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Le blog d'André Boyer

Louis XIV, un grand roi?

27 Mars 2011 Publié dans #HISTOIRE

Comme je l’écrivais la semaine dernière, après la paix de Nimègue en 1678, la moitié des guerres engagées à l'initiative de Louis XIV restait à venir. C’est lui qui en fut responsable et non ses adversaires et il décida en outre de les aggraver en ordonnant à ses troupes de commettre des atrocités destinées à terroriser ses ennemis.

4-hivtur.jpgAprès la paix de Nimègue, Louis XIV se mit à pratiquer aussitôt une politique agressive dite des « réunions », en revendiquant tous les territoires qui avaient, même très momentanément, dépendu de la France depuis les traités de Westphalie (1648). Des « Chambres de réunion » furent installées à Besançon, Brisach, Metz et Tournai. En pleine paix, elles prononcèrent des annexions aussitôt réalisées.

C’est ainsi que Courtrai, Sarrelouis, Nancy, Sarreguemines, Lunéville et Commercy furent rattachés au royaume. Des fiefs appartenant à l’électeur de Trèves, au marquis de Bade, au duc des Deux-Ponts passèrent dans la mouvance du roi de France par dizaines. Le parlement de Besançon fut sommé de réunir au royaume de France le comté de Montbéliard, les seigneuries de Ruaux, Val-d’Ajol, Fontenay-le-Châtel. Le comté de Vaudémont en Lorraine fut annexé de la même façon, avec les châtellenies de Pont-à-Mousson, Saint-Mihiel et Foug. En août 1680, ce furent les réunions de Strasbourg et de son évêché ainsi que des biens de la noblesse d’Alsace et de l’abbaye de Murbach. La ville de Strasbourg fut occupée en septembre 1681. En Alsace, seule la ville de Mulhouse restait libre, grâce à son alliance avec les cantons suisses.

La ligue d’Augsbourg et une nouvelle guerre devaient naître de cette violation répétée du droit international. Les violentes opérations menées par la France en 1684 contre la Flandre espagnole et le Luxembourg pour contraindre Charles II d’Espagne à abandonner des terres réclamées par Louis XIV furent la préfiguration du conflit qui couvait. Une médiation hollandaise rétablit momentanément la paix et aboutit en août 1684 à la trêve de Ratisbonne entre la France, l’Espagne et l’Empire : les réunions déjà faites étaient acceptées, mais elles ne pourraient plus se poursuivre à l’avenir. La Ligue d’Augsbourg, comprenant les Provinces-Unies, l’Espagne et la Prusse, fut constituée pour se défendre contre la politique agressive de Louis XIV.

Ce dernier ne s’estimait pas rassasié par les prises que ses voisins venaient de lui concéder de mauvais gré, dans l’espoir d’obtenir la paix. Saisissant le prétexte du refus du Pape de désigner son candidat à l’archevêché de Cologne, le cardinal Von Fürstenberg, qui n’était autre que l’évêque de Strasbourg, les troupes de Louis XIV envahirent le Palatinat en 1688 avec la mission de le dévaster systématiquement pour faire peur. Les Allemands s’en souviennent encore. Les villes de Mannheim, de Worms, de Speyer et d’Heidelberg furent détruites. Des centaines de villages furent pillés, leurs habitants passés au fil de l’épée. Les atrocités des troupes françaises foulaient au pied les conventions de la guerre au XVIIe siècle, qui entendaient  limiter les pertes civiles et de respecter les propriétés.

Ces exactions soulevèrent l’indignation en Allemagne, poussant notamment les Électeurs de Saxe et de Brandebourg à s'allier avec l'Empereur contre Louis XIV. Dans le même temps, le roi de France perdit Jacques II, son allié anglais, chassé du trône d’Angleterre par Guillaume d’Orange malgré le débarquement de troupes françaises en Irlande. L’Angleterre déclara donc la guerre à la France aux côtés de l’Espagne et de la Savoie. La presque totalité de l’Europe, catholique et protestante, se trouvait réunie pour s’opposer à l’expansionnisme voulu par Louis XIV.

Pour faire face aux troupes alliées, le roi de France demanda un effort énorme à sa population, aussi bien du point de vue humain qu’économique. Une armée de  quatre cent cinquante mille hommes, la plus grande jamais réunie en Europe depuis l’Empire Romain, fut rassemblée. Sous la direction de Louvois et de Le Tellier, les dépenses militaires vinrent à atteindre un niveau insensé puisqu’elles mobilisaient  les  deux tiers des dépenses de l’Etat, un Etat qui se transforma en  véritable Léviathan, dévorant ses ennemis et ses sujets avec la même ardeur monstrueuse.

