Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

CROISIÈRES

28 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

SYMPHONY OF THE SEAS

SYMPHONY OF THE SEAS

Le navire s’éloigne lentement du quai dans un bouillonnement d’écume. Le voilà qui manœuvre, puis se place face au large. Nous regardons la côte s’éloigner, et avec elle nos problèmes quotidiens, emportés par le souffle du grand large. 

 

La température fraîchit, il est temps de rentrer. Nous parcourons les ponts, au milieu d’une foule mi-affairée, mi-avachie, entourée d’employés omniprésents. Les magasins, les bars, les restaurants et les services sont ouverts. Manifestement, tout est fait pour que nous nous immergions, l’espace de quelques jours, dans un espace clos qui nous emporte, physiquement et psychiquement, ailleurs. 

Certes, effectuer une croisière n’est pas un projet très original, car nous sommes de plus en plus nombreux à nous évader par ce moyen. En effet, on évalue le nombre de croisiéristes à vingt-huit millions de personnes en 2018, qui montent sur des navires de plus en plus grands, même s’ils n’atteignent pas forcément la taille du champion provisoire, le Symphony of the Seas, lancé à Saint-Nazaire en 2018, qui mesure 362 mètres de long. Une telle longueur lui permet d’embarquer d’un coup 6300 passagers et 2300 membres d’équipage, les premiers disposant pour se distraire et les seconds pour y travailler de trente bars, vingt restaurants, onze piscines, deux spas, deux théâtres, un casino, une patinoire, et j’en passe…

Vingt restaurants…Il y a incontestablement un côté « grande bouffe » dans les croisières qui se traduit par des cuisines gigantesques, et des réserves gargantuesques pour une traversée, dont des dizaines de milliers de bouteilles de vin, des produits frais stockés dans d’immenses chambres réfrigérées et de congélation. 

Nous fuyons notre quotidien, mais ces espaces de consommation que sont les navires de croisière ne plaisent pas à tout le monde, à commencer par les riverains des ports où ils font escale, d’autant plus qu’ils laissent tourner en permanence leurs moteurs diésel qui utilisent du fuel lourd, peu onéreux et non taxé. 

Aussi, quand on apprend qu’en Méditerranée, cette mer fermée sillonnée en tous sens par les bateaux de croisières, la teneur en soufre autorisée pour les carburants maritimes est actuellement de 1,5 %, soit mille cinq cent fois (vous avez bien lu 1500) plus que la limite tolérée dans les diesel des véhicules terrestres, il y a de quoi s’indigner. 

Ce problème n’a pas échappé aux autorités publiques : depuis 2015, les navires de croisière doivent utiliser dans les ports un carburant qui ne compte que 0,1 % de soufre, soit "seulement" dix fois plus polluant que le gazole des voitures diesel. L’ennui, c’est qu’un navire à quai qui utilise ses moteurs produit aussi des rejets de particules fines dans l'atmosphère, équivalents de 10.000 à 30.000 véhicules, et lorsqu'il navigue, il pollue cinq à six fois plus.

Il existe pour le moment quelques ports qui obligent les navires à quai à se brancher au réseau électrique local, comme Göteborg, Los Angeles ou Vancouver, et cette solution s’étendra sûrement à d’autres ports à l’avenir. Une autre solution plus radicale à la pollution engendrée par les navires en général, et pas seulement par les navires de croisière, consiste à remplacer les moteurs alimentés au fuel lourd par des moteurs au GNL (gaz naturel liquéfié́), qui réduirait de 85 % les émissions d’oxydes d'azote, supprimerait les émissions d'oxyde de soufre et l'essentiel des particules fines.

Je ne voudrais pas vous gâcher le plaisir de la croisière que vous projetiez de faire, mais il faut convenir que, selon une étude de Transport et Environnement publiée en juin 2019, la pollution générée par les paquebots de croisière est significative : les quarante-sept paquebots du leader mondial des croisières, Carnival Corporation, rejettent à eux seuls dix fois plus de dioxyde de soufre que les 260 millions de voitures de tourisme qui parcourent l'Europe. Ce problème a incité l'Organisation maritime internationale (OMI) à contraindre, dès l’année prochaine, tous les bateaux à utiliser un fioul affichant un taux de soufre trois fois inférieur à l’actuel. Il y a donc du progrès en vue. 

