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Le blog d'André Boyer

Les Alaouites à la conquête du pouvoir

26 Juillet 2012 Publié dans #ACTUALITÉ

Dés leur prise de pouvoir en Syrie, les Sunnites abolissent l'Etat alaouite, dissolvent les unités militaires alaouites, suppriment les sièges des Alaouites au Parlement ainsi que les tribunaux qui appliquaient les lois alaouites au statut personnel.

Hafez-el-Assad.jpgDe leur côté, les Alaouites, ayant compris que leur avenir se situait irrévocablement au sein de la Syrie, s’organisèrent pour accéder au pouvoir.

L'armée restait un refuge pour les minorités. Pour les grandes familles de l'aristocratie sunnite, l'Académie militaire d’Homs n’était bonne que pour accueillir les paresseux ou les classes subalternes. En outre, craignant que l’armée ne soit un outil pour faire des coups d’États, les dirigeants sunnites se sont efforcés de déconsidérer la carrière militaire. Mais pour les ruraux qu’étaient les Alaouites, l’armée, dont ils n’avaient d'ailleurs pas les moyens de s’exempter, restait un moyen de vivre décemment.

On ainsi vu les Alaouites constituer la majorité des soldats et les deux tiers des sous-officiers de l’armée syrienne. Pour les officiers, les Sunnites ont cru habiles de se réserver les postes de haut rang. Cette politique discriminatoire les a desservis au cours du temps, car ces officiers supérieurs se sont consacrés à s’éliminer entre eux au cours des nombreux coups d'Etat militaires qui ont eu lieu entre 1949 et 1963. Progressivement, les officiers alaouites les ont remplacés, et au fur et à mesure où ces derniers montaient en grade, ils ont fait entrer leurs parents dans l’armée.

Les Alaouites ont pratiqué la même politique d’entrisme dans le parti Ba'th, d’autant plus qu’ils adhéraient volontiers à son idéologie, sociale et laïque.

À partir de 1963, en trois coups d’État, celui de mars 1963 initié par le parti Ba’th, celui de 1966 organisé par les Alaouites et le dernier dirigé par Assad en novembre 1970, les Alaouites se sont progressivement installés au pouvoir. En 1963, si le président nommé par le parti Ba’th, Amin al-Hafiz, était un sunnite, il n'a pas pu empècher les Alaouites de devenir majoritaires parmi les officiers, avec le soutien des Druzes et des Ismaéliens. Dés cette époque, certaines unités furent uniquement  constituées d’Alaouites. En même temps, les Alaouites sont entrés en nombre dans le parti Ba’th, au point que les nouvelles adhésions alaouites firent quintupler en un an le nombre des adhérents au parti.

Inquiet de cette stratégie d’infiltration, le président Amin al-Hafiz a fini par décider en février 1966 d'éliminer 30 officiers alaouites, mais c’était trop tard. Par un nouveau coup d’État particulièrement sanglant, les Alaouites  s’emparèrent du pouvoir le 23 février 1966 en poursuivant l'élimination des officiers sunnites. Cette main-mise alaouite sur le pouvoir provoqua des révoltes de la part des autres communautés syriennes, alors même que deux rivaux alaouites se disputaient le pouvoir, Salah Jadid et Hafez el Assad. La guerre de septembre 1970 entre l'OLP et le gouvernement jordanien et la défaite de l’armée syrienne offrirent à Hafez el-Assad l’opportunité de l’emporter par un dixième coup d'Etat militaire en dix-sept ans, qui pour une fois ne donna pas lieu à un bain de sang.

Depuis 1970, toutes les tentatives de coup d’État ont échouées. Jusqu'à ces derniers temps où les monarchies du Golfe financent la révolte des Sunnites syriens avec le soutien des américains et des européens qui invoquent les Droits de l'Homme, le pouvoir en Syrie semblait solidement tenus par les Alaouites regroupés autour de la famille el Assad. 