Les troupes royales durent se battre sur tous les fronts, en Flandre, en Savoie, en Catalogne. La guerre dura neuf années, réduisant dix pour cent de la population française à la mendicité, selon les propres estimations du Maréchal Vauban. Louis XIV finit par considérer que le temps était venu de négocier la paix. Celle-ci fut signée à Ryswick, à l’automne 1697. Ce fut une sorte de match nul : les troupes françaises  évacuaient la Lorraine et les Pays-Bas espagnols, mais gardaient Strasbourg et la Basse Alsace ainsi que Sarrelouis et la partie occidentale de l’île de Saint-Domingue. On aurait pu penser raisonnablement que le cycle des guerres était terminé.

C’est alors que se présenta le dilemme de la succession d’Espagne. Louis XIV se trouva placé devant le choix cornélien de procéder soit à  l’intronisation de son petit-fils Philippe, Duc d’Anjou, sur le trône d’Espagne soit de laisser un Habsbourg s’y installer. Dans le premier cas, il savait qu’il provoquerait à coup sûr une guerre à l’issue incertaine avec l’ensemble de l’Europe et, dans le deuxième cas, il devrait faire face à un nouveau rassemblement des couronnes d’Autriche et d’Espagne dans la même maison.

Suivant la pente de son tempérament, il opta pour la première solution qui entraîna une guerre contre les puissances rassemblées de l’Angleterre, des Pays-Bas, de la Prusse, de l’Autriche, du Piémont et du Portugal. On se doute que, malgré les efforts inouïs qu’il exigea de sa population et de ses troupes, la guerre finit par tourner au désavantage d’une France épuisée.

Malgré tout, le Traité de Rastadt (1714) permit à Philippe V de conserver le trône d’Espagne. Il ne restait plus à Louis XIV qu’à mourir un an plus tard, ayant passé sa vie à épuiser son peuple de guerres et d’impôts et à ravager l’Europe. Et il n’a pu le faire qu’en disposant du pouvoir excessif de l’Etat français unitaire, dont il usa jusqu’à la corde.

On a souvent écrit que Louis XIV était un grand roi. Il le fut en effet, mais au dépens de ses contemporains qui en payèrent le prix en vies humaines, en destructions et en impôts.

Il reste Versailles…

 

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Louis XIV, le pire ennemi de la liberté

19 Mars 2011 Publié dans #HISTOIRE

Le 15 février dernier, je présentais dans ce blog un article sur le règne de Louis XIV, intitulé « Louis XIV ou le pouvoir dans sa majesté ». Depuis l’incroyable succession d’événements majeurs qui est intervenue depuis le début 2011, naturels au Japon et politique dans le monde arabe, m’a poussé à repousser à plus tard la publication de la suite de cette série historique. Le court terme ne devant pas barrer notre horizon, il me semble temps de revenir à une réflexion de long terme.

Guerre-de-Louis-XIV-copie-1.pngLouis XIV, le pire ennemi de la liberté, c'est ainsi que le qualifie Winston Churchill dans son ouvrage sur Marlborough, sa vie et son temps...

Il faut se souvenir qu’il a consacré plus de la moitié de ses soixante-douze ans de règne à la guerreAu sommet de sa puissance militaire, Louis XIV disposait d'une armée de trois cent mille hommes qu’il engagea dans des guerres de conquête incessantes. À la tête de cette énorme armée qui dominait en nombre celle de tous ses voisins, la France ayant quatre fois plus d’habitants que la Grande-Bretagne, trois fois plus que l’Espagne, neuf fois plus que les Pays-Bas, Louis XIV en fit le redoutable appareil de sa politique. Il n’hésita pas à pratiquer la politique de la guerre brûlée, comme au Palatinat ou aux Pays-Bas. 

Dés 1667, il provoque la guerre de Dévolution. Lors de son mariage avec Louis XIV, en 1660, Marie-Thérèse, fille de Philippe IV d’Espagne, avait renoncé à ses droits sur la couronne d’Espagne, moyennant le paiement d’une dot de 500 000 écus d’or à son futur époux. Comme la dot n’a pas été versée par l’Espagne, Louis XIV présente en mai 1667 à la cour de Madrid, par l’intermédiaire de l’archevêque d’Embrun, un « Traité des droits de la Reine Très Chrétienne sur divers États de la monarchie d’Espagne ».

