dans le processus de production l'emploi s’effondre, il faut donc rechercher des solutions sociales, professionnelles, politiques et éducatives :

  • Une première solution au chômage technologique consiste tout simplement à s’adresser aux entreprises pour qu’elles gardent leurs employés malgré l'automatisation des tâches, ce qui est assez illusoire dans la mesure où les entreprises introduisent des robots pour réduire leurs coûts de production. 
  • Aussi a t-il paru plus réaliste de faire appel à la solidarité collective en versant des allocations pour assurer un niveau de vie suffisant aux personnes privées d’emploi du fait du chômage technologique, même si la réflexion autour de l’opportunité d’une telle mesure sociale reste ouvert. 
  • Il a paru aussi que travailler avec les robots était un moyen logique de maintenir les gens au travail (Brynjolfsson et McAfee, 2011). Selon ces derniers auteurs, la vitesse excessive avec laquelle les êtres humains organisent la croissance de la robotisation explique la montée du chômage technologique. Il s’agirait, plutôt que de remplacer les travailleurs par des robots, de trouver la combinaison appropriée de robots et d'employés pour optimiser la production en mettant en place une organisation adaptée. Cette solution fait encore appel à la bénévolence qui est loin d’être assurée sur un marché concurrentiel dans lequel la recherche du profit s’impose souvent, face à toutes les velléités de se comporter de manière socialement responsable. 
  • Une solution collective, destinée à lutter contre des robots de plus en plus perfectionnés, consiste à investir dans les compétences humaines, en permettant aux employés d’acquérir de nouvelles connaissances et savoir-faire. Mais on découvre désormais que les robots menacent même les emplois des employés les mieux formés et les plus compétents (Ford 2015). 
  • Enfin, pour avantager les employés par rapport aux robots, lesdécideurs politiques peuvent utiliser l’arme de la subvention aux emplois et l’impôt sur la robotisation, mais de telles mesures sont de nature à ralentir le processus de la robotisation plus que de le modifier 

L’ensemble des solutions précédentes s’appuie sur une comparaison entre l’efficience des hommes et des robots, qui ne prend pas en compte le facteur écologique et notamment le coût de l’énergie, ce dernier étant pourtant déterminant pour évaluer le coût des robots.

Or les croissances démographique et économique engendrent une pression croissante sur la production d’énergie. 

À l’horizon d’un demi-siècle, la population devrait augmenter de 40%, selon une hypothèse moyenne. Dés lors, se pose la question de la capacité de charge de la planète sur le plan environnemental. Ainsi, en 2012, l'empreinte écologique de l'humanité atteignait 20,1 milliards d'hags (hectares globaux), alors que la bio capacité de la Terre n'était que de 12,2 milliards d'hags, le nombre de hags nécessaires pour fournir les ressources indispensables à la population mondiale et pour absorber les déchets qu’elles génèrent, compte tenu des techniques et de la gestion des ressources disponibles (World Population History, 2016). La croissance prévue de la population mondiale ne peut qu’accroitre sans cesse  son empreinte écologique, de plus en plus forte par rapport à la bio capacité de la Terre. 

Encore faut-il y ajouter la croissance économique de l’humanité, alors que l’on prévoit que « la croissance annuelle moyenne du PIB par habitant dans l'OCDE jusqu'en 2060 serait du même ordre que le taux de 1,5% observé pendant la période précédant immédiatement la crise de 2008. » (OCDE, 2014, p 242). Un rapport publié par leséconomistes du cabinet de conseil et d’audit PwCest encore plus « optimiste » en ce qui concerne la croissance économique mondiale jusqu’en 2050, prévoyant que le volume de production mondiale doublera entre 2017 et 2042(PWC, 2017).

Si l’on fait l’hypothèse que cette croissance pourrait durer jusqu’en 2070, l’indice de la production passerait de 100 à 220 pendant cette période tandis que l’indice de la population passerait, selon la moyenne des prévisions, de l’indice 100 à l’indice 140 pendant la même période. Au total, la croissance de la consommation mondiale proviendrait pour un tiers de la croissance démographique et pour deux tiers de la croissance de la consommation individuelle. 

Ces facteurs, démographiques et économiques, entrainent tous deux un accroissement de la consommation énergétique mondiale. 

l’International Energy Agencyprévoit que les besoins énergétiques de la population mondiale augmenteront de 30% entre 2017 et 2040 (WEO, 2017, p 3), tout en tenant compte d’une efficacité croissante de l’usage de l’énergie. Il faudra donc trouver de nouvelles ressources énergétiques, renouvelables en partie, mais qui devront aussi faire appel au gaz naturel et à de nouvelles centrales nucléaires, ou même au charbon, même si on cherche à en limiter l’usage en raison de la pollution que son usage engendre. 

