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Le blog d'André Boyer

Des masochistes qui s'ignorent...

28 Mai 2010 Publié dans #HISTOIRE

L’actualité nous a contraint à mettre entre parenthèses notre analyse du système oligarchique français, si bien que l’article précèdent sur ce sujet date déjà du 14 avril dernier. J’y exposais l’analyse de La Boëtie que j’avais intitulée « Comment le peuple se trompe lui-même ».  Avec cinq siècles d’avance, c’est dire si l’organisation du pouvoir en France a peu variée, il décrivait notre système oligarchique actuel : au sommet, un Président sanctifié par l’élection au suffrage universel ; autour de lui, quelques fidèles qui tiennent la machinerie. Dans un troisième cercle, les happy few, ministres, directeurs d’administration centrale, présidents des grands organismes publics, les chefs de partis et de syndicats. Dans un quatrième cercle, l’échine pliée, les députés, les maires, les journalistes, les patrons, quelques milliers de personnes qui reçoivent leurs ordres et leurs faveurs. Dans un cinquième cercle, l’immense cohorte des cinq millions de fonctionnaires, des cinq millions d’assistés et de tous ceux qui peu ou prou dépendent du pouvoir. Et finalement, nous tous en France, tremblons devant les medias d’être cloués au pilori, de perdre marché ou avancement, de subir un contrôle, ce qui fait que le système dispose d’une armée de complices qui tremblent de le voir changer des règles auxquelles nous nous sommes accoutumés : nous le maudissons officiellement tout en redoutant secrètement de le voir s’effondrer…

 FrancoisPremier.jpg

La Boëtie voit lucidement que les courtisans sont gens que  rien ne dissuadera de servir pour amasser des biens : « Ces misérables voient reluire les trésors du tyran ; ils admirent, tout ébahis, les éclats de sa magnificence ; alléchés par cette lueur, ils s'approchent sans s'apercevoir qu'ils se jettent dans une flamme qui ne peut manquer de les dévorer ».

Un immense réseau de pouvoir, de contraintes, de pressions, de complicités s’étend sur le pays, d’autant plus fort que l’impôt est plus lourd et que le système est plus centralisé. Et où, dans le monde, l’est-il plus qu’en France ? Quel pays est-il plus soumis que la France au pouvoir de son oligarchie ? Le mécanisme de la tyrannie que subit la France de 1548 au temps de La Boëtie, lorsque François Ier cherchait à imposer la gabelle par le fer et le feu afin de faire payer au peuple sa folle guerre d’Italie, est toujours à l’œuvre aujourd’hui. Sous couvert de morale, de principes républicains, de solidarité, les nouveaux tyrans  se saisissent des biens privés pour en jouir personnellement et pour étendre leur pouvoir. Il n’y a rien à rajouter à son analyse, il suffit d’en tirer les conséquences. 

Si vous êtes un masochiste qui s’ignore, fonctionnaire heureux de disposer d’un emploi à vie, rmiste content de recevoir son petit pécule ou affairiste habile à tirer parti du système, il est paradoxalement possible que vous soyez heureux de vivre sous le parapluie d’une oligarchie qui vous opprime. N’en parlons donc plus, retournez devant votre écran de télévision.

Mais il se peut bien aussi que vous soyez convaincu avec beaucoup de réalisme que le système est immuable et qu’il n’y a rien d’autre à faire que s’y accoutumer. Vous avez raison car un système qui perdure en France depuis des siècles, qui a bénéficié de la volonté opiniâtre des rois et des régimes qui leur ont succédé, ne peut être qu’incrusté dans la société, les mœurs, les mentalités. La spécificité française du déni de la sanction démocratique a des racines profondes, enfouies dans les tréfonds de l’histoire de France. Cependant, souvenez-vous que le monde change, que le système soviétique qui paraissait immuable a explosé, que la France se remplit de nouveaux habitants, que ses structures sociales explosent. Alors, son système politique durera t-il éternellement, seul, envers et contre tous ?

Même si je n’en connais pas l’échéance, je ne le crois pas, car jamais les hommes n’ont consenti indéfiniment à être abusés. Comment supporter indéfiniment les tombereaux de mensonges que l’on nous déverse à longueur de journée dans les medias, l’imposture de ces dirigeants, de ces artistes, de ces journalistes qui prétendent nous faire la leçon pour mieux nous exploiter, de cet asservissement matériel que l’on nous impose en confisquant la moitié du produit de notre travail pour se l’approprier au nom d’une  pseudo solidarité obligatoire?

 

 

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Notre avenir 6: que va t-il se passer?

23 Mai 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

J’ai présenté mercredi dernier, dans un article intitulé « notre avenir 5 : un scenario vraisemblable » une possibilité de cassure de la zone Euro en deux, du fait de la profonde divergence de situation économique entre l’Allemagne et quelques uns des pays qui sont proches de son modèle, et les autre pays de la zone Euro. Ce n’est évidemment qu’une possibilité, personne n’ayant le pouvoir de lire dans le marc de café l’évolution globale de la situation de déséquilibre actuelle. Au delà de ce scenario, il nous reste à conclure cette série de six articles en traçant les grandes lignes de ce qui va se passer.

westalldamocles.jpg

L’envolée de la dette publique conduit inéluctablement les Etats qui y ont eu recours à réduire leurs déficits en procédant à des coupes claires dans leurs  budgets et à l’augmentation de leurs recettes fiscales. Ces mesures auront un impact profond sur le quotidien des populations concernées, mais, dans le passé, elles n’ont jamais suffi pour obtenir une réduction significative des ratios d’endettement. Croire qu’elles suffiront dans le futur paraît parfaitement déraisonnable, d’autant plus que la conjoncture mondiale ne permettra pas aux pays endettés de bénéficier d’une croissance économique qui permettrait de stabiliser la charge de la dette. La seule solution raisonnable, en dehors d’une cure d’austérité qui ne sera acceptée nulle part sans désordres sociaux et politiques, est celle de l’inflation et éventuellement de la renégociation de la dette publique.

 

C’est ainsi qu’il est hautement improbable que la Grèce reçoive jamais l’aide de 110 milliards d’euros sur trois ans promise par la zone Euro, car dans trois ans il y aura belle lurette que l’on aura constaté la non opérationnalité du plan d’austérité imposé à la Grèce et que l’on aura pris acte de son incapacité à rembourser sa dette. 