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Grâce à la France, les Alaouites relèvent la tête

23 Juillet 2012 Publié dans #ACTUALITÉ

Lorsque la France s’est fait, en 1922, confier par la Société des Nations le mandat du Liban et de la Syrie, elle proclama, sous l’autorité du Général Henri Gouraud, la création d’un Grand Liban multiconfessionnel et elle découpa la Syrie en plusieurs entités aux statuts différents pour respecter l’identité de ce que l’on appelait les « minorités compactes ».

timbre-alaouites.jpgLa Syrie fut constituée en Fédération, formée  de deux États, l’État de Damas et l’État d’Alep, tous deux à majorité sunnite, et de deux territoires autonomes, l’État des Alaouites et le Djebel Druze, auquel s’ajouta l’année suivante le Sandjak d’Alexandrette peuplé d’une minorité turque qui sera cédé à la Turquie dés 1939. Les Chrétiens, dispersés dans tout le pays, ne bénéficièrent d’aucun statut séparé.

L'État alaouite, créé le 1erjuillet 1922, disposait d'une faible imposition basse et d'une importante subvention française. Les Alaouites profitèrent rapidement de leur statut en termes de développement comme au plan juridique. Sur les 6500 km2 de leur petit territoire furent construits le port de Lattaquié, des hôpitaux, des écoles, des routes. Ils échappèrent au droit musulman en disposant de leurs propres tribunaux pour ce qui relevait du statut personnel. 

Les Alaouites ont accepté ces changements avec enthousiasme et, en échange, ont contribué à maintenir la domination française. Ils se sont déplacés en grand nombre lorsque la plupart des Syriens ont boycotté les élections de janvier 1926 parrainées par la France. Ils ont fourni la moitié des huit bataillons d'infanterie constituant les Troupes Spéciales du Levant, servant de police et de service de renseignement. Ils ont brisé les manifestations sunnites, arrêté les grèves et réprimé les révoltes.

Ils étaient persuadés (ils ne connaissaient pas les détours de la politique française) que le mandat de la France déboucherait sur la reconnaissance définitive d’un État alaouite qui leur permettrait d’échapper à l’éternelle persécution de la part des Sunnites. Or, à partir de 1930, la France sacrifia l’intérêt des minorités alaouites et druzes à ses propres intérêts politiques. En effet, les militants sunnites qui revendiquaient l’indépendance de la Syrie étaient prêts à signer un traité d’amitié avec la France à condition que les Alaouites et les Druzes soient rattachés à la future Syrie indépendante.

Les Alaouites protestèrent énergiquement contre ce projet. C’est ainsi qu’en 1936, six notables alaouites, y compris le grand-père d’Hafez al-Assad, envoyèrent une lettre à Léon Blum dans laquelle ils lui faisaient observer que les Alaouites différaient des Sunnites religieusement et historiquement et qu’ils refusaient d'être rattachés à la Syrie car elle était un État dirigé par les Sunnites qui les considéraient comme des non-croyants. La même année, 450.000 Alaouites adressaient au gouvernement français une pétition dans laquelle ils déclaraient notamment que « Les Alaouites croient qu'ils sont des êtres humains, pas des bêtes prêtes à l'abattage. Aucune puissance au monde ne peut les forcer à accepter le joug de leurs ennemis traditionnels et héréditaires en étant leurs esclaves pour toujours.» Mais les Alaouites eurent beau attirer l’attention de Paris sur les risques de ce rattachement et demander, à défaut de leur indépendance, leur rattachement au Liban, rien n’y fit. Le 9 septembre 1936, le gouvernement français signait un traité franco-syrien qui rattachait le territoire des Alaouites à la Syrie.

En avril 1946, lorsque les Anglais évacuèrent la Syrie, les Alaouites retombèrent donc  sous la coupe des Sunnites.

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Les Alaouites. Vous avez dit les Alaouites?