 

L’humanité se trouvera donc, pour le demi siècle à venir, contrainte d’accroitre sa consommation d’énergie, ce qui contribuera encore à augmenter son empreinte écologique, dépassant toujours plus la capacité de charge de la planète au plan environnemental.

 

Références :

Brynjolfsson, E., & McAfee, A. (2011). Race against the machine: How the digital revolution is accelerating innovation, driving productivity, and irreversibly transforming employment and the economy. Digital Frontier Press, Lexington, Massachusetts.

Ford, M. (2015), Rise of the Robots: Technology and the Threat of a Jobless Future. Basic Books:New York.

OCDE (2014), Perspectives Économiques de l’OCDE, Volume 2014/1, chapitre 4, Paris, retrieved from http://www.oecd-ilibrary.org/fr/economics/perspectives-economiques-de-l-ocde-volume-2014-numero-2_eco_outlook-v2014-2-fr

PWC (2017), The Long View, How will the global economic order change by 2050, retrieved from:

https://www.pwc.com/gx/en/world-2050/assets/pwc-world-in-2050-summary-report-feb-2017.pdf

WEO (2017),  World Energy Outlook 2017, Executive Summary, retrieved from  https://www.iea.org/Textbase/npsum/weo2017SUM.pdf

World population History (2016), retrieved from

 http://worldpopulationhistory.org/carrying-capacity/

 

À SUIVRE

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LA GUERRE ENTRE L'IRAN ET LES ÉTATS-UNIS?

5 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LA GUERRE ENTRE L'IRAN ET LES ÉTATS-UNIS?

Ce billet ne va pas vous apprendre que, depuis plus d’un siècle, la dispute des champs pétroliers est une source majeure de conflits. En revanche, vous devez être conscient qu’un changement majeur vient de se produire avec l’irruption du pétrole de schiste sur le marché. 

 

En effet, avec le pétrole de schiste, les États-Unis sont devenus les premiers producteurs de pétrole devant la Russie et l’Arabie Saoudite. La disparition de producteurs pétroliers, comme, au hasard, le Venezuela, l’Iran ou la Lybie, n’a plus pour effet de priver les États-Unis de pétrole, mais de faire monter les prix, ce qui permettrait de renflouer une industrie du pétrole et du gaz de schiste américaine passablement endettée.

Dans un tel contexte, une guerre avec l’Iran aurait l’avantage, pour les États-Unis, de faire disparaitre pour un certain temps les exportations iraniennes de pétrole. 

Pour le moment, vivement encouragés par l’Arabie saoudite et Israël, l’administration Trump se « contente » d’étouffer économiquement l’Iran. Mike Pompeo, le Secrétaire d'État et John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale, adressent des ultimata à l’Iran avec pour objectif d’en faire un paria économique, à l’aide des sanctions qu'ils lui assènent avec prodigalité. Officiellement, leur objectif est d’obtenir un changement de régime, provoqué par la révolte de la population face aux difficultés économiques que l’administration étasunienne provoque. 

Il s’agit évidemment d’un objectif stratégique illusoire, qui n’a jamais fonctionné nulle part et en aucun temps. Au contraire, la politique agressive de l'administration Trump renforce les conservateurs iraniens.  L’on évoque même la possibilité d'une présidence militaire à l'issue du mandat de Rouhani. Les Iraniens considèrent d’ailleurs que les Américains et leurs alliés israéliens et saoudiens ont un problème, non pas avec le régime, mais avec l'Iran lui-même, qu’ils refusent d’accepter en tant que puissance régionale. Or le patriotisme iranien est très ancien et très fort, ce qui fait que face à ces menaces, les élites se rassemblent autour du régime. 

Un objectif stratégique illusoire n’est en général qu’un paravent pour mener une politique inavouable. Par conséquent, on peut se demander si les États-Unis ne souhaitent pas faire la guerre à l’Iran pour le mettre au pas. D’autant plus que, contrairement au dossier nord-coréen où la Corée du Sud pousse à la modération, les principaux alliés de Washington au Moyen Orient, l’Arabie Saoudite et Israël, considèrent le régime iranien comme un ennemi avec lequel toute négociation serait impossible. D’ailleurs, ces deux pays sont déjà indirectement en guerre avec l’Iran, au Yémen pour l’Arabie Saoudite et en Syrie pour Israël. 

Pour les États-Unis, l’avantage immédiat de la guerre serait, on l’a vu, d’obtenir la disparition provisoire des exportations de pétrole iranien. En outre, l’avantage pour l’Arabie Saoudite et Israël consisterait à affaiblir pour un temps assez long l’influence iranienne sur la région. 