 

Cette inflation promise, elle semble tout à fait annoncée[1] pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Elle profitera aux multinationales puisqu’elles ont un fort pouvoir de fixation des prix et parce que le fait de disposer d’unités de production dans plusieurs pays leur permet d’optimiser leurs coûts d’approvisionnement. Les secteurs de biens de consommation de base et de l’énergie devraient ainsi échapper à la rigueur et l’or sera un refuge contre l’inflation

Au Japon, la dette publique a sans doute déjà atteint un niveau de non-retour. Avec la population la plus âgée de la planète, un taux d’épargne qui devrait continuer à baisser et des obligations de moins en moins absorbées par les fonds de  pension, les taux d’intérêt vont  augmenter, pesant sur la croissance et les recettes fiscales. Le risque d’une crise de financement devenant élevé, la probabilité est forte que la Banque du Japon procède à des achats de dette publique qui déboucheront inéluctablement sur une poussée inflationniste. Les entreprises japonaises tournées vers l’exportation, en particulier en direction de la demande asiatique, devraient se développer et profiter de l’affaiblissement du yen qui est à prévoir.

Dans la zone Euro, après une brève confrontation entre les principes de la banque Centrale Européenne, soutenue par l’Allemagne et les pays qui voudront résister à la tentation de la création monétaire, les pays les plus faibles de la zone Euro, dont la France, choisiront la voie inflationniste plutôt que déflationniste, au prix d’un compromis politico-économique avec l’Allemagne.  Néanmoins, les mesures de consolidation budgétaire resteront fragiles, le niveau de dette restera élevé et le risque de défaillance de certains pays sera possible, mais la France, l’Italie et l’Espagne auront probablement modifié le système monétaire qui les régit avant de risquer la défaillance. Les entreprises européennes tournées vers l’exportation continueront à bénéficier de  la croissance des marchés émergents.

 

Vous l’avez compris, on ne vous dira la vérité que le couteau sous la gorge. Pour le moment, on vous a successivement raconté que la Grèce pouvait faire face toute seule, puis que le Plan d’aide n’était conçu qu’en dernier recours, puis qu’il allait régler les difficultés de la Grèce, puis que les autres pays n’avaient pas du tout les mêmes problèmes que la Grèce. On vous dit que la rigueur est la solution, que la zone Euro est indestructible puisqu’elle sera défendue coûte que coûte et ce n’est que le lendemain où l’accord détricotant tout l’édifice pour en tricoter un autre aura été signé que l’on vous expliquera que la zone euro reste la zone euro, avec des principes opposés.

Vous avez par conséquent compris que ces politiciens qui ont besoin de vous mentir en permanence pour vous rassurer n’appliqueront jamais un véritable plan de rigueur parce que vous les jetteriez aussitôt dehors. D’où l’inflation nécessaire, d’où la modification de la zone Euro qui éclatera peut-être, comme je l’ai imaginé dans le scenario précédent, en deux zones pour vous faire croire que rien n’a fondamentalement changé, quand tout sera différent.

Qu’est ce qui va changer ? Avant tout la vie à crédit des pays développés, qui leur a permis de croître justement par le moyen de l’endettement. Les limites de cette vie à crédit sont atteintes, ce qui signifie qu’il va falloir réduire, sans le dire, le niveau de vie des pays développés par rapport à celui des pays émergents.

Ne croyez pas que des politiciens flambards vont venir vous l’annoncer devant les caméras de télé : ils n’y survivraient pas. Ils vont donc y procéder en douce, et comme l’inflation est le moyen habituel de faire passer la pilule, elle va probablement s’imposer. Elle avait déjà  été reine de 1936 à 1985, elle ne fait que revenir, mais cette fois-ci elle sera accompagnée de peu de croissance. Du moins en donnera-t-elle l’illusion, permettant d’offrir des emplois, de rembourser les dettes en spoliant les prêteurs et d’appauvrir les détenteurs de revenus fixes comme les fonctionnaires, les retraités et les bénéficiaires de prestation sociales comme médicales au profit des détenteurs de biens réels, de logements, de stocks, ou de capacités personnelles négociables. 

Les temps vont changer certes, mais l’inflation sera au rendez-vous à la place de la rigueur que l’on vous annonce, pour vous manipuler comme d’habitude. Cet article a pour objectif de vous donner le temps d’y réfléchir, de valider (ou d’invalider) les hypothèses que je vous ai présentées et qui fondent les conséquences que j’en tire et de vous y préparer : les évènements vont aller vite maintenant, plus vite que vous ne croyez…

 

Bibliographie

Barro, R.J. (2009) Government Spending is no free Lunch, The Wall Street Journal, 22 January, 2009.

International Monetary Fund, IMF (2009). World Economic Outlook-Sustaining the Recovery, October 2009.

International Monetary Fund, IMF (2009a). Euro Area Sovereign Risk During the Crisis. Economic Outlook-Sustaining the Recovery, October 2009.

Organization for Economic Cooperation and Development, OECD (2009). OECD Economic Outlook, Vol. 2009/2, No. 86.

Reinhardt, C.M. & Rogoff, K.S. (2008). The Forgotten History of Domestic Debt, NBER Working Paper Series No. 13946.

Reinhardt, C.M. & Rogoff, K.S. (2009). This Time is different-Eight Centuries of Financial Folly, Princeton and Oxford. Princeton University Press.

Reinhardt, C.M. & Rogoff, K.S. (2010). From Financial Crash to Debt Crisis, NBER Working Paper Series No. 15795.

Schularick, M & Taylor, A.M. (2009). Credits Booms gone bust : Monetary policy, leverage cycles and financial crises, 1870-2008, NBER Working Paper Series No. 15512.

Sgherri, S. & Zoli, E. Euro Area Sovereign Risk During the Crisis, IMF Working Paper WP/09/222.

 

 

 



[1] Les financiers donnent 60% de probabilité à l’inflation, 25% au désendettement par la croissance et 15% à l’austérité. Ils excluent la défaillance pour ces deux pays. 

