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Le blog d'André Boyer

LA GUERRE D'UKRAINE N'AURA PAS LIEU

27 Février 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LA GUERRE D'UKRAINE N'AURA PAS LIEU

Même les plus ahuris de nos concitoyens ont pris conscience que Poutine avait donné l'ordre, le 24 février 2022, d'envahir l'Ukraine pour la remettre au pas. À la suite de cet évènement, ce peut être, ou ne pas être, l'occasion de remettre nos idées en place.

 

Les médias s'emploient avec ferveur à nous fournir une lecture convenable des évènements: Poutine est fou, les Ukrainiens résistent et nous avons pris des sanctions qui vont faire trés mal à la population russe qui se retournera  immanquablement contre le dictateur.

Il s'agit de nous rassurer en nous disant que ce qui est en train de se passer en Ukraine n'est pas normal et que nous allons revenir, après un temps plus ou moins long de crise, à la situation antérieure. Merci de chercher à nous rassurer, mais cette lecture de la "crise ukrainienne" me parait totalement irréaliste.

Il s'agit au contraire d'un basculement d'une situation dans laquelle nous somnolions tranquillement vers un état de veille nettement moins confortable.

Nous dormions, lorsque nous pensions mollement que Poutine n'oserait jamais attaquer toute l'Ukraine, au plus un petit bout du Donbass. Je le pensais moi-même, y compris lorsque j'entendais la CIA nous annoncer une attaque imminente : ces crétins de la CIA, ai-je ricané ! Poutine ne le fera jamais, parce que c'est trop risqué...Je me trompais.

Pourtant, je savais que Poutine avait fortement perfectionné son outil militaire, y compris en développant des armes hypersoniques qu'il est le seul à posséder à ce jour. Le 3 mai 2020*, dans un billet intitulé "Aux confins de la peur" j'écrivais, entre autres, ceci, en gras déjà: "Les États-Unis se trouvent pour la première fois de leur histoire dans une situation d’infériorité technologique face à la Russie sur le plan militaire."

Et je concluais en notant que "sans même imaginer que l’on ne puisse jamais utiliser de telles armes, les conséquences de leur seule existence sont à venir, en termes de rapports de force et donc d’alliances, dont on voit les prémisses au Moyen-Orient."

On les voyait en effet, ces prémisses, en Syrie.

Mais je n'avais pas su tirer les conséquences de ce que j'écrivais il y a bientôt deux ans, à savoir que la Russie avait les moyens militaires d'agir à sa guise, d'autant plus qu'elle possédait désormais la deuxième armée conventionnelle du monde, derrière les USA, mais devant la Chine, l'Inde et la France.

En revanche, il ne m'avait pas échappé que les Russes en général, et Poutine en particulier, avaient fortement été humiliés par les évènements qui ont suivi la chute de l'URSS, fin 1991, l'époque de Gorbatchev et d'Eltsine, la profonde détresse du peuple soviétique, les pensions payées en monnaie de singe, la famine et la Russie bafouée par les États-Unis qui n'ont jamais respecté leur engagement de ne pas étendre l'OTAN aux frontières de la Russie.

J'ai observé aussi comment ce mépris de la Russie s'est traduit par le bombardement de la Serbie, jusqu'à ce que cette dernière consente, exsangue, au détachement par la force du Kosovo qui était à la fois une partie de son territoire et le lieu fondateur de son identité. Mais ce fut aussi accorder à Poutine un permis d'intervenir militairement où il le souhaitait, en Syrie, en Géorgie et maintenant en Ukraine.

J'ai observé comment les Russes ont continuellement été traités avec un mépris condescendant, en premier lieu par les Britanniques. Ils ont été successivement accusés d'être des tricheurs, avec leur exclusion pour dopage dans les compétitions sportives internationales, des assassins au travers de troubles accusations d'empoisonnement, des usurpateurs du fait du rôle des oligarques. La Russie n'était qu'un vulgaire fournisseur de gaz, dont le PIB, guère plus élevé que celui de l'Italie, ne lui donnait pas la parole sur la scène mondiale.  

En Ukraine, j'ai observé comment les Occidentaux ont organisé sans aucune gêne un coup d'état en 2014**, avec la complicité active de Laurent Fabius, accompagné par les Ministres des affaires étrangères allemand et polonais qui ont persuadé le Président Ianoukovytch de céder à l'opposition. Cette dernière l'accusait de résister à l'UE qui voulait le contraindre à renoncer à un traité d'amitié avec la Russie. Face à l'émeute fortement soutenue par les Européens et les Américains, il fut contraint de fuir en Russie avant d'être illégalement destitué.  

