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Le blog d'André Boyer

La Terreur pour quoi faire?

31 Août 2013 Publié dans #HISTOIRE

« L’égalité par la guillotine », tel est le titre de mon blog historique du 27 août dernier. Comme tous étaient menacés d’être guillotiné, soixante-quatre mille personnes en neuf mois tout de même, tout souriait au régime politique de ces exécuteurs, pour lesquels certains ont  encore aujourd’hui de la tendresse.

Femmes-revolution.jpgMais la Terreur pour quoi faire ?

La Terreur pour la terreur ? L’enchaînement des faits menait à grands pas vers cette extrémité…

La prétention de la Montagne d’être bienfaisante pour le peuple était démentie par l'accroissement de la misère.

Lorsqu’en février 1793, une délégation des quarante-huit sections de Paris réclama l'établissement d'un maximum pour le prix du blé à la Convention, cette dernière fit la réponse suivante aux affamés :

« La ruine du despotisme, le règne de l'égalité, le triomphe des principes de l'éternelle justice reconnus, voilà une partie de nos dédommagements »

En d’autres termes, contentez-vous de l’égalité pour nourriture !

Trois mois plus tard, sous la pression de l’émeute, La Convention finissait cependant par céder, en instituant un maximum pour le prix du grain. Par cette loi, tout achat ou vente de grain au-dessus du prix imposé était passible d'amende et de la confiscation des marchandises, tout détenteur de grains était également tenu d'en faire la déclaration et l'autorité pouvait requérir tout détenteur de grains d'en apporter au marché la quantité jugée nécessaire. 

Déjà l’illusion de régler les problèmes économiques par décret, une illusion qui nous est familière !

Aussitôt les paysans cessèrent d'apporter leurs produits sur les marchés, augmentant encore la pénurie, et provoquant en retour de la part de la Convention un prurit réglementaire encore plus violent, qui se traduisit par la loi du 29 septembre 1793. Cette loi instituait le maximum général sur toutes les denrées de première nécessité et les salaires.

Le blocage des salaires ne fut évidemment pas populaire auprès des ouvriers, qui en voulurent, comme on en vit les conséquences plus tard, au Comité de Salut Public et à Robespierre.

À l’automne 1793, ce furent des femmes du peuple qui attaquèrent les chariots chargés de nourriture entrant dans Paris. La Convention y répondit par l’invention des cartes de rationnement qui bénéficiaient en priorité aux patriotes, deux mois après avoir institué les « cartes de civisme », qui attestaient de la pureté révolutionnaire du détenteur.

Les autorités locales reçurent les pleins pouvoirs pour enquêter, perquisitionner et appliquer la peine de mort pour les thésauriseurs.

Dans ses mémoires, la marquise de La Tour-du-Pin observe l’arrivée de la « carte » à Bordeaux :

« Pour éviter toute fraude dans la distribution des cartes, on ordonna que, dans chaque maison, on placarderait sur la porte d’entrée une affiche, délivrée également à la section, sur laquelle seraient inscrits les noms de toutes les personnes habitant la maison. Cette feuille de papier, entourée d’une bordure tricolore, portait en-tête : « Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort ». Le pain de section, composé de toute espèce de farines, était noir et gluant et l’on hésiterait maintenant à en donner à ses chiens. Il se délivrait sortant du four, et chacun se mettait « à la queue », comme on disait, pour l’obtenir…

Quand deux ou trois cents personnes, chacune attendant sa livre de viande, étaient rassemblées devant la boucherie, les rangs s’ouvraient sans murmure, sans une contestation, pour donner passage aux hommes porteurs de beaux morceaux bien appétissants destinés à la table des représentants du peuple, alors que la plus grande partie de la foule ne pouvait prétendre qu’aux rebuts. »

Les listes d’habitants affichées à l’entrée des maisons n’empêchaient pas les perquisitions des commissaires du peuple, prétextant la recherche de nourriture stockée. Les contemporains décrivent comment les inspecteurs fouillaient dans tous les coins, forçant les coffres-forts, brisant les sceaux des lettres, des testaments, sautant sur la moindre feuille de papier dont les phrases banales étaient censées dissimuler des codes secrets, saisissant les assignats, l’or, l’argent, les bijoux.