 

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Notre avenir 5: un scénario vraisemblable

19 Mai 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

Dans l’article précédent, daté du 16 mai dernier et intitulé « Notre avenir 4 : l’impasse apparente de la zone Euro » je montrais en quoi les pays de la zone Euro se retrouvaient dans une impasse financière, donc économique, sociale et finalement politique. Comment, en effet, réduire leur déficit sans casser la croissance tout en renonçant à la facilité de l’inflation ? Cette voie me paraît  impraticable pour des pays qui n’ont pas, comme l’Allemagne, la culture de l’effort, mais je me trompe peut-être. On peut toujours « rêver » sadiquement d’austérité budgétaire et de déflation ! En tout cas, les marchés n’y croient pas, qui vendent par précaution l’Euro à tour de bras…

clubmed.jpgCar il semble bien que, sous le couvert rassurant de la coordination budgétaire de l’ensemble des pays de l’Euro, ce soit, en doses un peu plus diluées au début, le même type de potion que celle appliquée à la Grèce qu’il est envisagé d’administrer aux deux tiers de la zone Euro.

Mesurez en un instant les conséquences : cela impliquera que la restauration de la compétitivité sera longue et douloureuse, que l’austérité budgétaire pèsera sur la croissance, une croissance qui restera faible pendant dix ans ou vingt ans et que le risque de défaillance sur le paiement de la dette publique sera élevé pour les plus pays les plus exposés, voire pour l’ensemble des neufs pays concernés. Au total, le risque de stagnation et de déflation sera sans cesse présent, ce qui fera ressembler la zone Euro au Japon des années 1990.

Sauf à court terme, je ne crois pas du tout qu’un tel schéma soit plausible, tant les opinions publiques seront incapables de le tolérer. Si les politiciens de droite et de gauche actuellement au pouvoir veulent y rester, le scénario le plus probable se déroulera en trois étapes, qui peuvent se succéder rapidement :

-      - Dans un premier temps, les pays déficitaires vont annoncer des mesures de rigueur dont la simple perspective provoquera un ralentissement d’une croissance déjà anémique.

-    - Dans un second temps, les pays du deuxième groupe demanderont un soutien aux pays du premier groupe qui exigeront en contrepartie une coordination budgétaire accrue, voire une intégration de la politique budgétaire au sein de la zone Euro. Ces deux étapes d’ajustement et de coordination engendreront une très faible croissance et la renégociation de plusieurs dettes publiques, à commencer par celle de la Grèce qui ne sera, bien sûr, jamais remboursée intégralement.

-      - Ces tensions et ces défaillances seront le prétexte pour les plus faibles des États de la zone Euro de se saisir à nouveau de l’arme de l’émission monétaire comme moyen de financement de la dette publique et comme outil d’inflation destiné à amortir la dette. La France, l’Espagne et l’Italie seront au premier rang des promoteurs d’une BCE dont l’objectif serait la croissance avant la stabilité des prix. Il est probable que devant le refus de l’Allemagne de changer de modèle économique, une double zone Euro sera créée, l’une pour les pays du Nord, vertueux et disciplinés, l’autre pour les pays du Sud, bohèmes et indisciplinés. À moins que la zone Euro n’éclate tout bonnement en ses composantes nationales, ce que je ne crois pas tant ce serait un aveu trop manifeste d’échec.

 

 

Un scénario vraisemblable

 

Il est 20 heures, ce jour d’août 201X. Les conseillers des différents chefs d’Etat de l’Union Européenne ont préparé l’accord depuis des semaines.

L’Allemagne a fait savoir qu’elle n’accepterait pas un deuxième plan de sauvetage de l’Espagne. Le (ou la) chef  de l’Etat français apparaît à la télévision pour indiquer qu’un referendum sera organisé en France d’ici six semaines pour demander au peuple français de choisir : soit le maintien dans la zone Euro actuelle fondée sur la lutte contre l’inflation ce qui signifierait un plan drastique de rigueur dont il ne donne que quelques exemples réfrigérants, soit l’adhésion à une zone Euromed dans laquelle la priorité sera donnée à la croissance (en clair à l’inflation !) Il indique que l’Espagne et l’Italie sont prêtes à se rallier à cette nouvelle zone monétaire. Pour flatter l’orgueil national, il annonce aussi que le siège de la nouvelle Banque Centrale de l’Euromed aura son siège à Paris. C’est cette dernière information que retiennent les medias soucieux de gommer le caractère anxiogène de la reculade annoncée « l’Euro revient à Paris ! ».

Le résultat du referendum ne fait aucun doute, et au même moment des annonces similaires sont faites en Europe. On sait déjà que l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, la Finlande et le Luxembourg choisiront de rester dans la zone Euro originelle.

Le lendemain, l’Euro remonte légèrement face au dollar et le gouvernement espagnol lance un emprunt indexé sur l’inflation, qui obtient un franc succès.  

 

 

 

 

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Notre avenir 4: l'impasse apparente de la zone Euro

16 Mai 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

Depuis mon dernier blog; la situation au sein de la zone Euro s'est précisée: la BCE a accepté de racheter des dettes d'occasion qui ne seront probablement jamais intégralement remboursées, ce qui équivaut à une création de monnaie donc à de l'inflation importée en zone Euro. Par ailleurs, l'Euro a fortement baissé par rapport au dollar (de 16% depuis le début 2010. Nous en tirons deux certitudes et une interrogation: il est certain que l'Euro va continuer à baisser à cour terme et qu'une intense propagande va essayer de nous effrayer, pour faire passer une politique de rigueur. Il reste à savoir jusqu'où les pays en situation d'équilibre de la zone Euro accepterons de payer pour les pays en équilibre?  

 

p-008484-00-2-1S’il est une situation dans laquelle on ne peut pas se référer à une moyenne, c’est bien celle de la zone Euro. Bien sûr, les finances des 16 pays membres de la zone Euro se sont toutes dégradées dans le sillage de la crise financière de 2008, mais il faut distinguer deux groupes très différents[1]:

- D’un côté, la Finlande, les Pays-Bas, l’Autriche et l’Allemagne qui ont réussi à maintenir des déficits modérés et qui possèdent un excèdent de leur balance des paiements montrant que leur économie est toujours compétitive sur le marché mondial.

- De l’autre côté, des pays dont le solde budgétaire s’est plus ou moins fortement dégradé et dont le déficit de la balance commerciale est également plus ou moins négatif, révélant l’érosion plus ou moins accentuée de leur compétitivité internationale. La liste de ces pays est longue qui va de la Slovaquie à la Grèce en passant par la France, la Belgique, l’Italie, la Slovénie, le Portugal, l’Espagne et l’Irlande.