Si, d’un côté, la pollution par navire devrait se réduire, d’un autre côté le nombre de navires de croisière s’accroit sans cesse. En dix ans, de 2009 à 2019, le nombre de croisiéristes a presque doublé passant de 17,8 millions à 30 millions de personnes. Les chantiers navals ont reçu des commandes pour cent soixante-quatorze navires de croisières supplémentaires, à livrer au cours des huit prochaines années, soit une capacité hôtelière de deux cent soixante-dix mille lits supplémentaires.

Ne nous acharnons pas plus longtemps sur les croisières, car ce n’est pas seulement le nombre de croisiéristes qui s’accroit, mais le tourisme mondial dans son ensemble. En dix ans, le nombre de touristes dans le monde s’est accru de presque 50%, passant de neuf cent millions à un milliard trois cent millions en 2008 à plus d’un milliard quatre cent millions en 2018.  

Et bien sûr, si le tourisme a toutes sortes d’avantages, ceux de distraire les êtres humains et de créer des emplois, il a aussi toutes sortes d’inconvénients, dont celui de provoquer de nombreuses nuisances pour les habitants des régions visitées. Il suffit à cet égard de mentionner l’imprévisible désordre provoqué par l’extension d’Airbnb dans les immeubles, désormais visités en permanence par des inconnus de passage, ou la détérioration de sites fragiles comme le Machu Picchu au Pérou.

Il s'y ajoute surtout la consommation d'énergie et la pollution qu'engendre le tourisme, du fait des déplacements massifs en bateau, en avion ou de tout autre moyen de transport motorisé, qui remettent en cause sa légitimité, au sens où l'activité touristique n’est nullement vitale pour la survie de l’humanité. 

Bientôt, au lieu de s’extasier sur votre voyage au bout du monde, on vous fera honte d’avoir contribué à détruire la planète pour votre petit plaisir, et on peut donc imaginer qu’un jour, chaque citoyen se verra doté d’un quota de kilomètres à parcourir, au-delà duquel il se verra contraint de payer une surtaxe pour ses déplacements, s’il ne se retrouve pas purement et simplement interdit d’utiliser avion ou bateau, à la chinoise…

 

En attendant, profitez-en bien…

 

 

 

 

Lire la suite

LA BATAILLE NAVALE DE NEUVILLE

23 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

L'ATALANTE AU PRISE AVEC DEUX FRÉGATES ANGLAISES

L'ATALANTE AU PRISE AVEC DEUX FRÉGATES ANGLAISES

 

Levis ne savait pas que la Marine Royale n’avait plus, provisoirement, les moyens de disputer les mers à la Navy. 

 

Il fut donc déçu de voir apparaitre le 9 mai 1760 devant Québec un navire britannique. Mais il ne se découragea pas, attendant toujours l’apparition de navires français chargés de renforts. Il ouvrit le feu sur Québec avec son artillerie le 11 mai à partir de Beauport. Puis, le 15 mai, trois autres vaisseaux britanniques furent en vue. Le 16 mai, ces trois vaisseaux cherchent à détruire les frégates françaises qui soutiennent le siège. 

Levis ne s’obstine pas, il lève le siège et fait retraite vers l’ouest.  Pendant ce temps, une bataille navale, la bataille de Neuville, oppose quatre navires français et les vaisseaux anglais qui viennent d’arriver en face de Québec. 

Ces quatre navires commandés par Jean Vauquelin, deux frégates, l’Atalante et la Pomone, ainsi que deux flûtes, la Pie et la Marie, avaient hiverné près de Sorel. Au printemps de 1760, elles avaient transporté les munitions de l'armée à proximité de Québec, afin de hâter la marche des troupes. Peu après la victoire de Sainte-Foy, les navires s'étaient ancrés à proximité de Québec pour participer au siège. 

Lorsque le premier navire anglais, la frégate Lowestoft, arrive le 9 mai 1760, son capitaine, Deane, prend conscience de la précarité de la position de Murray, Lévis poursuivant activement le siège de Québec. Il décide d’envoyer à la nuit un sloop armé, le Racehorse, à la rencontre du reste de la flotte anglaise, qui n'est pas au courant de la situation.  

