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Le blog d'André Boyer

TOUT VA BIEN DANS MARCOM?

27 Juillet 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

SOFIA ET LE MONT VITOCHA

SOFIA ET LE MONT VITOCHA

Le programme MARCOM se mit en place fin 1989 début 1990, dans des locaux mis à sa disposition par le Ministère Bulgare de l’Enseignement.

 

La prudence nous paraissait de mise, car il s’agissait pour la FNEGE du tout premier programme de formation à la gestion dans un pays de l’Europe post communiste, Jikov ayant été renversé le 10 novembre 1989 par des communistes réformistes.

Ce sont donc ces communistes réformistes qui accueillirent avec bienveillance un programme de formation correspondant à leurs plans pour former les cadres des entreprises qu’ils voulaient faire évoluer.

Nos cours étaient en français et de facture classique, rodés par des formations analogues en Algérie ou ailleurs, nos professeurs étaient expérimentés et nous trouvâmes en Bulgarie de nombreux cadres francophones qui provenaient, si ma mémoire est bonne, de six lycées bilingues à travers le pays.

Tout le monde prenait ses marques, le directeur Branimir Botev, le directeur adjoint Paul Fourquet, les professeurs français qui venaient pour la première fois en Bulgarie et la vingtaine, je crois, d’étudiants cadres qui découvraient les méthodes de l’enseignement universitaire français.

En décembre 1990, je fis une visite à Marcom. Tout semblait fonctionner correctement à l’école. Nous commencions à délivrer des diplômes, les étudiants étaient contents, l’Ambassade comme l’administration bulgare qui se réjouissaient du succès de notre programme.

Et moi aussi, j’étais content, fort satisfait de moi-même, parcourant le monde, semant des écoles partout, en Chine, à Madagascar, en Algérie et concevant un nouveau projet à Prague. J'avais tort, naturellement. 

Je visitais Sofia et ses environs en compagnie des Fourquet.  La neige recouvrait la ville, surtout aux abords du mont Vitocha qui culmine à 2300 mètres. La nuit, les couloirs de mon hôtel, proche du Parlement, étaient pleins de manifestants au repos qui s’élevaient contre les nouveaux droits octroyés à la minorité turque, mais la ville semblait désormais habituée à l’agitation qui avait suivi la chute du régime communiste. Les artistes bulgares exposaient de véritables chefs d’œuvre dans des galeries qui n’étaient pas encore fréquentées par les touristes. Les yaourts bulgares s’avéraient particulièrement délicieux dans les cafés villageois ornés de leurs fenêtres à petits carreaux entourés de glace.

Tout allait donc bien à Sofia.

Comme d’habitude, rien n’annonçait la tempête à venir.

Pourtant vint un premier signe, dont nous comprimes la signification plus tard, lorsque tout fut accompli.

Notre première surprise vint d’une proposition de projection de MARCOM à Mihaïlovgrad, une ville de cinquante mille habitants, située à cent kilomètres au nord de Sofia, pas très loin du Danube et qui s’appelle désormais Montana. Nous étions étonnés par ce projet parce que Mihaïlovgrad était une ville moyenne, peu connue et peu active. Une extension à Plodiv, la deuxième ville du pays, nous aurait paru plus logique.

Mais l’argument de Botev était que la délégation de communistes (réformateurs) locaux était enthousiaste, qu’ils mettaient de beaux locaux à notre disposition et qu’ils sauraient trouver et mobiliser les stagiaires. Au printemps 1991, nous nous rendîmes donc à Mihaïlovgrad (futur Montana), nous visitâmes des locaux qui sentaient la naphtaline, mais dotés de beaux fauteuils en cuir rouge, nous rencontrâmes des notables qui semblaient réjouis de notre passage et des journalistes locaux qui nous photographièrent en abondance.