Les deux tableaux ci-dessous décrivent la situation contrastée des deux groupes de pays au sein de la zone Euro, au regard du solde de la balance commerciale, du déficit budgétaire et de la dette totale accumulée.

Le solde de la balance commerciale donne une photographie assez stable de la compétitivité de l’économie du pays, donc de sa capacité à dégager de la croissance sur le marché international. Grâce à ce solde, un pays peut financer la croissance de sa dette, donc de son déficit. C’est le cas de l’Allemagne qui a un solde positif de sa balance commerciale, ce qui lui laisse la possibilité de disposer d’une croissance suffisante pour financer l’augmentation[2] de sa dette.

 

Liste des pays de la zone Euro en situation d’équilibre potentiel :

 

Pays

Solde Balance Commerciale*

Déficit budgétaire*

Dette totale*

 

Allemagne

5%

-4%

80%

 

Pays-Bas

5%

-5%

60%

 

Autriche

3%

-4%

75%

 

Finlande

1%

-2%

40%

*En pourcentage du PIB.

À l’opposé, la Grèce, dont le solde de la balance commerciale est catastrophiquement négatif, n’a rien à espérer de la compétitivité de son économie pour générer de la croissance, au contraire. Il faut donc qu’elle bloque la consommation des produits qu’elle importe afin de réduire les sorties de capitaux et en même temps comprimer fortement son déficit budgétaire afin de stopper la croissance de la dette. Mais bien sûr, si une telle action dépressive est conduite, elle provoquera une croissance négative. Si l’on prévoie, ce qui est réaliste, une dépression de l’économie grecque de 3%, il faudra ajouter ces 3% à l’effort nécessaire pour stabiliser la dette, qui est déjà de l’ordre de 14%. On comprend aisément que l’on s’engage alors dans une spirale de récession dont on ne connaît pas le bout, et qu’au total une telle politique est irréalisable au plan politique.

 

Liste des pays de la zone Euro en situation de déséquilibre potentiel :

 

Pays

Solde Balance Commerciale*

Déficit budgétaire*

Dette totale*

 

Slovaquie

- 1%

-6%

40% 

France

- 2%

-8%

80%

Belgique

- 3%

-6%

100%

Italie

- 4%

-4%

120%

Slovénie

-6%

-6%

40%

Espagne

-6%

-11%

60%

Irlande

-6%

-14%

70%

Portugal

-8%

-10%

80%

Grèce

-12%

-14%

120%

* En pourcentage du PIB.

C’est ainsi que chacun des pays ci-dessus, à des degrés divers, se trouve placé devant un double défi, rétablir sa compétitivité pour pouvoir continuer à emprunter et réduire son déficit pour éviter que son économie ne soit écrasée sous les dettes.

C’est un défi impossible si ces pays doivent réussir cet exploit en renonçant à d’utiliser les deux moyens classiques d’y faire face, actuellement interdits par les règles actuelles de la Banque Centrale Européenne

- Faire acheter les emprunts qu’ils émettent par la Banque Centrale.

- Provoquer une inflation qui réduise d’autant la valeur des emprunts à rembourser.

Dans le cadre strict défini par la BCE et sous la surveillance de l’Allemagne, il ne reste plus aux pays de la zone euro qu’à tenter l’ascension de l’Everest par la face Nord: améliorer leur compétitivité pour stimuler la croissance sans recourir à l’inflation tout en consolidant leurs finances publiques. C’est un effort qui passe obligatoirement par l’austérité budgétaire et la déflation et qui ne peut se traduire que par des hausses d’impôts et des baisses des prix et des salaires. C’est d’ailleurs la voie qu’a empruntée l’Allemagne depuis 2002, non sans mal, et avec l’aide involontaire des autres pays de la zone euro qui lui ont fait cadeau de l’érosion de leur propre compétitivité.

Qui est-ce qui peut croire que la France ou l’Espagne soient prêts à suivre le même chemin, avec encore plus d’efforts à faire que ceux qu’a consenti l’Allemagne?



[1] On tiendra pour négligeable, en termes d’influence économique, la situation des trois autres pays de la zone euro, le Luxembourg, Chypre et Malte, peuplés tous trois réunis, de 1 million sept cent mille habitants.

[2] Son déficit de 4% du PIB représente théoriquement une augmentation de 5% de son déficit. Pour stabiliser le rapport Dettes/PIB il faudrait donc 5% de croissance, mais comme à peine la moitié de sa dette est structurelle, il suffirait d’une croissance de 2,5%.

 

 

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Notre avenir 3: la situation de chaque protagoniste

13 Mai 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

J'ai évoqué dans l'article du 8 dernier, intitulé "Notre avenir 2: quelles solutions" les possibilités de sortie de la crise des déficits. Nous abordons ici les différentes situations auxquelles font face les économies des États en cause, dans le cadre de la mondialisation. Par rapport à la pression que la dette des Etats va exercer sur leurs économies respectives dans les vingt prochaines années, il apparaît clairement quatre types de situations différentes, celle des pays émergents dont les soucis sont ailleurs, celle du Japon endetté, celle assez classique des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne et celle très spécifique de la zone Euro :

inflation.jpgDes économies émergentes en position de force :

La dette publique de nombre de pays émergents semble gérable. En moyenne, les dettes des pays émergents se situent entre 30% et 40% de leur PIB. Si certains pays comme l’Inde et le Brésil ont des ratios dette/PIB assez élevés, de l’ordre de 75%, d’autres comme la Chine ou la Russie ont des ratios particulièrement faibles, respectivement 25% et 15% et même jusqu’à 5% pour le Chili. De plus, ils ont des perspectives de croissance élevées et peu de responsabilités non financées, dans la mesure où ils ont des systèmes de sécurité sociale pour le moment moins coûteux que ceux des pays développés. On peut donc estimer qu’ils sont peu concernés par la question de la dette publique, même s’il existe de grandes différences selon les régions. C’est ainsi que les pays d’Europe Centrale et Orientale ont connu une nette dégradation de leurs finances publiques comme la Hongrie, la Lituanie et la Lettonie. Par ailleurs, des économies aussi spécifiques que l’Ukraine, le Venezuela ou l’Argentine ont des fragilités d’origine diverse.

 

Le Japon, cancre de la dette publique :

Depuis les années 1980, le Japon a tenté, en permanence et sans succès, de redresser ses finances publiques, parce que sans inflation et sans croissance. Le ratio de la dette publique a quadruplé depuis 1990 pour atteindre 200% du PIB.