Les deux navires britanniques qui arrivent le 15 mai, le Vanguard, un navire de ligne, commandé par Robert Swanton et la frégate Diana commandé par le capitaine Schomberg, se préparent visiblement à attaquer les navires et les troupes françaises. Aussi, le 16 mai, Levis lève le siège pour sauver le matériel de l'armée tandis que l’Atalante et la Pomone appareillent. Les trois navires anglais leur donnent la chasse, mais la Pomone, prise sous un coup de vent, s'échoue à l'Anse-au-Foulon. Vauquelin, voyant que l’ennemi rattrape rapidement l’Atalante et les petits bâtiments, ordonne à ces derniers d'aller s'échouer dans l'entrée de la rivière du Cap-Rouge où ils seront récupérés le lendemain. 

Le Vanguard concentre ses coups contre les retranchements et les équipements de l'armée à Anse-au-Foulon. Les deux autres navires continuent à poursuivre l’Atalante, qui canonne en retraitant et dont la seule perspective est de se saborder assez près du rivage pour sauver l'équipage. Deux endroits sont désignés par le pilote, Portneuf à cinq lieues et Pointe-aux-Trembles, deux lieues en avant. Vauquelin opine pour le second site, sachant qu'il sera rejoint bien avant Portneuf et qu’aller plus loin reviendrait à indiquer aux navires anglais le chenal à suivre. 

L’Atalante est donc lancé à la Côte par Vauquelin, près du moulin de la Pointe-aux-Trembles. Les deux frégates anglaises se placent à demi-portée de canon et tirent 850 coups de canon au total sur la carcasse de l’Atalante, dont les artilleurs répliquent, tandis que Vauquelin prépare l'évacuation des marins. L'eau qui monte dans le navire rend inutilisables les quatre derniers barils de poudre et les hommes en sont réduits à s'armer de mousquets. Comme l'eau continue de monter dans la cale pour atteindre huit pieds et que la frégate penche sur le côté́, le plat-bord au niveau de l'eau, Vauquelin décide d'abattre le mâde misaine afin de rétablir l’horizontalité du bateau. 

Les Anglais continuent de canonner les marins qui débarquent et lorsqu'ils constatent que l’Atalante ne tire plus depuis longtemps, ils envoient des chaloupes à bord où ils trouvent encore onze personnes, dont six marins. Vauquelin fut fait prisonnier avec les sieurs Sabourin et Thomas, lieutenants, Deshaix, enseigne, Chaumillon, écrivain, et le sieur Bossens, aumônier. Ils furent conduits à̀ bord du Diana et du Lowestoff

L’Atalante, avec ses vingt deux canons, finit par couler et le Lowestoff, endommagé et pris dans une tempête de vent, chassa sur son ancre et coula non loin de l’Atalante le 18 mai, si bien que les passagers et l'équipage durent être transféré́s sur le Diana.

 

Désormais, la Marine Royale n’avait pratiquement plus de navires à opposer à la British Navy entre Québec et Montréal. 

Lire la suite

KRISTIAN PALDA ET MOI

18 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

KRISTIAN ET MOI AU THOLONET, NOVEMBRE 1999

KRISTIAN ET MOI AU THOLONET, NOVEMBRE 1999

 

Kristian Palda est décédé à Kingston le vendredi 26 juillet 2019. J’avais toujours juré d’aller assister à son enterrement, coûte que coûte. Pourtant au dernier moment, pour toutes sortes de bonnes raisons, j’ai dû y renoncer.

 

J’ai rencontré Kristian en 1974. J’étais assistant à l’IAE de Nice. Je le saluais par politesse, tout en me demandant qui il était. Quand j’ai lu son curriculum vitae en main, j’étais stupéfait que personne ne s’intéresse à lui à l’Université.  

Nous sympathisâmes rapidement. 

Apprenant que j’avais une formation en mathématiques, Kristian prétendit que je pouvais l’aider pour achever un article. Je ne crois pas qu’il avait vraiment besoin de moi, mais qu’il cherchait à m’aider. Il m’a ainsi permis de publier deux articles en anglais avant la soutenance de ma thèse, qui ont certainement contribué à la réussite de la première épreuve du concours d’agrégation en Sciences de Gestion.

Ma deuxième rencontre avec Kristian et sa femme Isabelle eut lieu à Prague. Ils s’y trouvaient pendant les vacances de Noel 1976, en même temps que mon frère, ma compagne, un ami et moi. La ville était grise, le froid intense et j’avais une forte fièvre. Kristian me permit de rencontrer un médecin tchèque, avant que mes problèmes médicaux ne prennent un tour plus complexe, qui me retint dans les hôpitaux tchèques pendant trois semaines. 

