Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

Robespierre l'indécis, Robespierre le perdant

23 Décembre 2013 Publié dans #HISTOIRE

 

Nous avons quitté le 21 novembre dernier (Robespierre vaincu par le tohu-bohu), les évènements du 9 thermidor (27 juillet) 1794, alors que Louis Louchet, député de l’Aveyron, avait eu le premier le courage de demander un décret d’arrestation contre Robespierre…

Arrestation_de_Robespierre.jpgAugustin Robespierre surenchérit en demandant à partager le sort de son frère tandis que Maximilien et Couthon essaient de se faire entendre, alors que leurs voix sont couvertes par les clameurs et que le président de séance met aussitôt aux voix la motion de Louchet, déclarée illico adoptée à l’unanimité, tandis que tout le monde est debout, criant « Vive la République ! », que Louchet demande l’application de la motion d’arrestation à Augustin Robespierre, Couthon et Saint-Just et que Le Bas demande à partager leur sort.

Fréron monte ensuite à la tribune pour accuser Robespierre, Saint Just et Couthon de vouloir former « un triumvirat dictatorial ». À Fréron succède Barère qui propose un décret émanant du Comité de Salut Public prévoyant l’arrestation, non seulement des deux Robespierre, de Saint-Just, de Couthon, de Le Bas mais aussi de Dumas, Hanriot, Boulanger, Lavalette, Dufresse, Daubigny et Sijas. Le décret est aussitôt mis à exécution. Les députés arrêtés sont conduits au Comité de Sûreté Générale vers 16 heures.

La réaction de la Commune de Paris ne se fait pas attendre plus d’une heure : elle convoque son Conseil Général à l’Hôtel de Ville, auquel se joignent quatre vingt personnes qui seront du coup presque toutes guillotinées, sauf cinq d’entre elles. Réunion fatale!

Sur le coup, le Conseil Général de la Commune décide de voter une « motion d’insurrection », tout en faisant sonner le tocsin pour appeler les patriotes aux armes. Le général de la Garde Nationale, Hanriot, court aux Tuileries avec ses aides de camp pour délivrer les prisonniers, mais comme ils ne sont pas assez nombreux, les gendarmes se saisissent d’eux et transfèrent pour plus de sureté vers 19 heures les prisonniers dans des prisons séparées.

La précaution s’avère insuffisante : Robespierre qui est conduit à la mairie de Paris, quai des Orfèvres, y est libéré par les insurgés de la Commune. Au coucher du soleil, le rapport des forces est  désormais en faveur de Robespierre, du fait des troupes à la disposition de la Commune qui s'avérent supérieures à celles de la Convention. D’ailleurs, vers 21 heures, une forte colonne de canonniers et de gendarmes à cheval, commandée par Coffinhal, le vice-président du Tribunal Révolutionnaire, délivre Hanriot, toujours retenu au Comité de Sûreté Générale. Si Confinhal l'avait décidé, la colonne aurait pu faire prisonniers tous les députés de la Convention qui étaient en train de siéger juste à deux pas!

Mais Robespierre, trait de caractère ou fatigue, hésite. Dans un premier temps, il se refuse à diriger le soulèvement, par crainte semble t-il d’être mis hors la loi par la Convention. Cette précaution se révèle rapidement inutile, car entretemps Barère a fait décréter  par la Convention la mise hors la loi de tous les députés rebelles et de tous les insurgés.

Vers 23 heures, Robespierre se décide enfin à agir; il se rend à la Commune, rejoint par Le Bas et Saint-Just qui ont également été libérés : décidément les prisons sont des passoires pour les insurgés! Il appuie la décision du Comité d’Exécution de la Commune (que de comités, que de conseils !) qui donne l’ordre d’arrêter les députés Collot, Amar, Bourdon, Fréron, Tallien, Panis, Carnot, Dubois-Crancé, Vadier, Dubarran, Fouché, Granet et Bayle. Barère est curieusement oublié, alors qu’il est un acteur important de cette journée cruciale du 27 juillet 1794.     

La décision du Comité d’Exécution se révèle trop tardive, car c’était compter sans l’activité de Barras. Il a été chargé du commandement militaire de la Convention dont il a renforcé les troupes par quelques sections bourgeoises, tandis que l’insurrection piétine du fait du mécontentement bougon de la masse des sans-culottes qui n’ont toujours pas digéré la décision de bloquer les salaires dans le cadre de la loi du maximum général. Comme quoi une loi économico-fiscale peut se révéler à l'usage fatale au pouvoir!