Ce Traité utilisait le droit de dévolution pour justifier l’ouverture du conflit. Les juristes français invoquaient une coutume du Brabant, aux termes de laquelle une fille du premier lit pouvait recevoir à la mort du père ou de la mère tous les fiefs qui appartenaient au survivant des deux conjoints. Louis XIV réclama pour son épouse, fille aînée d’un premier mariage de Philippe IV, le Brabant avec ses dépendances, le comté d’Artois, Cambrai, le Hainaut, le tiers de la Franche-Comté et le quart du duché de Luxembourg. Les juristes espagnols réfutèrent les thèses du roi de France. Selon le meilleur d’entre eux, Lisola, dans son « Bouclier d’estat et de justice » (1667), ce droit de dévolution n’était qu’une coutume de droit privé, étrangère aux relations entre les États et en usage exclusivement au Brabant et non dans l’ensemble des territoires revendiqués par la France. En retour, les Espagnols, lucides, dénonçaient chez Louis XIV « un dessein manifestement découvert de monarchie universelle ».

Aussitôt après la remise du mémoire à la Cour d’Espagne, les troupes françaises engagèrent le combat sans déclaration de guerre. La campagne du roi fut victorieuse, contraignant l'empereur Léopold 1er à négocier. Se déclarant hostiles à cet accord, l’Angleterre et la Hollande s'allièrent avec la Suède pour former la Triple Alliance de La Haye, contre laquelle le prince de Condé entreprit la campagne victorieuse de Franche-Comté, qui permit à Louis XIV de signer le traité d’Aix-la-Chapelle. Cette guerre confirmait l’hégémonie de la France, une hégémonie que Louis XIV, Colbert, Louvois et Vauban travaillaient à renforcer sans cesse par une meilleure organisation et par la mise en jeu de moyens supplémentaires.

Il ne fallut pas attendre plus de quatre ans pour que Louis XIV déclenche une nouvelle guerre, la guerre de Hollande. Il s’agissait pour Louis XIV de la mettre à genoux pour se saisir sans risque des territoires espagnols voisins. Les armées françaises fortes de cent vingt-cinq mille hommes faisaient face à seulement vingt-cinq mille soldats hollandais, qui ne durent leur salut qu’à la décision d’inonder la Hollande en ouvrant les écluses. Dans cette guerre, les troupes royales commirent les pires atrocités et Louis XIV se fit un ennemi mortel de Guillaume d’Orange, alors que ce dernier scellait le rapprochement entre l’Angleterre et les Provinces-Unies en épousant en 1677 Marie d’York, nièce de Charles II.

Guillaume d’Orange parvint à former contre la France une coalition qui rassemblait les Provinces-Unies, le Saint Empire, le Brandebourg et l’Espagne. À l'exception de la Bavière, tous les princes allemands, initialement favorables à la France, l'abandonnèrent. L'Angleterre aussi, dont le Parlement contraignit Charles II à faire la paix avec les Provinces-Unies. Louis XIV, qui ne voyait pas sa volonté bornée par un Parlement, continua la guerre, prit la Franche-Comté et pilla le Palatinat. L’ensemble des troupes coalisées fut impuissant à arrêter l’avance des troupes françaises, d’autant plus que Louis XIV finançait l’alliance suédoise comme il l’avait fait pour l’Angleterre. La guerre se solda par la paix de Nimègue (1678), par laquelle Louis XIV obtint le rattachement de la Franche-Comté au Royaume de France ainsi que l’obtention de plusieurs places fortes.

Et ce n’était pas fini, la moitié de l’histoire des guerres engagées à l'initiative de Louis XIV restait à venir. Ce furent les pires, en termes d'atrocités commises. 

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Un baromètre de la démocratie

13 Mars 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Un baromètre de la démocratie

 

Un baromètre de la démocratie a récemment été développé par l’Université de Zurich et le Centre de Recherche sur les Sciences Sociales de Berlin.

social_.jpgÀ ma connaissance, c’est le premier instrument de mesure de la qualité démocratique d’un système politique qui est proposé, avec une comparaison entre pays et sur une durée d’une décennie.  Le baromètre utilise une centaine d’indicateurs empiriques destinés à évaluer à quel point un pays répond aux exigences de trois principes fondamentaux d’une démocratie : 

-   La liberté qui se mesure au travers de trois fonctions, la liberté individuelle, le respect de la loi et la force de la sphère publique.