À l’usage, la réalité s’avéra  plus prosaïque. Il n’y eut aucun programme de formation à la gestion à Mihaïlovgrad et des informateurs bien intentionnés nous expliquèrent plus tard que Botev avait passé un accord avec les notables locaux pour leur permettre d’annoncer une formation « internationale » dans cette petite ville en échange d’une livraison de viande de bœuf à Sofia sur laquelle il aurait reçu une commission.

 

Tout cela, nous ne le sûmes que trop tard, trop tard pour éviter la catastrophe qui vint.

 

À SUIVRE

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UN CANADA BRITANNIQUE EXCLUSIF

22 Juillet 2021 , Rédigé par André Boyer

UN CANADA BRITANNIQUE EXCLUSIF

Depuis 1760, les Canadiens français résistent en permanence à la tentative de submersion britannique. 

 

Face à la croissance de l'immigration britannique au Canada au milieu du XIXe siècle, l'Église catholique tente ainsi de contrer l'effet de minoration des francophones en encourageant la natalité par « la revanche des berceaux ». Puis, en 1866, l’Assemblée législative du Canada-Est, majoritairement francophone, modernise son droit en abolissant la Coutume de Paris pour introduire le Code civil du Bas-Canada inspiré du Code Napoléon, qui est devenu aujourd’hui le Code civil du Québec.

Les Anglais répliquent avec  le British North America Act (BNAA). Le 29 mars 1867, sous la pression des Canadiens anglais, la reine Victoria donna son consentement à la création du Dominion du Canada qui rassemble le Canada-Uni aux colonies du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Cet acte entre en vigueur dès le 1er juillet 1867*, entrainant la dissolution de l'Acte d'Union de 1840 entre le Haut-Canada et le Bas-Canada, maintenant la politique étrangère entre les mains des Britanniques, avec le Comité juridique du Conseil privé de la Reine  qui demeure la Haute cour d'appel du Canada et une Constitution qui ne peut être amendée qu'au Royaume-Uni.

C’est ainsi qu’en 1867, le Canada devient une fédération de quatre provinces, l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, avec un régime de monarchie constitutionnelle et un gouvernement responsable à régime parlementaire.

L’expansion du Canada se poursuit à l’ouest avec la réduction des Métis par les Canadiens Anglais lorsqu’en 1870, la colonie de la rivière Rouge devenant la province bilingue du Manitoba. Auparavant, les peuples autochtones et les Métis, descendants d'Amérindiens, de Français et d'Écossais vivaient dans une structure politique qui leur était propre. L’armée britannique provoqua un conflit ouvert avec le peuple métis de la Plaine qui désirait conserver son autorité et son autonomie sur son territoire. La négociation entre le gouvernement provisoire des Métis et le gouvernement canadien permit la création de la province du Manitoba et son entrée au sein de la Confédération en juillet 1870.

Après 1870, les Métis battus se déplacèrent vers l'ouest afin de conserver leur indépendance. Ils fondèrent la colonie de Batoche au nord de Saskatoon. L'arrivée d'immigrants anglais et l'imposition du régime cadastral en remplacement de l'ancien régime seigneurial par le gouvernement canadien provoquèrent le soulèvement du peuple métis qui prit les armes afin d'établir un État indépendant  qui fut battu par les armées britanniques en 1884. Cette conquête permit la création en 1905 de l’Alberta et du Saskatchewan, tandis que les Amérindiens étaient parqués et abandonnés à leur sort dans des réserves.

Du côté des Canadiens français, la résistance resta vive contre le diktat des Canadiens anglais : en 1918, la population québécoise manifesta son opposition à la conscription décidée par le gouvernement canadien par des émeutes qui montrèrent que les Canadiens français étaient traités comme des citoyens de seconde zone. Puis pendant les années 1960 de Jean Lesage, le père de la Révolution tranquille, les Québécois se mobilisèrent contre leur sous-représentation dans les postes stratégiques et économiques, alors que la société québécoise commençait à s'urbaniser.