L’envolée de la dette a été absorbée par la vigoureuse épargne des ménages japonais et par les forts excédents courants de la balance des paiements japonaise.

Désormais, le taux d’épargne de la population japonaise se réduit avec le vieillissement de la population, les taux d’intérêts bas semblent de moins en moins d’actualité et le gouvernement japonais ne parait pas en mesure de pratiquer une politique d’austérité budgétaire.

Il ne reste donc plus au Japon que la voie de l’inflation, fondée sur une nette dépréciation du yen liée à l’inquiétude qu’inspire la dette publique japonaise et à la faiblesse des taux de la Banque du Japon. La dépréciation du yen est de nature à stimuler l’économie, à encourager la hausse des prix et à faire ainsi monter le PIB nominal. Il suffirait que la Banque centrale maintienne des taux d’intérêt bas pour que la croissance soit favorisée, croissance qui permettrait à l’État d’accroître ses impôts. Néanmoins le recours à une politique monétaire laxiste risque d’entraîner une crise de refinancement de la dette japonaise si la rigueur budgétaire ne s’inscrit pas en contrepoint du laisser-aller monétaire.

 

Les Etats-Unis et l’inflation :

Le déficit public des Etats-Unis a atteint en 2009 1420 milliards de $, soit 10% du PIB, et le montant de sa dette est au niveau de son PIB, colossal, 15000 milliards de $. Si l’administration Obama laisse ce ratio dette/PIB s’accroître, elle va se trouver devant des difficultés exponentielles pour assurer le service de la dette. Or, d’après les calculs d’experts financiers, le déficit du budget devrait se maintenir durablement autour de 5% du PIB alors que la croissance serait de l’ordre de 3%.

En d’autres termes, mécaniquement, la dette fédérale est destinée à s’accroître de 2% par an, ce qui deviendra rapidement insupportable. Les États-Unis peuvent réduire cet écart en pratiquant une politique protectionniste, ce qui n’est pas à exclure, ou une politique déflationniste, qui, elle, n’est pas dans la tradition américaine. La baisse artificielle du dollar est délicate à pratiquer puisqu’elle implique des représailles et qu’elle est contraire à la politique de coopération économique du G8 et du G20.

Mais il reste aux Etats-Unis la possibilité de pratiquer une politique monétaire et budgétaire qui engendre un taux d’inflation assez élevé pour alléger progressivement le fardeau de la dette. D’après des calculs financiers, une inflation de 5% pendant 10 ans permettrait à l’administration américaine de stabiliser le ratio dette /PIB et lui éviterait de faire des efforts budgétaires trop douloureux pour atteindre une compétitivité internationale hors de portée.

C’est l’hypothèse que l’on retient, celle d’une inflation de 5% par an aux Etats-Unis pendant une dizaine d’années. Et comme sur le plan technique les Etats-Unis ne pourront pas attendre guère plus d’un an pour pratiquer cette politique inflationniste sans que l’inquiétude croissante des investisseurs ne provoque une vente massive des titres qu’ils détiennent auprès du Trésor américain, cette inflation américaine est logiquement imminente, à échéance de 12 à 18 mois au maximum.

Curieusement, le Royaume-Uni se trouve dans une situation proche de celle des Etats-Unis. Le FMI estime que la situation budgétaire de la Grande-Bretagne est particulièrement préoccupante puisqu’elle devrait faire un effort budgétaire équivalent à 10% de son PIB jusqu’en 2020, étant donné que son déficit, à hauteur de 10% de son budget est d’ordre structurel. La banque d’Angleterre est en mesure de compenser la rigueur budgétaire non seulement par une politique de faible taux d’intérêt mais aussi par la monétisation de la dette qui consiste à acheter des emprunts d’Etat pour affaiblir la livre sterling.

Le risque d’inflation qui en résulte est contraire au mandat de la Banque d’Angleterre mais on peut penser que ce mandat sera contourné au nom de l’intérêt supérieur de la Grande-Bretagne. On6 estime que le taux d’inflation devrait jouer un rôle important dans la résolution du problème de la dette en Grande-Bretagne, dont le taux pourrait bien être supérieur à celui des Etats- Unis.

Dans l'article suivant, je traiterai du cas très particulier et assez dramatique de l'Union Européenne.



Voir les références bibliographiques en fin d’article, notamment les rapports de Reinhardt, C.M. & Rogoff, K.S pour le NBER.

« On », c’est à dire les experts que j’ai lu, et je partage ici leur point de vue.

 

 

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Dans ses yeux

10 Mai 2010 Publié dans #INTERLUDE

En attendant la parution de la suite de la série "NOTRE AVENIR" sur la crise des déficits et ses conséquences, je vous propose une réflexion sur un sujet plus humain:

j’ai vu hier soir un magnifaffiche-du-film-dans-ses-yeux-el-secreto-de-sus-ojos-421168.jpgique film argentin intitulé « Dans ses yeux » qui raconte deux histoires, l'une et l'autre contenant finalement un seul et même message :

Tout d’abord celle d’un type dont la vie est devenue vide parce que sa femme, qu’il aimait, a été tuée par un fou ou un salaud, peu importe. Pour lui, la situation dans laquelle il est désormais enfermé est sans issue. Sa femme est morte, du coup sa raison de vivre a été liquidée définitivement. La solution qu’il trouve, désespérée et logique, consiste à faire subir au type qui a été l’instrument de la destruction de sa vie le sort qui est le sien : le vide absolu. La façon dont il y parvient ne peut pas être racontée à celui qui n’a pas vu le film, mais enfin pour ce malheureux, privé d’espérance, c’est une méthode pour remplir sa vie, même de manière désespérante. Du moins sait-il pourquoi il vit :  pour rendre vide celle de l'homme qui a fait son malheur.

Ensuite, et heureusement, il y a une magnifique histoire d’amour. Le policier qui a enquêté, qui a trouvé le meurtrier, qui a été humilié par sa libération anticipée, qui a vu son ami subir à sa place le sort qui lui était réservé, prend sa retraite.

Il décide d’écrire dans un « roman » l’histoire de son enquête et qui est largement celle de sa vie. Clairement, le bilan de l’enquête et de sa vie est un fiasco. Cette enquête n’a mené a rien de bien. L’assassin a été arrêté, mais il n’a pas pu empêcher qu’il ne soit libéré. La justice a été impuissante.  De plus et surtout, il n’a pas su s’unir à la fille qu’il aimait, et bien sûr sa vie conjugale a été un échec.