C’est une des raisons pour lesquelles, tandis que les Jacobins délibèrent, deux à trois mille sans culottes, renforcés d’une trentaine de canons, demeurent l’arme au pied place de Grève. Sans ordres clairs, inactifs et hargneux, ils se dispersent progressivement dans la nuit, d’autant plus qu’il s’est mis à pleuvoir.

Aussi, lorsqu’à deux heures du matin, deux colonnes de la Convention, l'une conduite par Barras venant par les quais, et l'autre menée par l’adjoint de Barras, Bourdon, venant de la rue Saint-Martin, arrivent sur la place de Grève, ils la trouvent quasiment désertée.

Il ne leur reste plus qu'à pénétrer dans l’Hôtel de Ville, qui est toutefois sérieusement gardé. Mais les hommes de Bourdon sont opportunément aidés par un aide de camp d'Hanriot qui leur souffle le mot de passe. Aussi entrent-ils sans coup férir dans l’Hôtel de Ville, où ils rencontrent Le Bas qui se suicide d’une balle dans la tête dés qu’ils les voient, Augustin Robespierre qui se jette par la fenêtre sans autre dégât qu’une jambe cassée, Couthon, infirme, qui tombe (ou qui est poussé ?) dans l’escalier, sans toutefois se blesser trop sérieusement, et enfin Maximilien Robespierre qui reçoit une balle dans la mâchoire, sans que l’on sache encore aujourd’hui si c’est lui qui s’est tiré une balle de pistolet dans la bouche ou si c’est le gendarme Merda (oui, Merda) qui lui a tiré dessus.

Seul Saint-Just est fait prisonnier sans avoir été blessé.

Tous savent que c’est la fin…

Lire la suite

Le Fenua

18 Décembre 2013 Publié dans #INTERLUDE

 

...Durant ce séjour, charme d’un petit pays, j’ai côtoyé ou rencontré de nombreuses personnalités, de plus prés qu’en France où l’occasion se présente moins.

Fenua.jpg

Dans l’avion, ce fut le Ministre des Outre-Mer, Victorin Lurel, et son équipe qui m’ont impressionné par leur activité noctambule, entre Los Angeles et Papeete. De ce point de vue, je n’aimerai pas trop être conseiller de Ministre, ni même à la réflexion Ministre. À la rigueur Président, mais pour un temps bref. J’ai assisté à la réunion de l’Assemblée de Polynésie réunie pour accueillir et entendre le Ministre. Je l’ai vu saluer tous les députés un par un, chacun lui ajoutant au tour du cou, qui collier de fleur, qui collier de perles. Il y avait cinquante députés environ, vous pouvez l’imaginer ployant sous la charge en fin de parcours et en effet il ployait!

Lorsque j’ai vu et parlé à des conseillers du gouvernement polynésien, j’ai cru comprendre le travail que ces derniers accomplissaient au plan juridique, économique et technique et j’ai trouvé le Fenua plutôt bien géré, quoiqu’il ait à faire face à de redoutables défis, comme celui d’attirer nettement plus que les deux cent mille touristes qui le fréquente, bon an, mal an.

Il y a eu des périodes d’évasion, au restaurant, aux roulottes sur le port (qui ressemblent un peu, à mon avis, aux paillotes corses) et surtout dans les îles ou plus exactement dans l’île. Nous avons pris l’avion, Monique, Marc, un ami et moi. La Polynésie, je vous le rappelle, est aussi étendue que l’Europe entière. Sur cette surface sont éparpillés des chapelets d’îles, les Iles sous le Vent, les Tuamotu, les Gambier, les Marquises, les Australes. Sur l’ensemble des 67 îles habitées (sur 118), dont la surface additionnée représente 4167 km2 kilométres carrés, habitent 260000 personnes. Chaque île un tant soit peu importante (mille habitants, un peu plus ?) est reliée par un avion d’Air Tahiti et possède un mini ou un micro aéroport, et toutes ces liaisons coûtent évidemment cher. 

Nous, nous avons pris l’avion pour Huahine, 74 km2, six mille habitants, à 400 kilomètres de Tahiti. Une île comme on la rêve quand on lit des romans d’aventure, pas très loin de Bora Bora, qui, elle, est couverte d’hôtels.