Nous restâmes en contact ensuite, nous nous vîmes souvent en France, puis, après le concours d’agrégation et mon séjour au Sénégal, nous repriment notre collaboration qui me permit de publier un article en 1985, avec Kristian Palda et Brian Ratchford comme co-auteurs, dans la prestigieuse revue Research In Marketing

Kristian m’a attiré vers de nouveaux chemins de recherche, que ce soit la relation entre la R&D et l’efficacité économique et surtout la problématique du Public Choice. Il s’est même intéressé, reliant sa passion pour l’histoire à son travail sur les choix publics, aux Cahiers de Doléances écrits à l’aube de la Révolution Française, pour saisir l’orientation et mesurer l’intensité des vœux adressés par les citoyens à leurs gouvernants. 

Pour donner un exemple de l’ampleur de son apport, je me souviens de mon passage à Kingston un gris après-midi d’octobre. J’errais dans les sous-sols de la bibliothèque de Queen’s en quête de documentation pour l’une de mes doctorantes et j’y croisais Kristian par hasard. Informé de ma recherche, il m’indiqua qu’il possédait toute l’information sur le sujet, m’entraina dans son bureau, photocopia les documents afférents  et, à mon retour à Nice, ma doctorante se retrouva avec toutes les données nécessaires pour rédiger la partie théorique de sa thèse.  

Grâce à lui, je fus à trois reprises professeur invité du séminaire doctoral de Queen’s pendant les étés 1987,1988 et 1990. C’était fort intéressant du point de vue scientifique, mais je voudrais invoquer surtout mes impressions sur la vie que nous partagions avec Kristian à Kingston. J’étais logé à quelques centaines de mètres de la maison d’Isabelle et de Kristian, une magnifique maison de pierre qu’il occupait encore en ce début d’été 2019. Pour moi, c’était la maison rêvée, emplie de livres, de tableaux, ouvrant sur une véranda donnant sur le jardin. Nous nous tenions dans la véranda, où nous avons passé des heures en discussion, qui ne s’achevaient jamais sans une nouvelle perspective scientifique ou historique. 

Kristian, c’était, à mes yeux, la vie rêvée de professeur,  dans une petite ville tranquille aux rues bordées de jolies maisons et à quelques centaines de mètres de l’université où il se rendait à pied à travers un parc peuplé de hérissons…

De fait, juillet à Kingston, au bord du lac Ontario, c’était le paradis. Je travaillais, je faisais du sport, je rencontrais Kristian, Isabelle, leurs deux enfants Filip et Valérie, nous échangions des idées, des projets, le monde ne pouvait rien contre nous. Le soir je rejoignais mon logis, une maison en bois, sans me rendre tout à fait compte que cet accomplissement, ce bonheur, ne pouvaient être qu’éphémères. Du moins je ne l’ai jamais oublié… 

À sa retraite, nous avons plus que jamais continué à nous voir et à échanger, souvent en famille, à Kingston, à Toronto, à Montréal, à Aix, à Clermont, à Strasbourg, à Prague. Je parcourais le Canada, seul ou en famille, de Vancouver à l’ouest à Churchill, en passant toujours par Kingston. La famille Palda faisait partie de mon univers, j’ai partagé ses espoirs, ses inquiétudes, ses difficultés et ses peines. Isabelle a disparu, puis Filip. Kristian est resté seul dans sa maison, veillé par sa fille Valérie. 

Je l’ai rencontré pour la dernière fois l’année dernière, fin avril 2018. J’ai passé quelques jours à Kingston et j’allais le visiter tous les après-midis, veillant à ne pas trop le fatiguer. Il était content de me voir, de parler en français, d’échanger des idées, il avait l’esprit toujours aussi clair, vif, perçant. 

Je voyais bien que, si la maison et Kristian étaient toujours là, la vie ne se conjuguait plus au futur, le passé nous pesait trop, avec ses drames et son bonheur envolé. Nous savions tous deux que rien ne pourrait y changer quoi que ce soit, ni nos pensées, ni nos paroles, ni notre communion. Je me souviens de mon pincement au cœur lorsque je l’ai quitté le dernier jour, sur le pas de sa porte. 