Le vide le guette.

En décidant d’écrire ce « roman » qui est en réalité un reportage, il ne sait pas qu’il va clore l’énorme chapitre qui a bloqué sa vie, une vie qui apparaît désormais dans toute sa vacuité  mais aussi dans toute sa vérité. Une clé essentielle du film se situe dans l’observation remarquable qu’a faite l’ami du policier, celui qui cache dans l’alcool son désespoir à fleur de peau. Pour retrouver l’assassin, son ami remarque qu’un homme ou une femme, quel qu’il soit, peut changer de métier, de lieu, de peau, de nom, de tout, mais pas de passion. Ici se situe le cœur du film: on ne peut pas renoncer à ce qui vous passionne, parce que c’est ce qui vous fait vivre. C’est une autre façon d’écrire que renoncer à ce que l’on aime, ou bien à celui ou celle que l’on aime, c’est vider la vie de son sens. L’homme dont la femme a été tué le sait bien, mais il n’y peut plus rien. Par contre le policier n'en a pas encore pris clairement conscience au moment où il décide d’écrire son « roman ». Il ne lui reste plus qu’à franchir ce pas.

Il n’est pas possible de livrer ici l’épilogue qui montre que jamais rien n’est fini dans la vie, tant que tout ce qui était potentiellement possible ne s’est pas définitivement déroulé. Car, pour le policier, ce n’est pas un salopard qui a amputé sa vie de toute signification, c’est lui-même qui l’a fait, par aveuglement.

Le sens de ce film, à mon avis, est donc qu’il "suffit" d’ouvrir les yeux, de prendre conscience de la signification de sa vie, de reconnaître ce qui crève les yeux et que l’on se refusait à voir, pour que l’on soit enfin en mesure de vivre pleinement sa vie, celle pour laquelle on était fait.

Cela arrive en général assez tard pour chacun d’entre nous, sauf pour ceux qui ont la chance d'avoir une aptitude innée  au bonheur. 

 

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Notre avenir 2: quelles solutions?

8 Mai 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

Le 5 mai dernier, j’ai commencé une série d'articles relatifs aux consequences des deficits publics sur notre avenir. Les évenements se sont accélérés depuis. L’objectif de cet article et des articles suivants est de vous expliquer ce qui va se passer dans les prochains mois et les prochaines années.

solutions.jpg.gifJe terminais mon article en observant « qu’en France, comme dans de nombreux pays développés, le fardeau de la dette est si lourd qu’il commence à étouffer la croissance économique, puisque les remboursements croissants de la dette ne sont consacrés ni à l’investissement, ni à la consommation. »

 

Quelles sont donc les solutions ?

 

Le problème, c’est que l’histoire a montré que la discipline budgétaire n’a jamais permis, à elle seule, de réduire le ratio d’endettement d’un pays. Depuis 1980, une trentaine de pays se sont efforcés de réduire leur ratio dette/PIB, mais leur succès est toujours venu plus de la croissance économique que de l’austérité budgétaire. Or les perspectives de croissance des pays développés sont assez faibles pour plusieurs raisons :

- Tout d’abord, la prospérité des deux dernières décennies repose en grande partie sur le crédit facile, la croissance de la consommation et  la mondialisation. Le crédit facile est désormais en voie de disparition, celle de la consommation est justement freinée par la nécessité de pratiquer une politique d’austérité. Il reste la mondialisation pour les pays qui sont assez compétitifs pour en profiter, c’est-à-dire ceux dont la balance commerciale est positive. Ce n’est pas le cas de la France (50 milliards € de déficit environ, ni celle de la Grèce bien sûr, dont le déficit est catastrophique puisqu’il atteint 30 à 35 milliards €).

- Ensuite, les taux d’intérêt sont  historiquement bas. Ils ne risquent pas de baisser encore mais plutôt de s’élever, rendant la charge de la dette à venir plus coûteuse et la croissance plus problématique.

- Enfin, le vieillissement de la population qui affecte la plupart des pays développés engendre un potentiel de croissance amoindri et des dépenses publiques accrues.

 

En conséquence, si ni l’austérité ni la croissance ne peuvent être suffisants  pour stabiliser la dette, et comme il n’est pas possible que cette dernière monte jusqu’au ciel sans exploser, il ne reste plus que trois solutions, l’inflation, la déflation, ou carrément la défaillance de paiement.

L’inflation est la solution la plus classique et la plus confortable pour tous les protagonistes, Etat, consommateurs et entreprises, à l’exception notoire des prêteurs qui sont remboursés en monnaie de singe. Elle intervient à travers la  « monétisation » la dette, qui signifie que l’État demande à sa banque centrale d’acheter la dette émise. Cette dernière est réglée avec de l’argent créé, ce qui augmente la quantité de monnaie en circulation, donc de l’inflation. Certains demandent ainsi à la Banque Centrale Européenne (BCE) d’acheter les emprunts des pays de la zone Euro en difficulté, ce qui reviendrait à importer de l’inflation dans l’ensemble de la zone, donc dans les pays « vertueux ».  On peut douter que ces derniers soient d’accord.

On peut objecter à cette « solution » que l’inflation est une solution inopérante parce que les taux d’intérêt augmentant avec l’inflation, ils aggravent ipso facto la charge de la dette. Ses partisans répondent que les taux d’intérêt suivent avec retard l’inflation et que de toutes façons les dettes anciennes, qui ont été consenties à des taux d’intérêts bas, seront remboursées avec de la monnaie dévaluée. Si bien que l’inflation, solution éprouvée pour amortir en douceur les dettes, reste une solution d’autant meilleure pour un État endetté qu’elle est brutale et inattendue pour les prêteurs.

Bien sûr, les banques centrales ont officiellement pour mandat de stabiliser les prix, mais le cadre institutionnel de leur mandat est destiné à s’adapter aux  circonstances. On se souviendra à cet égard avec quelle vitesse la crise a fait oublier les fameux « critères de Maastricht » à l’Union Européenne !

Il existe cependant une situation dans laquelle l’option de l’inflation est fermée, c’est celle de la zone Euro. Elle sera fermée tant que les Allemands y seront opposés. Tant que ce sera le cas, la solution ouverte à chacun des Etats de la zone Euro est celle de l’austérité budgétaire.  Or nous venons d’observer que son efficacité risquait d’être insuffisante pour stabiliser la charge de la dette. Il ne reste plus alors qu’à agir ou à prier pour que l’économie nationale du pays endetté soit en croissance.

