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Le blog d'André Boyer

DES PRÉVISIONS JUSTES, DES RÉSULTATS FAUX

15 Septembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

ORGUEIL EXCESSIF OU PIED DE NEZ AU FUTUR?

ORGUEIL EXCESSIF OU PIED DE NEZ AU FUTUR?

Lors de mon avant dernier billet, intitulé « L’ORIGINE DE LA BAISSE DE LA FERTILITÉ » j’ai fait peser tout le poids de cette baisse de la fertilité sur la volonté des femmes de réduire le nombre des enfants qu’elles souhaitent, désormais non entravée aux plans physique et social.

 

Je maintiens cette assertion, et, pour conforter mon argumentation, je vous propose d’analyser le décalage que l’on a constaté dans le passé entre les projections démographiques et la réalité des faits observés.

Le film « le Soleil Vert » a été réalisé en 1973 et il décrit une humanité de 80 milliards d’habitants en 2022, réduite à se nourrir avec ses propres cadavres. En 2022, factuellement, il n’y avait QUE 8 milliards d’habitants sur Terre et la nourriture restait plus variée que dans le film.  

Or le thème du Soleil Vert découle directement de Malthus, un économiste injustement accusé d’avoir un cœur sec, alors qu’il était profondément préoccupé par le sort des déshérités. Plus tard, la même injustice touchera Taylor, mais dans les deux cas, cette injustice s’expliquera par le décalage entre les intentions des auteurs et les conséquences négatives de leurs théories respectives.

Pour Malthus donc, il existe un décalage fondamental entre la croissance forcémentgéométrique de la population et la croissance arithmétique de la production. Concentrons-nous sur le premier terme de sa proposition : la croissance géométrique de la population s’explique par l’appétence pour le sexe qui conduit les êtres humains à avoir beaucoup d’enfants, comme les lapins dont les effectifs explosent avant de s’effondrer sous l’effet de la pénurie de nourriture et la voracité des prédateurs.

Or, Malthus ne prévoyait pas qu’allaient s’inscrire dans les comportements humains la capacité de pratiquer la contraception et donc la possibilité de découpler plaisir sexuel et nombre d’enfants.

Paul Elrich, dans La bombe P publiée en 1968, maintenait encore la contradiction entre croissances démographique et économique en l’appliquant aux pays « sous-développés ». Selon lui, les progrès médicaux et agricoles avaient permis la baisse de la mortalité dans ces pays, mais les limites de ces progrès étaient désormais atteintes. Une fois posé ce postulat, il ne restait plus qu’à recommander aux États de forcer les populations à baisser leur taux de natalité ou à subir une augmentation du taux de mortalité par maladies, famines ou même guerres.

Quarante-cinq ans plus tard, ces prédictions ne se sont pas réalisées et nul n’a forcé les populations à réduire leur natalité, si ce n’est la soi-disant politique de l’enfant unique en Chine qui n’a été que très partiellement mise en œuvre. En revanche, le bien être des populations s’est accrue, si l’on en croit la réduction rapide de la proportion des personnes en situation d’extrême pauvreté[1], à 15% contre 55% en 1950.

Mais entretemps, en 1970, le best-seller mondial Les Limites à la Croissance publié par le Club de Rome et livré par le MIT et ses modèles informatiques de l’époque livre une conclusion sans appel qui résonne encore fortement dans les milieux gouvernementaux comme scientifiques, donc dans les médias et dans la malheureuse opinion publique condamnée à s’inquiéter de tout et sommée d’obéir aux injonctions qui en découlent.

Dans ce rapport du Club de Rome, tout y passe : « Si les tendances actuelles à la croissance de la population mondiale, de l’industrialisation, de la pollution, de la production alimentaire et de l’épuisement des ressources se poursuivent, nous atteindrons les limites de la croissance sur notre planète au cours des cent prochaines années ». Historiquement, nous nous en approchons et les signaux d’alarme se multiplient, désormais centrés sur le climat. La température monte, les calottes glaciaires fondent, le niveau de CO2 s’accroit et le GIEC nous lance des avertissements réguliers. Mais les populations ne s’y conforment pas, les croisières se poursuivent, les équipements en climatisation se généralisent et le remplacement des véhicules à combustion par des véhicules électriques s’effectue à pas précautionneux, tandis que la population continue à s’accroitre, pour le moment.

Autant écrire que si les prévisions sont souvent justes, les conséquences qui en sont tirées se révèlent invariablement fausses, car toutes sortes de variables interviennent, alors que les prévisionnistes n’en intègrent que quelques-unes dans leurs calculs. En d’autres termes, oui, le monde bouge, mais les hommes s’adaptent, et très vite. Encore qu’ils s’adaptent mieux au présent qu’au futur, dont ils ne voient qu’une image incertaine, floue et incomplète.

Pour le moment, dans un certain nombre de pays, surtout situés en Europe et en Extrême Orient, le taux de fécondité est insuffisant pour assurer le maintien de la population. Ailleurs, le taux de fécondité baisse. Mais dans le futur, ces taux vont-ils continuer à évoluer dans le même sens ? Personne n’en sait rien.

