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Le blog d'André Boyer

L'ÉTAT-PARTI CHINOIS ET LES MULTINATIONALES

29 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE

L'ÉTAT-PARTI CHINOIS ET LES MULTINATIONALES

LE DERNIER OUVRAGE DE JEAN-PAUL GUICHARD

 

Pendant que les medias occidentaux braquent leurs projecteurs sur quelques milliers d’extrémistes qui s’efforcent de terroriser l’Occident, les sujets de l’État-Parti chinois s’occupent des choses sérieuses : prendre le contrôle de l’économie mondiale au nez et à la barbe des Américains et des Européens, trahis par leurs multinationales.

 

Chaque jour en France, on apprend ainsi qu’une entreprise chinoise ou une autre est candidate, ici pour s’emparer d’un aéroport, là pour « sauver » Areva, ailleurs pour racheter une de nos entreprises industrielles.

Tout est fait par les medias et par l’État pour minimiser ce genre d’événement, comme s’il était anodin ou sans conséquence. Heureusement quelques lanceurs d’alertes veillent pour alerter les décideurs et le grand public des menaces qui planent sur une société anesthésiée.

Lanceur d’alerte, c’est bien le terme que l’on peut appliquer sans hésitation à mon collègue et ami, le Professeur Jean-Paul Guichard qui publie, après son ouvrage précurseur écrit avec Antoine Brunet, « La visée hégémonique de la Chine, l’impérialisme économique », un nouvel ouvrage qui démasque le Cheval de Troie du pouvoir chinois dans le cadre de la globalisation, intitulé « L’État-Parti chinois et les multinationales, l’inquiétante alliance ».

Dans cet ouvrage, il démontre une alliance qui saute aux yeux dès lors qu’il l’a identifiée, entre l’oligarchie chinoise et le club fermé des dirigeants des multinationales. C’est que le modèle mercantiliste imposé au peuple chinois par son État-Parti est bien commode pour les entreprises multinationales qui ne s’aperçoivent même pas que leurs profits à court terme annoncent leur liquidation à moyen terme.

À l’abri de l’État-Parti, ces multinationales font d’énormes profits fondés sur des salaires bas imposés au monde du travail et sur la sous-évaluation du yuan et rien ne les dérangeraient plus dans leur plan qu’un effondrement du PCC ou une montée du yuan.

Mais au fur et à mesure où le marché chinois s’élargit, naissent « naturellement » des firmes concurrentes géantes, géantes et chinoises, qui menacent progressivement les multinationales engagées dans le piége d’un marché chinois qu’elles ne peuvent plus quitter.

Les multinationales devraient réagir, exiger des mesures protectionnistes mais ce serait mettre en danger leurs profits immédiats. A contrario, elles plaident auprès des États qui ont encore les moyens d’agir, les USA et les pays européens, pour le maintien du statu quo. Les Etats-Unis préfèrent fuir dans une création monétaire qui leur permet de financer le déficit commercial et l’Europe, sous la conduite de l’Allemagne, seul pays de l’UE dont le commerce est pratiquement équilibré avec la Chine, maintient un commerce quasiment dénué de toute protection contre les menées de l’État-Parti chinois. 

En huit chapitres, Jean-Paul Guichard montre comment la nature de la crise des économies développées provenant du déséquilibre croissant du commerce extérieur est niée, comment les firmes multinationales ont été appâtées par le confortable système totalitaire chinois, comment la sous-évaluation du yuan sert de barrière protectionniste. Il montre également qu’il existe une stratégie chinoise de contrôle mondial des matières premières, ainsi qu’un pacte germano-chinois qui aboutit à affaiblir l’Europe et que les Etats-Unis comptent sur la création monétaire pour maintenir la viabilité de leur énorme déficit avec la Chine.

On observe d’ailleurs que la BCE suit désormais la Réserve Fédérale Américaine en déversant des monceaux de liquidités sur le marché monétaire européen pour relancer l’économie européenne et affaiblir l’Euro. Cette mesure, artificielle et appauvrissante par ailleurs, signifie tout de même que la BCE s’inscrit désormais elle aussi dans la guerre des monnaies, pratiquées depuis longtemps par la Chine et les Etats-Unis et plus récemment par le Japon et la Suisse.

 

Dans son ouvrage, Jean-Paul Guichard a pour sa part l’immense mérite de braquer son projecteur analytique sur LE problème central des économies européennes et américaines, la persistance et la croissance du déficit commercial avec la Chine, grâce à la complicité active des multinationales. 

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LA DYNAMIQUE SALAFISTE

24 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

 

Le financement saoudien et l’influence du wahhabisme ont joué un rôle dans la constitution des réseaux de mujāhidīn qui ont combattu l’U.R.S.S. en Afghanistan (1979-1989), précédant le développement de groupes terroristes dans les années 1990, et notamment d’Al-Qaida.

 

Cependant, la prise de pouvoir des talibans (1996-2001) a fait de l’Afghanistan un sanctuaire idéal pour Al-Qaida. Cette organisation a été la première à développer un programme de formation des combattants et des futurs cadres du salafisme révolutionnaire international. Auparavant, la guerre civile en Algérie (1991-1999) et les autres conflits des années quatre-vingt-dix, en Tchétchénie, en Bosnie et en Somalie, ont vu l’éclosion de nouveaux groupuscules terroristes. Ces derniers ont commencé à former une nébuleuse islamiste radicale et internationalisée qui s’est placée en rupture de ban vis-à-vis de la monarchie saoudienne, déjà excommuniée par Al-Qaida à partir de 1998.

Puis les attentats du 11 septembre 2001 ont constitué un tournant géopolitique majeur, puisqu’ils ont amené les Etats-Unis à déclarer que la lutte contre le terrorisme international était leur priorité, suivis sur cet objectif avec plus ou moins d’enthousiasme par des États européens largement désarmés.

Même si Al-Qaida était affaibli par l’intervention américaine en Afghanistan, par les frappes menées au Pakistan et par la liquidation d’Oussama ben Laden, cela n’empêchait ni des attaques-suicides spectaculaires comme à Casablanca,  Madrid et Londres entre 2003 et 2005, ni la réorganisation d’Al-Qaida sous forme d’entités régionales au Maghreb, au Yémen et en Irak.

La déstabilisation de l’Irak après 2003, l’éclatement de la Syrie, du Yémen et de la Libye à la suite des printemps arabes de 2011 ainsi que l’instabilité grandissante de plusieurs pays à forte population musulmane, comme le Mali, le Nigeria, la Somalie, l’Afghanistan ou le Pakistan, ont permis le développement de groupes armés puissants se réclamant du salafisme.