J'ai observé comment l'Ukraine, dirigée depuis 2014 par des gouvernements pro-occidentaux, a mené une bataille permanente sur le front du Donbass où elle a mobilisé jusqu'à cent mille hommes, coupé l'eau à la Crimée depuis 2014, signé les accords de Minsk le 5 septembre 2014*** puis refusé obstinément de les appliquer, ces accords prévoyant notamment un cessez-le-feu, une zone démilitarisée sur la ligne de contact et un dialogue pour la création d'un statut spécial relatif aux régions en conflit de Donetsk et de Lougansk.

J'ai observé comment les parties prenantes européennes, France et Allemagne, n'ont fait aucun effort pour que ces accords soient appliqués par l'Ukraine.  La conclusion de mon billet était la suivante : "Il reste encore à stabiliser le pays en le dotant d’un pouvoir politique légitime et d’un accord de bon voisinage avec la Russie. Un autre régime donc."

 

À la suite de tous ces évènements, nous voici arrivés à une guerre et à ses conséquences, qui restent à comprendre.  

* Dans un billet intitulé "Aux confins de la peur"

** Voir mon billet "Coup d'État à Kiev" du 24 février 2014

*** Voir mon billet "L'Ukraine au bord du Rubicon" du 19 février 2017

À SUIVRE 

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LES PLANTES COMMUNIQUENT!

25 Février 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES PLANTES COMMUNIQUENT!

Les plantes ont des sens qui s’apparentent à la vision, à l’odorat ou au toucher. Avec leurs sens, elles perçoivent leur environnement et communiquent, notamment en alertant les plantes voisines ou par l’intermédiaire des champignons organisés en réseaux.

 

Si les plantes n’ont ni yeux ni oreilles, ni cerveau, elles disposent en revanche d’un très grand nombre de photorécepteurs constitués de petites molécules photosensibles enchâssées dans de grosses protéines et présents dans toutes les cellules vivantes de la plante.  

Les végétaux perçoivent ainsi leur environnement lumineux grâce à trois grandes familles de photorécepteurs : les phytochromes, spécialisés dans la perception des radiations rouges et infrarouges, les phototropines dans le bleu et les cryptochromes dans les ultraviolets. Grâce aux phytochromes, la plante distingue les plantes voisines et l’ombre qu’elles peuvent lui faire, ce qui lui permet de déclencher une réponse de croissance adaptée, sous forme de fuite hors de la zone d’ombre.

Les phototropines et les cryptochromes quant à elles, sensibles à la lumière bleue, sont responsables des mouvements d’orientation des plantes vers une source lumineuse. Elles sont également à l’origine du réveil quotidien de la plante, lorsque à l’aube, les premiers rayons lumineux frappent les feuilles.

Les plantes sont également sensibles au toucher. On observe depuis longtemps les feuilles de la dionée qui se referment rapidement sur un insecte ou la sensitive Mimosa pudica, qui replie ses folioles sous la caresse. Toucher une plante régulièrement, la brosser, lui taper sur la tête diminue sa croissance en hauteur et augmente son épaisseur, la rendant plus trapue et solide face aux sollicitations mécaniques.

Les plantes disposent elles-mêmes d’un sens mécanique qui leur permet de percevoir l’orientation de la gravité et donc leur inclinaison par rapport à la verticale : une tige placée à l’horizontale se courbe et se redresse à la verticale à mesure qu’elle croît. Ce sens gravitropique passe par la sédimentation de gros grains d’amidon dans des cellules spécialisées (des statocystes), situées dans les pointes racinaires ou les tiges, à l’image de notre oreille interne qui assure la perception de la gravité à l’aide de petits cailloux de calcaire (les otolithes) pris dans un gel et reposant sur des cils mécanosensibles.

Les plantes disposent aussi de la chémoperception, qui est la perception des substances chimiques en solution (le goût) ou volatiles (l’odorat). Par ces sens, impliquant des récepteurs spécialisés, les plantes attaquées par un herbivore émettent dans l’air des bouquets de senteurs chimiques qui induisent la mise en œuvre de défenses biochimiques dans toutes leurs feuilles, mais aussi chez les plantes voisines non attaquées.