La plupart des perquisitions étaient fondées sur la délation, comme sous l’Occupation, une délation encouragée dans les termes suivants par le député de la Convention, Jean-Pierre André Amar, ce riche reconverti dans la surenchère terroriste  : « Dénoncez, dénoncez ! le père doit dénoncer son fils, le fils son père. Il n’y a pas de patriotisme sans dénonciation ».

Où l'on constate que la bonne conscience ne connaît pas de bornes !

 

 

Mais la famine menaçait le pouvoir de la Montagne, comme l’absence de croissance et le chômage menacent le gouvernement Jean-Marc Ayrault.   

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Au nom des droits de l'homme, le martyre syrien

27 Août 2013 Publié dans #ACTUALITÉ

Au nom des droits de l’homme ou du droit du plus fort ?

L’année dernière, j’ai publié une série de blogs pour montrer toute la complexité de la situation syrienne, au regard des rapports conflictuels entre les Alaouites et les Sunnites, les premiers étant soutenus, en tant que minorités longtemps opprimées par les seconds, par les Druzes et les Chrétiens.

La politique du big stick n’a malheureusement que faire de ces subtilités.

 

apocalypseAu moment où j’écris ces lignes, une coalition dirigée par le gouvernement américain et rassemblant les gouvernements anglais, français, turcs, qataris et saoudiens s’apprête à bombarder les principaux centres du pouvoir syrien. J’écris « gouvernements » parce que les opinions publiques ont, peu à peu, pris conscience de la complexité d’une situation qui est présentée par les medias d’une façon binaire, le méchant Assad d’un côté et les gentils syriens de l’autre, pratiquement tous révoltés contre la dictature du premier.

Or, l’aboutissement actuel des faits était prévisible

Depuis plus d’un an, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Arabie saoudite, le Qatar et dans une moindre mesure, la Turquie, au nom de la liberté du peuple syrien, encouragent ouvertement, financent totalement, forment et encadrent sans complexes les diverses oppositions syriennes au système Assad et des dizaines de milliers de mercenaires accourus de tout le Moyen-Orient et de l’Europe, alléchés par l’odeur de l’argent, des pillages et des massacres. En effet, quoi de plus jouissif que de tuer, de violer et de piller au nom des droits de l’homme ?

Du côté gouvernemental syrien, une forte partie de la population du pays (mais quelle proportion je l’ignore) formée d’Alaouites, de Sunnites ralliés, de Druzes et de Chrétiens, appuyée par l’Iran et la Russie, résistent à cet assaut formidable. Pire encore, du point de vue de la coalition hétéroclite des oppositions et des soudards, les forces gouvernementales regagnent du terrain, si bien que l’on peut désormais envisager une victoire de l’État syrien et de ses alliés sur les amis de circonstance du gendarme du monde.

Inacceptable défaite pour les États-Unis, pas plus que n’était acceptable pour Ronald Reagan une victoire de l’Iran contre l’Irak qui le  poussa à laisser gazer des milliers de civils iraniens par Saddam Hussein. La solution est donc simple, comme en Irak : inventer un crime de guerre et en punir le présumé coupable.

Je fais l’hypothèse que l’on ne prouvera rien et que cela n’empêchera pas le gouvernement américain d’intervenir en représailles à un crime attribué d’office au gouvernement syrien.

Je fais l’hypothèse que lorsque les bombardements auront eu lieu, les medias utiliseront un raisonnement logique inversé pour nous persuader que nos dirigeants n’auraient jamais accepté d’y recourir s’ils n’avaient pas été intimement persuadés de la culpabilité du gouvernement syrien. « Si je l’ai tué, c’est bien la preuve qu’il était coupable » dit le Sheriff.

Je fais l’hypothèse inverse que la vérité ne réside pas dans l’utilisation de gaz toxiques par un gouvernement syrien, qui n’en a pas besoin pour gagner et qui sait que ce serait franchir la ligne rouge tracée par Obama.

Je fais même l’hypothèse que la vérité se situe à l’opposé : puisque cette ligne rouge a été tracée, il suffit de répandre le gaz, avec ou sans l’aide ou la bénédiction de services spéciaux, et d’accuser le gouvernement syrien d’en être l’auteur pour que le rapport de force s’inverse et que les missiles salvateurs s’abattent sur le régime honni.

À cet égard, on me pardonnera de douter fortement de l’angélisme du gouvernement américain, et des gouvernements en général, si l’on veut bien se souvenir que ce fut la méthode utilisée par les Bosniaques qui n’hésitèrent pas à bombarder leur propre population sur le marché de Sarajevo pour faire condamner la « barbarie » serbe et justifier l’intervention occidentale.