Ces groupes ambitionnent, après Al-Qaida en Afghanistan, de contrôler des territoires conséquents comme le tente l’État islamique en Irak et en Syrie, afin de proclamer le rétablissement d’un califat, territoire reconnaissant l'autorité d'un calife successeur de Mahomet dans l'exercice politique du pouvoir. En même temps des attentats ponctuels frappent les pays occidentaux, en Grande-Bretagne, au Canada, en France ou au Danemark, mais aussi en Inde ou en Russie, qui émeuvent les opinions publiques.

Le fait est que les doctrines salafistes trouvent un écho persistant et croissant, avec une base stable dans la péninsule arabe, des développements militaires organisés au Moyen-Orient et en Afrique Sahélienne et des attentats à la périphérie de cette zone.

En particulier dans une Europe où le nombre de musulmans va rapidement croissant, l’influence du salafisme se veut visible, notamment au travers du développement des vêtements destinés à cacher le corps féminin.

Dans ces conditions, quelles sont donc les perspectives du salafisme ?

S’il rejoint dans sa critique de la société occidentale la plupart des religions quant aux effets de l’individualisme et du matérialisme sur les comportements humains, son originalité est de ne s’adresser qu’à ceux qui acceptent de se convertir à sa pratique spécifique de la religion musulmane. Pour ses adeptes, il offre alors une pensée globalisante qui permet d’échapper aux postulats de la société occidentale pour vivre littéralement dans un autre monde.

La stratégie du salafisme consiste à utiliser une violence extrême pour paralyser ses adversaires, neutraliser ses adversaires internes au sunnisme et compromettre ses adeptes. Les adeptes de la Terreur avaient fait de même lors de la Révolution Française.

Ce faisant, le salafisme divise radicalement le monde musulman. Il ravive violemment le conflit entre Chiites et Sunnites. Au sein des Sunnites dont il se réclame, toutes les composantes traditionnelles, modérées ou régionalement adaptées reprochent au salafisme une compréhension  trop étroite du Coran et de la Sunna et la remise en cause de tous les pouvoirs en place, y compris le pouvoir wahhabite qui est pourtant lui-même salafiste.

 

Au total, l’avenir du salafisme s’inscrit dans trois dialectiques qui le lient intrinsèquement aux sociétés occidentales en général et européennes en particulier :

- Le salafisme est né, comme nombre de mouvements arabes, de la colonisation occidentale naturellement perçue comme injuste. Il s’appuie sur le retour aux origines de l’Islam afin de se venger des occidentaux.

- Il se nourrit aujourd’hui d’une critique de la société mondialisée qui voue les plus fragiles à une solitude glaciale. En retour, il offre un prêt à vivre global et collectif, qui conduit ses adeptes à aller jusqu’au terrorisme suicidaire pour démontrer à la face du monde le sérieux de leur révolte contre le système occidental.

- Il pose un problème global aux sociétés occidentales contraintes de répondre à un double défi, moral et terroriste. Il s’impose en particulier comme le mouvement capable d'obliger les sociétés européennes, de plus en plus démographiquement pénétrées par des populations musulmanes,  à une prise en compte de droits et de styles de vie des salafistes.

 

Ce faisant, il constitue un outil politique qui contribue à désarticuler une Europe déjà fortement déstabilisée par les pressions démographiques, économiques et stratégiques qu’elle subit, au profit des puissances non européennes, asiatiques et américaines.

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L'HISTOIRE DU SALAFISME

21 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

Les premiers penseurs qui ont inspiré le salafisme n’ont pas grand-chose à voir avec Sayyid Qutb (1906-1966), le théoricien des Frères musulmans, et encore moins avec les dirigeants des mouvements armés actuels.

 

À l’origine du salafisme on citera Djamāl al-Dīn al-Afghān (1838-1897) et Muḥammad ‘Abduh (1849-1905).

Érudits, ils concevaient le ressourcement de l’islam par la relecture des textes fondateurs non pas pour en faire une imitation aveugle, mais pour y puiser une renaissance culturelle et spirituelle qui pourrait procurer aux musulmans les moyens intellectuels de s’émanciper de la tutelle coloniale et de réaliser leur unité. Leur mouvement, résolument cosmopolite et panislamiste, transcendait les clivages religieux habituels, puisqu’Al-Afghān était chiite. Il tentait de concilier modernité et retour aux sources en laissant une porte ouverte à la liberté d’interprétation, l’ijtihād.

Une seconde étape dans la constitution du salafisme a été franchie en 1928 avec la formation en Égypte de la confrérie des Frères musulmans par Hassan al-Banna (1906-1949). Ce dernier contribua à populariser les mots d’ordre du salafisme sur la scène publique grâce à la prédication, à l’action politique et à la création d’un réseau d’associations charitables, d’hôpitaux, d’écoles et de mosquées qui implantèrent durablement le mouvement dans la société égyptienne.  

Les Frères Musulmans furent interdits par le roi Farouk, qui fit exécuter Hassan al-Banna, puis furent à nouveau autorisés à la chute du roi. Ils engagèrent alors une lutte sourde contre le nouvel homme fort de l’Égypte, Gamal Abdel Nasser, qu’ils tentèrent de renverser à plusieurs reprises.

La doctrine du mouvement se structura sous l’influence de Sayyid Qutb qui opposait au socialisme laïcisant de Nasser, à son panarabisme tiers-mondiste et à son programme de développement inspiré du modèle occidental, sa notion de « socialisme islamique » et ses diatribes contre la culture athée et l’occidentalisation des mœurs.

Un complot contre le Président servit à ce dernier de prétexte pour déclencher une vague de répression sans précédent contre les Frères musulmans en 1965. Sayyid Qutb fut pendu et la confrérie temporairement décapitée en Égypte. Elle ressurgit dans les années 1970 puis déclara vouloir abandonner la violence en 1978 tandis que de nouveaux groupes terroristes apparaissaient, qui furent à l’origine de l’assassinat d’Anouar al-Sadate en 1981.

Les années 1980-1990 virent se renforcer le réseau international des Frères musulmans dans le monde arabe et en Europe. C’est ainsi que le Hamas, créé en 1987, lui est rattaché. Soucieux de se construire une image d’honorabilité, les Frères musulmans se déclarèrent prêts à participer à des élections démocratiques et c’est ainsi qu’ils remportèrent en Egypte les élections législatives de juin 2012, un an après le renversement d’Hosni Moubarak par la révolution. La présidence de Mohamed Morsi ne tarda cependant pas à réveiller les clivages et à susciter l’inquiétude de l’armée, qui mit fin à la parenthèse du pouvoir des Frères Musulmans treize mois plus tard, en juillet 2013.

Mais l’influence mondiale du salafisme doit beaucoup à un autre de ses courants, le wahhabisme, fondé au XVIIIe siècle par Muhammad ibn ‘Abd al-Wahhāb (mort en 1792) en Arabie, où il s’allia au puissant lignage des Saoud.