La sensibilité́ des plantes n’est pas uniquement tournée vers l’extérieur. De nombreux signaux circulent également à l’intérieur de la plante et fonctionnent comme des relais d’information des signaux extérieurs. Ce peut être des hormones de croissance, des petites molécules informatives comme des sucres, et même des courants électriques.

Par toutes les cellules vivantes de leur corps, les plantes sont donc sensibles et capables de communiquer. La réaction de la plante à une attaque d’herbivore l’illustre. La feuille grignotée répond à l’agression en synthétisant une kyrielle de substances visant à repousser l’attaquant. Elle se charge notamment de tannins ou d’enzymes perturbant la digestion de l’animal. En outre, de petites substances volatiles sont produites et émises dans l’air, qui sont perçues par les plantes voisines de la plante agressée, lesquelles réagissent en synthétisant à leur tour des molécules de défense préventive.

Mais la communication la plus spectaculaire reste souterraine. En forêt, les racines des arbres vivent en association étroite avec des champignons du sol, formant des organes chimères, les mycorhizes. Les fines racines des arbres sont parcourues par des filaments, les hyphes. Les zones de contact qu’ils établissent avec les cellules végétales des champignons à l’intérieur des racines forment une très grande surface d’échanges que traversent diverses substances de l’arbre vers le champignon et vice versa.

Les mycorhizes constituent des organes de symbiose entre le champignon et l’arbre qui améliorent la nutrition minérale de ce dernier, en augmentant le volume de sol exploré, grâce aux hyphes qui se déploient beaucoup plus largement que les seules racines. Les champignons absorbent l’eau et les éléments minéraux du sol, tout en mobilisant ses ressources grâce à la sécrétion d’enzymes: par exemple, des phosphatases fongiques découpent les polyphosphates du sol en petits phosphates simples qui sont ensuite absorbés par les hyphes et gagnent les tissus conducteurs de l’arbre. Quant à l’arbre, il fournit au champignon une part non négligeable de sa production photosynthétique.

On a même observé que des substances carbonées fabriquées par un arbre se retrouvent dans l’arbre voisin à travers les hyphes des champignons mycorhiziens. Il est vrai que le sol d’une forêt est peuplé de centaines de souches fongiques différentes qui déploient jusqu’à un kilomètre de filaments par centimètre cube de sol. Les filaments des champignons du sol forment ainsi un réseau interconnecté, comparable à un réseau internet. Les substances carbonées émises véhiculent des informations d’une plante à l’autre, qui joueraient un rôle dans la germination et le développement des plantules, comme dans les défense des plantes contre les attaques.

Du fait de cet impressionnant réseau de communication, faut-il attribuer une intelligence aux plantes ? Si l’intelligence consiste à percevoir le monde et y répondre de façon adaptée, les plantes sont intelligentes, au même titre que tous les êtres vivants, bactéries, vers de terre ou êtres humains.

 

Mais n’abusons pas de l’anthropomorphisme, en acceptant tout simplement que les plantes, qu’elles communiquent ou pas, restent des espèces différentes de celles des hommes...

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LA FRANCE, FUTUR REFUGE INDUSTRIEL

18 Février 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LA FRANCE, FUTUR REFUGE INDUSTRIEL

On ne peut pas croire que l’État français ait délibérement affaibli EDF, alors qu’il détient 83,27 % de ses actions, mais tout se passe comme s’il en était ainsi. L’explication réside sans doute dans les perspectives de très court terme de nos dirigeants politiques.

 

On peine à se convaincre qu’un homme politique intelligent, à la tête de l’État, ne soit pas en mesure de voir au-delà de l’horizon électoral. Mais comment expliquer autrement que l’on ferme la centrale nucléaire de Fessenheim le 29 juin 2020 pour annoncer aujourd’hui qu’il faudra prolonger autant que possible la durée de vie des réacteurs en service, créer six centrales nucléaires de plus d’ici 2050 et étudier en outre la création de huit autres centrales supplémentaires ? Comment expliquer autrement que l’État ait accepté qu’Alsthom vende 585 millions d'euros en 2015 à General Electric les turbines Arabelle pour centrales nucléaires pour les faire racheter par EDF 1,050 milliard d'euros en 2022 ?

Si ces faux pas ne s’expliquent pas par une vision à courte vue, quelle explication faut-il retenir ?