À Huahine, pratiquement pas d’hôtel, pas trop de touristes. Ah si ! le matin, un bateau s’est profilé au loin. Vous pouvez le distinguer avec de bons yeux sur la photo jointe. Nous l’avons tous vu, et même guetté, un peu comme des naufragés qui lorgnent l’approche éventuelle du  navire salvateur. Le Gauguin, car c’était lui, a grossi à l’horizon, contourné l’île et déposé ses passagers multi culturels, comme nous avons pu le constater plus tard en ralliant le port.

Gauguin.jpg

Autour du port, merveille de la civilisation française, il y a avait naturellement des restaurants mais aussi une station service, un supermarché, une Poste de couleur jaune, une Gendarmerie, une pharmacie ouverte deux heures le dimanche et même un médecin de garde disponible toute la journée pour vous soigner et vous faire rembourser par la Sécurité Sociale.

Même dans notre paillote allongée le long de la plage et emplie des rumeurs de l’océan, on pouvait regarder les chaînes de la TNT comme si l’on était confortablement installé dans un F1 du 93. La paillote dotée de l’électricité et de l’eau courante, toute de bleue vêtue à l’intérieur, rassemblait deux grandes chambres, un salon, une salle à manger, une cuisine, le tout donnant sur l’océan et sur la pelouse. Le bruit des oiseaux et des animaux nous entouraient. Nous étions ailleurs, et en même temps en France. Au calme, sans stress, on pouvait sans crainte laisser les portes, les valises et le portefeuille ouverts, mais on était tout de même à portée du médecin de garde, des pompiers et de la gendarmerie.

Nous avons paressé sur la plage qui bordait le Pacifique, nous avons traîné le long du lagon, parcouru l’île dotée d’une chaussée aussi parfaite que dans n’importe quel département métropolitain, admiré la luxuriance de la végétation et l’habileté du pêcheur qui ramena au bout de son harpon trois immenses poissons dont j’ignorais qu’ils se promenaient de manière suicidaire à sa portée. Nous l’avons entendu déclaré qu’ainsi on ne pouvait jamais mourir de faim dans une île polynésienne (lui, c’est sûr ! moi, pas par ce moyen), tout en regardant filer à cinquante mètres au large les ailerons de deux requins, gentils paraît-il. Nous l’avons vu jeter une partie des poissons aux murènes accourues instantanément et de toute part, comme des vampires ivres de sang…

Puis nous sommes retournés à l’aéroport. 

Je vous dirai simplement, car je ne vois pas quoi dire de plus ou de mieux, que j’ai aimé l'île, tout de suite et tout le temps que j’y ai séjourné, que je l’ai quittée à regret comme si je sentais qu’elle me reprochait déjà ma désertion, cette île à laquelle je n’avais été présenté que  trente-six heures plus tôt.

Il faut dire que j’ai toujours aimé les îles, à commencer par ma voisine corse.

 

Secrètement, je ne pus que lui promettre de revenir…

Lire la suite

Tahiti

15 Décembre 2013 Publié dans #INTERLUDE

 

J’ai eu la chance, grâce à Marc D., d’être invité à donner un cours auprès de l’Université de la Polynésie Française en cette fin d’année 2013.

Tahiti--copie-1.jpgCela tombait bien et mal. Quelques années auparavant, j’étais allé brièvement à Tahiti, déjà accueilli par Monique et Marc. Je connaissais donc un peu. Mais comme mes hôtes s’apprêtaient à quitter la Polynésie, c’était la dernière occasion de bénéficier de leur hospitalité là-bas. En revanche, j’avais trois thèses, dont j’étais le directeur, à faire soutenir le 25 novembre, le 10 et le 11 décembre 2013. Il fallait que cela s’inscrive entre le 26 novembre et le 9 décembre, ce qui instillait dans cette mission une forte tension calendaire.

J’hésitais donc, jusqu’à ce que ma décision ne s’impose sous l’effet d’une sorte de défi interne : à cette époque de ma vie, j’ai senti qu’il n’était plus temps, lorsqu’une telle opportunité d’ouverture se présentait, de reculer sous prétexte des ennuis mineurs que forcément, elle est suceptible d'engendrer. N’est-ce pas Pascal qui a observé que tous les ennuis de l’homme (et de la femme sûrement) proviennent de son incapacité à rester tranquille dans sa chambre ? Si j’avais connu Pascal, il me l’aurait certainement fait observer, lui serait resté à Clermont et moi je serai parti quand même.