Par Valérie, je sais qu’en ce mois de juillet 2019, il a fêté le mariage de son petit-fils, qui se prénomme aussi Kristian, quelques jours avant qu’il ne trébuche, se fasse un hématome à la tête qui s’est accompagné d’une hémorragie interne. Il n’a survécu que cinq jours à sa chute. 

 

Je m’en veux de ne pas avoir assisté à ton enterrement, Kristian. Je vais aller sur ta tombe, là-bas à Kingston. Sur ta tombe et celle d’Isabelle et de Filip. J’y réaffirmerais que la vie est un passage de témoins. Que tu m’en as transmis une multitude et des plus importants. Que je me suis efforcé de les retransmettre à mon tour et que je continuerai à le faire jusque vienne mon tour de me taire, pour laisser à d’autres le soin de prendre le relais…

Lire la suite

LE PROFESSEUR KRISTIAN PALDA

13 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE

LE PROFESSEUR KRISTIAN PALDA (1928-2019)

LE PROFESSEUR KRISTIAN PALDA (1928-2019)

J’ai eu beaucoup de mal à écrire sur Kristian Palda, dont je me sens tout simplement orphelin.

 

Vous trouverez facilement une biographie de Kristian Palda, mais, tout de même, il me faut commencer par sa carrière, avant de présenter l’ami et l’homme profond qu’il était. 

Étudiant à Prague en 1949, Kristian est issu d’une famille d’industriels en cristallerie. Lorsqu’il est prévenu par ses camarades de son arrestation imminente en raison de sa filiation capitaliste par le régime communiste, il s’enfuit de la Tchécoslovaquie communiste et rejoint l’Italie où se trouve une partie de sa famille. Puis il se réfugie aux États-Unis et au Canada où il rencontre sa femme Isabelle, poursuit ses études tout en faisant de petits boulots. 

En 1956, c’est un étudiant brillant qui obtient un Bachelor en Commerce à Queen’s (Kingston, Ontario), puisqu’il peut poursuivre son cursus à l’Université de Chicago jusqu’à un MBA deux ans plus tard et un PhD. en 1963. 

Ce n’est pas n’importe quelle thèse qu’il soutient, Il a obtenu d’être encadré par George Stigler, futur Prix Nobel d’économie et la thèse qu’il soutient alors fait faire un bond remarquable à la recherche, en appliquant les outils de l’économétrie au marketing et à la publicité. 

Kristian Palda a été le premier chercheur à mesurer les effets de la publicité sur le chiffre d’affaires d’un produit, en l’occurrence pharmaceutique, fabriqué par l'entreprise Lydia Pinkham.

Le travail de Kristian Palda est devenu un classique, l’un des plus cités en marketing et le nombre des chercheurs qui ont utilisé les données qu’il a fournies est tel qu’il a donné lieu à un champ de recherche spécifique, les Lydiametrics. 

À la suite de ce succès remarquable, Kristian Palda a continué ses recherches sur la théorie de la hiérarchie des effets de la publicité. Il a alors enseigné à HEC Montréal et à SUNYB (Buffalo), est devenu full professor à Claremont Graduate University (Californie) jusqu’à ce qu’il retourne à Queen’s en 1970. 

Kristian était un économiste, le marketing ne l’intéressait que comme champ d’application. Fondamentalement, il était très méfiant vis-à-vis des interventions de l’État dans le domaine économique. Il faut dire que l’expérience tchécoslovaque et l’École des économistes de Chicago le poussaient dans cette attitude et le conduisaient à s’interroger sur la rationalité des choix publics. Dès 1975, il a étudié les effets de la publicité électorale sur les résultats électoraux, et avec sa capacité d’analyse, il a publié dans les meilleures revues pour devenir rapidement l’un des auteurs de référence sur le sujet.  

Puis il s’est lancé dans l’étude des relations entre la R&D et la performance économique d’un pays. En écrivant pour le Fraser Institute, il en a fait un sujet de réflexion pour l’ensemble du Canada, apparaissant pour la première fois dans les débats publics au sein des médias.

C’est alors qu’il obtenait le Queen’s Prize for Excellence in Research en 1987. C’était la période où il fut le plus actif au plan scientifique, alternant son travail au Canada, aux États-Unis, en France et en Belgique.

Après vingt-quatre années d’activité, il prit sa retraite en 1995 tout en continuant ses activités scientifiques. C’est ainsi qu’il présida l’European Public Choice Society, dont il organisa la conférence annuelle à Prague en 1997, en présence du Président du gouvernement tchèque, Vaclav Klaus. 