La fondation du royaume saoudien en 1932 fournit à cette doctrine puritaine une assise territoriale, tandis que la manne financière de l’or noir lui donnait les moyens de développer à partir des années 1960 un prosélytisme à l’échelle internationale.

En ouvrant des universités islamiques, en y formant des étudiants qui, venus de tous les horizons, étaient destinés à devenir des cadres religieux dans leurs pays respectifs, en investissant dans la construction de mosquées dans le monde musulman comme en Occident et en finançant un dense réseau d’associations « islamiques », le wahhabisme a joué un rôle moteur dans ce que l’on peut appeler la « salafisation » de l’Islam mondial. Au Maghreb par exemple, il prit une part active dans le processus d’arabisation de l’enseignement et de la culture, entamé dans les années 1970-1980.

En outre, à partir de la victoire de Recep Tayyip Erdogan et de l’A.K.P. en 2003, la Turquie offrit également un modèle de salafisme légaliste et nationaliste. On peut aussi y ajouter le développement d’autres mouvements comme le Tabligh (la prédication), né en Inde dans les années 1920, qui est aujourd’hui bien implanté dans les banlieues déshéritées d’Europe.

 

C’est ainsi que le salafisme est devenu un phénomène planétaire, dont les foyers se développent de façon autonome et différenciée en Asie, en Afrique et, de façon plus circonscrite, parmi les communautés musulmanes d’Europe et d’Amérique.

 

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LE PROGRAMME SALAFISTE

17 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

 

Ce projet de « retour aux sources de l’Islam » implique un programme comportemental pour les « vrais » musulmans.

Il s’agit de pratiquer rigoureusement les cinq prières quotidiennes, la prière collective du vendredi et le jeûne de ramadan, d’imposer un respect absolu des interdits alimentaires, de la consommation de viande halal et de la prohibition de l’alcool, voire de la cigarette.

La tenue vestimentaire permet en outre à l’individu d’afficher sa foi. L’effort de distinction par rapport aux normes occidentales est principalement concentré sur l’image de la femme. Il s’agit du port du voile facial, qui peut aller d’un simple hijab pour les plus libéraux au niqab saoudien qui ne découvre que les yeux, avec l’adoption d’une tenue qui masque plus ou moins rigoureusement la gorge, les mains et les jambes de la femme.

Si les règles pour l’homme sont moins strictes, certains salafistes insistent cependant sur la nécessité de se différencier des « mécréants » en imitant les habitudes du Prophète, dont certains hadiths disent qu’il se laissait pousser la barbe et qu’il portait une tunique légère (qamīs), un sarouel et des sandales.

Le cal laissé sur le front par la pratique assidue des prosternations constitue également un signe de distinction recherché, que les croyants relient à un verset du Coran décrivant les Compagnons (XLVIII, 29).

L’ensemble de ces pratiques salafistes est destiné à marquer la séparation des adeptes avec les usages de la civilisation occidentale qui se caractérise, selon leur analyse, par une excessive liberté des mœurs, la mixité hommes femmes, la question de l’homosexualité et, plus largement, par la laïcité et l’individualisme qui sont d’après eux à l’origine de tous les dérèglements observés.

Dans cet ordre d’idée, au nom de l’unicité divine, le tawhīd, qui interdit au fidèle de vouer un culte à un autre que Dieu, les Wahhabites n’ont pas hésité à détruire le cimetière de Médine en 1806, effaçant ainsi la mémoire des tombes liées à la famille du Prophète et aux premiers imams chiites. Les mosquées historiques furent également rasées afin de décourager toute forme de célébration.

Épargnée, la sépulture de Mahomet continue cependant à être régulièrement menacée par le régime saoudien. Dans l’esprit des salafistes, il est tout aussi logique de détruire tous les monuments, musées ou statues pré islamistes, dés qu’ils en ont le pouvoir. Ils l’ont fait en Afghanistan, en Irak et en Syrie, ils le feraient partout dans le monde s’ils le pouvaient. 

Si tous les salafismes s’entendent pour critiquer la société occidentale, leurs réponses divergent : elles vont d’une hégire vers les pays musulmans à une action révolutionnaire en passant par une coexistence séparée des « mécréants » ou un prosélytisme pacifique visant à islamiser en douceur les sociétés occidentales.

Les salafismes se retrouvent aussi dans leur critique radicale des autres formes d’Islam. Dès l’origine, le salafisme s’est d’ailleurs montré hostile à toutes les formes de soufisme, s’en prenant violemment à l’influence sociale des confréries, à l’autorité des cheikhs et des marabouts et aux croyances jugées superstitieuses en la baraka miraculeuse des saints.

Un autre adversaire constant du salafisme sunnite est constitué par l'ensemble des minorités religieuses musulmanes, comme le Chiisme ou l’Alaouisme, ce qui explique largement les conflits actuels en Irak, en Syrie et au Yémen.

Finalement, étant ennemis de toutes les formes d’Islam qui ne sont pas strictement les leurs, les différentes formes de salafisme sont vouées à se détruire entre elles, puisque selon leur logique d’exclusion, le dernier salafiste vivant est par définition celui qui a raison.

 

Or, derrière la  toute relative unité du salafisme moderne, se cachent des courants d’origine différente.

 

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EN HOMMAGE À HÉLIE DENOIX DE SAINT MARC, CE HÉROS

15 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

EN HOMMAGE À HÉLIE DENOIX DE SAINT MARC, CE HÉROS

HÉLIE DENOIX DE SAINT MARC

 

Hélie Denoix de Saint Marc est né le 11 février 1922 à Bordeaux et décédé le 26 août 2013 à la La Garde-Adhémar.

Il entre de manière active dans un réseau de la Résistance dés février 1941, à l'âge de 19 ans (deux ans après, François Mitterrand en était encore à recevoir la Francisque du Maréchal Pétain). Dénoncé, il est déporté au camp de Langeinstein-Zwieberge où il bénéficie de la protection d'un mineur letton qui lui sauve la vie en partageant avec lui la nourriture et en assumant l'essentiel du travail à sa place. Lorsque le camp est libéré, Hélie de Saint Marc fait encore partie des trois pour cent de survivants, mais il gît inconscient dans la baraque des mourants et il a perdu la mémoire. 

Il a vingt-trois ans, il prépare l'École spéciale militaire de Saint-Cyr et part en Indochine en 1948 avec la Légion Étrangère. Affecté au poste de Talung, à la frontière de la Chine, au milieu du peuple Tho, qui fait partie du groupe ethnique des Viets-Muongs. Les Tho sont aujourd’hui 68 000, soit un pour mille de la population du Viet-Nam. 