Pour mon anniversaire, je me fis donc un quadruple cadeau, sans compter ceux que je me fis un devoir d’ouvrir là-bas le jour dit,  dans l’ordre chronologique un vol confortable, un séjour chez des amis chers, un nouveau public étudiant et la découverte d’une île rêvée.

Je n’ai pas été déçu.

Laissons le vol de côté, mais disons que j’ai évité de passer vingt-quatre heures les genoux écrasés par le siège de mon voisin de devant. L’escale de Los Angeles est restée fidèle à elle-même,  c’est à dire stupide du fait de l’obsession sécuritaire de nos alliés américains.

À Tahiti, mes amis ont su, comme toujours, m’accueillir avec la chaleur qu’irradie la profondeur de leur fidèle amitié. Avec eux, on ne se sent ni seul, ni gêné. Tout est clair et ouvert. Nos échanges ne posent pas de problème. J’aimerais les recevoir comme ils ont su le faire.

Papeete n’a rien d’exaltant, ville agréable sans plus, avec son port, son petit centre ville, ses rues piétonnes, mais aussi ses embouteillages et le désordre de sa banlieue. Cependant la chaleur, la végétation, la proximité de Moorea, cette masse bleutée au-dessus de l’horizon qui devient féerique au coucher de soleil, se rappellent à nous afin que nous sachions toujours, quelque part dans notre tête, que nous ne sommes pas n’importe où.

En outre, s’impose progressivement, au fur et à mesure des contacts, la gentillesse profonde des Tahitiens. Comme c’est banal d’écrire cela ! mais comme cela fait du bien de le vivre, comparé à l’agressivité jalouse des Français. Cette gentillesse profonde, je l’ai perçue aussi bien auprès des étudiants que des personnes anonymes, dans la rue, dans la circulation automobile que dans les îles. Quel repos !

Ms étudiants, justement, se sont révélés ouverts, de bon niveau et patients. Imaginez : le gros de mon enseignement était formé de cinq heures de cours de suite, durant cinq jours d’affilée, à m’écouter leur parler de marketing ! Ce sont peut-être les étudiants les plus sympathiques que j’ai jamais rencontré dans ma carrière, encore que je n’ai jamais eu à me plaindre des étudiants, où qu’ils se soient trouvés dans le monde…

L’Université de la Polynésie Française est une petite université, mais rien ne lui manque de ses consoeurs d’outre-mer, pas même les tics administratifs. Elle domine majestueusement l’océan, à l’écart de Faaa où se situe l'aeroport et loin de Papeete. Les professeurs sont issus pour la plupart de l’université française et payés par elle. Le statut de la Polynésie Française est remarquable à cet égard, qui assure à la fois l’autonomie du fenua (du pays), y compris par une monnaie commune avec la Nouvelle-Calédonie, le Franc Pacifique, et qui lui garantit une assez forte prise en charge par le budget de l’État. Si l’on voulait vraiment réformer la structure de l’administration française, ce serait à mon avis un bon modèle à prendre. Il est intéressant à cet égard de comparer les perspectives d’indépendance à long terme de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie, bien plus avérées pour la seconde que pour la première. Est ce que cela tient aux ressources en nickel du Caillou ou à l’état d’esprit des Canaques, ou aux deux ? je ne saurai trancher ici.

Durant ce séjour, charme d’un petit pays, j’ai côtoyé ou rencontré de nombreuses personnalités, de plus prés qu’en France où l’occasion se présente moins…

(À SUIVRE)

Lire la suite

Rififi dans la potasse

11 Décembre 2013 Publié dans #ACTUALITÉ

 

Cette affaire de rapports de force au sein du monde économique confronte des acteurs du monde des affaires aussi impitoyables que pittoresques.

ferrari-kerimovL’histoire d’Uralkali commence avec la privatisation des mines de potasse en 1992. Un cardiologue reconverti dans les affaires, Dimitri Rybolovlev, s’empare des mines dont il finit par détenir les deux tiers des actions. Mais, en 2008, après l’effondrement d’une mine, l’État lui demande de tels dommages et intérêts qu’il provoque l’effondrement de la valeur de l’entreprise. Dimitri Rybolovlev est contraint de vendre ses parts pour 5,6 petits milliards de $ à un oligarque proche de Vladimir Poutine, Suleyman Kerimov. Vexé sans doute, il se retire avec sa modeste fortune dans la Principauté Monégasque où il prend le contrôle de l’AS Monaco, ne craignant pas de passer de la potasse au football. C’est avec lui que les dirigeants de la FFF négocient un changement du statut fiscal du club. Bonne chance à eux, face à un tel requin de l’industrie !

