Regard sur l'Équateur
En accordant l’asile politique au fondateur de Wikileaks, le président équatorien Rafael Correa, au travers de la Grande-Bretagne et de la Suède, défie les États-Unis, ce que n’ose faire aucun pays européen.
En dehors des spécialistes et des alpinistes, qui, en Europe, connaît l’Equateur, ce pays de 284.000 km2 peuplé de 14 millions d’habitants, traversé par l’Amazonie et la Cordillère des Andes ? C’est pourtant cet étrange pays qui vient d’accorder l’asile politique à Julian Assange, réfugié depuis deux mois dans son ambassade londonienne. Le Royaume-Uni a en effet décidé d’extrader le fondateur de Wikileaks en Suède où il est accusé de viol. Mais d’aucuns redoutent que la Suède ne l’extrade ensuite vers les Etats-Unis où il pourrait être emprisonné à vie, sinon executé, en raison de la diffusion par Wikileaks de quelque 250.000 télégrammes diplomatiques américains.
Pourquoi l’Equateur, et en premier lieu son président Rafael Correa, s’implique-t-il à ce point dans ce dossier? À priori, Julian Assange n’a pas grand-chose à voir avec Rafael Correa, le président équatorien, un économiste âgé de 49 ans qui a fait ses études supérieures en Belgique et aux Etats-Unis. Entré en politique en 2005, lors de la destitution de l’ancien président Lucio Gutierrez, il devient brièvement ministre de l’Economie avant de se présenter à l’élection présidentielle sous la bannière du parti de la coalition de gauche «Alianza Pais». Il remporte les élections en novembre 2006 face au milliardaire Alvaro Noboa, un magnat de la banane.
Élu sur un programme revendiquant un «socialisme du XXIe siècle» proche de celui d’Hugo Chavez au Venezuela, il fait voter une nouvelle constitution renforçant les pouvoirs présidentiels et le contrôle du pays sur les secteurs des hydrocarbures, des mines, des télécoms et de l’eau. Le nouveau texte reconnaît aussi les droits des indigènes qui représentent le quart de la population. Sur sa lancée la même année, il déclare l’Equateur en défaut de paiement, renégocie la dette du pays et obtient une décote de 65% de sa valeur. Comme quoi le défaut de paiement et le non-paiement des dettes ne sont pas des pratiques exceptionnelles, contrairement à ce que l’on essaie de faire croire au pauvre peuple grec.
Rafael Correa est réélu en 2009 aux termes d’une élection présidentielle anticipée. Il adhère alors à l’Alliance Bolivarienne des Peuples d’Amériques (ALBA) créée en 2004 par le Venezuela et Cuba, rassemblant aussi la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique, Antigua-et-Barbuda, St Vincent et les Grenadiness. L’ALBA a pour vocation d’affirmer la souveraineté des petits pays face aux grandes puissances et d’organiser une coopération commerciale grâce à une Banque commune et une monnaie virtuelle, le SUCRE. Au sein de l’ALBA et dans les échanges internationaux, la force de l’Equateur réside dans ses exportations de pétrole: la production de 500.000 barils par jour représente près de la moitié des exportations du pays, 40% de ses recettes budgétaires et 15% de son PIB. Au total, la croissance de l’économie équatorienne reste forte, avec +8% en 2011.
Sur ces bases économiques, Rafael Correa a un projet politique symbolisé par sa proposition de sanctuariser le parc national de Yasuni (en vert foncé sur le coté droit de la carte ci-dessus), une zone de 10000 km2 abritant une biodiversité exceptionnelle, des populations indiennes, mais aussi quelque 20% des réserves de brut du pays. L’idée est de ne pas exploiter ce pétrole, en échange d’une rente annuelle de 350 millions de dollars versée aux habitants du parc.
