LOUIS XIV CONTRÔLE LA FRANCE, QUI DOMINE L'EUROPE
La loi jaillissait directement de la bouche de Louis XIV, transformant la monarchie en une immense administration à ses ordres.
Il contrôlait les nominations et les contributions du clergé de France. Il écartait les princes, les cardinaux, les connétables, les surintendants susceptibles de lui porter ombrage pour composer des conseils de commis. La responsabilité de la guerre était séparée de celle des finances laissées à Colbert.
Les privilèges des provinces subirent plusieurs atteintes qui renforcèrent l’uniformité dans l’obéissance au prince : certaines perdirent leurs états provinciaux, d’autres virent l’administration financière des terres d’élection s’introduire dans les pays d’états, ces derniers ayant de jure le droit de consentir et de répartir l’impôt.
Au nom du Roi, le Conseil, les bureaux à Versailles et les intendants dans les provinces s’emparaient du pouvoir en muselant les institutions provinciales et municipales. Aussi, à la fin de son règne en 1715, la France rassemblait treize pays d’états et provinces nouvellement annexées. Les dix-huit autres formaient des pays d’élection.
Voyant dans l’unité de foi et de doctrine une garantie d’ordre et de stabilité pour son pouvoir, Louis XIV réprima le mouvement janséniste de Port-Royal, et s’opposa au Pape Innocent XI. Plus grave encore, beaucoup plus grave, le 16 octobre 1685, Louis XIV révoqua l’Édit de Nantes après des années de persécution, dont les tristement célèbres dragonnades qui consistaient à envoyer des régiments de dragons se loger à leurs frais chez les Protestants riches et à convertir de force les populations au catholicisme.
Du coup, le million de protestants français devinrent des criminels s’ils continuaient à pratiquer leur religion. Louis XIV compléta cette répression féroce à l’égard des protestants en déclarant leur émigration illégale, mais deux cent mille d’entre eux parvinrent à fuir la France pour s’installer dans les Provinces-Unies, le Danemark et la Prusse, qui les accueillirent chaleureusement.
Voici ce qu’écrivit un écrivain anglais, John Evelyn, à propos de cette politique : « La persécution française, sévissant avec la plus extrême barbarie, dépassa même ce que les véritables païens ont conçu, avec la soudaine démolition de toutes leurs églises, le bannissement, l’emprisonnement et l’envoi aux galères de tous les ministres du culte; dépouillant les gens du peuple, leur enlevant leurs enfants ; forçant ces gens à assister à la messe, puis les exécutant comme relaps… »[1]
Louis XIV justifiait ses décisions en situant le pouvoir de l’État au-dessus du bonheur de ses sujets, avec la conviction que l’édifice étatique devait être édifié coûte que coûte, y compris au prix du malheur de ses sujets. Louis XIV, le pire ennemi de la liberté, c'est ainsi que le qualifia Winston Churchill dans son ouvrage sur Marlborough, sa vie et son temps...
Il faut se souvenir que Louis XIV a consacré plus de la moitié de ses soixante-douze ans de règne à la guerre. Au sommet de sa puissance militaire, il disposait d'une armée de trois cent mille hommes qu’il engagea dans des guerres de conquête incessantes. Louis XIV fit de son énorme armée qui dominait en nombre celle de tous ses voisins, la France ayant quatre fois plus d’habitants que la Grande-Bretagne, trois fois plus que l’Espagne, neuf fois plus que les Pays-Bas, le redoutable appareil de sa politique, n’hésitant pas à pratiquer la politique de la guerre brûlée comme au Palatinat ou aux Pays-Bas.
Dés 1667, il provoqua la guerre de Dévolution en invoquant le prétexte d’une dot non payée par Philippe IV d’Espagne après le mariage de sa fille Marie-Thérèse avec Louis XIV, en 1660. Pour compenser le non-paiement de la dot, Louis XIV réclamait la signature d’un « Traité des droits de la Reine Très Chrétienne sur divers États de la monarchie d’Espagne » qui attribuait à la France le Brabant avec ses dépendances, le comté d’Artois, Cambrai, le Hainaut, le tiers de la Franche-Comté et le quart du duché de Luxembourg.
