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Le blog d'André Boyer

Contre le sport

27 Juin 2012 Publié dans #ACTUALITÉ

Comme après le dernier match calamiteux de l’Équipe de France de football à l’Euro 2012, nous sommes souvent surpris voire agacés par la place prise par le sport dans nos medias. Dans les journaux, des cahiers entiers sont consacrés au sport et leurs pages locales débordent des moindres exploits sportifs des équipes de quartier ou de village.

 

super durandAujourd’hui, il est en effet tout aussi impossible d’échapper au sport qu’il était jadis chimérique d'esquiver la propagande en URSS. Cette omniprésence médiatique du sport usurpe la place des autres formes de la création humaine. Où sont les pages quotidiennes des medias sur la poésie, le théâtre, l’opéra, la philosophie, l’architecture, la peinture, les mathématiques ?

Plus grave encore, l’emprise sportive ne s’exerce pas que sur nos pensées, elle s’exerce aussi sur nos corps. Du berceau au trépas, notre société prétend nous contraindre à avoir une activité sportive. On voit de jeunes enfants déformer leurs corps par la pratique asymétrique du tennis ou des vieillards s’efforcer de hâter leur fin en se forçant à courir chaque matin des quelques jours que Dieu leur a généreusement octroyés. 

De fait, le sport est une idéologie qui nous oblige à faire de la compétition et de la performance l’alpha et l’oméga de nos existences. Il s’empare des oripeaux de la religion comme en témoignent l’institution d’un calendrier cyclique, l’annuel Tour de France, les Jeux Olympiques toutes les années bissextiles, le championnat de  France de Football impatiemment attendu fin juillet, la communion des foules dans les stades, la ritualisation de la compétition, les coupes soulevées tels des calices…

Le sport se revendique aussi comme une morale de la vie en société. Ce n’est pas par hasard s’il exalte la loi du plus fort et le mépris des faibles ou si on y célèbre la tricherie selon le principe du « pas vu pas pris », au point que même notre Président de la République a glorifié la main de Thierry Henry qualifiant iniquement l’équipe de France de football aux dépens de celle d’Irlande.

Enfin le sport exalte des valeurs comme celles du désir de domination, de l’enflure du moi et de la cupidité. C'est ainsi que personne ne s’étonne, en matière de sport, de voir des mercenaires immatures et voraces tapant dans un ballon élus au rang de divinités, tandis que les poètes, les penseurs, les savants, les peintres, les sculpteurs sont repoussés dans la marginalité. 

 

Alors contre le sport ?

Oui, contre le sport comme idéologie, comme religion, comme morale. Contre le sport excessif que nous pratiquons parce qu’il serait malséant de ne pas être sportif.

Si vous partagez ce point de vue, voici quelques citations utiles lorsque vous jugerez bon d’affronter le totalitarisme sportif de vos contemporains endoctrinés :

- Si vous voulez parler d’autre chose que du sport, citez Amélie Nothomb: « Pour la plupart des gens, aimer est un détail de l'existence, au même titre que le sport, les vacances, les spectacles. »

-Si vous voulez lancer une discussion sérieuse, citez Georges Orwell : « Pratiqué avec sérieux, le sport n'a rien à voir avec le fair-play. Il déborde de jalousie haineuse, de bestialité, du mépris de toute règle, de plaisir sadique et de violence ; en d'autres mots, c'est la guerre, les fusils en moins. » 

- Si vous voulez susciter la réprobation générale, citez Georges Bernard Shaw : « Le seul sport que j'ai jamais pratiqué, c'est la marche à pied quand je suivais les enterrements de mes amis sportifs. » 

- Si vous voulez avoir le mot de la fin, citez Winston Churchill, qui, lorsqu’il approchait de son 90e anniversaire, déclara au journaliste qui l’interrogeait platement sur le secret de sa longévité : « Sport…I never, ever got involved in sport. »

 

Vous voilà armé pour le débat : ça va être du sport !

PS : ce blog m’a notamment été inspiré par l’ouvrage du philosophe Robert Redeker « L’emprise sportive », François Bourin éditeur, 2012. 