20 Juillet 2012 Publié dans #ACTUALITÉ

Pour comprendre les enjeux de la guerre en Syrie, il est nécessaire de faire l’effort de comprendre qui sont les Alaouites et pourquoi ils suscitent une forte hostilité religieuse de la part des musulmans sunnites, plutôt que d’écouter passivement les déclarations de nos idiots officiels, BHL en tête, qui ne voient dans la chute promise de Bachar El-Assad que celle d’un tyran.

pano_4_g.jpgEn effet, nos « idiots officiels » nous empêchent de voir que la guerre civile en Syrie est une guerre menée par les Sunnites de Syrie soutenus par les Sunnites du Golfe contre les Alaouites et non pas une guerre visant à promouvoir les Droits de l’Homme en Syrie. Pour cela, ils nous cachent que le pouvoir de la famille El-Assad n’est pas exclusivement celui d’un clan familial, mais avant tout celui d’un groupe religieux et ethnique, les Alaouites, menacés de massacre si le régime actuel s’écroule.  

Pendant de nombreux siècles, les Alaouites ont été les personnes les plus faibles, les plus pauvres, les plus méprisées, les plus arriérées de Syrie. Or ils forment aujourd’hui son élite dirigeante, ils dominent le gouvernement et détiennent les postes militaires clés.

Comment cette transformation est-elle arrivée ?

Les Alaouites constituent un groupe d’environ un million trois cent mille personnes, dont un million vivent en Syrie. Ils constituent environ 12 pour cent de la population syrienne et les trois quarts d’entre eux vivent dans la province de Latakieh au nord-ouest de la Syrie, où ils représentent près des deux tiers de la population. Ils pratiquent l’Alaouisme, une religion qu’eux-mêmes considèrent généralement comme musulmane, mais que les musulmans sunnites rejettent comme hérétique.

Le mouvement religieux des Alaouites date du IXe siècle. Son fondateur, Mohamed Ibn Noçaïr, un musulman chiite natif de Bassora dans l’Irak actuel), a développé une doctrine éloignée des principes fondamentaux de l’Islam. L’Alaouisme érige en effet Ali, gendre de Mahomet, au sommet d’une trinité comprenant Mahomet et son compagnon Salman al-Farisi, un perse zoroastrien à la recherche de la Vérité. Il emprunte dans son livre fondateur, El Kitab madjmou El A’Ayad (le Livre recueil des Fêtes), à certains rites chrétiens et païens et réserve à des initiés exclusivement masculins la connaissance de ses dogmes et de ses pratiques.

Par exemple, l'Alaouisme permet de boire du vin, célèbre de nombreuses fêtes chrétiennes et honore des saints chrétiens. Mais on ne sait pas tout de l’Alaouisme, dont les rites doivent rester secrets, sous peine de mort pour les contrevenants. Les femmes ne sont jamais admises dans ces secrets religieux ; elles n’ont pas l’obligation de se voiler et ont généralement plus de liberté de mouvement que les femmes musulmanes. Comme les Alaouites rejettent la charia, ils ignorent les restrictions alimentaires et les rituels religieux, accordent peu d'attention au jeûne, à l'aumône, et au pèlerinage à la Mecque qu’ils considèrent comme une forme d'idolâtrie. Ils n’ont même pas de lieux de culte, les prières ayant lieu dans des maisons privées, ordinairement chez les chefs religieux.

Même si la religion alaouite n’est rattachée à l’Islam qu’en apparence, les Alaouites ont l’habitude de revendiquer l'Islam quand cela leur convient. C’est ce qu’ils appellent la taqiya (la dissimulation religieuse) destinée à leur éviter d’être persécutés. Car, plus que le judaïsme ou le christianisme, les Alaouites suscitent l’hostilité des musulmans sunnites qui les considèrent comme des apostats qui n’acceptent pas le principe clé de l’Islam, à savoir que la dernière révélation de Dieu est allée à Mahomet. Les Chiites sont plus indulgents à leur égard, les taxant simplement de dépasser les limites dans leur déification d’Ali. 