Cependant ces ardeurs belliqueuses sont bridées par les risques d’une telle opération. Le coût militaire serait considérable pour les États-Unis et l’occupation de l’Iran impossible. L’Iran, c’est en effet un pays de 1 648 000 km2, trois fois la superficie de la France, peuplé de 82 millions d’habitants !

Il faudrait donc, du point de vue des États-Unis, se contenter d’une guerre limitée. 

Mais encore faudrait-il que les Iraniens s’y rallient ! 

Or l'Iran se prépare à une guerre asymétrique avec les États-Unis. Il n'a pas investi dans une armée conventionnelle, comme l’avait fait l’Irak, puisque son budget militaire est deux fois plus faible que celui des Émirats Arabes Unis. Il n’a d’ailleurs pas accès aux armes les plus sophistiquées et manque de toutes façons de moyens financiers pour se les procurer.  Il a donc choisi de se concentrer sur la production de missiles balistiques, qui, à défaut d'une aviation assez puissante, permettent de cibler une concentration de forces militaires ou des infrastructures régionales, en réponse à une attaque conventionnelle. 

On aurait tort de penser que la supériorité militaire américaine pourrait permettre d'annuler les avantages asymétriques de l'Iran : lors d’une simulation de guerre intitulée Millenium Challenge organisée par le Pentagone pour évaluer comment la marine américaine résisterait à une attaque iranienne, le résultat a été sans appel : seize bateaux coulés, dont un porte-avions, ce qui a entrainé l’effarement de l’état-major de la Marine US et la suspension de l’exercice. 

Le général de brigade Hossein Salami, le numéro deux des Pasdarans, a bien résumé l'approche militaire iranienne actuelle : défensive au niveau de la stratégie d'ensemble mais offensive à partir du moment où un ennemi commencerait une guerre contre l'Iran. L'assaillant peut s'attendre à être confronté à une guerre asymétrique au Moyen-Orient, qui serait pour le coup fortement déstabilisé: l’aide au Hezbollah au Liban serait accrue afin qu’il puisse attaquer Israël, des actions seraient menées contre les intérêts américains en Syrie et en Irak et le renforcement de l'aide aux Houthis au Yémen viserait à mettre les Saoudiens en difficulté.

En résumé, la montée aux extrêmes apparait trop coûteuse, compte tenu des avantages douteux qu’en retireraient aussi bien les États-Unis que l’Arabie Saoudite ou Israël. 

C’est donc le statu quo que visent les États-Unis, avec l’étranglement durable de l’Iran, aux plans économique, militaire et stratégique.

C’est d’ailleurs la solution qu’ils ont choisi dans leur différend avec Cuba et la Corée du Nord, deux pays qu’ils étranglent depuis des dizaines d'années avec la meilleure conscience du monde.

Cependant, c’est compter sans la liberté stratégique de l’Iran, qui est sans commune mesure avec celle de Cuba ou de la Corée du Nord. L'Iran peut considérer que les États-Unis lui font d’ores et déjà la guerre, au travers des sanctions et que, l’Europe comme le reste du monde ne lui apportant pas de soutiens suffisants, il lui faut se défendre. 

Contrairement à ce que déclarent la plupart des analystes, il faut plutôt craindre une guerre de l'Iran contre les États-Unis qu'une guerre des États-Unis contre l'Iran. On devra alors compter avec une guerre de basse ou moyenne intensité dans tout le Moyen Orient, qui empêchera tout statu quo favorable aux États-Unis ou à leurs alliés, et qui ne pourra pas être résolue par la menace, ou pire, l’emploi de l’arme atomique, puisque l’Iran n’en possède pas.  

 

Les apprentis sorciers sont souvent pris à leurs propres maléfices… 

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LA BATAILLE DE SAINTE FOY

1 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA BATAILLE DE SAINTE FOY

La bataille de Sainte-Foy a été remportée par les troupes de la Nouvelle-France à proximité de Québec le 28 avril 1760. Ce fut la dernière victoire des troupes de la Nouvelle-France. 

 

Les prémisses de la bataille se déroulent au matin du 27 avril, lorsque des marins britanniques ramènent aux quartiers du gouverneur de Québec, James Murray, un artilleur français qui a été repêché à moitié mort dans les eaux glaciales du Saint Laurent après que son embarcation ait fait naufrage. Le prisonnier avoue qu'une force importante, composée de troupes françaises, canadiennes et indiennes est en route depuis Montréal  pour attaquer Québec.

Au lieu de s’enfermer prudemment dans Québec, Murray décide de livrer bataille, avec pour objectif d’éliminer, bataillon par bataillon, les forces françaises, pensant à tort que Lévis allait reprendre  le dispositif de bataille catastrophique choisi par Montcalm. 