Or la croissance d’une économie nationale, dans le cadre de la mondialisation, implique d’améliorer la compétitivité internationale du pays. Affaiblir la monnaie est une option, que ce soit l’Euro, le dollar, la livre sterling ou le yen. Mais cela ne se décrète pas si aisément, puisque chacun peut y répondre par une baisse concomitante de sa propre monnaie, annulant ipso facto l’effet escompté.

Une autre solution pour obtenir, sinon la croissance, du moins un meilleur équilibre des comptes avec l’étranger, est à la portée de chacun des Etats endetté, mais elle est particulièrement amère : elle consiste à provoquer dans son propre pays une déflation de l’économie par une politique monétaire et budgétaire très restrictive qui, mécaniquement, réduit les importations et accroît les exportations. C’est la politique qu’a pratiquée l’Allemagne ces dix dernières années et qui porte aujourd’hui ses fruits en termes de balance commerciale.

Mais une politique de déflation signifie des coupes claires dans le budget, des hausses d’impôt et des baisses de salaire destinées à faire baisser le niveau des prix dans l’économie. C’est le remède que le FMI et l’Union Européenne se proposent d’appliquer à la Grèce. On verra comment réagiront les cobayes grecs à ce traitement, au plan social et politique. Mais son succès économique n’est pas garanti, car la déflation peut avoir un impact trop fort sur la croissance du PIB et contribuer à accroître plutôt qu’à réduire le ratio dette/PIB.

Il ne resterait alors plus qu’une solution, la défaillance de la dette souveraine. Car dans l’histoire, jamais les emprunteurs n’ont honoré intégralement leurs dettes lorsqu’ils étaient en difficulté, car la  dégradation de la situation sociale et politique qui résultait des contraintes économiques les en empêchait. L’histoire du gonflement de la dette souveraine se termine toujours par une défaillance, soit douce sous forme d’inflation, soit brutale sous forme de renégociation de la dette.

 Nous examinerons dans le prochain article la situation de chacun des protagonistes par rapport à la pression que la dette des Etats va exercer sur leurs économies respectives dans les vingt prochaines années. Vous verrez qu’ il apparaît clairement quatre types de situations différentes, celle des pays émergents dont les soucis sont ailleurs, celle du Japon endetté, celle assez classique des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne et celle très spécifique de  la zone Euro.


La structure de maturité de la dette est la variable qui permet de savoir si un Etat est plus ou moins gagnant avec les remboursement des emprunts anciens souscrits à des taux bas, comme c’est le cas actuellement : comme le stock entier de dette n’est pas renouvelé au même moment, le taux d’intérêt nominal applicable à la dette réagit avec un temps de retard à une hausse des rendements sur le marché. Il faut noter que pour les Etats-Unis, la maturité moyenne est tout juste inférieure à 5 ans, contre près de 14 ans au Royaume-Uni. Ce dernier serait donc plus gagnant que les Etats-Unis à une poussée d’inflation puisque la hausse des  taux d’intérêt nominaux alourdirait plus lentement le coût de la dette  au Royaume-Uni qu’aux Etats-Unis.   

 

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Notre avenir

5 Mai 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

À l’occasion de la crise financière en cours, je commence ici une série d’articles inhabituels dans ce blog. Inhabituel par la longueur totale de l’étude, inhabituelle par l’aspect technique et surtout inhabituelle par l’importance que vous devriez accorder à mon avis à cette série. Je ferai d’ailleurs en sorte pour que cet article soit diffusé plus largement. Je suis en effet persuadé, parce que j’ai eu accès à de sources très sures pour rédiger cet article, que ce que j’annonce sur le plan économique se vérifiera demain et qu’il faut en tirer les conséquences dés aujourd’hui. Rien de dramatique rassurez vous, mais un changement d’orientation qui aura des conséquences sur votre vie matérielle, donc sur votre vie tout court.

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Il y a des foules de choses que l’on ne peut pas prévoir, et souvent c’est tant mieux. Mais lorsque l’on peut les prévoir, c’est folie de faire l’autruche. En matière économique, il existe un certain nombre de décisions, qui, lorsqu’elles sont prises, ont des conséquences inéluctables. Par exemple, et mon choix n’est pas anodin, lorsque vous empruntez de l’argent, il faut le rembourser sans quoi vous risquez  d’avoir quelque désaccord avec votre créancier.

Aussi ai-je été très surpris de constater l’année dernière, lorsque les Etats européens et les Etats-Unis empruntaient à tout va pour éviter un crash financier, que personne ne soulevait le problème, inévitable pourtant, du remboursement des sommes empruntées. Pas un article, pas un commentaire, pas une étude. Puis est venu, dès la fin de l’année 2009, le problème de la dette grecque. Le 31 janvier dernier, j’ai publié une chronique sur ce sujet dans mon blog intitulée « Regardez les Grecs ! » que je concluais ainsi :

« Soit le gouvernement grec réussi à imposer des mesures drastiques de réduction de la consommation à sa population, soit il décide de dénoncer la spéculation internationale qui le contraint à quitter l’euro provisoirement. Franchement, je ne vois pas de solution intermédiaire et pour ma part, il me semble que la deuxième hypothèse est plus probable que la première, en raison de l’extrême difficulté pour un gouvernement démocratique d’imposer de lourds sacrifices à sa population sans qu’elle n’y soit contrainte de fait. Mais je me trompe peut-être, nous verrons… »

Nous voyons en effet que la situation n’est pas résolue et qu’elle menace d’avoir des effets sur l’ensemble de l’Europe. Quoique l’on puisse compatir à juste titre aux difficultés de la population grecque, le cas grec nous intéresse surtout parce qu’il donne une représentation de ce qui est censé attendre la population de presque tous les pays développés pour les vingt ans à venir, carrément l’espace d’une génération.

Cela vaut donc la peine d’en prendre conscience afin de s’y préparer, de s’y adapter et si possible d’en éviter une partie des inconvénients. C’est l’ambition, assez forte je l’avoue, de cet article.