Aussitôt après la remise du mémoire à la Cour d’Espagne, les troupes françaises engagèrent le combat sans déclaration de guerre. La campagne du Roi fut victorieuse, mais entraina contre lui la formation de la Triple Alliance de La Haye, avec l’Angleterre, et la Suède.
Mais le prince de Condé entreprit la campagne victorieuse de Franche-Comté, qui permit à Louis XIV de signer en 1668 le traité d’Aix-la-Chapelle qui confirmait l’hégémonie de la France, à laquelle travaillaient Colbert, Louvois et Vauban.
À SUIVRE
[1] John Evelyn, Journal, 3 novembre 1685.
HORREUR! MÊME MES TARTINES ONT UNE EMPREINTE CARBONE!
Le réchauffement climatique, les gaz à effet de serre, la hausse du prix des céréales, les mesures à prendre. Dans un demi-sommeil, je me souviens de mes tartines du petit-déjeuner.
Une grosse tranche de pain achetée chez l'un des trois boulangers du village ; j’aimais qu’elle soit dotée d’une croûte bien croquante, assez large. J’y ajoutais une épaisse couche de beurre qui embaumait les verts pâturages des Alpes. Elle n’était pas complète sans une bonne dose de confiture qui couvrait tout le beurre. Puis, encore somnolent, je trempais la grosse tranche d’un geste automatique dans mon café au lait, avec la conviction que le mélange de pain, de beurre, de confiture, de café et de lait me fournirait l’énergie nécessaire pour supporter l’école jusqu’à la récréation. À ce moment-là, j’avais bien l’intention de dévorer quelques biscuits.
C’était autrefois.
Aujourd’hui, je veux du pain bio cuit dans un four solaire, j’ai remplacé le beurre par un produit sans cholestérol ; je m’assure que la confiture a été fabriquée dans des conditions sanitaires irréprochables sans trop de sucre ajouté, et qu’elle est conservée dans un bocal recyclable que j’utilise pour y ranger des stylos avant de le jeter dans une poubelle verte. Je lis les étiquettes.
Désormais, je me soucie de l’empreinte carbone de ma tartine du matin et il n’est plus question que j’écoute mes désirs, car ils conduisent à la catastrophe. En effet, un rien, un tout petit rien dans mes comportements peut provoquer la hausse du niveau des mers ! Je pense sans cesse aux îles du Pacifique et à la survie des populations, d’autant plus que les médias se chargent de me le rappeler à chaque bulletin d’information.
Il n’est plus question que je fasse confiance à la nature. Certes, autrefois elle était hostile, mais on pouvait s’y fier, c'était du solide. Quantité de choses échappaient à mon contrôle. Mon destin n’était qu’un destin. Ce qui restait entre mes mains me paraissait léger. J’essayais d’avoir des opinions personnelles d'autant plus que j’étais sûr qu’elles n’auraient pas d’effet désastreux. Je ne craignais pas mes faiblesses, personne ne m’en ferait le procès. Je vivais avec des gens qui étaient mes pareils à ceci près qu’ils n’avaient ni les mêmes habitudes ni les mêmes désirs que moi. Certains aimaient les grosses voitures, d’autres le hockey sur gazon et même quelques-uns adoraient l’eau minérale. Je me fixais des objectifs à ma mesure. Je ne portais pas le poids du monde. Il y avait Dieu, la raison, la morale, et il existait ailleurs d’autres formes de sagesse. J’avais des marges de manœuvre que personne ne venait me contester.
Aujourd’hui, je suis effrayé comme tout le monde par la guerre, par le réchauffement climatique, par les virus, par le déficit alimentaire et par les biotechnologies ; j'ai des décisions à prendre tous les jours afin de préserver l’avenir. Je redoute les informations télévisées, WhatsApp et Twitter qui me disent ce que je devrais faire alors que je ne le fais pas. Je me méfie de tout, à commencer par mon égoïsme. Je ne sais plus quoi exiger des gouvernements, des religions et du patronat puisque je suis comptable avec eux de ce qui va survenir. Ma mauvaise conscience en hausse, je révise sans arrêt mon programme à la baisse.