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Aider les débiteurs

24 Juin 2012 Publié dans #ACTUALITÉ

La conclusion provisoire de la crise politique grecque par la constitution d’un gouvernement d’union entre la Nouvelle Démocratie et le Pasok permet l’entame d’une négociation qui conduira par nécessité l’Europe à prendre en charge la dette grecque. L’article ci-dessous devrait nous permettre de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre, derrière les conclusions à l’emporte-pièce consistant à observer que Monsieur Samaras n’est qu’un vieux cheval de retour, que les Grecs ne veulent pas payer d’impôts ou que l’Euro va disparaître.

12293691448E2pGU5Dans l’histoire des crises, on observe que les débiteurs sont toujours plus sévèrement touchés que les créanciers par une crise financière. La capacité des créanciers, composés de banquiers fortement organisés sur le plan politique, est en effet bien plus efficace face au législateur que les millions de débiteurs inorganisés : depuis 1914, qui a osé s’attaquer aux intérêts des banquiers new-yorkais sans y laisser la vie, à commencer par le Tsar Nicolas II ? 

Mais il reste que les données historiques montrent que la protection des droits des créanciers est contradictoire avec la sortie de la crise économique. En termes plus brutaux, la reprise s’appuie sur la spoliation des créanciers, pratiquée sans discontinuer depuis un siècle par le biais de l’inflation, méthode qui a l’avantage d’éviter la confrontation politique directe entre créanciers et débiteurs.

En outre, spolier les créanciers n’est pas aussi inique sur le plan économique que l’on peut le croire. Lors d’une crise financière, les prêteurs deviennent plus exigeants pour accorder de nouveaux crédits, ils demandent des garanties de plus en plus étendues, arguant que la valeur des actifs détenus par les emprunteurs s’est réduite. Quel banquier prêterait aujourd’hui avec pour garantie des appartements vides de la côte espagnole ? Il en résulte que la baisse de la valeur des actifs sur le marché entraîne une baisse générale des investissements, même s’il existe toujours autant d’investissements potentiellement rentables. Il faudrait donc  transférer des ressources aux débiteurs pour relancer les investissements.

En outre, comme leurs capacités de paiement et leurs liquidités sont réduites, les débiteurs sont forcés de réduire leur consommation. Sur le plan collectif, cela n’aurait pas d’impact si, en compensation, les créditeurs consommaient plus, ce qui en général malheureusement pas le cas. C’est ainsi que les deux tiers du chômage pendant la crise de 1929 résultaient de la baisse de la demande provoquée par les ménages endettés et qu’aujourd’hui la demande d’un pays débiteur comme la Grèce s’effondre lorsque le pays est obligé de réduire les salaires des fonctionnaires, les retraites et les autres dépenses publiques pour faire face à une crise de la dette souveraine. Il faudrait qu’en compensation, les pays créditeurs comme l’Allemagne proposent une demande compensatoire de tourisme ou d’achats immobiliers, sans quoi l’économie grecque ne peut que s’effondrer dans la récession. Or on observe que, par peur des désordres ou par rancœur, la demande touristique  des étrangers, en particulier des Allemands, baisse de manière tout à fait contreproductive.   

Pour accroître la consommation collective, il ne reste plus dans ces conditions qu’à organiser des transferts de revenus en faveur du pays débiteur. Mais la montée des tensions politiques provoquées par la crise financière aboutit à des blocages qui limitent la réforme. On a observé en effet que les crises financières entraînent la fragmentation des partis et l’installation de gouvernements moins modérés qui s’appuient sur des coalitions plus faibles qu’avant la crise. En face, les oppositions grossissent, mais se fragmentent, l’ensemble de ces facteurs conduisant à des impasses politiques.

La leçon de ces observations est donc que, pour sortir d’une crise économique, on ne peut pas faire confiance aux acteurs directs, mais à l’action politique pour une fois réhabilitée. Il reste que l’action politique implique une opinion publique rassemblée dernière un gouvernement fort pour sortir rapidement  un pays de la crise, justement plus difficile à obtenir alors qu’elle est singulièrement nécessaire.    

 

À ce titre, les acteurs politiques susceptibles de contribuer efficacement à une sortie de crise sont facilement identifiables : n’en font partie ni la Grèce, ni à l’autre bout de la chaîne l’Union Européenne, mais le quatuor formé de l’Allemagne, de la France, de l’Italie et de l’Espagne apparaît  aujourd’hui comme le seul acteur crédible du mouvement.

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Comment sortir de la crise?