Dans le même esprit, 30.000 plaignants indiens équatoriens constitués en «class action» (voir le livre «Un brin d’herbe contre le goudron»), ont remporté début 2012 une victoire historique contre Chevron. En effet, au terme de 18 ans de procédures, la compagnie américaine a été condamnée en appel par un tribunal équatorien à une amende de 18 milliards de dollars. Les faits incriminés portent sur la période 1964-1992, durant laquelle le pétrolier a lourdement pollué l’Amazonie équatorienne en déversant ses déchets dans des fosses à ciel ouvert, contaminant le sol et l’eau, dégradant faune et flore et générant au sein des populations amérindiennes des maladies graves. Aussi peut-on comprendre que les relations entre l’Equateur et les Etats-Unis ne soient pas bonnes, d’autant plus que Rafael Correa a refusé en 2009 le maintien d’une présence militaire américaine.
L’asile politique offert à Julian Assange est donc un geste de défi à l’égard des Américains et un moyen pour Rafael Correa d’apparaître comme un défenseur déterminé de la liberté d’expression face au géant américain, si prompt à s’ériger en défenseur des Droits de l’Homme chez les autres, mais prêt à poursuivre éternellement de sa vindicte un homme seul qui a osé réveler ses sales petits secrets…
Sources : Anne Denis, « Julian Assange. L’Equateur: petit pays, grandes ambitions », Slate, 18 août 2o12 et Maria Aguinda, avec la collaboration de Patrick Bèle, «Un brin d’herbe contre le goudron», Editions Michel Lafon.
Les scénarii syriens de l'Apocalypse
À Alep et ailleurs en Syrie les combats continuent. J’ai consacré, du 20 juillet au 1er aout, quatre articles centrés sur la persécution et la prise de pouvoir des Alaouites. Cet article décrit les trois scénarii possibles de l’évolution du conflit syrien.
L’issue la moins probable serait que le régime d’Assad réussisse à mater la rébellion. Sans l’intervention des Etats-Unis, de l’Arabie Saoudite, de la Turquie et des Européens, ce scénario aurait au contraire été le plus probable. Mais la famille Assad n’a jamais exercé une autorité incontestable, car son pouvoir est fondé sur une coalition entre ses partisans alaouites, les chrétiens et d’autres minorités religieuses ou ethniques, comme les Druzes.
Ce « gouvernement des minorités » s’était donné pour tâche de contrôler les Arabes sunnites, qui sont majoritaires dans le pays. Mais la décision de l’Arabie saoudite et de la Turquie, appuyée par les Etats-Unis, d’armer et de financer les sunnites a probablement rendu intenable la position d’un régime dirigé par les Alaouites.
Un scenario plus probable est que l’Armée syrienne libre parvienne finalement à chasser Assad, au moins en ce qui concerne certaines régions. Il y a fort peu de chances que s’instaure ensuite un système politique démocratique. Les profonds clivages religieux et ethniques qui façonnent la Syrie ne le permettront probablement pas. De plus, on constate que les éléments islamistes extrémistes commencent à s’imposer au sein de la rébellion, notamment parce que les unités rebelles adoptent des pratiques qui rappellent celles d’Al-Qaïda. Cela n’est pas si étonnant, puisque le régime théocratique d’Arabie Saoudite a une forte influence sur l’opposition syrienne. Si les insurgés parviennent à prendre le contrôle de la majeure partie du pays et à le conserver, la Syrie de l’après Assad sera sans doute dotée d’un régime islamiste et autoritaire.
Le scenario le plus probable reste cependant que la Syrie finisse par éclater en plusieurs Etats autour de critères confessionnels et ethniques, à la manière de la Yougoslavie où se juxtaposent la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Kosovo, la Macédoine et le Monténégro, pas moins de sept États indépendants !
L’armée d’Assad, dominée par les Alaouites, est apparemment en train d’essayer d’établir une zone refuge pour les Alaouites et les chrétiens dans l’ouest du pays. Sauf intervention massive de la Turquie, des Etats-Unis et de leurs alliés européens, le régime d’Assad garde les moyens d’établir une telle entité. Ce sera la première étape du démantèlement de la Syrie. Les Kurdes syriens ont déjà mis en place des postes de contrôle dans le Nord-Ouest de la Syrie, où ils sont majoritaires et où ils cherchent à former un Etat kurde quasiment indépendant, à l’image de la région kurde d’Irak.