Il vaut mieux que je me rendorme. Car il ne reste plus que mes rêves pour me retrouver dans le paradis désormais perdu de mon insouciance et de mon irresponsabilité passées…
LE TOKAMAK D'ITER
Il est question en Europe de relancer les bonnes vieilles centrales destinées à produire de l’énergie à partir de la fission nucléaire de gros atomes d’uranium que l’on scinde en deux. Mais qu’en est-il de la piste de la fusion nucléaire ?
La fusion nucléaire, c'est l'inverse de la fission, puisqu'au lieu de casser de gros noyaux, on en rassemble deux légers, typiquement des noyaux d'hydrogène qui se lient entre eux pour donner de l'hélium.
L'avantage de la fusion sur la fission provient de ce qu'elle ne génère pas de déchets radioactifs à vie longue. Elle est également plus sûre que la fission, car elle s'arrête spontanément si le plasma redescend en dessous des seuils critiques de température et d'électricité.
En revanche, la fusion nucléaire est difficile à contrôler car la température du plasma doit être maintenue à une température extraordinairement élevée, 150 millions de degrés, dix fois celle qui règne au centre du soleil.
Pour résoudre ce problème, il faut organiser un confinement magnétique dans lequel on piège les particules de plasma, noyaux et électrons et, parmi les différentes solutions expérimentées, le tokamak s'est imposé.
Tokamak est un acronyme qui signifie en russe "chambre toroïdale avec bobines magnétiques". Ce type de chambre magnétique a été inventé par plusieurs physiciens soviétiques dans les années 50, dont les deux prix Nobel, Igor Tamm et Andrei Sakharov. Cette chambre a la forme d'un tore, ou d'une bouée, dotée d'aimants verticaux qui entourent la chambre où est confiné le plasma.
Un projet international public a été organisé, accompagné de nombreuses initiatives privées ou publiques partout dans le monde. Ce projet public, c'est ITER qui signifie en anglais " réacteur thermonucléaire expérimental international" et en latin tout simplement "chemin". Le projet a démarré en 1988, rassemblant 35 pays qui comprennent tous les pays de l'Union Européenne, les États-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud, le Royaume Uni et la Suisse.
En 2005, le site de Cadarache, en France donc, a été retenu. La structure en béton qui abritera la machine est désormais achevée et l'assemblage de la machine a déjà commencé. À ce jour, un complexe de trois bâtiments de 60 mètres de haut et de 120 mètres de large a été construit et le tokamak, en construction, pourra accueillir 800 mètres cubes de plasma dans une chambre à vide qui pèse 5000 tonnes. Il faudra y placer de gigantesques aimants pour délimiter la chambre et éviter que le plasma ne rentre en contact avec l'enceinte, tandis que, pour atteindre les 150 millions de degrés nécessaires à la fusion du deuterium et du tritium, plusieurs dispositifs participeront au chauffage du plasma.
Ce plasma est composé de deuterium facilement accessible par distillation, par exemple à partir de l'eau de mer et de tritium, qui n'existe pas à l'état naturel et qui sera produit ailleurs, en attendant de parvenir à le produire directement dans le réacteur. Il est prévu d'obtenir le premier plasma sans fusion aprés 2025 et le premier plasma avec une fusion "deuterium-tritium" en 2035. Aprés ITER, il est prévu en outre de construire un deuxième réacteur, DEMO (Demonstration power plant) qui démarrera en 2050 et qui est destiné à faire la transition avec le passage à la production industrielle.
Ce projet s'inscrit dans l'objectif prioritaire d'arrêt de l'utilisation des ressources fossiles, charbon, gaz et pétrole afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, la fusion nucléaire a pour objectif d'offrir une solution supplémentaire parmi les différentes solutions, que ce soit les énergies renouvelables comme l'hydraulique, le solaire et l'éolienne ou la fission nucléaire.