On se souviendra aussi de l‘aplomb du général Powell apportant les « preuves » de la détention d’armes de destruction massive par Saddam Hussein au Conseil de Sécurité de l’ONU et de la défiance de bon aloi exprimée  par le gouvernement français d’alors.

On se souviendra  de plus que ce Président Obama, salué à son avènement comme l’espoir des humanistes du monde entier, n’hésite pas à ordonner quotidiennement ou presque, par drones interposés, d’assassiner sans jugement ceux qui lui sont  désignés comme des terroristes.

On se souviendra enfin du cynisme de ces hypocrites « démocrates » qui organisent un système  massif d’espionnage  illégal, sans songer un instant à se justifier, à s’excuser et à démissionner.

 

Mais, quelle que soit l’origine de l’utilisation des gaz toxiques, il reste que le but du Sheriff américain est clair : au moment où les troupes américaines se préparent à quitter l’Afghanistan, montrer que l’on ne peut pas résister impunément au Moyen-Orient aux oukases américains.

 

Comme la suite de cette démonstration de force provoquera au minimum une montée de la haine anti-américaine, au maximum un conflit généralisé au Moyen-Orient et infligera dans tous les cas un massacre supplémentaire au peuple syrien, je me demande au nom de quel droit et de quels intérêts, à rebours de l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne mêlent leurs voix de roquets à cette écœurante curée…

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Les multiples sens du monde

24 Août 2013 Publié dans #PHILOSOPHIE

 

Je concluais mon dernier blog sur la pensée de Nietzsche, le 20 juillet dernier, intitulé « La volonté de puissance »,  en observant que l’on ne peut nier la volonté de puissance de l’espèce humaine, alors qu’elle est inhérente à la vie même.

 souffrance-copie-1.jpg

Dans un de ses derniers textes, Nietzsche récapitule sa pensée ainsi :

« Qu’est-ce qui est bon ? Tout ce qui élève en l’homme le sentiment de la puissance, la volonté de puissance, la puissance même.

« Qu’est-ce qui est mauvais ? Tout ce qui provient de la faiblesse.

« Qu’est-ce que le bonheur ? Le sentiment que la force croît, qu’une résistance est surmontée. » (L’Antéchrist, 2)

La vie ne se situe pas au sein  d’un ordre global de l’univers, mais dans chaque acte, chaque mouvement, en somme dans le sentiment de puissance que nous éprouvons.

Nous ressentons du plaisir quand notre puissance augmente, après avoir surmonté une résistance, et nous éprouvons de la douleur quand notre puissance diminue et que nous succombons à une résistance.

Mais alors, n’est-il pas absurde que de ne valoriser la vie que par rapport à l'étalon du sentiment de puissance ? Pourquoi se livrer à une course effrénée vers le toujours plus, en d’autres termes vers la croissance, au point de faire un drame de son absence, avec son cortège de chomeurs ?

Pour Nietzsche, la volonté de puissance est une surabondance de force que l’on a besoin d’extérioriser. Mais il ajoute aussitôt que l’accroissement de la puissance nécessite une organisation, suppose la construction d’un ordre au sein du chaos qu’est le monde. L’entropie, cet autre terme pour le chaos, nous guette sans cesse.

Aussi, imposer sa puissance, c’est donner un sens aux évènements et aux choses.

Cette volonté s'accompagne forcément d'une interprétation de la réalité : lorsque le lierre envahit un mur, il interprète sa surface comme un moyen de capter l’énergie émise par le soleil pour se développer.Il ne faut pas oublier que la volonté de puissance est associée à la vie en général, y compris humaine. Elle nous indique que l’on ne peut pas dissocier la connaissance et l’action, car la première implique toujours la seconde. La connaissance neutre n’existe pas, pas plus que les faits en soi: il n’existe que des interprétations, notre interprétation de la réalité.

Non, le monde n’est pas dénué de sens, contrairement à ce que soutiennent les nihilistes qui hantent la pensée unique. La réponse est, qu’au contraire, le monde fourmille d’une infinité de sens. Car, comme chaque être vivant interprète la « réalité » à partir de sa propre perspective, il coexiste une multitude d’interprétations du monde.