D’ores et déjà, la Syrie est devenue un pion dans la lutte d’influence qui oppose l’Arabie Saoudite, la Turquie, les USA appuyée par l’Union Européenne d’un côté, l’Iran et la Russie d’autre part. À moins de prendre ses diplomates pour de doux rêveurs qui croient à l’instauration naturelle de la démocratie de la paix et de la liberté une fois les méchants tyrans chassés, comme le furent Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi, le fait que les USA se prêtent à une déstabilisation aussi dangereuse de la région est révélateur de leurs calculs machiavéliques pour s’assurer du contrôle du Moyen Orient en s’appuyant sur les sunnites, même les plus extrémistes.
Il est révélateur aussi que l’Europe suive béatement la politique des alliés américains et saoudiens, au nom des Droits de l’Homme, comme si ces derniers devaient progresser avec les développements actuels et futurs de cette tragédie…
Croissez et multipliez-vous*
La vérité, écrivais-je en conclusion de mon blog intitulé « Nous voulons contrôler le monde » le 11 juillet dernier, sans doute quelques-uns de nos semblables la détiennent-il. Encore faut-il aller à leur rencontre pour l’obtenir d’eux.
C’est pourquoi l’échange est l’outil fondamental pour comprendre le monde, un outil que l’homme cherche sans cesse à perfectionner comme en témoigne Internet. Communiquer avant tout avec les vivants mais aussi avec les morts dont on conserve les écrits et avec les générations à venir en leur transmettant nos savoirs.
Pendant très longtemps, ces échanges n’ont eu lieu qu’entre un nombre très restreint d’être humains, et ils ont été limités par l’absence d’écrits et la rareté des rencontres. Il y a quarante mille ans, il n’y avait en effet guère plus de cinq cent mille personnes sur toute la Terre; la difficulté de parcourir les distances qui séparaient de petits groupes d’habitants dispersés ne permettait guère de se faire entendre de plus de quelques centaines de personnes.
De plus, comme l’australopithèque disposait d’un cerveau quatre fois moins volumineux que celui de l’homo sapiens, il lui était bien difficile de se souvenir de ces rencontres éventuelles. Or, en dehors de celle qui est transmise par la voie génétique, l’information ne dépend que du nombre et de la qualité des échanges entre les individus. Si bien que les progrès matériels de l’humanité dépendent eux-mêmes du nombre d’individus, du volume des communications entre eux et de notre capacité à conserver l’information. La Chine ne connaîtrait pas la croissance économique qui est la sienne si elle ne recevait pas du reste du monde toutes les informations nécessaires pour la mettre en œuvre.
Et c’est ainsi que l’homme invente, irrigué par les rencontres, l’observation, les données recueillies.
C’est d’ailleurs l’invention qui caractérise le mieux l’aventure humaine. L’homme invente parce qu’il s’est libéré de ses réflexes instinctifs. Sa véritable liberté est celle de reconstruire le monde à sa main. Il y trouve l’accroissement de son pouvoir sur son environnement, ce qui le dispense de se changer lui-même et donc de faire évoluer son cerveau d’homo sapiens, qui est resté inchangé depuis mille cinq cent siècles.
Ce cerveau a généré le torrent des innovations qui a symboliquement commencé avec le galet à une face, il y a trois millions d’années. Pendant cent mille générations, ce galet à une face sera l’outil de base de nos ancêtres. Cent mille générations, une éternité, mille fois plus longue que le temps qui nous sépare des Grecs. Puis, il n’y a pas plus de deux cent cinquante mille ans, quelqu’un invente la taille des éclats de pierres. Le temps est long entre les premières inventions, mais il s’accélère sans cesse. Il y a cent mille ans, ce sera la célèbre domestication du feu, qui a permis enfin aux hommes de se protéger contre les attaques des animaux.