Celui qui lui succède, Suleyman Kerimov, mathématicien de formation, est également un fidèle de la Côte d’Azur où il a encastré sa Ferrari dans un palmier de la Promenade des Anglais en 2006, probablement distrait par une jeune fille qui l’accompagnait, manquant y laisser la vie. 

Le Directeur Général d’Uralkali, Vladislav Baumgertner, a pour sa part acquis récemment et bien malgré lui une notoriété internationale lorsqu’il a été arrêté le 26 août à Minsk. Il avait commis l’imprudence de se rendre  en Biélorussie, à l’invitation du Premier ministre biélorusse, pour négocier le différent entre Uralkali et Belaruskali. Ce dernier l’a fait enfermer dans une prison, aussitôt après s’être entretenu avec lui, le faisant accuser d'abus de position dominante, un délit susceptible d’une condamnation à  dix ans de prison en Bielorussie où l’on ne rigole pas avec le droit de la concurrence.

En pratique, Vladimir Baumgertner est devenu un otage que le gouvernement biélorusse se propose de libérer contre des indemnités que ce dernier estime à cent petit millions de $, correspondant aux dommages qui auraient été infligés à la Biélorussie par les « activités illégales » de Monsieur Baumgartner.  Quoique vingt fois plus élevées que les rançons versées à nos otages retenus au Sahel, la modestie de cette demande signifie qu’un compromis est en vue.

D’autant plus qu’Uralkali continue à manœuvrer, augmentant sa production et vendant une partie de son capital à un fond souverain chinois, China Investment Corporation (CIC) qui a acquis le 24 septembre dernier 12,5 % du capital d’Uralkali. Il est vrai que les Chinois manquaient dans ce tableau haut en couleurs. Cela signifie que le tour de table d'Urakali est modifié, d’une part au profit des Chinois qui souhaitent des prix bas de la potasse qu’ils importent et d’autre part au détriment du principal actionnaire actuel Souleiman Karimov qui céderait ses parts à un autre proche de Vladimir Poutine, Vladimir Kogan, à la grande satisfaction des Biélorusses.

Du coup, après le coup de force d’Uralkali qui mettait fin à des décennies d’oligopole tranquille, la donne change une deuxième fois dans la partie d’échec qui oppose les Russes, les Biélorusses et les Occidentaux. L’entrée de la Chine signifie que ce gros consommateur d’engrais, prenant le contrôle partiel du premier producteur mondial de potasse, va logiquement exercer une pression durable à la baisse du prix, s’opposant ainsi aux intentions du cartel, qui cherchait à se reconstituer sur les bases d’un prix nettement supérieur aux 325 $ actuels afin de pouvoir procéder à de nouveaux investissements.

En effet, les Chinois ont de plus en plus recours à des engrais, ils ont donc intérêt à une potasse la moins chère possible et ne souhaitent pas, logiquement, la reconstitution d’un cartel qui pousserait à la hausse des prix. Ainsi, je ne crois que pas que BHP Billiton regarde d’un très bon œil cette intrusion chinoise, encore qu’il est sûrement possible de s’entendre sur des bases « sérieuses ».

Car, à long terme, la hausse attendue de la demande d’engrais devrait logiquement entraîner une tension à la hausse sur les prix des engrais en général et de la potasse en particulier. C’est alors que la guerre pourrait bien reprendre sur de nouvelles bases, faisant surgir sur le devant de la scène de nouveaux personnages aussi redoutables que pittoresques…

 

En tout état de cause, sur la Côte d’Azur, on attend avec intérêt la fin du match actuel sur la potasse, espérant récupérer Souleiman Karimov en tant qu’actionnaire principal de l’OGCN, qui en aurait bien besoin ces temps-ci…