En 1967, René Lévesque fonda le Mouvement Souveraineté-Association qui mena à la formation du Parti Québécois et à d’autres partis indépendantistes plus radicaux, tandis que le « Vive le Québec libre ! » de Charles de Gaulle à Montréal faisait connaître la question québécoise à la communauté internationale.

Pour faire face à cette poussée indépendantiste, la loi sur les langues officielles proclama en 1969 que l'anglais et le français étaient les langues officielles du Canada à égalité devant la loi, mais en même temps la Gendarmerie Royale du Canada effectuait une série d'actes illégaux contre le mouvement souverainiste du Québec. Alors qu’en 1980, 59,6 % des électeurs rejetaient la proposition de souveraineté association, le Premier Ministre Fédéral et les Premiers Ministres provinciaux, en réaction au mouvement indépendantiste, demandaient en novembre 1981 le rapatriement de la Constitution en excluant le Québec des négociations.

C’est ainsi que lorsque le Canada rapatria sa Constitution depuis la Grande-Bretagne le 17 avril 1982, il créa un État souverain dont les modalités d’organisation n’avaient pas été approuvées par l’Assemblée Nationale du Québec.

Aussi, en 1995, un nouveau référendum sur la souveraineté du Québec ne fut rejeté que d’extrême justesse, à 50,6 % des voix. À la suite de ce referendum, l'Assemblée Nationale du Québec vota à l’unanimité la loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple du Québec et de l’État du Québec. 

Aujourd’hui, en 2021, François Legault est le Premier Ministre d’un Québec qui oscille toujours entre la résistance à la domination anglo-saxonne et la recherche d’accommodements raisonnables. Car, comme le relate la succession des évènements historiques depuis 1763, la société canadienne française a du sans cesse défendre sa différence face à une société canadienne anglaise qui n’a ni cherché à l’inclure ni à lui concéder le droit d’avoir une identité propre.

 

Est-ce que la société française est non soluble dans la société anglaise ou est-ce que la société anglaise est fondamentalement incapable d’assimiler toute autre société ? That is the last question…

*Le 1er juillet est devenu le jour de la fête nationale du Canada.

 

FIN

 
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LE LANCEMENT DE MARCOM

18 Juillet 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

MITTERRAND ET JIVKOV

MITTERRAND ET JIVKOV

La même année que le programme du CNAT en Algérie, en 1989, la FNEGE* se voit attribuer le marché de MARCOM en Bulgarie et elle me demande de mettre en place ce programme.

 

J’étais alors en charge de quatre programmes internationaux pour le compte de la FNEGE, à Madagascar, en Chine, en Algérie et en Bulgarie. Autant reconnaître que ces activités occupaient l’essentiel de mon temps et de mes pensées, mon enseignement et ma recherche passant au second plan.

Il était logique que la FNEGE, par l’entremise de son secrétaire général et ami Jean-Claude Cuzzi,  me propose alors de travailler quasi à plein temps pour son programme international, qui était dirigé par l’excellent Joël Rateau.

Jean-Claude Cuzzi souhaitait qu’à terme je m’installe à Paris, ce qui signifiait d’y trouver un poste de Professeur acceptable et d’y déplacer ma famille. J’acceptais dans un premier temps de passer deux jours par semaine dans les bureaux de la FNEGE, 2 Avenue Hoche, prenant l’avion régulièrement en Classe Affaires entre Paris et Nice (cela existait à l’époque), ce qui me permit de voir l’avion attendre pour décoller d’embarquer le Prince Albert et l’un de ses amis, dont j’observais le comportement lors du vol.

Mais en fin de compte, je ne donnais pas suite au projet de m’installer à Paris et les aller retour Nice Paris cessèrent au bout de quelques mois.