Les troupes chinoises de Mao Tsé-toung exercent une pression de plus en plus forte à la frontière, ce qui contraint l’armée française à évacuer le poste et à abandonner le peuple Tho à son sort. Il lui faut donner des coups de crosse sur les doigts des villageois et des partisans qui veulent monter dans les camions, une scène qui se reproduira massivement en Algérie en 1962 aux dépens des harkis. Les survivants qui parviennent à rejoindre les troupes françaises repliées lui raconteront le massacre de ceux qui avaient coopéré les Français. Hélie de Saint-Marc n’a jamais oublié cet abandon qu’il appelle sa blessure jaune.

Lorsqu’il retourne en Indochine au sein du 2e BEP (Bataillon Etranger de Parachutiste) en 1951, c’est pour assister au désastre du repli des troupes françaises de la RC4 qui voit l'anéantissement du régiment frère, le 1er BEP. Il commande alors la 2e CIPLE (Compagnie indochinoise parachutiste de la Légion étrangère) constituée principalement de vietnamiens. C’est à cette époque qu’il fait la rencontre de trois hommes remarquables, qui disparaîtront tous avant la fin de la Guerre d’Indochine :

- Le général de Lattre de Tassigny, haut-commissaire et commandant en chef en Indochine du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient de 1950 à sa mort. Épuisé par le surmenage, il ne survit pas longtemps au décès de son fils Bernard, tué au cours de la campagne d'Indochine. Mort à Paris le 11 janvier 1952, il est élevé à la dignité de maréchal de France à titre posthume.

 - Le chef d’escadron Rémy Raffalli, un niçois, commandant du 2e BEP, dont un camp militaire en Corse porte le nom. Mort en héros. Après avoir passé ses ordres au commandant Bloch, il commande une dernière fois son bataillon et se porte en première ligne où une balle sectionne sa moelle épinière. Transporté à Saigon, le message radio du 10 septembre 1952 est célèbre. Alors que le 2e B.E.P. est en pleine opération les postes-radio de ses commandants de compagnie grésillent: « Tous de Soleil, tous de Soleil, répondez. ». Lorsqu’ils répondent les uns après les autres, ils entendent le message suivant : « Le commandant est mort... la nuit dernière... à Saigon... »

 - L'adjudant Bonnin dont il écrit ceci : « nom légion : Bonnin, adjudant à 27 ans (très rare) passé obscur, la plus belle figure militaire que j'ai connue. Saute sur une mine le 10 février 1952, avant de mourir dit au cdt de St Marc : « Il vaut mieux que ce soit moi qu'un de mes hommes », 3 séjours en Indo et 16 citations. » C’est à lui qu’Hélie de Saint-Marc a dédié son ouvrage « Les sentinelles du soir ».

 À la guerre d’Indochine, perdue, succède pour Hélie de Saint-Marc la période de la Guerre d’Algérie.

 

Hélie Denoix de Saint-Marc en Algérie

 

Hélie Denoix de Saint-Marc quitte l’Indochine en 1954. Il rejoint Alger en 1957 avec le 1er REP, qu’il quitte pour devenir chef de cabinet du Général Massu.  

 Voici sa vision de l’Algérie et de sa mission:

"Nous avons été envoyés à Alger à la fin du mois de janvier 1957. La tension était palpable au moindre coin de rue. Chaque jour, les morts se comptaient par dizaines, les blessés par centaines…Le moindre retard d’un enfant suscitait des mouvements de panique. Les manchettes des journaux rivalisaient de titres sur cinq colonnes. La Casbah pouvait être grouillante de monde puis, dans la minute, devenir secrète. Personne ne s’y risquait plus seul. 

   

 Personne ne savait vraiment au nom de quoi au nom de qui nous combattions. L’assistance apportée aux musulmans ne pouvait suffire. Le contingent était présent en Algérie. Mais une armée de quatre cent mille hommes pouvait-elle rester indéfiniment ? Comment bâtir la paix ? Egalité des droits, fédération, association… De jour comme de nuit, ces débats nous accompagnaient. Nous pressentions tous qu'un orage était dans l’air, sans savoir ni où, ni quand, ni comment il allait éclater".

En avril 1961, il rejoint putsch des généraux à la tête du 1er régiment étranger de parachutistes qu'il commande par intérim. Il se refuse à abandonner les pieds-noirs et les harkis, comme il avait été obligé d’abandonner le peuple Tho:

"Lorsque j'ai répondu oui au général Challe, acceptant d'entrer dans la rébellion, je n'avais pas prémédité cette décision. Mais c'était la dernière pièce d'une sorte de puzzle fait d'engagements. Aussi contestable qu'elle puisse paraître aux yeux de certains, elle correspond à une suite logique dans ma propre vie, que je n'ai pas à regretter. Un homme doit toujours garder en lui la capacité de s'opposer et de résister. Trop d'hommes agissent selon la direction du vent. Leurs actes disjoints, morcelés, n'ont plus aucun sens. C'est là notre seule liberté.

"   

On sait que le coup d’État réussi dans un premier temps avant de s’effondrer au bout de trois jours.  Hélie de Saint Marc refuse de s’enfuir: 

"Je n'ai pas voulu me dérober. Les responsabilités que j'avais prises étaient trop lourdes. J'ai voulu couvrir entièrement mes subordonnés. Ils avaient agi sur mes ordres. Je ne pouvais pas les laisser seuls face à la justice." 

Effectivement, il assume ses responsabilités en se constituant prisonnier :

"Je me souviens de la dernière nuit africaine, ma dernière nuit d'homme libre. Je revenais inlassablement sur l'enchaînement des évènements, qui m'avaient échappé. Après quatre nuits de fièvre, j'étais devenu "un félon", "un putschiste", "un amateur de pronunciamiento". Cette nuit de Zéralda était fraîche et pure. J'ai pensé à Don Quichotte, à cette foi qui va au-delà de la raison, à sa certitude que l'homme se mesure à ses rêves intérieurs.
"

 

Hélie Denoix de Saint-Marc, debout devant ses juges…

 

Hélie Denoix de Saint-Marc, aujourd’hui Grand Croix de la Légion d’Honneur, passe sa mélancolique dernière nuit algérienne à Zeralda, dans l’attente des gendarmes qui viendront l’arrêter le lendemain. 

Il se présente le 5 juin 1961 devant ses juges en leur faisant la déclaration suivante :

« Ce que j’ai à dire sera simple et sera court. Depuis mon âge d’homme, Monsieur le Président, j’ai vécu pas mal d’épreuves : la Résistance, la Gestapo, Buchenwald, trois séjours en Indochine, la guerre d’Algérie, Suez, et puis encore la guerre d’Algérie...

En Algérie, après bien des équivoques, après bien des tâtonnements, nous avions reçu une mission claire : vaincre l’adversaire, maintenir l’intégrité du patrimoine national, y promouvoir la justice raciale, l’égalité politique.