C'est donc une option qui n'a sans doute pas vocation à être déployée partout, mais qui pourrait être connectée prés des grandes villes ou dans des bassins industriels. Or, il faut se souvenir que la fusion présente de nombreux avantages par rapport à la fission nucléaire :
- Les réserves de combustibles sont abondantes.
- Il n'y a aucun risque d'emballement ou d'explosion, puisque, si l'on arrête de chauffer le plasma, la réaction cesse.
- Dans un réseau intelligent, les réacteurs à fusion peuvent être allumés ou éteints plus facilement que les réacteurs à fission.
- Les déchets radioactifs sont limités et peu dangereux.
Reste à laisser le temps aux chercheurs et aux ingénieurs de surmonter les nombreux défis technologiques qu'entrainent la nécessité d'avoir de très hautes températures dans les chambres de combustion des réacteurs...
CE N'ÉTAIT PAS MON MOMENT
J'avais beaucoup bougé, j'avais trop bougé au cours des deux ou trois années qui venaient de s'écouler. Avant même 1989, j'avais été saisi dans le mouvement de la mondialisation qui s'annonçait et qui allait connaitre sa pleine mesure après la chute du mur de Berlin en novembre 1989. Il me restait à en payer le prix.
La Chine, l'Algérie, Madagascar, la Bulgarie, le Canada, entre autres : on a pu constater la variété de mes déplacements, de mes projets et de mes actions, dans les six années qui ont suivi mon retour du Sénégal, le 1er décembre 1983. Mais l'année 1989 s'acheva pour moi par l'échec de ma candidature à la direction de l'IUT de Nice.
En outre, mes mouvements en tout sens, une fois pour un projet de formation, une fois pour la gestion d'un programme, une fois pour un cours, une fois pour un long séminaire, avaient des effets négatifs sur ma vie familiale et sur mon équilibre personnel. Il était temps de chercher un équilibre, de retrouver dans sa profondeur le sens de la vie, il était temps de souffler.
J'essayai de retrouver mon inspiration dans les livres. La lecture d'En Quête de mots de mon ami Driss Alaoui était toujours salutaire. Quelques philosophes indiens aussi, Scott Peck et son chemin le moins fréquenté, le très rationnel Stephen R. Covey, mais également Robert M.Pirsig, Paul Watzlawick, le célèbre Paulo Coehlo ou Erich Fromm. De tous ces ouvrages jaillissaient de profondes vérités qui me secouaient plus qu'elles ne m'inspiraient dans mes actions.
Car j'étais lancé en ce début d'année 1990 dans une course à la création de formations en gestion qui était en train de s'accélérer au moment où, d'un point de vie personnel, il aurait mieux valu ralentir. Si je sus tout de même refuser la proposition amicale de la FNEGE de demander un poste à Paris pour mieux travailler avec elle au lancement et à l'organisation de nouveaux programmes, je ne parvins pas à m'extraire des propositions nouvelles qui me parvenaient, en relation avec l'ouverture des pays de l'est de l'Europe.
J'avais émis l'idée de créer un "IAE International" qui rassemblerait les propositions de tous les IAE pour créer des formations en gestion à l'étranger. Mais là encore, ce n'était pas mon moment, car cette idée ne connut pas le succès escompté. Je pensais installer cet "IAE international" à Sophia Antipolis, mais tous mes collègues n'étaient pas enthousiastes et le directeur de l'IAE de Nice émis l'idée de le lancer à Metz.
Pourquoi Metz ? Le maire de Metz, Jean-Marie Rausch, à l'époque ministre de l'Industrie, avait de l'ambition pour sa ville et de l'argent public à distribuer. Il me reçut au Ministère et m'offrit la possibilité de doubler mon salaire de professeur si je prenais la direction de l'IAE de Metz et développais le projet d'IAE International.