-   Le contrôle qui est lié à la concurrence, la capacité d’action du gouvernement et les contraintes mutuelles

-   L’égalité qui dépend de la transparence, la participation et la représentation.

Au cours des dix dernières années, pour l’ensemble des pays, la transparence et la croissance de la représentativité démocratique se sont accrues, mais on observe aussi un léger déclin du respect de la loi. On peut attribuer le progrès démocratique observé à l’intégration des femmes dans la vie politique et à l’accroissement de la transparence provenant notamment de l’intervention des médiateurs, des ONG, des medias et du développement d’Internet. L’affaiblissement du respect de la loi proviendrait d’un traitement de plus en plus inégal des minorités. Les développements positifs sont à porter au crédit des jeunes démocraties, tandis que les libertés individuelles déclinent aux USA.

Il serait intéressant de regarder en détail les critères choisis. On se référera pour cela au site en anglais suivant :


http://www.democracybarometer.org/baroapp/public/static/index?lang=en

 

Il est également intéressant d’observer le classement de l’indice global des trente pays étudiés entre 1995 et 2005 dans trente pays :

 

1 Danemark

11 Allemagne

21République Tchèque

2 Finlande

12 Nouvelle-Zélande

22 Italie

3 Belgique

13 Slovénie

23 Chypre

4 Islande

14 Suisse

24 Malte

5 Suède

15 Irlande

25 Japon

6 Norvège

16 Portugal

26 Grande-Bretagne

7 Canada

17 Espagne

27 France

8 Pays-Bas

18 Australie

28 Pologne

9 Luxembourg

19 Hongrie

29 Afrique du Sud

10 Etats-Unis

20 Autriche

30 Costa Rica

 

On observera que la France est très mal classée, presque dernière, ce qui ne m’étonne pas, mais que la Grande-Bretagne est à peine mieux classée, ce qui m’étonne par contre. On observera aussi que les pays scandinaves sont en tête du classement comme d’habitude, mais que la Belgique est fort bien classée malgré ses conflits culturels. On notera que la Suisse, malgré ses referenda, ne se situe qu’au milieu du tableau.

Voici des extraits d’un commentaire de lecteur à la publication de ce baromètre, en ce qui concerne la France, commentaire auquel j’adhère :

J’habite maintenant en France, soi-disant pays des droits de l'homme. Mais il y a de petits et  de grands électeurs, pas de droit de référendum. Ceci élimine tout recours sauf les grèves et les manifs pour montrer son désaccord. Le mode de scrutin élimine tous les petits partis à tous les niveaux, ce qui réduit la représentation à deux blocs, droite et gauche. La politique énergétique n'est pas faite par le Parlement, la politique extérieure non plus. Les interventions militaires sont du ressort du président sans le Parlement. Les projets de loi sont fabriqués presque exclusivement par le gouvernement et approuvés automatiquement par les parlementaires de la majorité. On confond en France la démocratie et la liberté de dire ce que l’on veut : on peut tout dire en France, mais cela ne sert à rien.

 

D’où ma suggestion pour les candidats à la prochaine élection présidentielle:

1 créer un observatoire de la démocratie en France.

2 faire passer la France de la 27e à la 15e position dans les cinq ans : il faut se donner des objectifs réalistes…

Beau programme, non ?

 

 

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À la recherche d'autres dirigeants

10 Mars 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Un pays, c’est une grosse organisation à gérer. Chargée de cultures, de traditions et de procédures, la France avance à pas hésitants vers un futur dont elle ne discerne pas clairement les contours.

la-chute-de-ben-ali-inquiete-les-autres-dirigeants-maghrebiCela fait longtemps que cela dure. Croyant que l’orgueil d’être Français autorisait tous les abus, Louis XIV a  poussé les Français à faire la Révolution et à enfanter Napoléon. Depuis, la France se cherche, se prenant tantôt pour une puissance jusqu’à se noyer dans le sang de 14-18, s’affaissant soudain dans de laamentables bourbiers dont les derniers ont pour nom la débacle de 1940 et la décolonisation algérienne.