C’est pourquoi les Alaouites ont toujours été persécutés par les Sunnites, ce qui les a contraints à se retrancher dans les replis montagneux du djebel Ansarieh situé entre le Nord Liban et la Turquie. Ils ont toujours vécu en circuit fermé et ne se sont livrés à aucun prosélytisme envers quelque population que ce soit. Des siècles d'hostilité à leur égard leur a donné la réputation de montagnards féroces et indisciplinés, attaquant les étrangers, pillant les villageois sunnites dans les plaines et se refusant à payer des impôts.

 

Jusqu’au début du XXe siècle, en total antagonisme avec la bourgeoisie sunnite des villes, les Alaouites étaient les plus pauvres parmi les pauvres. Leur ascension sociale date de l’arrivée des Français en Syrie, vers 1920.

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Aprés l'effort, l'effort...

16 Juillet 2012 Publié dans #INTERLUDE

Nous passons notre vie à faire des efforts, à surmonter des obstacles, à résoudre des problèmes. Chaque fois, nous avons dans l’esprit que, l’effort effectué, l’obstacle franchi, le problème résolu, cela ira mieux, nous aurons marqué un point, nous pourrons capitaliser sur l’acquis.

effort--3d.jpgDés l’enfance, nous sommes poussés à faire des efforts, que ce soit de notre fait ou  sous la houlette de nos parents. Il nous faut apprendre à marcher, à ne pas faire pipi au lit, à parler, puis plus tard à lire, écrire et compter sous la direction plus ou moins douce de nos professeurs d’école. Les récompenses matérielles et les encouragements moraux accompagnent nos progrès : «  Bravo, c’est une victoire, c’est un pas de franchi ». Adolescents, nous devons veiller à ne pas rester dans la queue  du peleton, résister aux tentations du tabac, de la drogue, des « mauvaises fréquentations ». Nous divisons le monde entre ceux qui nous poussent en avant et ceux qui nous tirent en arrière.

Plus tard, il s’agira de réussir et de terminer nos études, de trouver, de rester et de nous imposer dans l’entreprise. Sans compter qu’il faut aussi parvenir à réussir notre vie privée, rencontrer quelqu’un, former un couple, élever des enfants. Les échecs nous guettent, le licenciement, le divorce, la dérive des enfants.

Plus tard encore, nous voici face au défi de la retraite, de la maladie, de la mort. À chaque étape son lot de défi, de choix, de décisions à prendre et à assumer, d’efforts à faire pour surmonter la difficulté que nous rencontrons, efforts plus ou moins intenses et plus ou moins couronnés de succès. Puis, l’étape passée, nous nous réjouissons du succès ou nous prenons acte de l’échec définitif de nos efforts, nous recouvrons notre sérénité, nous nous détendons, nous pensons que le plus dur est passé.

Nous avons raison de nous détendre, c’est absolument nécessaire. Mais seul l’aveuglement peut nous faire croire que la bataille est terminée : une bataille est terminée, la prochaine est en préparation, si elle n’est pas déjà en cours. Les batailles ne s’arreterons  qu’avec notre mort. 

Si bien que l’on peut se demander s’il est vraiment raisonnable de se donner tant de peine pour résoudre un problème si c'est pour se retrouver aussitôt face au problème suivant ? C’est sans doute ce que doivent se dire les personnes qui ont décidées de rester dans l’enfance. Il n’est pas très raisonnable non plus de s’acharner à résoudre un problème, tout en étant convaincu que ce sera le dernier obstacle ou à tout le moins l’obstacle majeur à franchir, après lequel tout sera plus facile. Les survivants de la guerre de 14-18 se consolaient de leurs souffrance par la méthode Coué : ce sera la Der des Der, affirmaient-ils : ils ont vu.  Plus communément, nous pensons que lorsque nous aurons trouvé un travail, tout sera plus facile ou que lorsque nous serons à la retraite, nous pourrons souffler.