La Bulgarie donc. En janvier 1989 Todor Jivkov et François Mitterrand, en déplacement à Sofia, avaient passé un accord pour créer à Sofia une école de gestion destinée aux dirigeants et cadres d’entreprise bulgares, MARCOM. Ne me demandez pas ce que signifie exactement ce sigle bulgare en français, je ne m’en souviens plus.

Il s’agissait, avant de s’effacer, d’une des dernières tentatives du régime communiste bulgare pour se moderniser en initiant ses cadres aux méthodes de gestion occidentales. Le problème structurel de cette École résidait dans sa direction bicéphale, un type de direction qui s’est toujours et partout révélée instable, conduisant soit à la prise de pouvoir par l’une des deux parties, soit à la destruction de la structure, et ce qui est arrivé finalement à MARCOM.

Le conseil d’administration était parfaitement paritaire entre bulgares et français, même si le Président du CA, français, avait voix prépondérante. Il faut savoir que le financement de MARCOM était largement assuré par le budget du Ministère des Affaires Étrangères, à l’exception des salaires des employés bulgares de MARCOM et de ses locaux.

J’étais chargé d’organiser le fonctionnement de MARCOM, recrutement des professeurs et des étudiants, conception du programme de formation, relation avec les entreprises (généralement publiques) bulgares. Je devais aussi recruter un Directeur Adjoint au Directeur de l’école, ce dernier étant statutairement bulgare, Branimir Botev. Je proposais le poste à l’un de mes amis, Paul Fourquet qui était en poste à l’IUT de Nice dans le département GEA.

Paul et sa femme n’hésitèrent pas à s’installer à Sofia, supportant vaillamment les troubles qui accompagnèrent le changement de régime. Mais ils avaient (et ils ont toujours sûrement) le goût des défis à relever. Et il fallait avoir du courage pour quitter Nice pour Sofia dans les années 1989-1990.

 

L’école se mit en place, dirigée conjointement par l’attelage Botev-Fourquet qui ne tarda pas à devenir conflictuel.

* La FNEGE est une organisation reconnue d'utilité publique, à but non lucratif, créée en 1968, dans le but de développer et d'améliorer la qualité de l’enseignement supérieur de gestion des entreprises en France. L'acronyme FNEGE signifie Fondation Nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises. 

À SUIVRE

 

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LE DESTIN DU CANADA APRÉS LE RETRAIT FRANÇAIS

13 Juillet 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA REBELLION DES PATRIOTES

LA REBELLION DES PATRIOTES

Nous avons relaté le conflit qui a opposé la France et le Royaume Uni pour contrôler l’Amérique du Nord, et plus particulièrement autour de la Nouvelle France entre 1747 et 1783.

 

Après la conquête par les Anglais des territoires de la Nouvelle-France, l’histoire du Canada s’amorce. À cet égard, il est saisissant de constater que rien dans cette histoire du Canada ne révèle une volonté d’inclusion de la part des Canadiens anglais, ni des Amérindiens, ni des Canadiens français.

Les premiers seront éliminés démographiquement, avant que les survivants ne soient confinés dans des réserves et liquidés en détail, comme le montrent les découvertes récentes de sépultures des orphelinats amérindiens.

Les seconds, trop nombreux du fait de la séparation entre le Canada et les États-Unis, n’ont pu être ni déplacés comme les Acadiens, ni éliminés démographiquement. Les Canadiens Anglais ont donc tenté de les assimiler au plan juridique et pratique. N’y étant pas parvenus, ils les ont maintenus dans une position subalterne, mais en aucun cas ils ne les ont inclus dans leur propre société.

La Nouvelle-France a été placée sous un régime militaire anglais, avant que le Traité de Paris en 1763 n’attribue définitivement à la Grande-Bretagne l'Acadie, le Canada et la partie orientale de la Louisiane, entre le Mississippi et les Appalaches. Le Canada devint la « Province of Quebec », avec un gouverneur général reprenant les rôles du gouverneur et de l'intendant de la Nouvelle-France, sous l'autorité de la Couronne britannique.