En 1998, il publia dans la revue Public Choice un article magnifique, souvent cité, co-écrit avec son fils Filip, également docteur de l’Université de Chicago, intitulé The impact of campaign expenditures on political competition in the French legislative elections of 1993.

Ensuite Kristian laissa son fils Filip (1962-2017), auquel j’ai consacré un billet (http://andreboyer.over-blog.com/2017/09/filip-palda-mon-ami-envole.html), continuer, étendre et faire connaitre la démarche qu’il avait initiée dans le domaine du Public Choice, si bien que l’on peut les associer tous les deux dans leur apport scientifique remarquable qui a permis d’éclairer des choix publics souvent nébuleux.  

 

Je ne m’avance pas beaucoup en prédisant une longue postérité à leurs travaux, mais je n’irai pas plus loin dans ce bref rappel de l’activité scientifique de Kristian Palda, pour consacrer un prochain billet à l’homme que j’ai connu. 

 

À SUIVRE

Lire la suite

L'EAU À BOIRE

11 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

L'EAU À BOIRE

Comme l’eau constitue environ 65% du corps humain, soit 45 litres dans une personne de 70 kilogrammes, il est aisé de comprendre qu’il est nécessaire de boire, pour garder constante cette proportion, 1,5 à 2 litres d’eau par jour.

 

Dans ce billet, boire signifie boire de l’eau, que ce soit de l’eau fournie par le circuit de distribution ou de l’eau en bouteille.

En France, l’eau du robinet est très contrôlée : sa potabilité est évaluée par plus de soixante critères établis en fonction du risque subi par les populations les plus vulnérables, tels que les nourrissons ou les femmes enceintes. Aussi la pollution par les nitrates et les pesticides est-elle très rare et le plomb n’est-il présent que dans certains bâtiments anciens.

Selon les régions, l’eau du robinet est plus ou moins chlorée afin de détruire les bactéries qui pourraient s’y trouver, mais, quelles que soient les régions, la quantité de chlore contenue dans cette eau est trop faible pour avoir un effet sur notre santé. Il arrive aussi que le calcaire donne un goût désagréable à l’eau, mais sans qu’il présente le moindre danger pour la santé.

Aussi, l’eau du robinet est-elle un produit alimentaire sans danger pour 95,6% des consommateurs. Les 4,4% restants, qui sont menacés par une qualité insuffisante de l’eau distribuée, sont situés dans des villages de quelques régions françaises, plus particulièrement dans le Loiret, la Seine-et-Marne, l’Yonne, l’Aube, la Marne, le Pas-de-Calais et la Somme. 

En outre, l’utilisation de systèmes de filtrages pour obtenir une eau de meilleure qualité est contestée par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES). En effet, cette dernière relève que les cartouches de filtration sont souvent des nids à microbes.

On peut donc se passer de l’eau en bouteille, qui a des caractéristiques différentes de l’eau du robinet, notamment parce qu'elles ne subissent aucun traitement, puisqu’elles sont réputées naturellement potables. 

Mais il faut distinguer, parmi les eaux en bouteille, les eaux de source et les eaux minérales :

  • Les eaux de source sont soumises à la même réglementation que l’eau du robinet. Elles doivent donc remplir tous les critères de potabilité, y compris contenir la même quantité de minéraux que l’eau du robinet. Elles ne subissent aucun traitement et sont donc plus pures que celle du robinet, ce qui fait qu’elles remplacent aisément  l’eau du robinet dans les régions polluées, ou quand cette dernière a un goût de chlore trop prononcé.
  • Les eaux minérales sont soumises à des normes spécifiques et peuvent atteindre de fortes teneurs en minéraux, qui ne sont pas tolérées pour l’eau du robinet. Aussi le principal élément à prendre en compte dans le choix d’une bouteille d’eau minérale est la quantité de résidus à sec qu’elle contient, à savoir la quantité restante de minéraux, sodium, magnésium, sulfate, calcium, une fois que l’eau s'est évaporée. 

Contrairement à notre intuition, une bonne eau est une eau peu minéralisée, car une consommation excessive de minéraux peut être néfaste pour l’organisme. Idéalement, le résidu à sec d’une bouteille d’eau minérale doit ainsi être inférieur à 100mg/l, sans compter que, même à ce niveau de résidu à sec, les eaux minérales sont souvent trop riches en sodium ou en d’autres minéraux. 