La croissance exponentielle de la population est le signe incontestable de la puissance grandissante de l’espèce humaine, comme la disparition des espèces est inversement celle de leur défaite irrémédiable. Entre trente mille ans à dix mille ans avant JC, la population humaine est multipliée par dix, passant de cinq cent mille à cinq millions d’hommes. Elle est encore multipliée par dix pendant les cinq mille années suivantes, pour atteindre cinquante millions d’êtres humains, juste 5000 ans avant JC. Jusqu’à à l’ère chrétienne, la population mondiale continue à croître pour atteindre deux cent cinquante millions d’unités, C’est alors qu’elle stagne et qu’elle fléchit pendant un millier d’années environ.
C’est une période de grands changements qui explique sans doute ce fléchissement provisoire. L’espèce humaine vient de s’extraire de son âge d’or, autour de la chasse et de la cueillette. Elle s’est sédentarisée grâce à l’invention simultanée de l’agriculture, en Mésopotamie et en Chine. Les populations échangent entre elles des innovations de plus en plus nombreuses, elles se rencontrent de plus en plus souvent ce qui les engage à s’opposer aussi de plus en plus fréquemment et violemment. Les guerres se multiplient, la famine guette, les épidémies ravagent des populations regroupées.
L’homme a t-il atteint ses limites? L’Empire romain s’effondre sous les coups des barbares que l’Eglise évangélise. Des profondeurs de l’Arabie surgissent les armées islamisées. L’an mil annonce t-il la fin du monde ?
C’est une question qui hante l’humanité depuis si longtemps, la fin de son monde, la fin du monde…
* « Alors Dieu bénit Noé et ses enfants, et Il leur dit: Croissez et multipliez-vous, et remplissez la Terre. » (La Bible, Genèse 9:1, traduction de l’Abbé Fillon,1895)
Oh, pauvre Japon, il va si mal!
Le Japon est assez couramment considéré comme un pays dont la faiblesse des performances économiques le place sur une trajectoire inexorablement déclinante. Une telle approche relève davantage de la pensée unique que d’une analyse rigoureuse.
Alors que la Banque de France annonce une récession en France et que son commerce extérieur est lourdement déficitaire, le Japon publie un PIB en assez forte croissance. Et il reste une vraie puissance : la région du grand Tokyo représente le PIB du Brésil, celle de Nagoya le PIB de la Corée du Sud, celle d’Osaka le PIB de l’Indonésie et l’île de Kiu Shiu celui de l’Arabie Saoudite. Il dispose toujours d’une énorme avance technologique : avec 2 % de la population mondiale, ses dépenses de recherche et développement représentent 17 % de la recherche mondiale, ce qui en fait le premier pays en termes de recherche par habitant. Il en résulte que 30 % des brevets déposés dans le monde sont japonais, 30% ! Bien sûr, la part de marché des entreprises japonaises est écrasante pour nombre de niches technologiques d’avenir, comme les lentilles optiques pour les appareils photo, les fibres de carbone, les systèmes électroniques embarqués, les batteries au lithium et la robotique.
En 2011, l’impact des évènements de Fukushima a très fortement perturbé plusieurs grandes filières industrielles mondiales, comme l’électronique ou l’automobile, preuve du poids technologique du Japon. Car, si le cœur de l’assemblage se situe en Chine, le cœur technologique de l’Asie se trouve encore au Japon, au moins pour les dix ou quinze prochaines années. D’ailleurs, l’organisation industrielle du Japon est aujourd’hui tout à fait remise de la catastrophe de Fukishima, puisque Toyota vient d’annoncer que sa production a augmenté de 40% et qu’il est redevenu le premier producteur mondial. Ce qui n’empêche pas le Japon d’avoir le courage d’annoncer la fermeture de l’ensemble de ses centrales nucléaires d’ici vingt ans.
Dans le domaine financier, le Japon est le premier créancier mondial de la planète avec 3 000 milliards de $ de créances et les ménages japonais détiennent sous forme d’épargne l’équivalent de 3 années de PIB. De quoi ne pas trop s’inquiéter des dettes de l’État japonais, qui représentent 200% du PIB du Japon, et qui ne font ni baisser le yen, fortement surévalué par rapport au dollar, ni monter les taux d’intérêt, quasiment nuls.