Les institutions issues de la France furent abolies, privant officiellement les Canadiens français de la pratique de leur religion. En outre l'utilisation de la Coutume de Paris fut remplacée par la Common Law, droit coutumier britannique.

Mais en 1774, devant les menaces d'insurrection de la Province of Quebec concomitantes avec la révolte latente des Treize Colonies, le gouvernement britannique proclama « l'Acte de Quebec » qui élargissait les frontières de la colonie en y incluant les territoires de l’Ontario actuel et de la vallée de l’Ohio, et qui permettait aux Canadiens français de conserver le régime seigneurial, de pratiquer la religion catholique et d'utiliser la Coutume de Paris pour régir le commerce et les rapports civils, tout en maintenant le droit pénal britannique.

Mais pendant les années suivantes, les efforts des Canadiens anglais ont visé à faire disparaître progressivement les Canadiens français,  provoquant la révolte de ces derniers:

  • En 1791, l’arrivée de nombreux loyalistes britanniques dans les provinces of Québec et limitrophes conduisit à l'Acte constitutionnel qui divisait le Canada en deux, Le Haut-Canada, peuplé des loyalistes anglais et le Bas-Canada, peuplé des Canadiens français et qui accordait à chacune des deux colonies une Chambre d'assemblée soumise au veto du Gouverneur nommé par le Roi d'Angleterre.
  • En 1822, un projet d'union législative des deux Canadas est soumis au Parlement de Londres, afin d’obtenir que les francophones deviennent minoritaires. Mais de nombreux représentants bas-canadiens s’y opposent et le projet est abandonné devant leur résistance.
  • En 1828, les représentants du Parti patriote fondé par les Canadiens français déposent des pétitions à la Chambre des Communes britannique pour se plaindre des actes du gouverneur général George Ramsay à l'endroit des francophones.
  • En 1834, le Parti Patriote du Bas-Canada demande à Londres l'indépendance politique qui lui est refusée. Le Parti patriote organise alors de nombreuses réunions qui demandent le respect des droits de l’homme, proposent une lutte constitutionnelle, le boycott des produits britanniques et l'organisation paramilitaire des jeunes Patriotes, la Société des Fils de la Liberté.
  • En 1837-1838 se déroule la Rébellion des Patriotes qui dégénère en guerre civile dans le Bas-Canada. La Rébellion propose de déclarer d'indépendance du Bas-Canada et de promulguer la séparation de l'Église et de l'État afin de créer la République du Bas-Canada. La révolte est violemment réprimée par l'armée britannique. 
  • En 1840, Le rapport Durham recommande de réunifier les deux colonies afin d’assurer une présence plus importante de la culture britannique auprès des francophones. Le rapport donne lieu à la création du Canada-Uni, qui abroge une partie des droits octroyés aux Canadiens français par l'Acte de Québec de 1774. Dans les années qui suivent, de nombreux Canadiens français émigrent dans les États de la Nouvelle-Angleterre afin de fuir l'oppression anglaise (la Grande Hémorragie).
  • En 1848, la nouvelle colonie du Canada-Uni obtient la Responsabilité ministérielle et l'Institut canadien de Québec est créé afin de contrecarrer l'influence grandissante de la culture britannique.

 

À partir des années 1850, les riches familles anglaises du Canada s'établissent dans la ville de Montréal, fondent des entreprises avec des Canadiens anglais aux postes de contremaîtres et des Canadiens français comme ouvriers, tandis que la majorité de ces derniers, soutenus par l'Église catholique, vivent repliés sur eux-mêmes dans les activités agricoles.

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REGARDER LA VÉRITÉ EN FACE?

8 Juillet 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

REGARDER LA VÉRITÉ EN FACE?

Si la science n’apparaît plus comme l’arme absolue pour découvrir la réalité du monde, que faire ?