On nous a fait faire tous les métiers, oui, tous les métiers, parce que personne ne pouvait ou ne voulait les faire.

Nous avons mis dans l’accomplissement de notre mission, souvent ingrate, parfois amère, toute notre foi, toute notre jeunesse, tout notre enthousiasme.

Nous y avons laissé le meilleur de nous-mêmes.

Nous y avons gagné l’indifférence, l’incompréhension de beaucoup, les injures de certains.

Des milliers de nos camarades sont morts en accomplissant cette mission.

Des dizaines de milliers de musulmans se sont joints à nous comme camarades de combat, partageant nos peines, nos souffrances, nos espoirs, nos craintes. Nombreux sont ceux qui sont tombés à nos côtés. Le lien sacré du sang versé nous lie à eux pour toujours.

Et puis un jour, on nous a expliqué que cette mission était changée. Je ne parlerai pas de cette évolution incompréhensible pour nous. Tout le monde la connaît.

Et un soir, pas tellement lointain, on nous a dit qu’il fallait apprendre à envisager l’abandon possible de l’Algérie, de cette terre si passionnément aimée, et cela d’un cœur léger.

Alors nous avons pleuré. L’angoisse a fait place en nos cœurs au désespoir.

Nous nous souvenions de quinze années de sacrifices inutiles, de quinze années d’abus de confiance et de reniement.

Nous nous souvenions de l’évacuation de la Haute-Région, des villageois accrochés à nos camions, qui, à bout de forces, tombaient en pleurant dans la poussière de la route.

Nous nous souvenions de Diên Biên Phû, de l’entrée du Vietminh à Hanoï. Nous nous souvenions de la stupeur et du mépris de nos camarades de combat vietnamiens en apprenant notre départ du Tonkin.

Nous nous souvenions des villages abandonnés par nous et dont les habitants avaient été massacrés.

Nous nous souvenions des milliers de Tonkinois se jetant à la mer pour rejoindre les bateaux français.

Nous pensions à toutes ces promesses solennelles faites sur cette terre d’Afrique.

Nous pensions à tous ces hommes, à toutes ces femmes, à tous ces jeunes qui avaient choisi la France à cause de nous et qui, à cause de nous, risquaient chaque jour, à chaque instant, une mort affreuse.

Nous pensions à ces inscriptions qui recouvrent les murs de tous ces villages et mechtas d’Algérie : « L’Armée nous protégera, l’armée restera. »

Nous pensions à notre honneur perdu…

Alors le général Challe est arrivé, ce grand chef que nous aimions et que nous admirions et qui, comme le maréchal de Lattre en Indochine, avait su nous donner l’espoir et la victoire.

Le général Challe m’a vu.

Il m’a rappelé la situation militaire.

Il m’a dit qu’il fallait terminer une victoire presque entièrement acquise et qu’il était venu pour cela.

Il m’a dit que nous devions rester fidèles aux combattants, aux populations européennes et musulmanes qui s’étaient engagées à nos côtés.

Que nous devions sauver notre honneur.

Alors j’ai suivi le général Challe.

Et aujourd’hui, je suis devant vous pour répondre de mes actes et de ceux des officiers du 1er REP, car ils ont agi sur mes ordres. Monsieur le président, on peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir, c’est son métier.

On ne peut lui demander de tricher, de se dédire, de se contredire, de mentir, de se renier, de se parjurer.

Oh ! je sais, Monsieur le président, il y a l’obéissance, il y a la discipline. Ce drame de la discipline militaire a été douloureusement vécu par la génération d’officiers qui nous a précédés, par nos aînés. Nous-mêmes l’avons connu, à notre petit échelon, jadis, comme élèves officiers ou comme jeunes garçons préparant Saint-Cyr. Croyez bien que ce drame de la discipline a pesé de nouveau lourdement et douloureusement sur nos épaules, devant le destin de l’Algérie, terre ardente et courageuse, à laquelle nous sommes attachés aussi passionnément que nos provinces natales.

Monsieur le président, j’ai sacrifié vingt années de ma vie à la France.

Depuis quinze ans, je suis officier de Légion.

Depuis quinze ans, je me bats.

Depuis quinze ans, j’ai vu mourir pour la France des légionnaires, étrangers peut-être par le sang reçu, mais français par le sang versé.

C’est en pensant à mes camarades, à mes sous-officiers, à mes légionnaires tombés au champ d’honneur, que le 21 avril, à treize heure trente, devant le général Challe, j’ai fait mon libre choix.

Terminé, Monsieur le président. »

Mon commentaire sera encore plus simple et plus court. Pour un homme, ou une femme politique, les concepts d’honneur, de respect de la parole donnée sont vide de sens. Ils ne leur servent qu’à manipuler les imbéciles, les naïfs, les purs qui les écoutent pour leur malheur. Sur ce plan, Hélie de Saint-Marc a fait la même expérience que Jeanne d’Arc.

 

 Prison et Résurrection

 

Dans le dernier blog que je lui ai consacré, le 19 janvier dernier, nous avons vu En réponse à la plaidoirie d'Hélie Denoix de Saint-Marc, ses juges aux ordres du pouvoir, comme les journalistes et comme toujours, lui infligent  dix ans de réclusion criminelle.

Il se retrouve dans la prison de Tulle. Lisons le, ses mots exhalent la sincérité :

« Une heure, un jour, j’ai tout perdu. Je me suis retrouvé seul dans une cellule. J’ai compris alors la vanité de bien des choses et l’hypocrisie de bien des hommes. J’ai vécu les premiers mois de détention en référence constante aux camps de concentration. Ce souvenir me donnait de la force. Vingt ans plus tôt, j’avais tenu le coup. Pourquoi lâcher prise ? Le désarroi m’envahissait en pensant à ma femme, si jeune encore. Tout juste vingt-cinq ans et deux petites filles qui parlaient à peine. Dans la tempête, il est plus facile d’être seul. Quand on y entraîne les siens, les choses deviennent obscures.

Aujourd’hui encore, des souvenirs de coursive, de fenêtres ouvertes sur le béton, de nuits d’angoisse, d’ennui à couper au couteau, remontent parfois à la surface. Ce ne sont pas des images anodines. Le corps se met en berne, lourd et fatigué. Le ciel devient blafard. Je me suis senti soudain comme un prisonnier en cavale, dont l’esprit échafaude mille solutions pour ne pas être renvoyé en cellule.