D'autant plus qu'il faut savoir que les carences en minéraux, comme en calcium et en magnésium, ne peuvent pas être restaurées par la consommation d’eau minérale, compte tenu de la faible capacité d’assimilation du corps humain pour les minéraux présents dans ces eaux. 

Enfin, dans toutes les eaux qui sont conservées dans des bouteilles en plastique, qu’elles soient de source ou minérales, on trouve des particules de plastiques qui se sont d’autant plus volontiers détachées de la bouteille que cette dernière a été exposée à la chaleur et la lumière.

On peut donc s’interroger, du point de vue individuel, sur la rationalité de choisir de consommer de l’eau en bouteille, qui est, sauf lieux bien identifiés, au mieux équivalente du point de vue sanitaire à l’eau du robinet, une eau qui est au moins cent fois plus chère que l’eau du robinet (0,0035 euros le litre en moyenne en France), qu’il faut transporter péniblement et qu'il faut stocker dans de bonnes conditions. 

Finalement, quand on se place du point de vue collectif, la production d’eau en bouteille est très énergivore:

Entre le transport des matières premières, le processus de fabrication et l’acheminement vers les grandes surfaces, on obtient un bilan de 8kg de COrejetés par litre d’eau en bouteille mise à disposition du consommateur, soit autant qu’une voiture qui parcourt 50 kilomètres. En outre, cette production d’eau est polluante, car, une fois bues, les bouteilles finissent soit dans la nature, soit dans une décharge, soit dans un incinérateur, les deux premières entrainant la libération de toxines  dans le sol que nous cultivons et dans l’air que nous respirons. Quand, au mieux, les bouteilles finissent dans un incinérateur, il faut encore utiliser une quantité d’énergie non négligeable pour les recycler.

 

L’eau en bouteille est donc un produit, et disons-le, un abus de la société de consommation, qui n’apporte généralement aucun avantage à l’être humain, avec des effets fortement négatifs sur l’environnement : une société responsable devrait donc veiller à décourager les consommateurs de l'utiliser et non l'encourager par la publicité.

 

Je vous laisse conclure…

Lire la suite

ROBOT OU TRAVAIL HUMAIN?

7 Août 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

ROBOT OU TRAVAIL HUMAIN?

ROBOT OU TRAVAIL HUMAIN ?

 

Dans le billet précédent, j’ai expliqué en quoi un système industriel fondé sur la robotique nécessitait une grande quantité d’énergie et de métaux souvent rares, ces deux facteurs de production se trouvant limités par l’écologie de notre planète et par la quantité de matières premières disponibles. Ces deux contraintes ont des effets sur le coût comparé d’une production assurée, soit par les robots, soit par les hommes. 

 

Le coût énergétique des robots n’est pas totalement ignoré dans les calculs industrielsmais la comparaison avec le coût du travail humain n’a pas encore été systématiquement analysée. 

Le fonctionnement d’une entreprise implique de calculer ses coûts et ses revenus. Nous avons choisi un exemple, que l’on ne peut pas généraliser, de calcul du cash-flow généré par l’introduction d’un robot qui couterait 250000$. Le calcul montre que les économies engendrées par le remplacement des ouvriers par le robot, entraine une augmentation appréciable du cash-flow, grâce à une faible augmentation du coût de l’énergie, 2% par an. 

Source : https://www.robotics.org/content-detail.cfm/Industrial-Robotics-Industry-Insights/Calculating-Your-ROI-for-Robotic-Automation-Cost-vs-Cash-Flow/content_id/5285

 

Face à la consommation d’énergie générée par les robots qui comprend celle qui est engendrée par leur fabrication, celle qui provient de leur activité physique et de la transmission des informations qui leur sont nécessaires, les êtres humains consomment à peu prés la même quantité d’énergie, l’équivalent d’une ampoule de 100 à 150 watts, qu’ils travaillent ou qu’ils ne travaillent pas, ce qui signifie que le coût marginal du travail humain en termes d’énergie est quasiment nul. 

 

Or l’usage croissant des robots entraine un accroissement du coût de l’énergie et des matières premières rares, ce qui provoquera à terme un arbitrage de plus en plus favorable au recours à l’activité humaine dans le processus de production. 

 

FIN

Lire la suite