Que nenni ! La vie est bien cela, une succession d’obstacles à franchir.

Quelle peut être notre démarche dés lors ? J’écarte l’idée aussi séduisante que dévastatrice de renoncer d’emblée à faire front : elle n’est que suicide, moral et donc physique.  J’écarte aussi l’idée naïve de faire semblant de croire qu’une fois la difficulté surmontée, tout ira mieux. Je ne retiens qu’une seule vision du monde, celle qui fait de la vie un combat perpétuel contre nous–mêmes, les obstacles qui se dressent devant nos objectifs, contre les revers de fortune, contre tout ou presque.

 

Il nous reste tout de même le choix entre deux manières d’accepter cette lutte : en faire une croix que nous avons à porter toute notre vie ou un défi dont nous célébrons chaque étape, victoire ou défaite, comme si nous célébrions l’honneur d’avoir eu le choix de livrer combat, contre quoi, peu importe.

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Nous voulons contrôler le monde

11 Juillet 2012 Publié dans #PHILOSOPHIE

Renonçant à l’instinct, c’est la volonté d’agir sur le monde qui a contraint les êtres humains à élaborer le système qu’ils nous ont légué. Ils n’ont fait l’effort de comprendre les mystères qui les entouraient que pour  mieux contrôler leur environnement.

earth.jpgAvant même de délaisser la protection de l’arbre, nos ancêtres prennent conscience qu’ils existent. Ils regardent autour d’eux et aperçoivent des êtres et des choses qu’il leur faut absolument identifier, neutraliser ou exploiter.

C’est de là que vient ce besoin de l’homme de comprendre, de la nécessité du contrôle. Il lui faut se saisir de la vérité par un bout quelconque, et tâcher de l’apprivoiser. La prise de conscience de la mort le rend anxieux, l’immensité de ce qu’il appellera plus tard l’Univers, ou comme écrit Pascal, "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie" : il faut qu’il invente quelque chose  pour diminuer son tourment.

Dès lors qu’il ne se laisse plus guider par ses instincts mais prétend prendre en main sa survie, son salut ne repose plus que sur sa clairvoyance. Depuis, aucun homme n’a jamais pu vivre sciemment dans l’ignorance et le mensonge. Si la difficulté de la recherche ou de l’acceptation de la vérité a souvent incité l’homme à tricher avec la vérité, cette dernière l’a toujours rattrapée, le contraignant à regarder les choses en face.

Les limites de sa capacité de penser le monde ont obligé l’homme à choisir une vision du monde qu’il a construite à partir des informations fragmentaires dont il disposait. Dans un premier temps, ce qui lui a semblé le plus simple le plus satisfaisant pour son esprit  a été de choisir une vision unitaire, on dit aussi une vision moniste, du monde. Mais il s’est rendu compte au bout d’un temps assez long que cette vision moniste l’empêchait de comprendre la dynamique d’un monde en perpétuel changement, un changement qu’il ne pouvait pas s’offrir le luxe de nier.

Alors il a cherché un autre angle pour comprendre le monde et il a adopté une vision dualiste du monde permettant d’expliquer ses variations selon deux principes complémentaires et conflictuels, supposés s’équilibrer. Le bon et le mal zoroastriens ou le yin et le yang du taoïsme témoignent de ces visions binaires de l’Univers, encore que ce dernier ne soit pas parvenu à s’exonérer de son origine moniste puisque le terme « Tao » désigne le principe régulateur de l’Univers. La pensée de l’homme oscille dès lors entre deux tentations concurrentes de cohérence, l’une dualiste, l’autre moniste. Ces deux visions du monde se sont affrontées, s’imposant tour à tour comme la pensée dominante d’une époque.