14 Juin 2012 Publié dans #ACTUALITÉ

Une récente étude fondée sur des articles  scientifiques fait la synthèse des conséquences des crises financières sur la croissance économique (1). Les auteurs de cette étude observent que le partage des pertes entre créanciers  et débiteurs permet de sortir plus rapidement d’une crise financière que lorsque toute la charge de la crise est supportée par les emprunteurs. Il m’a inspiré les réflexions suivantes :

solutions.jpgLa crise des pays du sud de l’Europe, auxquels s’ajoute l’Irlande, tourne autour de leur capacité à rembourser leurs dettes. La Grèce a bénéficié d’une remise conséquente de ses dettes, mais ces dernières restent si importantes que l’on doute fort qu’elle pourra jamais les rembourser. On presse les Grecs de mettre en place des réformes qui permettent de rembourser plus de dettes tout en sachant que la croissance déjà négative va en pâtir et donc réduire leur capacité de remboursement. On imagine des réformes structurelles qui permettraient d’accroitre la production grecque, mais sans accroitre la consommation, comme si l’augmentation de leur pauvreté pourrait être la solution. Enfin l’odieux le dispute au ridicule lorsqu’on les menace de mesures de rétorsion s’ils ne votent pas en faveur des partis qui prônent des mesures d’austérité, comme a cru le faire Christine Lagarde ou François Hollande dans de récentes adresses aux Grecs.

Or l’on sait que l’annulation des dettes et l’inflation permettent de sortir plus rapidement d’une crise économique que le remboursement des dettes ou la stabilité des prix. Tout le problème se situe dans le processus politique qui permettrait de transférer la charge de la dette des débiteurs aux créanciers. Comment l’Union Européenne peut-elle se résoudre à annuler les dettes de la Grèce ? Impossible sans mettre en danger tout le système financier européen qui ne pourrait plus trouver de prêteurs. Impossible sans transférer la charge sur les contribuables européens, d’où les appels à la mutualisation des dettes largement relayés par les créanciers, une solution qui ne reviendrait qu’à diffuser la crise et non à en sortir.

En définitive, tout le monde sait, pressent ou devine que la sortie de la Grèce de la crise passe par la quasi annulation de sa dette et par l’inflation.

Mais personne aussi bien en Grèce qu’en Europe n’est prêt à en assumer la charge, parce que les crises de l’endettement et des monnaies, les difficultés des banques et l’inflation conduisent à des conflits idéologiques qui entrainent le fractionnement voire l’éclatement des forces politiques. Aussi, quel que soit le résultat des élections du 17 juin 2012, la faiblesse de la coalition politique au pouvoir la met dans l’impossibilité d’agir. Aucune réforme, d’aucune sorte, n’est possible et les compromis entre forces politiques deviennent presque impossibles.

Les études historiques citées dans l’article en référence montrent que le blocage politique après une crise financière est la norme plutôt que l’exception. Les conflits politiques proviennent de l’impact des crises sur les croyances des électeurs vis à vis des solutions économiques qui leur sont proposées. La mondialisation, le libéralisme qui ont permis une telle crise sont-ils toujours la bonne, la seule solution aux problèmes économiques d’aujourd’hui ?

De plus la crispation de débiteurs qui se trouvent dans l’impossibilité de rembourser comme celles des créanciers qui ressentent l’impérieuse nécessité de se faire rembourser dans des situations de crise rendent les solutions de compromis particulièrement délicates à faire accepter par les deux parties. Cette montée des conflits entre créanciers et débiteurs s’observe aujourd’hui entre l’Allemagne et le Sud de l’Europe, mais aussi aux Etats-Unis avec le mouvement de protestation « Occupy Wall Street ». Elle a aussi caractérisé la grande crise de 1929, opposant fascisme et socialisme jusqu’à la guerre de 1940-1945.

On a vu dans un passé récent les créanciers de l’Argentine après sa faillite lui refuser pendant plusieurs années tout accès au crédit international  de peur d’une contagion du non remboursement des dettes. On a vu, avec moins de succès, l’Islande subir les mêmes menaces et aujourd’hui la Grèce essuyer les mêmes foudres si jamais elle s’avisait de cesser de rembourser ses dettes.  Et pourtant l’annulation des dettes argentines et islandaises, pour ne citer que ces deux pays, a indubitablement favorisé leur redémarrage économique. Mais n’allez pas demander aux créanciers d’acquiescer!