Lire la suite

La guerre de la potasse

6 Décembre 2013 Publié dans #ACTUALITÉ


Le 30 juillet 2013, Uralkali, le numéro un mondial de la potasse, a dénoncé l’accord qui le liait depuis 2005 avec le groupe biélorusse Belaruskali.

potasse

 Cela ne vous fait ni chaud, ni froid ? Vous avez tort, parce que c’est un sacré rififi qui a commencé avec la rupture de cet accord.  Jusqu’à cette date fatale, le monde de la potasse s'était organisé en duopole. D'un côté, un cartel regroupant Uralkali et Belaruskali associés dans une entreprise commune, Belarussian Potash Company (BPC), commercialisant sa production essentiellement en Asie, particulièrement en Chine et en Inde. De l'autre côté du monde, le cartel Canpotex regroupait les firmes nord-américaines Potash Corporation of Saskatchewan, Mosaic et Agrium, centrées sur l'Amérique. Au milieu, quelques entreprises européennes, allemandes surtout, mais qui jouaient un rôle secondaire sur le marché mondial.

En effet, PBC et Canpotex fournissaient ensemble 70 % du marché mondial de la potasse et pratiquaient une politique de limitation de l'offre pour maintenir des prix rémunérateurs. En 2009, quand la tonne de potasse atteignit 840 dollars, ils produisirent au maximum de leur capacité et engrangèrent des profits substantiels.

Puis lorsque les agriculteurs réduisirent leur consommation de potasse en raison de ces prix excessifs, le duopole réduisit ses prix jusqu’au plancher de 325 dollars la tonne, tout en limitant la production pour éviter que les prix ne s’effondrent.   

En juillet 2013, Uralkali a mis fin à cette situation, parce que, a t-il dit, Belaruskali ne respectait pas la règle d’exclusivité qui réservait à leur entreprise commune, BPC, la commercialisation de la potasse. Belaruskali comptait en effet se lancer seul sur le marché du Brésil, à qui il proposait de construire des ports pour y livrer la potasse en direct, sans y associer Uralkali.

L’argument avancé par Uralkali n’était sans doute qu’un prétexte pour détruire BPC, sans quoi une négociation discrète se serait engagée qui aurait permis de trouver un compromis. De fait, Vladislav Baumgertner, le PDG d’Uralkali en fonction en juillet 2013, a aussitôt rompu l’accord avec BPC, annonçant  qu’il allait pousser sa production de 10,5 millions de tonnes en 2013 à 14 millions de tonnes en 2014, tout en déclarant qu’il était prêt à accepter une chute du prix de la potasse jusqu’à 250 dollars la tonne.

Ce naïf manager ne savait pas, à ce moment-là, ce que cette décision allait personnellement lui couter, alors que, sur le plan industriel, il se sentait en position de force. En effet, les coûts de production de la tonne de potasse par Uralkali sont les plus bas du monde, à 62 dollars la tonne, alors que la potasse produite au Canada coute 100 dollars et la potasse allemande 240 dollars.  

Vous vous doutez bien que la rupture du cartel russo-biélorusse a provoqué une chute brutale des cours de bourse de toutes les sociétés cotées du secteur, qu’elles soient russes, canadiennes, européennes, chinoises, israélienne et américaines, à l’exception de Belaruskali, qui n’est pas une société cotée. C'est la société allemande K + S qui a subi logiquement la perte la plus sévère, perdant en dix jours 2 milliards de dollars de capitalisation, en raison d’une baisse de 47% de la valeur de son action.

De plus, l’effondrement du cartel et la baisse des prix de la potasse ont brutalement remis en cause les plans d’investissement des producteurs de potasse.

Les grands projets ont été retardés. Depuis longtemps, BHP Billiton, le numéro mondial des minerais, prévoyait d’investir dans la potasse, alors qu’il est déjà le leader mondial du cuivre, du fer et du charbon et qu’il s’est engagé dans l’extraction pétrolière. Il avait l’intention, disait-on, d’investir 16 milliards de dollars au Saskatchewan (Canada) dans une mine de potasse. De même, les projets d’investissement du britannique Sirius Minerals dans une mine située dans le North York Moors National Park ont été brusquement freinés, alors qu’ils étaient proche d’aboutir malgré les contraintes environnementales.

C’est alors que le monde de la potasse retenait son souffle face aux conséquences dramatiques de la rupture du duopole, que cette affaire a pris les dimensions d’un film d’espionnage…

(À SUIVRE) 

Lire la suite