Depuis 1945, la reconstruction, le pacte social, la modernisation de la France, la construction européenne ont donné le sentiment que la France était devenue une organisation moderne, efficace, tournée vers le bonheur de ses citoyens. Et voilà que depuis 1974, elle patauge à nouveau. Ses chefs ont cru trouver, non pas la recette du succès, mais celle du pouvoir conservé. Le « modernisme » en bandoulière, l’Europe comme une incantation, les avantages sociaux distribués comme des cadeaux de Noël, tous ces rêves sont venus se fracasser sur la rude compétition mondiale. Une France ouverte à tous, généreuse pourus, n’exigeant rien de personne, est un luxe qui a éberlué bien des fourmis, allemandes, américaines, japonaises et plus récemment chinoises.

Cela fait des années maintenant que des trous béants se creusent un peu plus chaque année sous les pas d’une organisation française qui ne sait plus se sortir d’aucun guêpier. Le système éducatif vacille, menaçant de faire de l’école une immense garderie. Les agressions physiques et matérielles se multiplient. Le cœur de la fonction régalienne de l’Etat est atteint lorsque la police, la justice et le système pénitentiaire sont débordés. Alors que son industrie périclite, la France voit sa croissance économique s’affaisser, la plaçant dans le peloton de queue des pays industrialisés. Et, juge de paix de la plupart de ces failles, les déficits s’ajoutent sans cesse aux déficits précédents.

Aux dernières élections, le président de la République Française a promis monts et merveilles, du travail, de l’ordre, de l’argent, la sécurité. Le chemin de la lumière était retrouvé, le chef était jeune, moderne, dynamique. Hélas, il a fallu se résoudre à constater qu’il était plus préoccupé de clinquant que d’efficacité. Petit à petit, on a compris qu’il était prêt à sacrifier la France à tous les puissants, les banquiers, les grands États et les forces cachées qui prétendaient continuer à diriger et à ponctionner le pays.

Le chef et ses amis ont cru qu’il suffisait de cacher les faits, de distribuer des indemnités à tous et de laisser en liberté les condamnés que l’on ne pouvait plus garder pour que la multitude ferme les yeux. Pendant que le système se fissurait,  il est vrai qu’il fut un temps où il suffisait de parler de la liberté qui existe chez nous mais pas chez les autres, de l’égalité incomparable qui y règne et des droits de l’homme dont nos dirigeants se faisaient les thuriféraires, pour que le bon peuple se disent que des gens qui parlaient d’or ne pouvaient pas être si mauvais, qu’ils savaient où ils allaient et que seules les crises, forcément venues de l’extérieur, expliquaient les déboires nationaux.

Aussi, les trous avaient-ils beau devenir béants, l’organisation France continuait de fonctionner, nourrie de certitudes vaporeuses qui se perdaient dans l’air du temps. Il était question de remplacer Nicolas par Dominique, en attendant que Jean-François relève ce dernier cinq ans plus tard, dans le ballet bien réglé des successions alternatives au sein de l’oligarchie héréditaire. 

C’est alors qu’au Sud de l’organisation France, les peuples se révoltèrent contre leurs tyrans, eux aussi bouffis de certitudes et de corruption. La-bas, ce furent les jeunes qui sonnèrent l’hallali, convaincus que leurs dirigeants les menaient à l’abattoir. Ici, pour se rassurer, les citoyens se tournèrent vers leurs dirigeants, les yeux enfin grand ouverts. Ce qu’ils virent les effara : un ministre qui frayait avec un dictateur, un zozo nommé ambassadeur, un Président dont on annulait le procès. Chacun compris soudain que la France était dirigée, et depuis longtemps, par un Conseil d’Administration composé d’incapables : des profiteurs c’était normal, des menteurs c’était encore dans l’ordre des choses, mais des imbéciles c’était trop !

Tandis que tout le petit monde  des dirigeants devenait fébrile, les uns fermant les yeux, les autres cherchant une recette qu’ils n’auraient pas encore appliquée, les citoyens n’écoutaient plus aucun boniment, n’obéissaient plus à aucune consigne : les commandes du navire France étaient mortes, l’équipage ne répondait plus, la partie était finie.

C’est que les citoyens étaient partis à la recherche d’une équipe toute neuve, qui mettrait en place un nouveau système de gouvernement, qui leur dirait ce qu’ils auraient voulu entendre depuis si longtemps et qui, enfin, ferait ce qu’ils attendaient.