Proclamer que la vérité n’existe pas, c’est écrire qu’il n’existe pas de vérité unique, non pas qu’il n’existe pas de vérité du tout, mais que de multiples vérités sont possibles. Au lieu de nous replier, abattus, sur l’absence de vérité, augmentons notre puissance pour élargir notre vision de la vie, pour créer de nouveaux sens, plus élevés, plus riches, plus nuancés.

Zarathoustra proclame : « vouloir libère ! ». La volonté, en tant qu’interprétation créatrice de sens,  nous libère du nihilisme.

 

La volonté de puissance de Nietzsche est donc un appel à ne pas nous résigner : que se couche, épuisé, celui qui s’y refuse !

 

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Daniel Girard alias Marie Victor

17 Août 2013 Publié dans #INTERLUDE

Le 21 juillet dernier, à l’occasion de la Sainte Sévère, fête patronale de Villars-Colmars, une plaque a été dévoilée sur notre maison, par les autorités municipales du village.

Daniel Girard

Elle concerne Daniel Girard, qui avait décidé de passer dans cette maison la dernière partie d’une vie exceptionnellement aventureuse au service de la France.

Au service de la France…

Aujourd’hui l’expression est désuète tant elle ne s’applique plus à nos contemporains, sauf ceux qui meurent encore dans des guerres exotiques en Afghanistan ou au Mali et que l’on oublie aussitôt les quelques formules convenues prononcées par des hommes politiques qui ne représentent qu’eux-mêmes.

Mais il a existé, et il existera encore, des hommes et des femmes qui ont fait don de leur vie à leur communauté, et à l’époque de Daniel Girard, la France était le symbole de la communauté nationale, aujourd’hui éclatée.  

Daniel Girard, donc, est né en 1912 et décédé en 1988. Adolescent, alors que bon nombre des enfants d’aujourd’hui promènent leur spleen dans les salles de nos collèges impuissants, il est embauché, entre autres, comme apprenti puis comme ouvrier par la BP (British Petroleum) en Irak. À 19 ans, il s’engage dans la Marine Nationale comme apprenti timonier dans les Forces Navales d’Extrême-Orient, puis à peine libéré, il entre à 23 ans dans le 1er Régiment de Spahis Marocains stationné à Alep (Syrie), ville victime aujourd’hui de la guerre civile.

Dés le 28 juin 1940, alors que l’Armistice a été signé par la France à peine six jours auparavant, Daniel Girard ne s’y résigne pas: il franchit la frontière de la Palestine à la tête de son peloton de cavalerie pour se mettre à la disposition des forces anglaises.

Six jours ! Daniel Girard est sans aucun doute l’un des tout premiers résistants français. Après quelques péripéties, dont le torpillage de son bateau, il rejoint l’Angleterre où il s’engage dans les Forces Françaises Libres sous le pseudonyme de Daniel Marie Victor, pour éviter des représailles à sa famille restée en France (Marie et Victor sont les prénoms de ses deux grands-parents).

Il est affecté à la 1e Compagnie d’Infanterie de l’Air le 1er avril 1941 et devient le 7e breveté parachutiste des FFL. Il est alors embarqué pour l’Egypte chez les « Rats du Désert » chargés d’effectuer des raids à longue distance dans le désert libyen sur les arrières des armées allemandes et italiennes, avec des véhicules bourrés de carburant.

Il y obtient la Croix de Guerre avec citation à l’Ordre de l’Armée, une décoration que l’on n’obtient qu’au prix d’actes de courage exceptionnels, et qui n’a rien à voir avec la Légion d’honneur que s’octroient entre eux nos dirigeants politiques et leurs affidés journalistes, penseurs et artistes officiels.

Il rejoint alors son unité en Angleterre, devenue la 4e SAS, avec qui il s’entraîne intensivement en vue du débarquement de Normandie. Il y est parachuté la veille du jour J, le 5 juin 1944, au sein d’une petite unité autonome chargée d’encadrer les maquis. Le 21 juin, il subit une embuscade montée par une unité SS. Alors qu’il assure le repli de son groupe avec une mitrailleuse, il est grièvement blessé, fait prisonnier par l’Armée allemande, torturé par la Gestapo, envoyé dans un camp disciplinaire en Allemagne et délivré l’année suivante par l’Armée américaine.