Elles se sont d’ailleurs succédé : la vision cohérente et unitaire du monisme a repris de la force, en réaction aux difficiles équilibres de la pensée dualiste, commandant aux philosophes grecs de postuler que le Monde, quelle que soit son apparente diversité, s’est constitué à partir d’une matière unique. Pythagore, par exemple, croit prouver que les fondements de la réalité sont constitués par un monde invisible et parfait qui est celui des  mathématiques. Il s’attire la réponse de Zénon qui lui montre que  les paradoxes des mathématiques n’en font pas un monde tranquille : comment expliquer en effet le paradoxe de la divisibilité illimitée des nombres, qui ferait qu’un voyage dans lequel on accomplit chaque jour la moitié de la distance restante ne peut jamais être achevé ?

Le monisme, cette tentation originelle de la pensée humaine, a en effet la vie dure. À la même époque que Pythagore, des philosophes chinois soutiennent des arguments analogues à ceux des Grecs en faveur du monisme : Il faut, selon le Taoïsme, aimer toutes les choses également, car l’Univers est un. Les Upanisads, ces premiers textes sanscrits, lui font écho en octroyant au  Brahmane le pouvoir de révéler la réalité ultime de toute chose : ce qui est vrai est constitué par ce qui unit les êtres et les choses.

La vérité moniste ou duale, sans doute quelques uns de nos semblables la détienne t-il. Aussi faut-il aller à leur rencontre pour obtenir d’eux la vérité. 

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La chute du Royaume de France

5 Juillet 2012 Publié dans #HISTOIRE

Dans la longue série d’articles que j’ai entrepris de publier sur la structure, le comportement et les résultats du pouvoir politique français, j’ai publié le 9 mars dernier, un blog que je vous recommande, si vous vous intéressez au sujet.

Intitulé « Au son de la cloche des Cordeliers » il décrit en effet le coup d’état violent qui fonde la République Française. Cette dernière ne s’en vante toujours pas, préférant se référer à l’émeute antérieure du 14 juillet 1789 qu’elle a institué fête nationale depuis le 6 juillet 1880.

Le pouvoir de la République Française n’est donc pas fondé sur l’acceptation par les citoyens des Droits de l’Homme, mais  sur un coup d’état qui impose la Terreur.

Est-ce pour mieux instituer ultérieurement les Droits de l’Homme ? Pour répondre à cette question fondamentale pour notre république, revoyons les faits.

 

Royaume de FranceIl nous faut bien constater tout d’abord que, de fait, le 10 août 1792, le royaume de France, sa constitution et la légalité de son régime politique ont vécu. Comment un régime politique enraciné depuis un millénaire dans le pays a t-il pu s’effondrer en trois années ?

Les causes des tensions politiques étaient connues depuis la fin du règne de Louis XIV. Elles tenaient avant tout au déséquilibre financier de l’État, lui-même provoqué par les ambitions excessives, en particulier guerrières, d’un système hypertrophié. À vouloir faire la guerre à l’Europe entière, l’Etat s’était placé dans une position insoutenable de débiteur : voilà une première leçon à retenir aujourd’hui. L’excès de dettes a été un facteur déterminant de l’explosion du système politique français à la fin du XVIIIe siècle.  

L’autre déséquilibre fondamental du Royaume résultait de son ambition à vouloir régenter toute la société, ce qui le poussait à introduire un système égalitaire dans une société de vieilles hiérarchies, selon une idéologie qui justifiait une Révolution dont le but était en profondeur conforme aux désirs du pouvoir royal. Ce dernier rêvait depuis le XIIIe siécle, depuis le régne de Philippe le Bel,  de balayer les structures de « l’Ancien Régime » comme on le disait ouvertement  en 1790.