 

Autrefois les hommes vivaient dans l’idée que le monde tournait autour d’eux, ce qui leur donnait un sentiment de sécurité. Depuis vingt générations environ, la science a fait pièce à cette prétention. Il a fallu que l’espèce humaine chasse de son esprit les vérités léguées par ses ascendants et à peine s’y était-elle résolue que la science avoue les limites de sa capacité à comprendre le monde.  

Une contradiction est en effet apparue entre le doute engendré par le raisonnement scientifique et le besoin fondamental de vérité qui habite les hommes, vérité du monde, vérité de la vie, vérité du moi.

Ce besoin de vérité explique que l’homme ne demande qu’à avoir la foi, qu'il s’accroche à ce qu’il peut saisir, à la religion, à la tradition, à la raison,  à la science, toujours à la recherche de chemins vers la vérité.

Or, le point faible des tenants de la vérité scientifique se niche dans la preuve. Avant la science, on pouvait croire sans preuve. La gloire de la science s’était construite sur sa prétention à apporter les preuves de ce qu’elle avançait.

Mais comme ces preuves se sont évanouies au moment précis où les scientifiques croyaient pouvoir disposer de tous les moyens pour les apporter, le doute est désormais omniprésent dans la démarche scientifique.  En outre, la logique s’est démontrée à elle-même qu’elle se trouvait dans l’incapacité de prouver quoi que ce soit qu’elle ne savait déjà avant de commencer ses analyses.

Le doute s’est aussi niché dans la vision subjectiviste du monde qu’implique la suprématie de la raison. Désormais, la vérité émerge de l’individu. Tant qu’elle venait d'en haut, que ce soit de Dieu ou de la Science, l’homme y casait ses petites vérités personnelles qu’il cachait ou affichait, à son goût et à ses risques. Mais si la source de vérité devient individuelle, personne ne peut plus accepter une vérité collective, sauf si elle est compatible avec la sienne propre.

Nous sommes désormais libres de choisir ce que nous appelons « vérité », car personne n’est plus autorisé à se référer à  une vérité qui le dépasse, en d’autres termes à une vérité transcendantale et, à l’autre bout de la chaine, personne n’est prêt accepter d’être dépossédé de sa vérité particulière.

Il reste que la démarche de l’homme depuis les origines de l’humanité exprime qu’il ne peut se résoudre à vivre dans un monde où ses actions seraient vides de sens, un monde qui lui serait hermétique.

Nous voilà à nouveau seuls au bord du chemin. Il nous faut une troisième fois, après avoir adhéré aux religions monothéistes puis à la science, réévaluer notre situation sur cette Terre. La science, à force de prétendre pouvoir tout comprendre, tout savoir, tout faire, nous avait érigés en démiurges, avant de nous faire redescendre de notre piédestal. Il reste que la conscience que nous avons du monde nous impose de donner un sens à notre présence, ce qui est la source de notre désarroi.  

 

Lorsque nous prenons conscience que nous ne pouvons pas renoncer à la vérité, lorsque nous choisissons donc, par tous les moyens en notre possession, de nous en approcher le plus possible, encore faut-il accepter de la regarder en face cette vérité, personnelle, fragile et provisoire…

 

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LA VÉRITÉ SCIENTIFIQUE ASSAILLIE DE TOUTES PARTS

4 Juillet 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE, #CULTURE

KURT GÖDEL

KURT GÖDEL

Les philosophes n’ont eu de cesse d’insister sur le caractère subjectif de la pensée humaine, ou encore sur la subjectivité qui s’attache à la vérité délivrée par un être humain.

 

Arthur Schopenhauer s’est ainsi efforcé de montrer les limites de la pensée de Kant, en soulignant que la vérité trouvait sa source dans la volonté de l’individu. Quant à Nietzsche, il a  carrément refusé d’envisager la possibilité qu’il puisse exister une vérité objective. En outre, le subjectivisme a trouvé un renfort puissant chez les linguistes comme Saussure qui a démontré qu’aucun langage ne permettait de formuler quoi que ce soit d’assuré.