À peine remis, il rejoint  le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes le 16 avril 1945. Il participe alors à la reconquête du Tonkin occupé par les Japonais puis livré au Viêt-Minh. Il est enfin démobilisé le 29 mai 1948, après dix-sept années de campagnes militaires, seulement entrecoupées de brefs répits. C’est alors qu’il rejoint Villars-Colmars où il provoque la stupéfaction de sa famille qui n’avait plus eu de nouvelles de lui depuis le début des hostilités et qui le croyait mort !

Il se fera encore embaucher comme subrécargue, celui qui représente les intérêts du chargeur auprès du capitaine du navire affrété, avant de prendre définitivement sa retraite à Villars-Colmars. Il y occupa de longues années le troisième étage de la maison qui nous appartient désormais, étage qu’il transforma en une sorte de cabine de bateau.

Sa nièce Mahé Maria qui a fourni la documentation nécessaire à ce blog, mon cousin Jean-Marc Passeron qui a partagé des heures inoubliables avec lui à entendre ses extraordinaires aventures et qui a tenu à ce qu’une plaque à son nom en porte le témoignage, nous mêmes et toute la communauté villaroise sommes attachés à ce que son nom, son action et son courage ne soient pas oubliés de sitôt. 

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L'égalité par la guillotine

11 Août 2013 Publié dans #HISTOIRE

 Tandis que la Convention massacrait cent à deux cent mille personnes sur les huit cent mille habitants de la Vendée militaire, perpétrant le plus terrible génocide que la France ait connue, plus importante peut-être que celle des Guerres de Religion, elle procédait par la force à une levée en masse de soldats.

guillotine.jpgC’était cette levée en masse qui avait fortement contribué aux violentes révoltes contre la Convention, qui avaient mobilisé Lyon, Bordeaux, Marseille, la Normandie, la vallée du Rhône et bien sûr la Vendée. L’importance numérique de sa population à la fin du XVIIIe siècle donnait à la France un grand avantage par rapport à une coalition de pays aux populations plus faibles : alors que la France comptait vingt-sept millions d’habitants, la Prusse, l’Autriche et l’Angleterre en rassemblait à peine 30 millions à elles trois et l’Espagne pas plus  de dix millions. On se souvient que c’est la France qui avait déclaré la guerre à l’ensemble des pays européens.  

Sur les frontières, la levée en masse, effectuée avec brutalité, permit donc de rassembler un effectif considérable, cinq cent mille hommes répartis en quatorze armées, ce qui assura la supériorité numérique des troupes françaises sur l’ensemble des troupes coalisées et les obligea à se replier. C’est ainsi que sur le front de l'Est, les armées de Moselle et du Rhin repoussèrent les austro prussiens au-delà du Rhin où elles prirent leurs quartiers d'hiver. 
Sur les Pyrénées, les Espagnols furent contenus.

Tout réussissait à ce gouvernement révolutionnaire, qui avait découvert que la terreur était l’arme politique absolue, comme Billaud-Varenne le reconnaissait en novembre 1793 : « Le nouveau gouvernement sera terrible pour les conspirateurs, coercitif envers les agents publics, sévère pour les prévarications, redoutable aux méchants, protecteur des opprimés, inexorable aux oppresseurs, favorable aux patriotes, bienfaisant pour le peuple ».

Terrible et inexorable, certainement.

Une armée de sans culottes sillonnait la province, avec pour mission de terroriser les opposants et les tièdes. La « loi des suspects » permettait aux comités révolutionnaires de surveillance d’arrêter qui bon lui semblait. Cette loi proclamait qu’étaient déclarés suspects :

« Ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs propos ou leurs écrits se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la liberté ;

« Ceux qui ne pourront justifier de leurs moyens d'existence et de l'acquit de leurs devoirs civiques ;

« Ceux qui n'auront pu obtenir de certificat de civisme ;

« Les ci-devant nobles qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution,

« Les émigrés, même s'ils sont rentrés,

« Les prévenus de délits, même acquittés… »

Depuis « l’inauguration » de la guillotine sur un voleur de grand chemin, Nicolas-Jacques Pelletier, le 25 avril 1792, la première utilisation politique de la guillotine viendra moins de quatre mois plus tard avec l’exécution de Laporte, le 23 août 1792. Puis le nombre d’exécutions s’accrut régulièrement pour atteindre trente par jour à Paris après la loi sur le tribunal révolutionnaire du 10 juin 1794.