De plus, les indicateurs du Japon au milieu de 2012 sont dans une forme olympique. Le taux de chômage dans l'archipel a reculé d'un dixième de point en juin 2012 à 4,3 % de la population active et la consommation des ménages a augmenté de 1,6% pour le cinquième mois d'affilée, quoique moins que prévu. On recensait fin juin au Japon 2,88 millions de chômeurs, soit 8,3 % de moins qu'un an plus tôt, pour une population active en repli de 0,5 % sur un an à 65,91 millions d'individus, a précisé le ministère dans un communiqué. Comparez avec la situation française. Au fait, vous savez sans doute que le revenu par tête de ces pauvres Japonais dépasse celui des Français, si critiques pour les autres.
Tout ne va donc pas mal dans le monde, pas au Japon en tout cas, et les causes de la crise qui affecte l’Europe ne se trouvent pas dans la fatalité, mais dans la politique qui y est pratiquée.
On peut donc l’améliorer cette politique, en donnant par exemple la priorité à la recherche. Ce serait une bonne idée pour améliorer notre compétitivité et une source d’espoir, au moment où l’on s’apprête à nous assommer sous des chiffres toujours plus négatifs.
Trois cent blogs pour quoi faire?
Le 2 janvier 2009, j’inaugurais la série de blogs que vous êtes quelques dizaines à lire chaque jour, avec un article sur le film « El Divo » que je venais de regarder. J'ouvrais ainsi la première des cinq cents pages qui ont suivi et que certains jugent comme un passe-temps aussi inutile qu’inoffensif.
Tout de suite, j’adoptais le format que j’ai maintenu jusqu’ici : moins de deux pages pour que le lecteur n’y consacre pas plus de deux minutes de son temps précieux, une introduction, une conclusion et une photo qui illustre mon propos. J'ai retenu un rythme de publication de une à deux fois par semaine. C’est qu’il me faut bien deux à quatre heures, parfois beaucoup plus, pour écrire un article, compte tenu de la documentation nécessaire, du temps d’écriture et des nombreuses corrections à effectuer, du choix de la photo, du temps de publication sans oublier le dialogue qui s’est petit à petit créé avec les lecteurs.
Les thèmes de mon blog se sont progressivement imposés à moi. Il m’a paru évident que je devais disposer d’une rubrique pour commenter l’actualité : j’ai par exemple consacré mes quatre derniers articles à tâcher d’éclairer les soubassements de la guerre en Syrie. Il fallait aussi que je puisse raconter, de temps en temps, mes expériences personnelles. Entre ces deux pôles opposés, l’un centré sur le monde extérieur, l’autre sur ma personne, j’ai progressivement trouvé deux thèmes complémentaires, l’un consacré à l’histoire, l’autre à la philosophie. Ils s’expliquaient au début par l’utilisation que j’ai faite de deux ouvrages que j’ai écrits et non encore publié, l’un sur l’histoire du pouvoir en France et l’autre sur le concept de vérité*. J’ai par la suite complété ces écrits existants par des textes spécialement destinés au blog.
Écrire un blog est une aventure.
La plupart du temps, je choisis au dernier moment le sujet je vais traiter. Il s’impose à moi, soit à partir de mes écrits antérieurs, soit en fonction de l’actualité, soit à partir d’une idée qui me vient à l’esprit et que j’explicite, soit en fonction de mes expériences personnelles, mais c’est toujours une aventure d’écrire un texte qui possède sa vie propre et dont on ne connaît jamais à l’avance la conclusion.
C’est aussi une aventure que d’écrire en cherchant à être compris et si possible lu sans effort.
C’est une aventure de tenter d’être précis.
C’est une aventure de s’efforcer d’être honnête.
C’est une aventure de publier un blog régulièrement.
C’est une aventure d’avoir des lecteurs, de dialoguer avec eux, d’apprendre d’eux.
Le nombre moyen de mes lecteurs s’accroît lentement. Il est composé de mes parents, amis, collègues, étudiants, anciens et nouveaux, et bien sûr de lecteurs anonymes provenant de Facebook, de Twitter ou de Google à la recherche d’un mot clé. Vous pouvez ainsi retrouver l’un quelconque de mes articles en écrivant sur Google un mot clé suivi de mon nom : par exemple « El Divo André Boyer » qui vous conduira à mon tout premier article. Vous pouvez aussi parcourir mon blog chronologiquement.