 Aucune solidarité humaine ne pourra jamais empêcher l’enfermement d’attaquer les prisonniers dans ce qu’ils ont de meilleur. Comme la rouille érode le fer, la prison détruit. C’est un pourrissoir moral. L’uniformité des jours m’écrasait. J’étais nourri, chauffé, logé. Je n’avais plus aucune initiative, aucune responsabilité. Chaque heure, chaque minute, il fallait résister à la destruction de soi. Au fil des mois, l’angoisse devint mon ennemie familière : l’impuissance, l’accablement des aubes sans oubli, l’ennui monstrueux que rien ne pouvait combler. L’angoisse montait à intervalles réguliers, comme une marée puissante, bousculant les résolutions, la volonté, le courage. C’était une lutte exténuante qui se déroulait dans un cadre morne, toujours semblable, dont la règle était la régularité oppressante des horaires… »

 

Il est gracié au bout de cinq ans et quitte la prison de Tulle le jour de Noël, le 25 décembre1966:

« … À ma sortie, en dehors de l’oasis familiale, j’ai connu une sorte de trou noir. Je ne reconnaissais plus ni les lieux, ni les gens, ni les enseignes, ni les voitures. Je me sentais étranger dans un monde étranger. Je n’avais plus de papiers d’identité, plus de carnet de chèques, plus de maison, plus de métier. Pour de longs mois encore, j’étais un citoyen de second rang. On m’invita à Paris quelques jours, et ce fut pire encore. J’avais une sensibilité exacerbée, presque obsessionnelle, vis-à-vis de la vanité, de l’hypocrisie, des tiroirs à double-fond de la comédie humaine. On me posait des questions imbéciles sur ma détention. La moindre manifestation maladroite, qu’elle fût de mépris ou de flatterie, réveillait ma colère. 
Il s’en est fallu d’un rien pour que je bascule dans une délectation tragique et un puits d’amertume. »

Il s’installe alors à Lyon 
avec l'aide d’André Laroche, le président de la Fédération des déportés et il commence une carrière de cadre  dans l'industrie, en tant que directeur du personnel dans une entreprise de métallurgie qu’il achève en 1988. Dix ans auparavant, il avait été rétabli dans ses droits civils et militaires.

Il avait toujours été reconnu par ses pairs, mais c’est désormais le temps de la célébrité et des célébrations. En 1995 sont publiés, grâce à Laurent Beccaria, Les champs de braises. Mémoires, un ouvrage couronné par le Prix Femina, catégorie essai. Puis Les Sentinelles du soir, en 1999 et Notre histoire (1922-1945), coécrit avec August von Kageneck en 2002.

 

Finalement, il est fait Grand'Croix de la Légion d'honneur, le 28 novembre 2011 par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, à 89 ans. C’est cet homme que vient de vilipender notre Premier Ministre, Manuel Valls…

 

Les textes entre guillemets sont extraits de son ouvrage autobiographique intitulé « Toute une vie » Éditions les Arènes, 2004.

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Je dédie à nouveau ce blog exceptionnel consacré à Hélie de Saint-Marc à mon ami Jean-Louis Hautier, trop tôt disparu, qui admirait à juste titre l’homme Hélie de Saint-Marc.

 

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QU'EST CE QUE LE SALAFISME?

14 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

 

On peut définir le salafisme comme une forme islamique de fondamentalisme religieux, dans la mesure où ses adeptes prônent l’application par les musulmans de ce qu’ils voient comme les fondements de l’Islam.

 

Le salafisme constitue un islamisme politique, puisqu’il vise à prendre le pouvoir et à fonder un État islamique selon une doctrine fondamentaliste. Cet État islamique se donne en effet pour objectif de restaurer les principes originels de la religion, puisés dans un passé mythique.  

Tous les salafismes ont une croyance commune, celle qu’il est possible de conjurer la désunion du monde musulman et son effacement face au monde occidental par le rétablissement des principes fondateurs de l’islam. Le retour à l’exemple des « pieux ancêtres » purifierait l’islam de toute contamination par la pensée du dehors et permettrait idéalement de retrouver la gloire du passé où l’islam était la religion d’un empire hégémonique qui s’étendait des Pyrénées à l’Indus.

Renverser l’ordre établi, ses gouvernements impies, ses mœurs dépravées et son mépris des principes de la religion pour restaurer le modèle paradigmatique de l’umma, la communauté musulmane originelle, tels sont  donc les mots d’ordre du salafisme contemporain.

Cette exhortation se fonde en premier lieu sur l’imitation du Prophète à partir, non pas du Coran, mais de sa biographie (sīra) et de ses paroles (adīths), établis entre le VIII et le IXe siècle. La sīra été rassemblée par le petit-fils d’un esclave des Quraysh, Ibn Ishāq (mort vers 767), puis profondément remodelée en Égypte par Ibn Hishām (mort vers 834). Quant aux hadiths, ils constituent un matériau dans lequel les salafistes radicaux puisent leur définition de la sharia, la voie, indiquée par Dieu.

Le salafisme réclame l’application à la lettre des règles contenues dans cette source de la Loi, dans lequel les prédicateurs vont puiser des arguments d’autorité pour justifier l’adoption de normes vestimentaires et corporelles comme le voile féminin ou le port de la barbe, ou l’application de châtiments corporels parfois mortels pour l’adultère, le brigandage ou la consommation de vin. La référence au Prophète justifie la prétention à n’appliquer, en matière de loi, que des normes islamiques immuables, laissant de côté l’effort d’interprétation et de réactualisation (ijtihād) et justifie également l’objectif des salafistes de lutter contre le paganisme des temps modernes, suivant ainsi l’exemple du Prophète qui avait aboli la jāhilīya, le paganisme préislamique.

Lorsque les principes précédents ne sont pas respectés, les salafistes sont prompts à accuser d’infidélité (takfīr) les musulmans qui ne se rallient pas à leur cause et à fortiori les populations non musulmanes. Ce fut d’ailleurs sous l’appellation al-takfīr wa‘l-hijra (« excommunication et hégire ») que les premiers groupes radicaux se détachèrent de la confrérie des Frères musulmans, jugée trop modérée, dans l’Égypte des années 1970.

L’exhortation salafiste se fonde en second lieu sur la référence au temps glorieux des califes « bien guidés », parmi lesquels se détache surtout la figure d’Omar ibn al-Khattāb, l’artisan des premières conquêtes de l’islam, pour évoquer l’époque bénie où l’umma était encore unie, forte et conquérante. À ce mythe de l’unité perdue s’opposent la discorde, la désunion politique et religieuse, appelées fitna.

C’est dans l’œuvre du syrien Ibn Taymiyya (mort en 1328) que le salafisme trouve les meilleurs ingrédients pour nourrir sa rhétorique de l’exclusion et du djihad contre les « infidèles » qui menacent l’islam. Témoin d’un temps où le Proche-Orient, à peine libéré de l’emprise des États latins, subissait le choc des invasions mongoles, ce penseur voyait en effet dans la lutte contre toutes les formes d’hérésie et de désunion qui affectaient l’islam la condition nécessaire d’une réaction face au déclin. Parmi ses fatwas, celles qui autorisaient la guerre contre les Musulmans déviants, en particulier contre les Chiites, ou qui s’en prenaient aux Chrétiens, ont fait l’objet d’une utilisation constante de la part des fondamentalistes musulmans.