On procéda notamment à l’exécution de Marie-Antoinette le 15 octobre 1793 après un procès odieux où Hébert essaya de l’accuser de crimes sexuels sur son fils, et à celle de Philippe Égalité le 6 novembre 1793, bien mal récompensé de son zèle révolutionnaire.

La guillotine, présentée à l’Assemblée Constituante le 28 novembre 1789 par le docteur Joseph Guillotin, avait été conçue par le chirurgien Antoine Louis, lui-même inspiré d’un dispositif utilisé en Italie et perfectionné par un mécanicien allemand, Tobias Schmidt, qui inventa le couperet en forme de trapèze. Elle avait pour but d’assurer une mort immédiate et sans souffrance, une invention humanitaire en somme. Le docteur Guillotin y voyait, pour se situer dans l’air du temps, un moyen d’introduire l'égalité de tous les citoyens face à la peine capitale.

Le 3 juin 1791, l'Assemblée constituante édicta que « tout condamné à mort aura la tête tranchée », après que les députés eurent repoussé une suggestion visant à abolir la peine de mort, émanant de Robespierre, ce grand humaniste !

De septembre 1793 à juillet 1794, environ 50 guillotines furent installées en France, fonctionnant jusqu'à 6 heures par jour à Paris pendant les mois de juin et juillet 1794. On estime que 20000 personnes à Paris et 42000 personnes en Province furent guillotinées pendant cette période de neuf mois.

Ainsi, le docteur Guillotin, qui voulait humaniser la peine de mort, avait abouti à la multiplication des exécutions parce qu’il les avait rendues techniquement et moralement plus faciles, puisqu’elles n’entraînaient pas de souffrances « inhumaines ».

 

Il faut donc se méfier des bonnes intentions proclamées des gouvernants, qui sont toujours utilisées en pratique à leur profit exclusif.

 

 

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Le Maroc en a les moyens, l'OCP le fait

7 Août 2013 Publié dans #INTERLUDE

L’organisation, sous le contrôle du Royaume du Maroc, qui exploite les phosphates est devenue, en quelques années, une entreprise extraordinaire. Elle s’appelle l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates.

OcpJ’ai travaillé avec l’OCP lorsque ce dernier m’a demandé d’écrire une trentaine de cas destinés à la formation de ses cadres, avec deux de mes amis. J’en ai écrit neuf, un lourd  travail d’interviews, de recueil de données et d’écriture, qui m’a permis de rencontrer les cadres moyens et supérieurs de l’OCP et de découvrir l’expérience qu’ils avaient vécue en son sein, parfois pendant des dizaines d’années.

La mine, la chimie, les batailles commerciales, les violents mouvements de la conjoncture, le harcèlement du fisc, la vie au Sahara, les machines à entretenir à tout prix, la recherche de la qualité, la bureaucratie interne, la vie à l’OCP comme une mission nationale, toutes ces images m’ont ouvert les yeux sur cet important organisme qui avait orgueilleusement dressé une tour noire, entourée de gazon amoureusement entretenu, à l’entrée sud de Casablanca.

La tour est aujourd’hui quasiment vide : trois cents personnes au lieu de trois mille. Elle s’est dépeuplée au moment même où je rencontrais les cadres de l’OCP. C’est qu’en quelques années, le pachyderme OCP  est devenu un félin.

Plus tard, lorsque j’ai rencontré les cadres supérieurs de l’OCP aux rencontres scientifiques sur l’économie des phosphates à Nice, c’est leur soif de comprendre, d’apprendre, d’échanger pour faire de l’OCP une entreprise globale qui m’a impressionné.

Mais au fait c’est quoi l’OCP, cette entreprise d’exploitation des phosphates créée en août 1920 ? Apparemment, c’est une entreprise publique qui a vivoté pendant huit décennies, avant d’afficher aujourd’hui l’extraordinaire ambition de devenir le numéro un des phosphates. Pour y parvenir, il a planifié cent vingt milliards de dirhams (onze milliards d’euros !) d’investissements d’ici 2020, afin de doter le Maroc de la plus grande base de production d’engrais chimiques du monde. On imagine les effets énormes de tels investissements pour les entreprises locales et les emplois au Maroc.

Concrètement, l’objectif de l’OCP est tout bonnement de doubler les capacités de production de ses mines et de tripler celles de son pôle chimie, afin d’atteindre 40% de parts de marché mondial sur le phosphate, l’acide phosphorique et les engrais.