Le risque est donc que l’absence d’accord de compromis n’approfondisse et ne prolonge la crise économique qui succède à la crise financière, entrainant dans un cercle vicieux des tensions politiques qui rendent encore plus difficiles la mise en place d’une solution de compromis entre créanciers et débiteurs. Jusqu’à quel séisme qui rassemble enfin les protagonistes autour d’une solution de survie commune ?



(1) « Resolving Debt Overhang: Political Constraints in the Aftermath of Financial Crises », Atif Mian, University of California, Berkeley and NBER,Amir Sufi, University of Chicago Booth School of Business and NBER, Francesco Trebbi, University of British Columbia, CIFAR, and NBER January 2012, American Economic Association 2012. Vous pouvez trouver cet article en telechargement sur Internet.

 

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Des histoires sur notre histoire

7 Juin 2012 Publié dans #PHILOSOPHIE

Il y a quelque temps que je m’intéresse à la notion de vérité. En tant qu’universitaire, c’est assez naturel, et même en tant qu’être humain. D’ailleurs, j’imagine que je ne dois pas être le seul, car cela sert de s’intéresser à la vérité puisque le mensonge, l’approximation et l’ignorance sont le lot quotidien de chacun d’entre nous.

cerveau-gauche-cerveau-droit-icone.jpgSi bien que nous luttons en permanence pour comprendre, pour dire ou pour décoder la vérité, à moins qu’au contraire nous nous efforcions de la cacher ou de l’ignorer lorsqu’elle est désagréable, ce qui est généralement le cas.

Mais ce que j’ai fini par découvrir, assez tard je l'avoue, c’est que cette vérité fuyante est aussi multiple. Chacun a sa vérité, ce qui la rend délicate à reconnaître. La vérité est subjective, provisoire, locale. Autant dire que c’est une notion difficile à cerner, encore plus à manier. Même du point de vue collectif, il semble que circulent des vérités à peu prés reconnues par tout le monde, comme le « fait » que la Terre tourne autour du Soleil, mais en général cela ne dure pas toujours. C’est que la notion de vérité change avec la manière dont l'homme voit le monde. C’est pour cela que nous réinterprétons sans cesse l’expérience de nos prédécesseurs, que nous appelons l’histoire.

Ainsi on nous raconte que notre histoire a commencé six millions d’années avant que vous ne lisiez ce texte, lorsqu’une petite femme que l'on a appelée Lucy, se décida enfin à descendre des arbres sur lesquels elle avait l’habitude de vivre. Cela se passait sur la Terre, une planète moyenne d’une étoile assez ancienne que nous appelons le Soleil, située dans une galaxie quelconque que nous avons baptisée Voie Lactée, et rien de tel n'est advenu nulle part ailleurs, jusqu’à nouvel ordre.

Cette femme se trouvait en Afrique orientale, c’est du moins ce que l’on pense aujourd’hui. Une fois installée par terre, mais sans doute quelque temps après, elle décida en outre, elle ou ses descendants, de se planter sur ses pattes de derrière.

L’histoire commence, il y a donc un début. Elle commence quand Lucy descend de l’arbre, pas avant, par conséquent l’être humain n’existe qu’une fois qu’il quitte l’arbre pour le sol. C’est l’idée de progrès qui apparaît avec cette décision révolutionnaire de quitter l’arbre et de marcher sur deux pattes. Le progrès se trouve du coup placé au cœur de l’histoire de l’homme. Aujourd’hui, mais sans doute pas demain, on nous présente ces deux décisions comme étant le fondement de la marche de l’homme vers le progrès, qui consiste à renoncer à des comportements instinctifs pour les remplacer par des décisions raisonnées. Ce renoncement oblige l'homme à inventer de nouveaux comportements qui seront copiés et améliorés de génération en génération selon un processus permanent d’accumulation culturelle.

On nous raconte qu’au début l’homme est assez lent à changer d’idées puis de comportements avant de les traduire en attitudes. Il lui faut trois millions d’années pour se décider à tailler un galet, puis deux millions d’années de plus pour réagir au froid, puis encore neuf cent mille ans pour prendre conscience qu’il est mortel. Renonçant à l’instinct, l’homme se serait mis en quête de comprendre le monde pour le contrôler.

Même si la question peut paraître absurde à la quasi-totalité des êtres humains d’aujourd’hui, nous avons au moins le droit de la poser :

Et si cela avait été une très mauvaise idée, une erreur en somme, de renoncer à l’instinct pour chercher à comprendre le monde avec la partie gauche de notre cerveau?

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