Même si Wittgenstein a tenté de surnager dans l’océan de scepticisme qui submergeait la pensée philosophique occidentale, il a dû finalement convenir qu’il fallait renoncer à toute prétention d’acquérir une connaissance objective des faits.

Puis les philosophes, obsédés par le subjectivisme, ont été soudainement dépassés par les artistes, qui sont souvent annonciateurs de changements de paradigme. Ce fut le cas, on s’en souvient, de Giotto Di Bondone dont le réalisme était le héraut du paradigme expérimental et ce fut encore le cas du Dadaïsme qui a barbouillé les espaces et du Surréalisme qui a aboli la différence entre le rêve et la réalité : tous deux annonçaient l’irruption de l’incertitude dans la pensée scientifique. 

La science, dès le début du XXe siècle, va se trouver en effet prise en tenailles entre la subjectivité de l’individu, à laquelle elle résistait victorieusement depuis deux siècles en s’abritant derrière l’objectivité de l’expérimentation et la soudaine association de l’incertitude aux résultats qu’elle obtenait, alors qu’elle rêvait d’offrir à la pensée humaine un univers ordonné.

Si elle avait toujours été consciente de ses failles, la science prétendait néanmoins avoir initié une marche en avant permanente vers la vérité. Or la physique, l’une des disciplines scientifiques les plus prestigieuses, se mettait tout d’un coup à nous présenter un monde chaotique, contradictoire, où se déroulaient des évènements non observables et où circulaient des particules indétectables dont l’origine était indéterminée et dont les effets étaient imprévisibles !

Ce fut un choc dont aucun scientifique ne s’est vraiment remis : Einstein décrivait un univers où la masse et l'énergie n’étaient que deux aspects d'une même réalité insaisissable et où les parallèles se rencontraient. Le battement d’aile du papillon devenait le symbole universel du désordre qui pouvait pervertir n’importe quel système. Pour couronner le tout, le principe d’incertitude de Bohr et Heisenberg appliqué aux électrons démontrait que l'observateur était, par essence, partie prenante dans l'expérience qu’il menait, si bien qu’aucune expérience ne pouvait être considérée comme objective. Aucune expérience n’était objective ! Tout simplement impensable!

Le choc ne s’arrêtait pas aux frontières de la physique. Il atteignait le cœur battant de la pensée scientifique, la logique scientifique, lorsque Henri Poincaré remettait en question le postulat central de cette logique scientifique en démontrant que le lien entre l'hypothèse et la preuve était construit artificiellement, ce qui remettait carrément en question la notion de démonstration. C’est ce qu’écrivait également Kuhn, quoiqu’avec plus de délicatesse, lorsqu’il décrivait les révolutions scientifiques comme des changements de paradigme, ce qui signifiait en clair que les découvertes scientifiques étaient dépendantes de la perspective choisie par le chercheur. Plus d’expérience objective, plus de démonstration véritable, que restait-il à la science pour prétendre détenir le monopole de la recherche de la vérité?

D’autant plus que Frege allait plus loin encore en soutenant que la raison ne fournissait rien de plus qu’une vérité contingente puisqu’elle se contentait de confirmer ce que l’esprit savait déjà par l’induction, l’intuition ou l’observationEt Gödel renchérissait dans le même sens en démontrant qu’il n’existait aucune logique qui permettait d’affirmer que des propositions mathématiques étaient justes ou fausses.

 

Ces remises en cause de la validité de la preuve, si centrale dans la démarche scientifique, contraignaient la science à reconnaître que ses démonstrations étaient entachées d’incertitude, de subjectivisme et d’autojustification qui, toutes trois, affaiblissaient sa légitimité.

Avec quels outils, finalement, approcher LA vérité ?

 

À SUIVRE 

 

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