Grâce à ses réserves gigantesques, le Maroc en a les moyens, mais l’OCP y parvient grâce à son « capital » humain. C’est pourquoi, plutôt que de vous abreuver de chiffres, je vais vous entretenir des personnes qui font vivre l’OCP.

À toute organisation, il faut une tête. L’OCP l’a trouvé avec Mostafa Terrab, qui a modifié radicalement l’OCP depuis qu’il le dirige. Ingénieur des Ponts et Chaussées, Docteur en Recherche Opérationnelle du MIT, il a été nommé Directeur Général de l’OCP le 15 février 2006.

C’était le moment pour l’OCP de changer, et vite, sous peine de sombrer sous la pression de la globalisation. L’Office était alors, semble t-il, une aimable administration centralisée qui ne cherchait pas spécialement à faire des profits et dont le souci majeur était de pouvoir financer encore longtemps les retraites de ses cadres.

Pour changer l’OCP, Mustafa Terrab l’a changé ! la Caisse de retraite de l’OCP a été externalisée, l’OCP a modifié ses statuts en devenant une société anonyme. Mais le plus important s’est passé en interne : la production a doublé (doublé !) en trois ans, sans investissements nouveaux, simplement (sic) en améliorant les performances de son outil industriel.

Comme par hasard, ce bond en avant a été accompagné d’une série de mesures de décentralisation, d’amélioration des procédures ou de mise en place de nouvelles structures opérationnelles. Un exemple parmi cent : les délais de paiement des fournisseurs ont été ramenés de  plusieurs mois à quelques semaines.

Certes, il a fallu changer de culture d’entreprise, et rien n’est plus difficile à faire accepter. Abandonner les procédures bureaucratiques en décentralisant les décisions, en faisant confiance aux cadres, en les respectant, facile à écrire ! mais si vous avez déjà vécu cette expérience, vous connaissez la difficulté de convaincre quelqu’un d’abandonner SES habitudes pour adopter de nouvelles façons de faire, décidées par d’autres ! Mostafa Terrab et son équipe y sont parvenus, ce qui révèle une capacité hors du commun à mobiliser les équipes. 

Plus étonnant encore, l’OCP ne s’est pas limité à diffuser son savoir faire en son sein. Entreprise publique, il s’est investi dans le Maroc. Comme l’entreprise avait érigé la formation permanente de son personnel au rang de priorité stratégique, elle s’en est servi pour répondre aux besoins sociaux du pays en formant quinze mille jeunes. Elle y a ajouté concrètement le recrutement de près de six mille agents. 

Qu’ajouter de plus ? Un livre entier a été écrit sur le sujet par Pascal Croset, qu’il a intitulé à juste titre « L'ambition au coeur de la transformation : une leçon de management venue du Sud» (Dunod,2012). Si vous vous intéressez aux leçons de management que nous fournit l’OCP, lisez le !   

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Phosphates!

1 Août 2013 Publié dans #INTERLUDE

Les plus fidèles lecteurs de mon blog auront remarqué ma faible production en juillet, à peine trois blogs!

phosphatesC’est que j’ai consacré tout le mois de juillet, une bonne partie du mois de juin et une demi journée de chaque jour que Dieu a fait de la mi janvier à la fin mai, sauf les jours où je donnais des cours, participais à des jurys ou assistais à des conférences à quoi ? Aux phosphates !

Enfin aux phosphates…Plus exactement à écrire un livre sur la manière dont sont gérés les phosphates dans le monde.

Pourquoi cette passion soudaine et violente pour les phosphates ? C’est la faute de mon ami Driss A. qui m’a proposé, il y a exactement un an, d’organiser à Nice un colloque international sur les phosphates, à partir duquel nous écririons un livre.

Le Colloque ou plus exactement les Rencontres Scientifiques sur l’Èconomie des Phosphates s’est effectivement déroulé à la Faculté de Droit de l’Université de Nice Sophia-Antipolis, les 12 et 13 Décembre 2012.

Cela a été un rendez-vous extraordinaire avec des participants de très haut niveau venus du Maroc, des Etats-Unis, de Suisse et naturellement de France. Èvidemment les communications étaient aussi excellentes, parfois passionnantes. La rencontre était magnifiquement organisée, avec des interprètes simultanés de haut vol et la sténographie de l’ensemble des interventions. Bref un grand moment, un des meilleurs colloques auquel j’ai jamais participé…

Après, à partir de toutes ces déclarations, ces constats et ces analyses, j’ai dû écrire le livre qui allait avec. Pas si facile d’en faire la synthèse, de trouver un fil conducteur et de relier le tout. Mais pas inintéressant.