Hier par exemple, 27 personnes se sont portées sur mon blog. Je ne peux pas savoir lesquelles, mais je sais qu’un grand nombre d’entre elles ont lu mes articles récents sur les Alaouites, que d’autres se sont intéressées à de tout autres articles (« Après l’effort, l’effort… », ou « L’énergie de Richelieu au service du Roi ») et je peux voir que certaines d’entre elles ont simplement écrit un mot clé sur Google (par exemple, armée Louis XIII) qui les a amenées à ouvrir mon blog.
Mes articles ont eu des succès divers. Ceux qui sont consacrés à l’Euro m’ont conduit à prononcer des conférences, d’autres ont été traduits, certains vous ont fait rire (« L’aventure au bureau ») et quelques-uns ont été presque complètement ignorés, donc ratés.
Mes projets: tout d’abord continuer, poursuivre mon observation de l’actualité, expliquer comment le pouvoir politique s’est emparé du destin des Français avec tant de maladresses, hier comme aujourd’hui, réfléchir avec vous sur le sens de la vie et raconter progressivement mon expérience personnelle. Deux projets spécifiques sont encore en cours de gestation :
- Créer au sein de ce blog une cinquième rubrique intitulée « Synthèse » contenant des articles qui actualiseront des textes déjà publiés, par exemple sur la crise grecque.
- Ouvrir un nouveau blog consacré à la partie romancée de mon écriture.
Mais je m’aperçois que j’ai presque écrit deux pages juste pour vous expliquer ce que j’ai écrit ! Voilà, voilà, je m’arrête cher lecteur, je sens que j’ai abusé de votre patience : vous voyez bien qu’écrire un blog est une aventure, puisque je viens de prendre le risque de vous lasser…
* Je m’intéresse à l’histoire du pouvoir en France parce que je pense que ce pays est particulièrement mal dirigé depuis longtemps. Je m’intéresse à la notion de vérité parce que je ne vois pas comment on pourrait s’en désintéresser !
Je tiens à votre disposition, sur PDF, les deux livres non publiés qui ont été utilisés dans mon blog :
- Trente ans d’arrogance.
- L’orphelin (l’histoire de la vérité).
Avant la chute des el-Assad
Aujourd’hui 1er août 2012, ce blog est le 300e que je publie depuis le 1er janvier 2009. Ils ont donné lieu jusqu’à ce jour à trente-cinq mille consultations.
Compte tenu de la guerre menée par les monarchies sunnites du Golfe contre les Alaouites dirigés par la famille el-Assad, une guerre voulue et coordonnée par les Etats-Unis pour des raisons stratégiques qui me paraissent particulièrement machiavéliques, on ne voit pas comment les el-Assad vont pouvoir résister indéfiniment avec pour faibles alliés, l’Iran, la Russie et vaguement la Chine.
Avant cette chute programmée par les puissances anglo-saxonnes et ses probables sanglantes conséquences, jetons un dernier coup d’œil sur la montée au pouvoir des el-Assad.
Hafiz ibn Ali ibn Suleyman el-Assad, l'homme qui a pris la tête de la longue lutte qu’ont menée les Alaouites pour le contrôle de la Syrie, est né le 6 octobre 1930 à Qardaha, dans le fief des Alaouites que constitue le djebel Ansarieh au sud de la Turquie.
Enfant, Hafiz s’est révélé un bon élève qui a pu d’intégrer en 1940, sous le mandat français, le Collège de Lattaquié. En 1944, il changea son nom de Wahsh, qui signifie «bête sauvage» en celui d’el-Assad, qui signifie «le lion». En 1950, il s’inscrit à l'Académie militaire d’Homs dont il est diplômé en 1952, puis à l'école de l'air d'Alep dont il sort pilote de combat en 1954.