Pour me rendre compte de la viabilité du projet, j'acceptais de donner quelques cours à l'IAE de Metz. Je découvris la monumentale gare de Metz et la proximité des étudiants messins avec l'Allemagne et le Luxembourg, mais je ne fus convaincu ni par la perspective de m'installer à Metz, ni par la capacité de faire de l'IAE de Metz le chef de file de l'ensemble des IAE français vers le monde. En outre, la FNEGE voyait d'un mauvais œil ce projet, qui, malgré mes dénégations, menaçait selon eux de les concurrencer.
J'y renonçais donc, mais ce projet eut des conséquences aussi importantes qu'imprévues sur la suite de ma carrière car je saisis l'occasion de ce déplacement pour m'arrêter à Strasbourg et aller voir ma collègue Sabine Urban qui dirigeait avec brio l'IECS, l'école de commerce historique de l'Alsace. Sabine prit note que je n'excluais pas tout à fait de m'installer dans l'Est de la France, si les circonstances s'y prêtaient.
J'avais pris rendez-vous avec Sabine Urban à Strasbourg, mais je ratais le train Metz-Strasbourg. J'organisais alors un scenario typique d'une scène de film en demandant à un taxi de rattraper le train. Le taxi n'y parvint pas, il parait d'ailleurs que c'est impossible sauf si c'est un tortillard, mais il arriva avec quelques minutes de retard seulement à Strasbourg, ce qui me permit d'honorer mon rendez-vous.
On a vu pourquoi je n'étais pas dans la meilleure passe de ma vie au cours de l'année 1990, mais je parvins tout de même à poursuivre une activité universitaire à peu prés normale en faisant soutenir à Clermont-Ferrand, où je commençais à enseigner régulièrement avec l'appui de mes amis Yves Negro et Jean-Pierre Vedrine, la thèse de Nelly Molina, sur "L'examen d'un processus d'analyse typologique." qui concernait le monde médical dont son époux était une personnalité éminente. Pour sa part, Nelly Molina était dynamique et tout à fait attachante, et elle a connu par la suite de grands succès dans la poursuite de ses activités universitaires à Paris.
Cette année-là, je n'écrivais qu'un article sur ce qui constituait ma principale préoccupation professionnelle "Gestion à la Française : que pouvons-nous apporter à l'Europe de l'Est ?" qui ne fut publié dans la Revue Française de Gestion que l'année suivante.
Au printemps, malgré mon souci de ne plus trop me déplacer, je donnais un dernier cours à Damas, dans cette ville et ce pays alors pleins de vie, un cours qui eut lieu au CERS, lequel fut plus tard détruit par un bombardement américain.
De même, décidément c'était une période de fin de cycle, j'étais chargé pour la dernière fois d'un "Summer Doctoral Seminar in Marketing », auprès de Queens University, à Kingston, en Ontario, au Canada. Kingston, ma ville nord-américaine rêvée et qui le reste.
Une étape de ma vie s'achevait et bien sûr une autre commençait sans que j'en prenne conscience : dans le cadre de mes créations de formation à l'étranger, je lançais en 1990 à Prague ce qui allait devenir la plus belle de mes réussites, grâce et uniquement grâce à celle qui s'empara du projet sans jamais faiblir, pour le construire, le défendre et le développer.
À SUIVRE
RICHELIEU ANNONCE LOUIS XIV
Après Henri IV et l’intermède de la Régence, Louis XIII poursuivit ardemment la politique d’accroissement de la puissance royale, au prétexte du coût pharamineux de la guerre de Trente ans.
L’installation des intendants dans les provinces et la centralisation administrative qui jouait au bénéfice de la ville de Paris montrent combien le poids de l’État s’appesantit sur l’ensemble de la société française. Le fait que Louis XIII ait pu s’offrir le luxe de soutenir envers et contre tous un Richelieu contesté de toutes parts donne une idée de la force de l’absolutisme royal sous son règne.