Ils sont en train de la chercher, ils ont quatorze mois pour trouver…

 

 

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Tempête irlandaise

6 Mars 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Pendant que l’attention du monde était tournée vers la Libye, un scrutin législatif anticipé se déroulait en Irlande afin que la population puisse exprimer sa  volonté de sanction contre le parti au pouvoir depuis des décennies, le Fianna Fail.

p1160218-copie-1.jpgCe dernier était accusé d’être responsable de la faillite financière du pays. Les élections ont donné une large victoire au parti d’opposition de centre-droit Fine Gael avec 36% des suffrages. Le parti centriste Fianna Fail qui dominait la vie politique irlandaise depuis 80 ans n’obtient que 17% des voix et voit le nombre de ses sièges divisé par trois. De son côté, le Labour, a recueilli 20% des voix. Le Fine Gael a donc passé un accord de gouvernement avec le Labour.

Aussitôt, le leader du Fine Gael et prochain chef du gouvernement irlandais a confirmé sa volonté de renégocier le plan de sauvetage conclu avec l’Union européenne et le FMI. Il s’agit d’une part d’obtenir une réduction du taux d'intérêt du prêt que lui a consenti l'UE et d’autre part de ne pas rembourser la totalité des obligations émises par les banques irlandaises.

En effet, la situation financière de l’Irlande est catastrophique : le PIB a baissé de près de 15% depuis 2009, le déficit public a atteint 32% du PIB en 2010 et le taux de chômage est supérieur à 13%, soit deux fois plus qu'il y a 18 mois. Le problème est que l’Irlande est tout simplement incapable, aux conditions qui lui ont été faites, de rembourser le prêt de 85 milliards d’Euros consenti par le FMI et de l’Union Européenne. Si cette dernière acceptait de baisser le taux d'intérêt du plan de sauvetage à 3,8% au lieu de 5,8%, l’Irlande économiserait 3,5 milliards d'euros les trois prochaines années. Or, il est difficile d’expliquer aux Irlandais pourquoi les pays prêteurs, comme l’Allemagne, profiteraient de la crise pour réaliser des plus values financières  sur leur dos.

La colère qui règne en Irlande est impressionnante. L’Irlande n’est pas un pays  dépensier. Elle a déjà appliqué quatre plans d'austérité successifs ! Les salaires des fonctionnaires ont été baissés de 15% en moyenne ; les allocations sociales ont été abaissées  et un nouvel impôt sur les revenus vient d'être imposé pour payer le plan de sauvetage. Le résultat de toutes ces purges nourrit la récession, qui entraîne à son tour la réduction des recettes fiscales et finalement l’impossibilité de réduire le déficit.

Pour noircir encore le tableau, le déficit de l’État est aggravé par le problème des banques irlandaises. Les Irlandais ont découvert que leurs banques étaient en situation de faillite en raison de leurs spéculations immobilières qui se sont retournées contre elles lorsque la bulle immobilière a éclaté.  Pour éviter la faillite de ses banques, l’État irlandais a garanti leurs dettes et n’en finit plus désormais de les renflouer. La facture totale pour les contribuables irlandais atteindrait au total 85 milliards d’euros soit 50% du PIB irlandais !

Il s’agit donc pour le gouvernement irlandais d’arracher une baisse de 2% des taux d’intérêt européens et d’obtenir un moratoire sur les  24 milliards d’Euros d'obligations des banques irlandaises qui arrivent à échéance, de manière à n’en rembourser que la moitié.

Les Européens n’ont guère d’autre choix que de céder au gouvernement irlandais.

Si l’Irlande décidait unilatéralement de rembourser partiellement les obligations, elle provoquerait la panique des  détenteurs d'obligations des banques portugaises ou espagnoles et une nouvelle crise de la zone euro. Et s’il déclarait qu’il n’est plus en mesure de rembourser sa dette, ç’en serait carrément fini de l’Euro. 

Déjà, « malgré lui », le FMI a abaissé jeudi dernier le taux de son prêt à l'Irlande, pour des raisons « techniques ». La Commission Européenne y est plutôt favorable dans la mesure où elle sait que l’Irlande sera de toute façon incapable de rembourser sa dette avec un taux aussi élevé. La Banque Centrale et l’Allemagne y sont opposées, mais il leur faudra céder.

 

Finalement, la négociation entre l’Irlande et l’Union Européenne montre que les taux d’intérêt sont fonction de la volonté de la population de les accepter ou pas et non de calculs « techniques » qui ne sont que le cache-sexe des rapports de force entre prêteurs et emprunteurs.

 

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