Sans doute la faiblesse du roi Louis XVI a t-elle été pour quelque chose dans les circonstances de la Révolution, mais il semble clair que la mécanique totalisante de l’État français l’y menait de toute manière, comme elle conduit le régime actuel  à l’implosion : tout système contient en lui-même les germes de sa perte.

Pendant les trois années de la chute de la Royauté, l’État révéla ses pieds d’argile. Quoi, une émeute organisée par le Duc d’Orléans pour faire plier son cousin Louis XVI, le 14 juillet 1789, le massacre de quelques dizaines d’invalides par les émeutiers du Faubourg Saint-Antoine, et le pouvoir s’agenouille? Trois ans plus tard, la cloche des Cordeliers sonne, l’Hôtel de Ville est pris, les Tuileries capitulent, l’Assemblée se met aux ordres des émeutiers, le Roi est à merci ? 

C’est une leçon jamais oubliée par les politiques dans la France d’aujourd’hui, celle que l’État est si faible depuis 1789 qu’il est toujours prêt à céder devant la moindre manifestation. Dés 1789 en effet, Louis XVI n’est sûr, ni de ses troupes, ni de sa détermination, les premières rongées par les idées nouvelles, la seconde trop peu sanguinaire pour faire peur. Le formidable Napoléon, dés qu’il s’éloigne de France en 1812, est à la merci du coup d’État du Géneral Malet. Tous les autres régimes, celui de Charles X, de Louis-Philippe, de Napoléon III, de la IIIe et de la IVe République s’effacent sous la poussée des mécontentements. 

Pourtant, l'Assemblée Nationale législative qui se réunit le 1er octobre 1791 est légitime. Elle est issue de la Constitution approuvée par le Roi et par la grande majorité des électeurs. Elle institue un régime monarchique parlementaire successeur du régime de droit divin qui le précédait.

 

C’est ce Régime qui est renversé par un coup de force, le 10 août 1792. 

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Ce n'est pas moi qui l'ai écrit

1 Juillet 2012 Publié dans #INTERLUDE

Je n’envisage pas de prendre ma retraite. J’ai des amis qui l’ont fait et que cela enchante. Ils vont à la pêche, voyagent, s’occupent de leurs petits-enfants…Je n’y pense même pas. Un jour, je sais que je n’aurais plus le choix parce que j’aurais vieilli et qu’il me sera arrivé quelque chose, mais en fait je n’arrive pas à m’imaginer arrêter de travailler tant que je serai vivant.

rome.jpgComme j’ai une certaine tendance à la misanthropie, mon loisir préféré consiste à me promener, à flâner, à regarder les gens, les rues, les maisons. Mes amis veulent toujours aller dans les musées, visiter des expositions, aller au spectacle. Moi, je suis en train d’écrire et tout d’un coup, j’ai envie d’aller faire une balade…

La vérité, c’est que tout ce que j’ai trouvé pour supporter l’idée de la mort, c’est de m’en distraire en  pensant à autre chose. On peut travailler, jardiner, bricoler ou aller au cinéma, faire du sport, aller voir des matchs, s’impliquer dans l’éducation des enfants, tomber amoureux, rompre, retomber amoureux…Tout cela n’a qu’un but, nous faire penser à autre chose qu’à l’échéance de la mort.

Quant à croire que l'on acquiert une certaine forme de sagesse ou que l’on devient plus indulgent  en vieillissant, c’est un mythe. C’est juste plus difficile de tenir debout, c’est tout ! Je ne vois aucun avantage à devenir vieux. C’est une arnaque. Ceux qui appellent ça le bel âge sont des escrocs !

 

Ce n’est pas moi qui ai écrit ces quelques lignes, c’est Woody Allen dans une interview récente à propos de la sortie de son dernier film « To Rome with Love », qu’il vient de réaliser à 76 ans.

 

Ce n’est pas moi qui ai écrit ces lignes toutes simples, mais j’aurais pu les écrire, c’est pourquoi je me sens bien, comme beaucoup de monde, dans ses films…

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