De 1624 à sa mort, Richelieu fut durant dix-huit années le principal ministre de Louis XIII, mettant toute son énergie à renforcer le pouvoir du roi, même si le sien propre a parfois semblé vaciller sous les coups des conjurés. Son programme consista à « ruiner » le parti huguenot, à rabaisser « l’orgueil » des grands, à ramener tous les sujets à leur « devoir » et à relever le « prestige » du roi auprès des nations étrangères.
Or, la France du XVIIe siècle restait un ensemble disparate. Les pays d’états avaient des privilèges que n’avaient pas les pays d’élections. Chaque ville avait des libertés qu’elle entendait bien défendre. L’Edit de Nantes donnait aux Protestants des places de sûreté, le droit de réunion, le droit de représentation auprès du souverain, ce qui outrageait la doctrine de la monarchie absolue qui avait cours chez les officiers de justice, lesquels cherchèrent donc à amoindrir les pouvoirs des justices seigneuriales. On installa à côté des grands fiefs des « juges d’appeaux » pour attirer les causes des justiciables. Le Conseil du roi devint le suprême arbitre des différends entre tous les sujets. La coutume de Paris, par-delà la diversité des coutumes locales, tendit à devenir un « droit commun coutumier » français. Une nouvelle étape vers la centralisation fut franchie avec la multiplication des intendants de justice, de police et de finance.
En raison des guerres incessantes, les besoins grandissants d’argent conduisirent l'État à augmenter tailles et gabelles et à affermer l’impôt à des traitants fort impopulaires auprès des populations. Pour percevoir l’impôt, la monarchie eut recours non plus à des officiers, mais à des commissaires, toujours révocables, à la différence des premiers.
Richelieu a cherché à agir en faveur du pouvoir royal avec progressivité et prudence, veillant à ce que la parole du Roi soit respectée, tout en ne laissant jamais impunies la rébellion ou la résistance au pouvoir du Roi. Il a recherché l’unité religieuse sans l’imposer par la violence. C’est ainsi qu’il a supprimé les privilèges politiques des Protestants en menant le siège de La Rochelle avec une détermination implacable, mais a su faire preuve de modération en confirmant les privilèges religieux de l’Édit de Nantes.
À partir de 1629, il a convaincu le roi de pratiquer une politique étrangère plus agressive qui provoqua l’accroissement automatique de la pression fiscale et corrélativement des révoltes populaires dans presque toutes les provinces. Il ne réussit à renforcer l’emprise du pouvoir royal sur tout le pays qu’au prix d’une fiscalité écrasante, provoquant une extrême misère du peuple de France. Aussi la nouvelle de sa mort faut accueillie par une multiplication des feux de joie dans la plupart des provinces du Royaume !
Richelieu exerça le pouvoir d’une main de fer pour ce qu’il croyait être le bien du royaume et il fut à ce titre l’un des plus grands hommes d’État que la France ait compté. Il est l’accoucheur d’une France où le pouvoir de l’État ne connaît pas d’opposants, ce qui est toujours vrai. C’est pourquoi, si Charles De Gaulle a cru voir en lui le créateur de la France moderne, j’écrirais plutôt pour ma part qu’il fut le créateur de l’État français moderne.
Après Louis XIII, Louis XIV s’empara de cet outil étatique qu’il exploita avec une telle intensité qu’il parvint à épuiser les ressources du pays, pourtant remarquables.
Il commença par exercer tout le pouvoir et tout de suite. Quelques heures seulement après le décès du Cardinal Mazarin, le 10 mars 1661, jeune roi de vingt-deux ans, il réunit son Conseil sans perdre un instant. Se tournant vers le Chancelier Séguier, il déclara : « Je vous ai fait assembler avec mes ministres et secrétaires d’État pour vous dire que jusqu’à présent, j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu Monsieur le Cardinal ; il est temps que je les gouverne moi-même. »
Et c’est ainsi que, pendant cinquante-quatre années, de 1661 à 1715, il régna en monarque absolu, exigeant l’obéissance à l’intérieur du royaume et cherchant sans trêve à s’imposer au-dehors.