 

Observons donc ce qui se passe aujourd’hui, notamment en Europe, alors que l’on s’inquiète pour les conséquences d’un futur dont les contours sont incertains, sauf pour les prophètes.

 

[1] En 2022, ce seuil était fixé à moins de 2,15 $ par jour (Banque Mondiale).

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REQUIEM POUR PRIGOJINE

3 Septembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

REQUIEM POUR PRIGOJINE

Le patron du groupe Wagner, Yevgeny Prigojine est mort d'un excès de confiance en lui-même.  

 

Il a en effet commis trois erreurs :

- Tout d'abord, il a cru qu'il était un chef militaire compétent.

- Ensuite, il a tenté un coup d'État contre un ancien du KGB.

- Et, finalement il a échoué dans toutes ses tentatives.

Il est inévitable que l'on discute pour savoir qui l'a tué et comment il est mort. Il semblait raisonnable, compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis l'échec du coup d'État de Prigojine, de conclure que le président russe Vladimir Poutine avait décidé de lui laisser la vie sauve.

Mais apparemment, cela n'a pas été le cas.

Une des premières théories sur la mort de Prigojine était qu'un missile sol-air avait abattu son avion. L'origine incertaine de ce missile pouvait permettre à Poutine de neutraliser les soupçons selon lesquels il aurait organisé l'assassinat.

La théorie du missile ouvre la possibilité de rejeter la responsabilité sur les Américains ou sur les Ukrainiens. Le problème de cette théorie est que Prigojine était plus précieux vivant que mort. Il avait effrayé Poutine en organisant un coup d'État qui s'était approché à moins de deux cent kilomètres de Moscou. Son existence pouvait amener les Russes et ses ennemis à penser que Poutine était devenu irrésolu à un moment où le président russe ne peut pas se permettre de laisser planer des doutes sur sa détermination. Un Prigojine vivant, c'était le cauchemar de Poutine et le rêve des Américains et des Ukrainiens.

Aussi est-il plus probable qu'une bombe ait été placée dans l'avion alors qu'il se trouvait sur le tarmac et s'apprêtait à quitter Moscou.

On peut également se demander pourquoi Poutine a attendu si longtemps pour éliminer Prigojine. Mais s'empresser de tuer Prigozhin aurait été un signe de peur, alors que le laisser en liberté a pu faire penser que Poutine avait d'une manière ou d'une autre autorisé ou au moins souhaité le coup d'État de Prigojine, et démontré que Poutine ne le craignait pas. En outre, la période de latence a affaibli la légende de Prigojine.  

La dernière question, la plus intéressante, est de savoir comment et pourquoi un ancien agent de Poutine est devenu le chef d'une force paramilitaire. Les États-Unis ont recours à des forces privées comme Blackwater, mais elles n'ont jamais atteint le niveau de Wagner. Elles n'opèrent pas non plus en vertu de leur propre pouvoir et remplissent les fonctions les moins importantes. Or, Wagner était une force militaire importante et à part entière. Cette force privée a été utilisée dans divers conflits de moindre importance, lorsque la Russie ne souhaitait pas y envoyer sa force principale, mais après le début de la guerre en Ukraine, Poutine l'a concentré en Russie, puis en Ukraine.

L'explication de ces localisations successives de Wagner viennent du manque de confiance de Poutine en son propre état-major.

L'ouverture de la guerre, avec des chars massés sans tenir compte de la logistique, a renforcé ses inquiétudes. Le problème était suffisamment flagrant pour que, même après le début de l'invasion, Kiev ait pu croire que l'attaque par le nord n'était qu'une diversion et que l'effort principal serait déployé ailleurs. Mais lorsque l'armée russe a attaqué, elle s'est immédiatement enlisée et elle a constamment tenté de s'emparer de villes sans importance militaire au lieu de chercher à briser les forces ennemies.

Cette erreur de départ a contraint Poutine à déployer Wagner pour montrer son mécontentement et créer une concurrence, qui a obligé l'état-major général à modifier sa stratégie. Depuis l'armée russe s'est attachée à détruire les forces ukrainiennes et la situation militaire s'est inversée, au profit des troupes russes.

Mais, pendant plusieurs mois, Il y a eu deux armées sous des commandements différents. Inévitablement, l'armée régulière et Wagner se sont fait concurrence pour les missions et le ravitaillement. Les obus d'artillerie ont notamment fait l'objet de disputes de plus en plus violentes et publiques.

Poutine n'est pas intervenu de manière décisive dans ce conflit entre les deux armées russes. C'est Prigojine qui est allé trop loin, en critiquant l'état-major et, par voie de conséquence, Poutine. Lorsque le Kremlin a finalement tenté de le réduire, Prigojine a pris les devants, mais la maladresse de son coup d'État montre qu'il n'avait pas les moyens de le gagner, et encore moins de l'exploiter.

 

Poutine a survécu et il conduit maintenant la guerre comme il l'entend.

 

 

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