Murray commence par rassembler un millier de soldats et ordonne à ses hommes de transporter tout de suite dix canons jusqu'à la zone de tir. Normalement, cette tâche aurait été accomplie par les chevaux, mais les troupes affamées les avaient mangés depuis longtemps. Les soldats britanniques quittent la ville pour rejoindre les détachements d'infanterie légère autour des petits postes avancés à Sainte-Foy, Sillery et Cap-Rouge. Puis Murray dispose son armée, forte de trois mille neuf cent hommes et de vingt canons, sur les hauteurs des plaines d’Abraham, à l’endroit même où Montcalm avait installé ses troupes. 

Pendant ce temps, Lévis, après avoir rassemblé ses troupes autour du Fort Jacques-Cartier, place ses cinq mille neuf cent hommes au-delà de la forêt, près de Sainte-Foy. Ses troupes comprennent deux mille six cent soldats réguliers, deux mille quatre cent miliciens et un millier d’Indiens. Malheureusement, au cours de la bataille, la brigade de la Reine et un corps de miliciens, soit plus de mille quatre cent hommes, restent en dehors de l’action du fait d’une mauvaise interprétation des ordres qu’ils ont reçu, si bien que les forces effectives en présence sont finalement à peu près égales en nombre.

Le plan de Murray consiste à tenir sa position sur les hauteurs, d’où, avec ses canons, il  pilonnera les Français pendant leur avance. Quand l’armée de Lévis se lance à l’attaque, Murray observe que les unités de l’aile droite française devancent le corps principal de l’armée ce qui le pousse à saisir cette occasion en abandonnant les hauteurs pour attaquer au travers d’un terrain marécageux. 

Il surprend ainsi cette aile droite commandée par Bourlamaque, ce qui entraine des pertes dans les troupes françaises, dont Bourlamaque lui-même, qui est blessé et doit se retirer. Mais la neige et la boue ralentissent fortement les troupes britanniques. De plus, les troupes de la Marine et la milice française, qui connaissant mieux les chemins que les Britanniques, arrivent en renfort. Elles portent de rudes coups à l'armée britannique en les attaquant à la baïonnette et en réussissant à briser la ligne d'attaque

D'âpres combats se déroulent également au moulin Dumont situé au nord du promontoire, le long du chemin Sainte-Foy. D'une hauteur de dix mètres et doté de murs solides, le moulin offre une bonne protection, ce qui en fait un lieu stratégique. Celui-ci est d'abord pris par les grenadiers français qui sont ensuite délogés par l'infanterie légère britannique. Les hommes du régiment de Béarn répliquent à la baïonnette et au couteau jusqu'à ce que les grenadiers du 35e régiment d'infanterie britannique ne renversent une deuxième fois la situation. 

Pendant ce temps, Levis conduit une manœuvre de double encerclement, tandis que l'artillerie britannique devient de moins en moins efficace parce que la neige et la boue rendent le transport des munitions très difficile.

Sous la pression, Murray est contraint Murray d'ordonner la retraite de ses troupes à l'intérieur des murs de la ville. Après plus de trois heures de combat, les unités en danger reculent rapidement, suivies du centre puis de la droite, jusqu’à ce que la retraite tourne à la déroute. Si, mais avec des si que ne ferait-on pas, la brigade de la Reine avait été à son poste de combat, l’armée de Murray aurait été écrasée contre les murs de Québec et détruite. 

Il reste que Levis a remporté une victoire retentissante, ses pertes sont plus faibles que celles de Murray : ce dernier recense 229 tués, 837 blessés et 53 militaires faits prisonniers, alors que Lévis dénombre 193 tués et 640 blessés. Il est remarquable que le bilan des pertes soit plus important que celui de la bataille si déterminante des plaines d'Abraham. 

Mais les troupes britanniques tiennent toujours Québec, que Lévis doit désormais assiéger bien qu’il ne dispose que d’un train de siège insuffisant. Il ne dispose en effet que de quelques canons qu’il utilise pour essayer de détruire un des murs du bastion de la Glacière qu’il sait être un point faible. Il commence à tirer seulement le 11 mai, soit treize jours  après la bataille car il manque de poudre, ce qui le conduit à imposer un maximum de 20 coups par jour. 

Du côté des Anglais, tous les hommes valides, même les officiers supérieurs, sont mobilisés nuit et jour pour monter des canons de la Basse-Ville pour les installer dans les embrasures afin de tirer vers les plaines, embrasures qui sont percées au rythme de 4 ou 5 par jour environ pour atteindre environ 100 pièces. Ces énormes efforts permettront à Murray d'envoyer un véritable déluge de feu sur les positions françaises, qui recevront plus de 14,000 boulets de 8 à 32 livres, en plus des tirs de mortiers. 

 

Dans la plaine enneigée et boueuse, Lévis résiste héroïquement à ces bombardements, espérant l’arrivée prochaine de navires français… 

 

À SUIVRE 

 

 

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