Dans ce billet, offrons-nous donc le luxe d’une vision à plus long terme. Nous possédons en effet un certain nombre de données qui permettent de dessiner des tendances pour le futur en matière d’énergie :

  • Tout d’abord, en matière de demande d’énergie, cette dernière ne peut que croitre, tant que la croissance démographique se poursuivra. Regardons par exemple la situation de l’Afrique où deux facteurs sont réunis pour la croissance de la demande électrique, la croissance de la population et son faible équipement électrique : une demande croissante d’énergie donc, en particulier pour l’énergie électrique.
  • L’offre d’énergie est susceptible d’augmenter, en produisant de l’énergie dite verte (éoliennes, hydroélectriques, biomasse), de l’énergie nucléaire relativement propre sauf en ce qui concerne les déchets, mais cela devrait s’améliorer avec les nouvelles centrales,  et en continuant à extraire du gaz, du pétrole et du charbon malgré leurs effets nocifs sur l’atmosphère. La question se pose de l’arbitrage entre les différents types d’offre énergétique, si l’on a le choix. Mais aura-t-on le choix ?
  • Le choix dépend d’une part de la pression sans doute forte exercée par la demande et d’autre part de la volonté de protéger l’environnement, qui sera plus ou moins diffuse selon les contraintes régionales et la capacité des décideurs politiques à résister à la pression de la demande. En Europe, la décision du gouvernement allemand de fermer ses centrales nucléaires et de ne pas en construire de nouvelles incite à l’utilisation d’autres sources d’énergie comme les énergies propres et le gaz, mais aussi à limiter la consommation énergétique, si les États et l’Union Européenne parviennent à l’imposer. Cet arbitrage entre  la pression de la demande et la rareté choisie de l’énergie sera sans aucun doute porteur de tensions.
  • La décision de l’UE de modifier à marches forcées l’énergie utilisée par les automobiles illustre de manière exemplaire la stratégie choisie, qui est clairement une stratégie du choc. D’un côté, l’énergie électrique se fera rare en Europe, principalement en raison du choix allemand de se priver volontairement de l’énergie atomique, et d’un autre côté la demande de consommation électrique augmentera fortement du fait de la recharge des véhicules. Il y a donc une contradiction vigoureuse entre la politique énergétique de l’Allemagne et la demande d’électricité en Europe, à moins de vouloir provoquer une pénurie.
  • Pour échapper à cette pénurie apparemment voulue, l’intérêt de la France demande, par rapport à l’offre, de préserver ses capacités de production nucléaire et par rapport à la demande de cloisonner son marché intérieur par rapport au marché européen afin de vendre ses éventuels excédents d’énergie électrique à prix élevé aux consommateurs européens.

Il est ainsi paradoxal que l’Allemagne, pays industriel s’il en est, ait choisi du fait de la myopie de son gouvernement, de saborder les bases de son industrie, autrefois construite sur la grande disponibilité de son charbon, en la grevant aujourd’hui d’un coût énergétique insupportable : Bismarck aurait mené une politique inverse.

 

Que la France se rende donc indépendante du marché européen et ce sera pour elle l’opportunité, adossée sur ses cinquante-six centrales nucléaires, de récupérer son outil industriel. 

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EDF AMPUTÉ AU NOM DU PRINCIPE DE CONCURRENCE

12 Février 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

EDF AMPUTÉ AU NOM DU PRINCIPE DE CONCURRENCE

L’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH) permet aux fournisseurs privés d’énergie d’avoir accès à une partie de la production d’électricité nucléaire d’EDF.

 

Voici ce qu'il s'est passé: dans les années 1970, à la suite des différents chocs pétroliers, les gouvernements successifs sous la présidence de Georges Pompidou et de Valery Giscard d’Estaing, ont décidé de développer un important réseau de centrales nucléaires afin d’obtenir l’indépendance de la France en matière de production d’électricité.

Ce réseau de centrales nucléaires, fort de 56 unités, fournit, par les soins d’EDF, environ les deux tiers de l’énergie électrique consommée en France. Mais la distribution de l’énergie électrique a progressivement évolué, car, en 1999, l’État a autorisé les entreprises consommant plus de 100 GWh (voir infra: lexique des abréviations) d’électricité à se fournir ailleurs qu’auprès d’EDF. Le marché de l’électricité s’ouvrait encore un peu plus à la concurrence en 2004, avec l’accès de cette électricité fournie par les concurrents d’EDF à tous les professionnels et aux collectivités, puis à tous les particuliers en 2007.