 

C’est donc autour d’un projet d’épuration radicale de l’Islam, visant à le débarrasser de tous les éléments étrangers à la doctrine originelle, que se regroupent les salafistes. 

À SUIVRE

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LE MODÈLE FISCAL FRANÇAIS

8 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

LE MODÈLE FISCAL FRANÇAIS

DES ÉQUATIONS AU SECOURS DE LA THÈSE

 

J’avais enfin compris quelle thèse je devais développer. Il me restait à l’écrire, et vite, compte tenu du temps perdu.

 

Quelle était donc cette thèse tombée du ciel ? les données de ma réflexion étaient les suivantes : tout d’abord il s’agissait bien d’une thèse sur la fiscalité. Plus exactement, la fiscalité était prise comme un paramètre relatif aux décisions, comportements et stratégies des entreprises.

Cela n’était pas nouveau, compte tenu des problématiques que je développais, avec plus ou moins d’assiduité, depuis plus de trois ans. Mais, dès le début, j’avais buté sur le caractère vague du lien entre la fiscalité considérée comme un paramètre et les variables de l’entreprise. Cette absence de précision du concept reliant la fiscalité aux décisions de l’entreprise enlevait tout caractère de démonstration à mon travail.

Avec le recul, la difficulté que je ressentais était inhérente à la recherche en sciences de gestion, le terme « sciences » cachant trop souvent des considérations confuses sur les liens de cause à effet entre paramètres et variables dans le monde de la gestion.

Mon idée, qui en l’occurrence débloquait concrètement la situation, consistait à poser clairement ce que j’entendais par fiscalité. Jusqu’ici je me référerai aux impôts sur les bénéfices, sur le chiffre d’affaires ou sur le revenu, comme s’il y avait une fiscalité en général. Or la fiscalité se déclinait concrètement État par État,  elle n’avait pas d’existence globale sauf au niveau des grands principes, un niveau qui n’était pas celui où je pouvais inscrire une thèse en sciences de gestion.

Je ne pouvais donc pas traiter de toutes les fiscalités, mais d’une seule, qui ne pouvait être que la fiscalité française. Les autres fiscalités, il me fallait les abandonner, au moins provisoirement, à charge d’y revenir plus tard, après la thèse, pour étendre mon analyse à d’autres systèmes ou effectuer des comparaisons entre les effets des systèmes fiscaux sur l’entreprise, projet auquel j’ai renoncé par la suite.

Une fois posé que mon sujet était délimité et déterminé par la fiscalité française et non par la fiscalité en général, mon problème de thèse était résolu à moitié, puisque j’étais débarrassé du flou qui empoisonnait mon travail. Par exemple, au lieu de traiter des impôts sur la consommation, je pouvais m’intéresser aux effets de la TVA, qui était un impôt bien délimité, avec son assiette, ses taux et son champ d’application bien connus.

Il ne me restaitplus qu’à modéliser ce que j’appelais « le système fiscal français » en mobilisant mes connaissances mathématiques dans mon travail de thèse, jusque-là inemployées.

Il ne me restait plus qu’à…

Ce n’était pas si évident, mais je savais du moins ce que j’avais à faire : choisir les principaux impôts français qui s’appliquaient aux entreprises, comme la TVA ou l’impôt sur les bénéfices, mais aussi les charges sur les salaires que j’incluais dans la fiscalité ; appliquer ensuite les paramètres qui déterminaient les taux d’imposition de chaque impôt ou charge. Par exemple, puisque la valeur ajoutée déterminait la TVA, il me restait à calculer cette valeur ajoutée, du point de vue fiscal.

Je constituais ainsi un grand tableau qui rassemblait les principaux impôts et paramètres qui influençaient les décisions de l’entreprise. On peut encore le trouver dans mon ouvrage sur « Le Choix fiscal de l’entreprise », publié en 1982, qui traite des principaux éléments de ma thèse.

Je développais ensuite un plan qui traitaient de l’influence de la fiscalité à trois niveaux de décision de l’entreprise (j’aime bien développer mes idées à trois niveaux):

- L’influence de la charge fiscale sur les décisions élémentaires de l’entreprise, par exemple en matière d’embauche ou de licenciement, de rémunération du personnel, d’investissement, de forme juridique ou de localisation de l’activité.

- L’influence de la fiscalité sur les choix inter-temporels de l’entreprise, par le biais du taux d’actualisation et du risque subi par l’entreprise.

- Plus généralement enfin, l’influence de la fiscalité sur les choix de développement de l’entreprise.

Bon, je ne vais pas vous faire subir ici la présentation de ma thèse dans le détail, car mon but est plutôt de démonter le processus qui m’a conduit à l’écrire, à partir du printemps 1976.

 

Cependant j’avais quelques boulets aux pieds, notamment la direction de l’Université du Troisième Âge que j’avais lancé l’année précédente et mon goût prononcé pour les déplacements, sous formes de congrès et colloques… 

 

 

 

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LES COOPS FACE À L'OBSESSION DU PROFIT

4 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES COOPS FACE À L'OBSESSION DU PROFIT

LA FERMETURE DE COOP ALSACE

8 Le partage des résultats face à l’obsession du profit

 

Si le monde économique n’est pas favorable à la règle d'égalité entre coopérateur, qui se traduit par « un homme, une voix », il ne l’est pas plus à la règle d'équité qui fait que la rémunération des apports en argent est limitée.

 

Dans les coopératives, le partage des résultats repose sur deux règles. La première, la règle d'équité, fait que la rémunération des apports en argent est limitée. D ‘ailleurs la loi limite cette rémunération pour les coopérateurs au niveau du taux moyen de rendement des obligations émises par les sociétés privées.

La seconde, la règle de justice, implique que la répartition des bénéfices se fasse au prorata des activités de chaque membre. Ainsi, dans une coopérative de consommation, les coopérateurs percevront des ristournes proportionnelles à leurs achats ; dans une coopérative agricole, les bénéfices distribués le seront proportionnellement aux apports de récolte ; dans une coopérative de crédit, les dividendes seront proportionnels aux emprunts ; dans une coopérative de production, les résultats distribués seront proportionnels aux salaires.

Toutefois, l'apparition d'associés non coopérateurs qui ne participent pas à l'activité de l'entreprise mais se bornent à apporter des fonds en vue d'en obtenir une rémunération rompt cette unité puisque leur intérêt n'est pas le même que celui des coopérateurs. Ces derniers sont intéressés par l'activité elle-même, que ce soit l’achat de biens, la transformation de produits ou l’accès au crédit, tandis que les non coopérateurs sont intéressés par le rendement de leurs apports.