Alors que dire de passionnant sur les phosphates ? Deux faits à retenir pour les quarante prochaines années:

- Sans phosphates, nous mourrions rapidement de faim. Aujourd’hui, il y a sur Terre 7,1 milliards d’habitants où apparaissent, les décès étant décomptés, trois êtres humains supplémentaires toutes les secondes. Ce qui fera que nous serons, enfin vous serez, 9 milliards en 2050. Il nous faut donc augmenter la production agricole de 60% d’ici là, ou abandonner complètement les nourritures d’origine animales ou laisser une bonne partie de l’humanité mourir de faim. Je pense que la troisième hypothèse est de loin la plus probable, mais les affamés ne se laisseront pas faire facilement, ce qui promet quelques farouches conflits.

En attendant, les intellectuels et les industriels sont dans leur rôle en cherchant, les premiers, des solutions plus sympathiques que celle d’affamer les populations et les seconds, les moyens de les mettre en œuvre. En gros il y a trois solutions:

la première consiste à stopper la croissance de la population humaine, mais ce n’est pas très facile, accélérer la mortalité étant une « solution » à peine moins populaire qu’empêcher par un moyen ou une autre les naissances.

La deuxième solution est de changer les habitudes de s’alimenter de toutes les populations mondiales : adieu les grands massacres quotidiens de moutons, de bœufs, de poulets, de cochons et même de poissons! Mais il faudra changer les habitudes, les cultures, les recommandations religieuses. Il est possible, que, sous l’empire de la nécessité, l’espèce humaine finisse par s’adapter, mais plus ou moins, selon les lieux, les cultures, les circonstances.

Il reste la troisième solution, à priori la plus immédiate, qui consiste à accroitre la production alimentaire pour s’adapter aux « besoins » de la population mondiale. Je mets « besoins » entre guillemets, parce que c’est un concept particulièrement élastique. Disons plutôt les besoins estimés de la population mondiale. Sur ces bases, les données sont les suivantes :

-   la population augmente,

- la quantité de terres cultivables disponible par personne diminue mécaniquement, avec l’accroissement de la population et celui, corrélatif, des zones urbanisées.

Aujourd’hui, nous pouvons compter sur 0,232 hectares cultivables par personne pour nous nourrir. Ce n’est pas grand-chose, mais ce sera encore plus faible dans un demi siècle, de l’ordre de 0,18 hectares par Terrien.

Dans ces conditions, la seule issue est d’augmenter la consommation d’engrais, et parmi les engrais, les engrais utilsant des phosphates, qui représentent 30% des engrais consommés. Donc on prévoit un accroissement de la consommation d’engrais de 2,3% par an. L’ennui, c’est que les engrais polluent, et qu’il va falloir les gérer le plus précautionneusement possible, améliorer les engrais, former les agriculteurs.

- D’un autre côté, c’est bien beau de prévoir de consommer de plus en plus d’engrais, qui utilisent du phosphore, de l’azote et du potassium. Oui, je vous rassure, il y en assez, sans aucun doute pour l’azote et le potassium, et pour le phosphore, au travers des phosphates, pour une centaine d’années en étant optimiste.

Bien, et où se trouve les phosphates ? Au Maroc.

Bien sûr, on en trouve ailleurs dans le monde, en Chine, en Afrique, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis et en Russie, mais pas pour longtemps. En Chine et aux Etats-Unis, les réserves permettront de faire face à la demande pour 40 ans au maximum. Tandis qu’au Maroc, on trouve des réserves énormes, qui représentent, selon les estimations, entre 50 et 75% des réserves mondiales et qui ne s’épuiseront pas avant des centaines d’années.

Vous avez tout compris : la demande de phosphates s’accroit, les réserves s’épuisent partout sauf au Maroc et tout le monde se tourne de plus en plus vers ce dernier pour importer des phosphates. Mais le Maroc, qui est en train de devenir l’hyper puissance du phosphate, n’a pas l’intention de se laisser dépouiller.

 

Or, il se trouve que l’organisation, sous contrôle du Royaume du Maroc, qui exploite les phosphates, est devenue en quelques années une entreprise extraordinaire, et je n’exagère pas…

(À SUIVRE…)

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