Tout se passait bien pour les concurrents d'EDF qui pouvaient acheter à bas prix de l’électricité fournie par les centrales à pétrole, à gaz et à charbon sur le marché européen. Peu importe alors la pollution, vive la concurrence qui permettait aux consommateurs d’obtenir des prix bas et aux fournisseurs de faire des profits !

La situation changea dès 2004 lorsque les prix du pétrole remontèrent, ce qui fit perdre toute compétitivité aux concurrents d’EDF. Les industriels, clients des concurrents d’EDF, voulurent alors revenir à ses doux tarifs verts, mais le droit européen l’interdisait pour une raison incompréhensible, si ce n’est celle de porter atteinte au pouvoir monopolistique d’EDF.

Pour aider les industriels, l’Assemblée nationale et le Sénat votèrent en 2006 une loi permettant aux industriels d’acheter l’électricité à un tarif un peu plus élevé que le tarif vert, le TaRTAM (Tarif Réglementé Transitoire d’Ajustement du Marché). Mais la Commission européenne s’y opposa et engagea une procédure contre la France en juin 2007, car, selon elle, ce système faussait le jeu de la concurrence, en clair favorisait EDF.

Pour satisfaire la Commission Européenne, le gouvernement Fillon demanda en 2008 à une commission, la Commission Champsaur, de plancher sur des solutions qui ne mettent pas en danger la production nucléaire française. Cette dernière remit en 2009 son rapport à Jean Louis Borloo, ministre de l’Écologie et Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie. Ce rapport proposa l’instauration d’un accès « régulé » à l’énergie nucléaire et hydraulique d’EDF pour ses concurrents, qui bénéficiaient ainsi, sans contrepartie à ma connaissance, des investissements de l’État.

Ce rapport donna lieu à la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l'Électricité) supposée être au bénéfice du consommateur, qui entra en vigueur le 1er juillet 2011. `

Cette loi NOME permet aux consommateurs de revenir à tout moment aux tarifs réglementés d’EDF, encore que cette possibilité ait depuis disparu. Elle oblige aussi les autres fournisseurs d’électricité à disposer de capacités auprès d’un ou plusieurs producteurs et elle offre aux concurrents d’EDF un Accès Régulé à l’Énergie Nucléaire Historique (ARENH) aux conditions équivalentes à celles dont dispose EDF, pour la période 2011 à 2025.

Dans le cadre de l’ARENH, EDF est donc contraint de céder tous les ans à ses concurrents, à prix coûtant, 100 TWh d’électricité nucléaire sur les 360 TWh qu’il produit annuellement à partir des centrales nucléaires. Ce prix est actuellement fixé par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) à 42 €/MWh.

Pour obtenir une augmentation de ce prix après 2025, EDF est en train de marchander avec la Commission Européenne. En échange d’une augmentation du prix dans le cadre de l’ARENH, EDF est prêt à se scinder en deux EDF, un « EDF Bleu », nationalisé à 100% centré en majorité sur les activités nucléaires et un « EDF Vert » partiellement privatisé et en charge du développement des énergies renouvelables. Les salariés d’EDF y sont opposés et la Commission européenne, hostile à EDF, y est bien sûr favorable.

Voici quelle était la situation du marché de l’électricité en France, ignorée de 99% de ses utilisateurs, lorsque, patatras, les prix du marché européen de l’électricité se sont mis à flamber. Si l’on avait maintenu les règles de la loi NOME, les concurrents forcés de s’approvisionner en partie sur le marché libre auraient disparu.

Qu’a donc fait le gouvernement pour sauver les concurrents d’EDF ? Il a découvert qu’il avait le droit d’augmenter le volume d’électricité distribué à prix coutant par EDF et l’a fait passer de 100 à 120 TWh, soit 40% de la production d’EDF bradée à un prix légèrement augmenté, de 42 à 46,2 Euros par MWh, entre le 1er avril et le 31 décembre 2022. En clair, cela signifie qu’EDF achète son énergie électrique manquante à un prix variable à chaque instant et qui peut atteindre 300 euros par mégawatt pour le revendre à 46,2 euros et qu’il perd dans l’affaire environ 7 milliards d’euros dans l’année pour subventionner ses concurrents.

 

Derrière la mise en danger d’EDF dont nous analyserons la logique, se pose la question de la capacité de la France à disposer d’une énergie suffisante et la question de son coût, dans le contexte de la politique de l'UE et des diverses politiques énergétiques nationales développées en Europe.