Dés l’âge de quinze ans, el-Assad s’était déjà engagé dans l’action politique puisqu’il préside le Comité des étudiants au Collège de Lattaquié, puis l'Union nationale des étudiants. C’est ainsi qu’il rejoint le parti Ba'th peu de temps après sa création en 1947, à l’âge de 17 ans !
Compte tenu de son engagement politique, les dirigeants au pouvoir l’obligent à donner sa démission de l’Armée en 1961 et à accepter un poste mineur au ministère des Transports. En réponse, il se joint à la tentative suivante (et manquée !) de coup d’État, ce qui l’oblige à fuir au Liban d’où il est extradé sans trop de conséquence puisqu’il se joint au coup d’État d’après (il y en avait sans cesse à cette époque) qui a lieu en 1963 et qui, lui, réussit. Il en profite, non seulement pour réintégrer les rangs de l’armée, mais pour prendre le commandement de l'armée de l'air, si bien qu’en février 1966, le coup d’État suivant s’effectue avec le soutien décisif d'Assad. C’est ce coup d’État qui porte pour la première fois les Alaouites au pouvoir. Nommé aussitôt ministre de la Défense, il prend le contrôle de l’ensemble de l’armée puis, par un dernier coup d’État jusqu’à aujourd’hui, il prend la direction de l’État syrien en novembre 1970, en s’appuyant totalement sur les Alaouites.
Ce n’est pas le lieu de faire l’histoire de son règne mais de prendre conscience de la capacité à durer du système de pouvoir mis en place par la famille el-Assad entourée par les Alaouites. Lorsque, âgé de moins de 70 ans, Hafiz el-Assad décède le 10 juin 2000, son fils cadet, Bachar el Assad, est aussitôt intronisé chef de l’État syrien le 20 juin 2000.
Ce dernier est né le 11 septembre 1965 à Damas où il fait ses études à l'école franco-arabe al-Hurriyet avant d’entreprendre une formation en médecine. Il exerce le métier de médecin pendant quatre années, de 1988 à 1992, dans un hôpital militaire proche de Damas puis s’installe à Londres pour se spécialiser en ophtalmologie. Il y fait la connaissance de sa future femme, Asma al-Akhras, musulmane de confession sunnite.
On l’a compris, Bachar el-Assad n’avait aucune vocation pour la politique, au rebours de son père Hafiz. C’est le décès accidentel dans un accident automobile de son frère aîné, Bassel el-Assad, en 1994, qui le contraint à quitter Londres à la demande pressante de son père, et à entrer à l'Académie militaire d’Homs. En 1999, il devient colonel avant de succéder à son père à la tête de l’État syrien quelques mois plus tard.
Il est élu Président de la République par un référendum qui s'est tenu le 10 juillet 2000, le peuple syrien, qui n’avait guère le choix, espérant qu’il démocratiserait le pays, ce qu’il a effectivement tenté jusqu’en 2003, avant de revenir à une politique plus répressive.
Comme on le sait, une vague de contestation balaie depuis mars 2011 le régime syrien. Aux manifestations a succédé une lutte armée de plus en plus violente qui menace radicalement le régime alaouite au pouvoir en Syrie depuis quarante-deux ans. L'appartenance ethnique et religieuse est déterminante dans ce conflit, camouflée sous des oripeaux démocratiques et comme les Sunnites représentent près de soixante-dix pour cent de la population syrienne, on peut considérer comme inévitable que les Alaouites, qui constituent une petite minorité méprisée, finiront par perdre le contrôle du pouvoir. Mais d’un autre côté, les Alaouites redoutent d’en subir des conséquences particulièrement sanglantes, c’est pourquoi ils s’accrochent au pouvoir avec l’énergie du désespoir, regroupés autour de la famille el-Assad.
J’aime ce pays et ses peuples, sunnites, alaouites, druzes, ismaéliens et bien sûr chrétiens, d’autant plus que j’ai enseigné à Damas et que j’ai visité la Syrie, du majestueux Krak des Chevaliers à l’émouvante Palmyre en passant par Homs la turbulente. Je crains que ce conflit ne devienne de plus en plus sanglant et que, comme en Irak, la violence ne redouble lorsque les Alaouites céderont sous la pression…