 

Le cœur du problème

 

La récession mondiale déclenchée par la crise financière de 2008 a engendré une envolée de la dette publique dans de nombreux pays développés. Cette dette est venue s’ajouter aux dettes qu’avaient déjà accumulés un grand nombre de ces pays pour soutenir le niveau de vie de leurs populations et la croissance de leur économie. La France fait partie du lot, qui a accumulé des dettes supplémentaires en permanence depuis 1980. La Grèce, qui avait plus ou moins caché sa mauvaise situation économique depuis son entrée dans la zone Euro, s’est retrouvée en première ligne avec son énorme dette et son gigantesque déficit. Or la Grèce n’est que l’un des cas les plus criants de la question clé, désormais posée à de nombreux pays développés, celle de la  stabilisation de leur dette publique.

Notons pour cela au préalable que le niveau de la dette d’un pays importe moins que la pression qu’elle exerce sur  la croissance de l’économie d’un pays.  Cela signifie que lorsque  la dette et le PIB augmentent à peu prés au même rythme, l’économie d’un pays peut en assumer la charge. D’où l’importance du taux de croissance pour évaluer la capacité d’un pays à accroître sa dette. Par exemple, si l’économie d’un pays croît de 3% par an, elle peut également supporter une augmentation de la charge de la dette de 3% par an, parce qu’elle maintient stable le rapport entre la dette et le PIB.

 

Le poids de la dette en France

Dans le cas de la France, en 2010, le total des dépenses courantes de l’Etat excède ses recettes de 75 milliards €, sans compter la charge de la dette. C’est ce que l’on appelle le déficit primaire. Or, en cette même année 2010, la dette de la France est de l’ordre de 1500 milliards €. Si on y ajoute les 75 milliards € de déficit primaire à financer, la dette augmentera donc encore de 5% en 2010.

Il faudrait donc que la croissance du PIB soit de 5% pour que la charge de la dette comparée au PIB reste stable. Mais comme la croissance du PIB ne sera que de 1%, il faudrait que la dette n’augmente que de 1%, soit 15 milliards € pour ne pas aggraver la charge sur la production du pays.

Il faudrait donc réduire le déficit primaire de 60 milliards € pour stabiliser le ratio Dettes/PIB.  Sachant que les recettes de l’Etat s’élèveront à 267 milliards € et les dépenses à 388 milliards € en 2010, cela signifierait un accroissement des impôts de 22% ou une diminution des dépenses de 16%. C’est une mission impossible sur une seule année et si cet effort est étalé sur plusieurs années, il devra être au total encore plus élevé, puisqu’entre-temps  la dette se sera accrue.

On comprendra aussi que si l’Etat se mettait à baisser brusquement ses dépenses de 60 milliards €, le PIB baisserait aussitôt, si bien qu’il faudrait faire encore un effort supplémentaire pour stabiliser le rapport Dettes/PIB. Et comme cet effort supplémentaire provoquerait encore une baisse du PIB, il faudrait encore un autre effort supplémentaire…

Bref, un effort de réduction de la dette par une diminution des dépenses installerait la France dans une spirale déflationniste.

 

 

Désormais en France, comme dans de nombreux pays développés, le fardeau de la dette est si lourd qu’il commence à étouffer la croissance économique, puisque les remboursements croissants de la dette ne sont consacrés ni à l’investissement, ni à la consommation.

 

 



À l’heure où l’on dénonce les agences de rating, que dire des specialistes de la zone Euro qui n’ont jamais vu le deficit abyssal de l’État grec !

On écrit que le ratio Dette/PIB reste stable.

 

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Ignorer les abysses? vraiment?

1 Mai 2010 Publié dans #PHILOSOPHIE

 

trou_n10.jpgLe 25 avril dernier, dans l’article précedent intitulé « Les narcissiques "montaignes" contre l'orgueilleuse raison de Descartes » je mettais en scène un débat entre Montaigne, l’homme de la pensée sceptique et  raisonnable et Descartes qui s’enorgueillit de la puissance de la raison. Et je concluais par l’image de cet homme qui chemine, prenant son temps pour remplir son sac de trouvailles scientifiques, lui permettant de s’illusionner sur l’importance de ses découvertes. Or, il y a un MAIS…

 

Mais il reste que la solitude de l’homme n’a jamais capitulé devant la raison. La mort est le juge ultime. Comment se fait-il que la science n’a pas rendu les hommes immortels? Alors nous n’aurions plus rien trouvé à dire contre la science, sauf à la sommer de trouver à chacun d’entre nous une place confortable dans un Univers irrémédiablement menacé d’encombrement !

Or la mort demeure, intangible et il est toujours et heureusement vrai que, face à la nature effrayante, le divertissement reste bien la solution, à condition de faire semblant de croire qu’il s’agit d’une activité d’avenir.

Pourtant tout le monde n’est pas capable de l’humble héroïsme quotidien qui consiste à ne jamais lever la tête de sa petite besogne ou de son petit plaisir, afin de ne pas être confronté au vide de l’existence. Car la malheureuse nature de l’homme n’est-elle pas justement de relever la tête ? N’est-ce pas son ultime dignité ? Contre Montaigne et Descartes, c’est ce que pense Pascal, ce pelé, ce galeux, ce fou, lorsqu’il invite l’homme à ouvrir grand les yeux face aux abysses. Comment ne pas l’aimer pour ce courage insensé ?

« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ». Oui il m’effraie, car il réduit les hommes et les êtres vivants à l’infiniment non significatif. Tout de suite après Galilée, Pascal lui aussi a osé regarder l’Univers en face, mais d’un regard tout intérieur. Après quatre siècles, le cri d’angoisse de Pascal est toujours aussi palpable. Nous avons la chance de pouvoir lire par-dessus son épaule, tandis qu’il en perçoit les terribles conséquences issues de son esprit affûté par l’étude de la logique, la passion de la vérité et la fièvre de la maladie qui va l’emporter :

« Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis placé en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné de vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a précédé et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infinités de toutes parts, qui m’enferment comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir, mais ce que j’ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter… Et de tout cela, je conclus que je dois donc passer tous les jours de ma vie sans songer à chercher ce qui doit m’arriver ».

Qu’ajouter à cela, sinon le lire encore ?

 


Pascal, Pensées, 206, selon la numérotation de Brunschvicg. Les numéros entre parenthèses qui suivent les citations de Pascal correspondent à cette numérotation. Je me réfère aux Essais de Michel de Montaigne, 1592, au Discours de la méthode de René Descartes, 1637 et bien sûr aux Pensées de Blaise Pascal, 1662.

 

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