 

Lexique:

un mégawatt-heure (MWh) = 1 000 kWh

un gigawatt-heure (GWh) = 1 000 MWh = 1 000 000 kWh 

un térawatt-heure (TWh) = 1 000 GWh = 1 000 000 MWh = 1 000 000 000 kWh

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LE PRIX DU GAZ ASPHYXIE EDF

3 Février 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

CARGO GAZIER CHINOIS

CARGO GAZIER CHINOIS

Si les prix de l’énergie ont monté en Europe, cela s’explique par un triple effet conjoncturel, la réouverture des économies après les fermetures imposées par l'épidémie de coronavirus qui ont fait bondir les prix du pétrole, du gaz et corrélativement de l'électricité, la traditionnelle montée de la consommation d’énergie en hiver et, plus particulièrement en Europe ainsi qu’une série d’évènements accidentels qui ont réduit l’offre.

 

Que s’est-il passé fin décembre 2021 ? Le gaz européen de référence a bondi au-dessus de 180 euros le mégawattheure le 21 décembre, contre 20 euros environ au début de l’année.

On nous explique que cette tension sur le prix du gaz en Europe résulte de flux de gaz norvégiens inférieurs à la moyenne en raison de travaux de maintenance de ses champs géants et de la limitation des approvisionnements en provenance de la Russie qui reconstitue ses propres stocks. Face à cette pénurie de gaz, la Russie affirme qu’elle est en mesure d’exporter à l’avenir des volumes record de gaz vers l'Europe.
En attendant, en janvier 2022, les stocks de gaz en Europe ont été les plus bas jamais enregistrés pour cette période de l'année, alors que la Chine, qui est de loin le plus grand consommateur d'énergie du monde, ordonnait aux entreprises publiques de sécuriser leurs approvisionnements à tout prix.

Les fournisseurs européens de gaz ont dû acheter plus cher les cargaisons de gaz liquéfié pour les empêcher de partir en Asie, tandis que l’on s’inquiétait des retards dans la certification du gazoduc Nord Stream 2 joignant la Russie et l’Allemagne sous la mer Baltique et des risques stratégiques autour de la crise ukrainienne.

Or, comme les centrales au charbon avaient été fermées pour cause de pollution, il ne restait plus en Europe, et surtout en Allemagne et en Europe du Nord, que le gaz et les énergies renouvelables pour produire de l’électricité, en dehors des centrales nucléaires. Le prix européen de l’électricité était donc à la merci du prix du gaz, comme il pourra l’être demain de l’intensité du vent.

C’est alors que le gouvernement français, qui s’était placé lui-même dans la situation de faire dépendre le prix de l’électricité en France du marché énergétique européen, s’est affolé. Il craint les répercussions économiques, sociales et politiques d’une hausse brutale du prix du gaz et de l’électricité et pour y faire face à court terme, il a demandé à EDF de vendre davantage d’électricité à bas prix à ses concurrents afin de limiter la hausse du prix de vente de l’électricité à 4% en 2022.

Pourquoi cette obligation d’EDF ? Parce que, depuis l'ouverture du marché de l'électricité, EDF doit vendre une partie de son électricité aux autres fournisseurs à un prix fixé à 42 euros le megawatt-heure. Cette quantité d'électricité à prix fixe est limitée à 100 TWh (Térawattheures), ce qui oblige aujourd’hui ces fournisseurs à aller acheter l'électricité supplémentaire sur le marché européen à un prix qui est de 250 euros le megawatt-heure, alors qu’auparavant ils l’achetaient au-dessous du prix de 42 euros le megawatt-heure qui était offert par EDF.

Or les prix flambent depuis plusieurs semaines, risquant de faire disparaitre les concurrents d’EDF et pour les sauver autant que pour limiter la hausse des prix de l’électricité aux consommateurs, l'Etat a contraint EDF à vendre 20% d’électricité en plus à prix cassés, ventes qui porteront désormais sur 120 TWh au lieu de 100 TWh, en vertu du mécanisme appelé ARENH  (Accés régulé à l'électricité nucléaire historique), soit plus du tiers de la production française d'EDF.

Bien sûr, cela va couter en 2022 à EDF 6 à 7 milliards d’Euros, ce qui sera autant de moins disponible pour ses investissements, que ce soit dans les énergies renouvelables ou dans le nucléaire, d’où les protestations bien compréhensibles de son personnel unanime.

 

Mais quelle est la logique de ce mécanisme ARENH qui oblige EDF à vendre de l’électricité à bas prix à ses concurrents ?  

À SUIVRE

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