Comme, l'activité est le but alors que la rentabilité n’est qu’un moyen pour les coopérateurs, ces derniers n’acceptent l’irruption de la logique de rentabilité apportée par les non coopérateurs que lorsque les moyens financiers manquent.

C’est ce qui est arrivé aux coopératives de consommation. Pourtant, les coopératives de consommation sont à l'origine du mouvement coopératif avec les pionniers de Rochdale et ont longtemps constitué sa colonne vertébrale. Dans les années 1970, elles ont connu leur apogée avec l'enseigne commune, Coop,  qui rassemblait 400 coopératives en France, regroupant 3,5 millions de ménages et qui possédait une douzaine d'usines agro-alimentaires, une banque, une centrale d'achat. À peine, vingt ans après, dans la majeure partie des pays, les coopératives de consommation avaient perdu beaucoup de leur importance.

Il existe des exceptions comme, en Suisse, les douze coopératives régionales Migros qui détiennent, selon les produits, de 20% à 70% de parts de marché du commerce alimentaire de détail, et possèdent des usines, une banque et des hôtels. L'éthique coopérative se reconnaît chez Migros au refus de vendre des boissons alcoolisées et du tabac, à  l’introduction de la notion de « bilan écologique » pour mesurer l'incidence environnementale des produits et de leurs emballages ou au commerce équitable avec des coopératives artisanales du Tiers Monde.  De même, Coop Suisse rassemble vingt-huit coopératives régionales, ses usines et sa société d'assurances, et occupe la deuxième place, derrière Migros, dans le commerce de détail helvétique.

En revanche, en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Québec, en France, les coopératives de consommation n'ont pas été capables de s'adapter au tournant commercial des années 1970, qui a vu les grandes surfaces en libre-service se substituer au commerce de proximité.

Face à un petit commerce peu concentré, les coopératives n'avaient pas de mal à être compétitives grâce à un système centralisé d'approvisionnement. Mais, face à un réseau de grandes surfaces, la compétitivité dépendait de la capacité à réaliser des ventes de masse et de la pression que cela permettait d'exercer sur les producteurs.

Doubler les ventes au mètre carré permet de diviser par deux la marge commerciale, quand rémunérer faiblement le capital ne permet que de gagner un ou deux points : les grandes surfaces « capitalistes » ont fait baisser les prix de vente dans le commerce de détail beaucoup plus fortement que les coopératives, même les mieux gérées, n'y étaient jamais parvenues.

 

En somme, pour les coopératives alimentaires, c'est le nombre d'acheteurs qui fait désormais la performance et non la capacité à comprimer les profits. L’importance du management s’efface devant le pouvoir de marché…

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UNE STRUCTURE DE POUVOIR POUR DEUX SIÈCLES

1 Mars 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

UNE STRUCTURE DE POUVOIR POUR DEUX SIÈCLES

LE PREMIER CONSUL ET LES DEUX AUTRES

 

La nouvelle Constitution, celle du 22 frimaire an VIII, s’appuie sur une approbation en apparence massive des électeurs.

 

Il y avait sept millions d’électeurs. En janvier 1800, on compte trois millions  de « oui », mais un million et demi de voix ont été rajoutés par le pouvoir.  Seules mille cinq cent personnes ont osé voter non, d’après les résultats officiels. C’est donc une approbation pour le moins mitigée.

La proclamation des résultats est précédée par une proclamation des Consuls qui indique fièrement sa volonté de stabiliser la république grâce à un pouvoir fort et stable : « Les consuls de la République aux Français : Une Constitution vous est présentée. Elle fait cesser les incertitudes que le Gouvernement provisoire mettait dans les relations extérieures, dans la situation intérieure et militaire de la République. - Elle place dans les institutions qu'elle établit les premiers magistrats dont le dévouement a paru nécessaire à son activité. - La Constitution est fondée sur les vrais principes du Gouvernement représentatif, sur les droits sacrés de la propriété, de l'égalité, de la liberté. - Les pouvoirs qu'elle institue seront forts et stables, tels qu'ils doivent être pour garantir les droits des citoyens et les intérêts de l'État. - Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie. »

Cette Constitution durera quatorze ans, jusqu’à la Restauration. Une de ses originalités est d’instituer trois chambres de représentants, le Sénat, formé de quatre-vingts membres inamovibles et à vie, qui juge de la constitutionalité des lois ; le Tribunat, composé de cent membres, qui discute les projets de loi et le Corps législatif, composé de trois cents membres, qui fait la loi sans en débattre.

Pour plus de sûreté, les électeurs perdent le droit d’élire directement leurs gouvernants, puisqu’ils ne peuvent qu’établir des listes de notabilités parmi lesquelles le gouvernement choisit les représentants qui lui conviennent.

Le gouvernement est nominalement confié à trois consuls nommés pour dix années, indéfiniment rééligibles, alors que seul le Premier consul, nommément désigné comme étant Bonaparte dans la Constitution, a seul le pouvoir exécutif.

Dés le début du Consulat, les textes sont très proches de définir un pouvoir exécutif personnel et à vie, au point que les évolutions constitutionnelles vers les titres de Consul à vie et d’Empereur ont plus d’importance sur la forme que sur le fond. Sous la direction des consuls, un Conseil d'Etat est chargé de rédiger les projets de lois et de résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative.

La Constitution prévoit également une organisation rationnellement centralisée de l’administration et des finances, qui avait été conçue dès le début de la Révolution. Cette organisation tient toujours aujourd’hui, contre vents et marées, tant elle est liée au caractère constitutif de l’État français.

Dés le 17 février 1800, l’administration du territoire est organisée autour du département et son préfet, de l’arrondissement et de son sous-préfet, de la commune et de son maire, assistés respectivement par un conseil général, d’arrondissement et municipal. Les juges et les administrateurs deviennent des fonctionnaires. La hiérarchie des juridictions civiles et criminelles est assurée par l’installation d’une Cour de cassation et le contrôle du pouvoir judiciaire par un commissaire du gouvernement installé auprès de chaque tribunal.

L’unification du droit français est confiée au Conseil d’État. Le prélèvement de l’impôt est construit autour de deux corps indépendants, qui existent toujours, celui des contrôleurs pour la répartition de l’impôt et celui des percepteurs pour son recouvrement. La Banque de France, créée en février 1800, est un établissement privé contrôlé par l’État, qui  est autorisé à émettre un papier-monnaie accepté pour sa valeur intégrale par les caisses publiques. Elle assure les avances de trésorerie à l’État. Le Franc germinal est fixé sur la valeur d’or en réserve que détient la Banque de France.

 

L’organisation administrative centralisée française est mise en place en 1800 pour les deux siècles qui suivent, au moins, en attendant d’observer les évolutions récentes liées à l’Union Européenne. 

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